B. Analyse de contenu des entretiens
Pour compléter notre analyse de contenu et répondre à notre question de recherche, nous réalisons une dizaine d’entretiens avec des Directeurs Responsible Care ou des Directeurs Hygiène-Sécurité-Environnement des entreprises retenues dans notre échantillon.
1. Composition de l’échantillon
Nous retenons dans notre échantillon, les entreprises chimiques françaises signataires de l’« Engagement de Progrès » ayant répondu à l’enquête de l’UIC sur les Performances 2003. Celles de 2004 n’étant pas encore disponibles.
Cette enquête a touché 1092 établissements : 533 réponses ont pu être exploitées soit un taux de retour de 49%, ces réponses représentent 68% des effectifs interrogés. De plus, nous retenons parmi ces entreprises, celles dont le nombre d’établissements a répondu massivement à l’enquête afin de maximiser les chances de retour d’informations et de réaliser nos entretiens.
Les entreprises retenues sont des grandes entreprises, en particulier des multinationales, car ce sont celles qui communiquent le plus sur leurs pratiques de Responsible Care. Bien que les PME soient sensibilisées aux problématiques de santé, sécurité et environnement, elles ne sont pas toutes structurées pour traiter ces problématiques. En effet, contrairement aux PME, les grandes entreprises disposent en général d’un personnel qualifié dans les domaines cités, des programmes de formation et d’éducation au niveau du groupe et surtout des ressources financières suffisantes. De plus, certaines PME qui ont adopté le Responsible Care ont beaucoup de retard notamment dans l’adoption des pratiques de gestion très structurées prévues par le programme. Les petites entreprises n’ont pas toujours des buts, des objectifs et des méthodes d’analyse comparative.
Elles n’ont pas l’habitude des systèmes de gestion des performances, ce qui rend difficile la mise en œuvre du programme. Elles doivent aussi supporter des dépenses supplémentaires, notamment dans le domaine de la distribution, pour modifier certains processus de production et pour recruter un salarié supplémentaire chargé de gérer le programme.
Compte tenu de ces éléments, nous avons retenus que des grandes entreprises affichant clairement leur politique en matière de Responsible Care ou d’Hygiène-Sécurité-Environnement.
De plus, la taille de l’échantillon est définie de façon à ce que cette recherche puisse être menée dans la période de temps prévue. Il ne s’agit pas de généraliser les résultats obtenus à toutes les entreprises chimiques, car l’échantillon n’est pas représentatif de la population mère. Notre échantillon qualitatif est orienté en fonction des critères que nous venons de voir.
Dans le tableau ci-après, nous vous présentons les entreprises sélectionnées pour notre échantillonnage. Pour des raisons de confidentialité, le nom de ces entreprises a été modifié.
Tableau 6 : Présentation des entreprises de l’échantillon
Entreprises | Chiffre d’affaires
(en euros) |
Effectifs
(secteur chimique) |
Nombre d’établissements ayant répondu à l’enquête de l’UIC. | Date d’adhésion à l’Engagement de Progrès |
SLY | 2433 millions | 8594 | 10 | 1991 |
IOM | 207 millions | 1250 | 11 | 2001 |
ADO | 530,4 millions | 1450 | 3 | 1990 |
SIND | 6,2 milliards | 4000 | 3 | 2000 |
ALIQ | 9376 millions | 35900 | 14 | 1990 |
CCA | 277 millions | 832 | 6 | 1998 |
RIAN | 554 millions | 25000 | 6 | 1995 |
RIA | 5281 millions | 23 059 | 29 | 1998 |
SAV | 25 milliards | 96 439 | 11 | 1990 ou 1991 |
MDS | 7 milliards | 24 180 | 3 | 1991 |
2. Description des entretiens
Désireux de ne pas voir les entretiens se disperser vers des questions sans rapports réels avec notre recherche, nous procédons à une série d’entretiens semi-directif de façon systématique et délibérée avec différents thèmes à des fins de comparaison.
Ces entretiens structurés permettent d’amener nos interlocuteurs à décrire des anecdotes, des histoires qu’ils ont vécues lors de la mise en pratique des principes du Responsible Care. Nous utilisons un même guide pour l’ensemble des entretiens et les questions posées sont ouvertes (cf. guide d’entretien, annexe 7).
Nous distinguons trois types de questions dans l’entretien semi-directif : les questions principales qui permettent d’introduire ou de guider l’entretien, les questions d’investigations qui servent à compléter ou clarifier une réponse incomplète ou floue, ou à demander des exemples ou des preuves, et les questions d’implication qui font suite aux réponses aux questions principales ou visent à élaborer avec précision une idée ou un concept. Ces questions sont définies par Rubin et Rubin (1995) et citées par Thiétart (2003).
Nous veillons tout au long des entretiens à éviter d’intervenir de façon directive en orientant le discours, en induisant les réponses, en donnant notre avis ou en portant des jugements de valeurs.
Par contre nous intervenons quant cela est nécessaire pour faciliter les discours et l’approfondissement des thèmes. Nous montrons que nous écoutons en répondant par des « oui, hum hum, je vois… », nous reformulons les derniers mots pour relancer le discours. Ensuite nous synthétisons les informations de nos interviewés en reprenant leurs propres termes et leur propre logique.
Il arrive parfois que nous insistons sur certains points abordés précédemment pour approfondir les réponses de nos interlocuteurs, nous utilisons des questions d’investigations ou d’implication.
Parmi les dix entretiens réalisés, nous avons effectué quatre entretiens téléphoniques. En Effet, les personnes interviewées ne pouvant pas nous recevoir dans la période souhaitée, nous avons procédé à des entretiens téléphoniques qui ont duré moins d’une heure.
Tableau 7 : Présentation des entretiens
Entreprises | Nature du contact | Date et durée de l’entretien |
MDS | Responsable Sécurité | Date : 8 juin 2005
Durée : 3/4H |
SLY | Responsable Environnement. | Date : 13 juin 2005
Durée : 1 H |
IOM | Directeur Industriel chargé de l’animation HSE de la société. | Date : 26 juin 2005
Durée : 1 H |
ADO | Directeur HSE | Date : 28 juin 2005
Durée : 1 H |
SIND | Directeur QSE et Recherche | Date : 30 juin 2005
Durée : 1 H |
ALIQ | Responsable Environnement | Date : 5 juillet 2005
Durée : 1 H |
CCA | Directeur HSE | Date : 6 juillet 2005
Durée : 3/4 H |
RIAN | Directeur HSE | Date : 7 juillet 2005
Durée : 3/4H |
RIA | Directeur Responsible Care | Date : 12 juillet 2005
Durée : 3/4H |
SAV | Directeur Développement Durable
Responsable Environnement |
Date : 22 et 4 juillet 2005
Durée : 1 H 20 |
3. Transcription des entretiens
Il s’agit de retranscrire exactement sous forme de texte les informations brutes de terrain (notes griffonnées sur le terrain, informations enregistrées ou dictées au magnétophone). La transcription permet d’obtenir un texte intelligible par tous pouvant être lu, codé et analysé par la suite. Après la transcription, nous élaborons des fiches de synthèse d’entretiens.
Il s’agit d’une simple feuille comportant une série de questions (questions du guide d’entretien) visant à résumer ou préciser les informations recueillies lors des entretiens. Ces informations tirées de la transcription des entretiens sont synthétisées pour faire ressortir les éléments principaux utiles à notre compréhension du sujet. (cf. annexe 8)
Lors de la synthèse des entretiens, de nouveaux codes apparaissent, nous les rajoutons à notre liste de départ. Aussi, il nous arrive parfois de reformuler certains codes pour les rendre plus compréhensibles.
6. Résumé intermédiaire
Nous complétons le premier résumé à partir des informations obtenues lors des entretiens (fiches de synthèse des entretiens ; documents obtenus sur les sites). Pour chaque code, nous résumons toutes les informations disponibles. Ce résumé ainsi élaboré permet de formuler clairement notre perception de chaque site et de faire un examen critique des données (cf. annexe 9). Il permet aussi d’émettre un plan d’analyse.
7. Analyse inter-site
A ce stade, avant de présenter les résultats, nous analysons les informations obtenues. Pour cela, nous réalisons une analyse inter-site car, selon Miles et Huberman (2003), elle permet d’approfondir la compréhension et l’explication. « La multiplication des sites permet au chercheur de trouver des cas contraires qui renforcent une théorie générée par l’examen de similarités et de différences entre les sites ».
Ragin (1987), cité par Miles et Huberman (2003), définit deux approches fondamentalement différentes d’investigation dans l’analyse inter-site. L’approche orientée-cas considère que le site ou le cas est une entité pleine et entière examine des configurations, des associations, des causes et des effets au sein du cas et n’envisage que par la suite une analyse comparative d’un nombre de cas ou de sites.
L’analyste recherche ici des similarités sous-jacentes et des associations constantes et compare des cas aux résultas divergents et commence à émettre des explications plus générales.
Nous situons notre analyse dans cette approche puisque nous recherchons des configurations, typologies de pratiques. L’approche orientée-variable est conceptuelle et les détails de chaque cas en particulier disparaissent derrière de larges modèles découverts au moyen d’une grande variété de cas, et on mène peu de comparaison explicite cas après cas.
Cette approche est intéressante lorsque l’on recherche des relations probabilistes entre les variables dans une large population mais elle ne permet pas de maîtriser les complexités réelles de la causalité ou de traiter de multiples sous-échantillons.
Ses résultats sont souvent généraux, voire creux. Tandis que dans l’approche orientée-cas, les résultats sont idiosyncrasiques ou particuliers et l’on recherche des modèles spécifiques, concrets, enracinés dans l’histoire, qui sont communs à petite série de cas.
Notre méthode d’analyse inter-site consiste d’abord à créer une méta-matrice partiellement ordonnée (cf. annexe 10). Selon Milles et Huberman (2003), il s’agit d’un grand tableau rassemblant des informations de base provenant de plusieurs sites ou cas. Les données figurant dans la méta-matrice sont des informations descriptives, sous forme standardisée, émanant de chacune des entreprises.
Le principe de base de cette matrice est l’inclusion de toutes les données pertinentes. Les données sont reparties dans les différentes catégories c’est-à-dire site par site en fonction des codes définis précédemment.
Le CA et l’effectif concernent l’activité globale (Pharmacie et Chimie) de l’entreprise SAV.
Le CA et l’effectif concernent l’activité globale (Nutrition, Pharmacie et chimie) de l’entreprise MDS.
Après la réalisation de la méta-matrice, nous regroupons les données qui vont ensemble de façon à mieux marquer les contrastes entre les familles de sites sur les variables dignes d’intérêt. Nous obtenons de nouvelles matrices, que nous affinons progressivement afin d’obtenir la matrice finale contenant à la place des textes narratifs, de courtes citations avec des remarques en synthèse et représentant les typologies de pratiques de Responsible Care (cf. partie 2).