Développement identitaire : fondements, Tourisme identitaire

3. Le développement identitaire

3.1. Des fondements « endogènes »

Il s’agit donc là encore de tenir compte de la culture, que l’on définit assez justement comme « l’ensemble des relations de l’homme à son environnement », des pratiques et du savoir faire de la population d’une zone déterminée. Il ne peut, lui non plus, émerger sans une volonté collective forte et un cadre adapté, c’est à dire disposant d’une culture qui lui est propre.

Nous n’insisterons pas particulièrement sur ces principes qui sont, comme nous le disions, sensiblement les mêmes que ceux du développement endogène, mais nous présenterons ici son efficace application au développement touristique puisque, nous le verrons, développer un tourisme identitaire répond, du moins pour partie, à quelques-unes des conditions et contraintes que l’on se fixait dans notre analyse du développement insulaire.

La théorie du développement endogène exprime bien le danger qu’il y a à vendre sa terre en fonction d’une demande externe sans tenir compte des besoins et nécessités internes. Pour le secteur tourisme, cela pourrait aboutir à la fin de la « poule aux oeufs d’or » puisque c’est souvent « le cadre », environnement, paysage, etc. qui attire le client avant même les activités proposées dans le séjour (c’est en tous cas souvent vrais concernant les destinations insulaires). Nous avons largement insisté sur la nécessité de protéger l’environnement et les ressources naturelles.

Or l’aspect culturel est un élément essentiel, sinon l’élément essentiel, du développement identitaire et il est très présent dans l’activité économique « tourisme ». Si, dans notre présentation des différents types de tourisme (Chapitre 1.Section 2), nous ne nous attardions que brièvement sur la notion de « tourisme culturel », c’est tout simplement parce que nous estimons que l’expression est pléonastique ; à moins que l’on entende par là qu’il permet un accroissement de la culture personnelle du visiteur.

Il semble évident en tout cas que tout type de tourisme, exprimant donc « le loisir en déplacement à l’extérieur du domicile au-delà d’une journée » (Wackermann, 1993), implique la rencontre avec une culture (plus ou moins) différente de la sienne. Le terme de culture est donc indissociable de l’idée de tourisme. L’exemple japonais illustre au mieux cette idée.

Ce peuple souvent considéré comme le plus travailleur, est celui qui regarde le moins à la dépense quand il s’agit de visiter un pays étranger. Considérant plus cela comme un enrichissement personnel que comme un loisir au sens « farniente » du terme.

En ce sens, développer un tourisme identitaire ne devrait pas paraître péjoratif, comme c’est malheureusement souvent le cas, mais implicite. De plus, du fait qu’il intègre tout comme le fait le développement autocentré, l’idée de préservation des ressources naturelles, Il est sans doute la seule protection contre le piège du tourisme de masse souvent périlleux en milieu insulaire : « la massification touristique engendre des effets de colonisation culturelle » (Rozenberg, 1991).

3.2. Tourisme identitaire

Actuellement, dans le secteur tourisme, les structures d’échanges intérieurs/extérieurs sont perverses car elles donnent (trop) souvent les atouts majeurs à l’extérieur (Tour-Opérators, etc.). La faible organisation de la production et de la commercialisation intérieure dans la plupart des régions insulaires ne permet pas à celles-ci de profiter de ce marché qui s’offre à elles sauf parfois pour quelques produits privilégiés. La production agro-alimentaire par exemple profite peu de ces milliers de consommateurs supplémentaires.

Pour que la « greffe » touristique prenne en milieu insulaire notamment, le tourisme ne doit surtout pas être conçu à l’opposé des valeurs culturelles profondes locales. « Tant que le tourisme ne sera pas en accord avec ces valeurs profondes, il ne réussira pas ; si par contre, il arrive à se mettre « en phase » il peut connaître un développement important » (Balbi, 1995).

Pour cela, il faut abandonner l’idée d’un tourisme industriel et créer à la place un tourisme post-industriel qui s’appuie sur les acquis de l’expérience du tourisme pré-industriel de la première moitié de ce siècle. Ce secteur doit être en accord avec la trilogie Terre-Culture-Peuple.

Cette conception du tourisme identitaire est applicable dans chaque région pour peu qu’elle ait les moyens d’offrir des contenus et des produits authentiques, qui apportent du neuf, qui dépaysent dans de nombreux domaines:

  •  Gastronomie et produits agro-alimentaires, traditionnels ou nouveaux, mais toujours de très haute qualité, à forte valeur ajoutée avec un circuit maîtrisé.
  •  Créations culturelles, chants, théâtre, spectacles, etc. Toute une économie culturelle peut être développée dans une région qui a une histoire, un passé, des traditions, en un mot : une identité.
  •  Productions artisanales : sortir impérativement du système « made in Hongkong » au profit du « made in ici ».
  •  Valorisation du patrimoine ; une langue propre peut être également un facteur d’appel garantissant à elle seule le dépaysement.
  •  D’autres pratiques culturelles sont « valorisables », techniques de chasse/pêche particulières, folklore voire coutumes religieuses particulières. Le « Catenacciu » cher aux Corses, chemin de croix effectué par un membre (cagoulé) du village dont l’identité est tenue secrète attire chaque année une foule considérable de curieux.

Il faut ainsi des produits finis, à forte valeur ajoutée, fondés en particulier sur la culture locale, conçus et mis en oeuvre par la population locale. Ces produits devront être, autant que possible, disponibles toute l’année afin de pallier les difficultés rencontrées par les régions qui se reposent uniquement sur un atout majeur souvent saisonnier (comme l’ensoleillement) et qui de ce fait n’en jouissent que ponctuellement.

Ces produits doivent pouvoir toucher aussi bien des petits groupes de touristes par le biais, par exemple, de circuits organisés, ceci principalement pour les produits à dominante nature, patrimoine, économie traditionnelle, que des rassemblements plus importants par le biais notamment de manifestations plus importantes comme un festival du film régional, de polyphonies locales, foires, colloques, congrès et autres.

Soulevons à présent la question suivante : le tourisme étant une activité considérée comme exportatrice (nous en avons déjà exposé les raisons), ne peut-on pas dire qu’une économie misant sur le développement d’un tourisme à fort caractère identitaire ferait alors implicitement le choix d’une sorte de compromis entre un développement inspiré de la théorie de la base, la principale activité étant exportatrice, et un développement à caractère endogène puisque fondé sur les pratiques et besoins de la population locale ?

Il est difficile de répondre à cette question et il paraît plus sage de remarquer simplement qu’il n’est pas obligatoire de coller exactement aux principes de telle ou telle théorie si logique et réaliste soit elle.

On peut peut-être dire qu’effectivement le tourisme identitaire est un « mélange » des deux théories précédentes, et on pourra tout aussi bien dire que dans d’autres régions on développe un type de tourisme qui « rassemble » ces deux théories. En effet, si dans une région, certaines zones sont propices à un tourisme de découverte (par exemple un petit village de montagne à fort degré culturel), celles-ci devront être développées en insistant sur cet aspect et donc en fonction de la vie même du village.

Tandis que d’autres zones de la même région étant déjà plus ou moins industrialisées pourront être encore mieux adaptées aux besoins d’un consommateur extérieur, par l’entretien des plages, la mise en place d’activités nautiques pour une demande « vacances soleil », ou encore par la création d’établissements spécifiques pour un tourisme plus industriel que culturel : bowling, casino, toujours en fonction de la demande extérieure.

Nous verrons de façon assez détaillée l’intérêt qu’il peut y avoir à « jongler » de la sorte entre deux systèmes de développement selon les spécificités de la « micro-zone » considérée.

Nous avons déjà entrevu l’idée de spécialisation en présentant plus haut les notions d’avantages absolus et comparatifs, mais dans le cadre du développement régional, cela implique une bonne connaissance du terrain à la plus petite des échelles, cela implique une bonne connaissance des différentes zones, microrégions, sous microrégions, communes, et de leurs spécificités respectives.

Alors seulement pourront leur être attribuées les missions respectives leur convenant le mieux par la méthode la plus appropriée. Ce travail de « reconnaissance » ne peut être effectué que par des intervenants locaux, et donc toute l’organisation du territoire devra être confiée aux décideurs de la région.

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