Communautés transnationales, des migrants et microfianance

2 – Des données empiriques à la problématique du mémoire

La présente étude prend place dans une démarche essentiellement empirique. Le choix d’analyse a été porté sur l’étude de micro-régions, rurales et marginalisées, ainsi que sur la prédominance de l’étude de l’unité familiale pour comprendre l’impact des remesas. Pour cela les lieux étudiés correspondent à des communautés dont le niveau de migration est plus ou moins élevé.

Cette configuration a également été étudiée en relation avec l’IMF présent dans la communauté. La particularité des lieux a montré des formes d’action de l’organisation de microfinance tout à fait différentes et originales. Ce constat fait appel au débat qui anime certains milieux de la microfinance et qui insiste sur l’importance de la relation entre IMF et bénéficiaires.

L’analyse des données se regroupe ainsi autour de deux idées, celle de la diversité des communautés transnationales et celle de l’appropriation de l’IMF par les populations.

2.1 – Les communautés transnationales : un concept pour des réalités contrastées

L’angle d’étude sur la migration qui nous intéresse concerne l’entourage familiale et communautaire du migrant. Le migrant étant, dans notre étude, celui qui part aux Etats-Unis, pour un temps souvent imprécis, mais dans le but de revenir. Pour cela, il entretient des liens importants avec sa famille, ce qui crée un phénomène traduit par l’idée de transnationalisme. L’idée de communauté ou de famille transnationale est née en 1992 avec les travaux de Nina Glick Schiller (Glick Schiller, 1992). Les études d’avant 1980 se centralisaient essentiellement sur les aspects économiques de la migration. Elles considéraient que l’assimilation d’avec le pays d’accueil se faisait après une, voire deux générations, ce qui sous estimait une grande partie des échanges au sein des familles transnationales.

Ce groupe d’anthropologues a défini ce terme en ces mots : « Nous définissons le transnationalisme comme l’ensemble des processus par lesquels les immigrés tissent et entretiennent des relations sociales de natures multiples reliant leurs sociétés d’origine et d’accueil. Nous appelons ces processus transnationalisme pour insister sur le fait que, de nos jours, beaucoup d’immigrés construisent des espaces sociaux qui traversent les frontières géographiques, culturelles, politiques… » (L. Basch, N. Glick Schiller, et C. Blanc-Szanton, 1994, p. 6)

Le transnationalisme n’est pas nouveau en soi. Ce n’est donc pas le débat théorique sur l’originalité du concept et de la situation qui nous préoccupe dans cette enquête mais plutôt son utilisation comme outil d’analyse.

La communauté ou la famille transnationale est un objet de recherche aux multiples facettes. Il peut mettre en relation les concepts de l’identité, de territoire, de communauté, de développement… Il invite surtout à considérer la migration sous l’angle des liens que le migrant conserve avec sa famille et l’interaction qui va s’opérer avec les personnes concernées. Le transnationalisme montre qu’un phénomène massif peut avoir des répercussions incroyablement diverses.

Dans son article, Yerko Castro Neira évoque ainsi sa vision du transnationalisme : « La théorie transnationale, souvent proche des études critiques sur la mondialisation, met l’accent sur la capacité des individus à maintenir des liens avec leur communauté d’origine, avec une certaine autonomie par rapport au contrôle de l’Etat, et avec la persistance et la réinvention des formes culturelles et coutumières.

La politique communautaire se recrée à la lumière de la condition transnationale, permettant à la communauté de continuer d’exister bien qu’elle ne soit pas liée exclusivement à un lieu ou une localité déterminée. » (Castro Neira, 2005)

Cette définition montre les différents enjeux sociaux, culturels, politiques et économiques que traversent les communautés transnationales. Elles existent en dehors des règles établies par l’Etat, sont autonomes et sans cesse remodelées.

Pour notre étude, ce concept nous permet donc d’aborder l’ensemble des liens économiques, et socioculturels, qui se créent et se réinventent au fil du temps. L’aspect économique introduit par les remesas et leurs utilisations par les familles est analysé à travers les implications sociales que cette ressource entraîne. Et ceci à un niveau familial puis communautaire.

Bien que la migration intervienne en réponse à un besoin d’argent, le migrant ne répond pas seulement à une logique économique. Son réseau social, le cycle de vie dans lequel il se trouve, ses aspirations personnelles, sont autant d’éléments qui influent sur sa décision de partir. La figure du migrant est loin d’être univoque. Cette diversité se retrouve chez les migrants, leurs familles et leurs interactions.

A un niveau plus large, celui de la communauté, la migration implique des effets souvent contrastés suivant les zones. Cela dépend, entre autres, de la proportion de migrants dans la communauté, de leur situation aux Etats-Unis, et du contexte économique du lieu d’origine. La migration peut être un facteur d’amélioration du niveau de vie mais aussi de dépendance économique, ou d’éclatement familial.

Deux chercheurs résument les effets que peuvent entraîner ces mouvements de population. Un cercle vicieux ou vertueux peut découler de cet enchâssement. (Delgado-Wise R., Eduardo Guarnizo L., 2007)

– Le cercle vicieux : migration et développement sont des processus antithétiques et particulièrement dans le cas d’une émigration du Sud vers le Nord. La migration, au lieu d’être vue comme un facteur de développement est associé à un ensemble d’effets inverses tels que l’inflation, la rupture du système productif local, l’abandon des activités économiques, la dépopulation, ce qui encourage par la suite plus de migration.

– Le cercle vertueux : dans le cas d’un processus migratoire mature, qui compte sur un réseau social important de migrant, la migration apparaît comme un potentiel facteur de développement local, régional et voire même national. Cette perception inclut une perspective d’analyse large et parfois contrastée qui met l’accent sur le rôle des remesas et/ou des organisations de migrants. Une des perspectives est de voir cette connexion comme la promotion d’une orientation néolibérale du marché mais « à visage humain ».

Ces deux enchâssements possibles entre migration et développement répondent plutôt à un « idéal-type » au sens weberien du terme. C’est à dire qu’il n’existe pas sous cette forme dans la réalité mais ils représentent plutôt des situations types autour desquelles les études de cas peuvent se référer et se positionner. La réalité est en fait plus diverse et complexe. La présentation des deux communautés se veut être le reflet des diverses formes que peut prendre cette réalité.

Pour que la migration et le développement enclenche ce « cercle vertueux », de multiples facteurs doivent se combiner. L’étude de la migration confronte ainsi des logiques de développement individuel face à celles de développement communautaire. Ces situations obligent à adopter une attitude à la fois globale face à ces communautés tout en prenant en compte les logiques individuelles.

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