Les perspectives d’aménagement à Kindu révèlent un diagnostic essentiel pour comprendre les dynamiques urbaines. En confrontant la croissance rapide de la ville à l’absence de stratégies coordonnées, cet article propose une approche innovante de gouvernance participative, promettant des solutions aux inégalités spatiales croissantes.
Perspectives d’aménagement : un diagnostic partagé et/ou actualisé
Les perspectives d’aménagement de la ville passent par plusieurs stratégies. Cependant, un diagnostic s’avère indispensable. Ce diagnostic est celui de différentes ressources de l’espace concerné. Il s’agit ici d’un des niveaux ou maillons de compartimentation de l’Etat. Il est à noter que c’est ce diagnostic qui pourra être le véritable soubassement de la géogouvernance à Kindu.
D’après Montanola (2013), « le diagnostic partagé constitue la première démarche de partenariat entre les acteurs et les habitants. Il permet de faire le point sur la situation de la gouvernance et a pour objectif de faire apparaître les causes des dysfonctionnements ».
Un bon diagnostic de l’espace doit se faire au niveau le plus bas de structures territoriales comme nous venons de le voir. Pour le cas de la ville de Kindu, ce diagnostic doit ainsi partir de l’avenue vers la commune en passant par le bloc et le quartier.
L’on a la certitude que cette approche varie toujours selon les sites et peut être par moment transversale. Dans ce cas, « le fonctionnement de l’ensemble des services apportés sur le quartier est mis à plat de sorte que la remise en cause soit globale et constitue l’enjeu central du projet. La démarche peut être spécifique et concerner le traitement d’un problème précis » (Fixot, 2011).
Cette situation éviterait des élucubrations qui très souvent caractérisent les nombreuses planifications, dont la plupart des projets sont qualifiés d’héliportés. Il en résulte que les citoyens demeurent indifférents aux actions de certains intervenants.
Durant cette étape de diagnostic partagé, comme le souligne Fixot (2011), chaque acteur rassemble toutes les sources quantitatives et qualitatives disponibles dans son champ professionnel (enquêtes, questionnaires, statistiques, bilan…). Parallèlement, ces données devront être enrichies par un éclairage sur la vie sociale vécue sur le terrain par les habitants dans les aires urbaine de proximité.
Ce diagnostic partagé doit être soumis à une révision par intervalle de temps. Comme pour l’aménagement, la gestion spatiale de la ville de Kindu peut se faire sur plusieurs plans. Nous prenons ici les plus importants et ceux susceptibles d’influer sur la gestion communautaire urbaines.
Sur le plan de la gouvernance et de l’aménagement urbains
Les problèmes de la gouvernance et de l’aménagement font un tout dans la ville de Kindu. Ce qui est évident est que l’une appelle l’autre. A ce sujet nous avons suggéré la conception d’un plan directeur de la ville de Kindu séquencé à moyen et long terme dont les grandes articulations sont énoncées ci-dessous. Celui-ci mettra côte à côte les problèmes à résoudre, les moyens pour les atteindre dans le temps et dans l’espace en se basant sur les agrégats spatio-démographiques.
Ceci garantirait l’ordre dans cette ville que Lecorbusier, cité par H. Katalay (2014) qualifie schématiquement par le classement des fonctions dans l’espace (zonage) et par l’organisation géométrique, immédiatement perceptible dans l’espace urbanisé.
Etant donné l’absence de certains acteurs locaux, il est indispensable que le processus électoral soit achevé pour doter la ville de Kindu de tous les organes prévus par la constitution : conseil urbain et collège exécutif urbain. Ces organes dont la constitution de 2006 leur reconnaît respectivement la mission législative et de planification du développement territorial ainsi que l’exécution des lois et exécuter le plan d’aménagement de la ville. La gouvernance participative et le contrôle citoyen ne sont possibles qu’avec la mise en place de ces acteurs.
Accès aux services de base (eau et électricité)
Un des plus grands problèmes de la gouvernance à Kindu tourne autour de l’accès aux services sociaux de base ici identifiés et, doit s’inscrire dans la planification urbaine. C’est à ce niveau, par exemple, et en fonction de production et prévisions que doivent être envisagés l’extension du raccordement et la construction des nouvelles usines de traitement d’eau, ainsi que l’amélioration de la qualité de l’eau de la REGIDESO.
En ce qui concerne l’énergie électrique, les potentialités en cette matière sont énormes dans la périphérie de la ville de Kindu. Etant traversée par le fleuve, la ville dispose des sites capables de produire le courant électrique. Un investissement qui peut avoir des effets d’entraînement. Les usines pourront être installées, l’emploi rendu disponible, les prix des produits de première nécessité pourront baisser et booster ainsi le développement de la ville.
Il sied de signaler que les sites proches de la ville dont la construction d’une centrale hydro-électrique sur l’un d’eux permettrait la production d’énergie capable d’alimenter les grandes industries et déclencher la création des emplois pour résorber le chômage, sont localisés à moins de 100 Km de la ville.
Mais en attendant les grandes réalisations, les acteurs devraient se pencher sur la réhabilitation à court terme de la centrale Rutchurukuru capable de produire 5 à 6 Mg W. Celle-ci pourra permettre l’éclairage de la ville et la relance des activités des petites et moyennes entreprises.
Le secteur de transport et l’approvisionnement en biens et services
L’état vétuste et l’obsolescence des équipements ne permettent pas l’exploitation maximale des trafics ferroviaires. Pourtant, c’est l’une des raisons de la sortie sous terre de la ville de Kindu par son initiateur Baron Empain. Couplée à la voie fluviale, ces deux modes de transport pourraient créer l’abondance des produits sur le marché de Kindu, l’une des villes les plus chères du pays avec une population dont le niveau de vie est l’un de plus bas.
La ville étant reliée à plusieurs points de la RD Congo voire d’Afrique par différentes voies, ceci place Kindu dans une position de centralité. Nous pensons pour notre part que la réhabilitation des différentes voies de communication (routes, rail, fleuve et ses affluents navigables), la diversification des modes de transport (multimodalité), la restructuration et une bonne organisation de ce secteur, tout ceci passerait pour moteurs du développement et d’amélioration de conditions de vie des populations de la ville à cause de sa situation presqu’au centre de la province et du pays.
En pratique, l’exploitation maximale des trafics ferroviaire et fluvial pourrait créer l’abondance des produits sur le marché de Kindu.
Signalons que 120 Km séparent Kindu de la rivière Lomami où existent des vestiges d’un port dont la construction a été amorcée par le colonisateur. Il relierait Kindu à Kinshasa en passant par Isangi avec un seul transbordement.
En ce qui concerne l’approvisionnement de la ville en vivres, celle-ci compte plusieurs points d’approvisionnement hebdomadaires dont nombreux sont le long du fleuve Congo. En dehors du marché central, nos enquêtes auprès de la mairie nous ont révélé une progression non moins significative des lieux d’approvisionnement (marchés secondaires publics) qui dépendent exclusivement des axes menant vers les lieux de production. Comparée à la situation de 2008, les effectifs des marchés secondaires ont connu une nette augmentation. De 20 points d’approvisionnement en 2008 à 38 en 2019 soit une augmentation de 90%.
Les raisons liées à cette augmentation sont les taxes que génèrent ces espaces, mais aussi la spontanéité et l’improvisation de certains vendeurs dans le but de raccourcir la distance domicile-point d’approvisionnement.
Notons qu’en dehors de ces points listés en annexe II, il existe dans l’hinterland proche de la ville d’autres points d’approvisionnement hebdomadaire localisés sur les grands axes reliant la ville à d’autres provinces.
Sur le plan socio-économique
En tenant compte de la dynamique démographique observée dans la ville de Kindu, dont les retombées ont vue l’augmentation de la population urbaine et de son espace, la ville se doit d’adapter ses infrastructures sociales et économiques (écoles, hôpitaux, centres hospitaliers, marchés, stades omnisports, …) au rythme de la dynamique spatiale et démographique.
L’adaptation de ces trois dynamique est plus que salutaire car elle évitera des frustrations dues au manque d’équité spatiale en permettant aux Kindusiens la satisfaction de besoin sans faire trop des déplacements.
La gestion spatiale actualisée et adaptée serrait facile par le fait que Kindu, étant l’unique ville de la province du Maniema, et considérée de ce fait comme centre d’approvisionnement de tous les milieux ruraux de la province, la réhabilitation de la voie ferrée pour permettre la fluidité de transport entre Kindu et Lubumbashi (aussi Kindu Kalemie), la réhabilitation des routes Kindu- Namoya-Uvira et Kindu-Punia pourront permettre à la ville de se connecter au reste du monde ; c’est-à-dire aux pays limitrophes pour la facile importation des biens non disponibles sur place.
Enfin, la ville s’étant étendue ces deux dernières décennies, le financement de l’office de voirie et drainage pour urbaniser les blocs dans les nouveaux lotissements, ferait de Kindu une de grandes villes de la République démocratique du Congo.
Nous pensons que c’est à ce niveau que doit intervenir l’équité spatiale, ce qui par conséquent résoudrait la question des frustrations sociales et améliorerait le niveau de vie de population ; thermomètre de la gouvernance territoriale.
Le secteur des finances urbaines et la gestion participative
Nous présentons en annexe un modèle de budget tel que produit par la mairie de la ville de Kindu en 2019. Il en ressort que sur les 36 taxes et redevances prévues, seules 22 sont perçues. Ainsi, sur 556 021 000,00 FC prévus en 2019, seuls 337 953 330,22FC ont été mobilisés soit 60,7% de prévision.
A ce sujet, nous pensons qu’au lieu d’en créer d’autres, la ville de Kindu doit chercher de mécanismes pour la perception quasi-totale de différentes taxes lui reconnues par les différentes lois du pays pour atteindre ses objectifs.
De ce fait, des stratégies de relance économique et de stimulation des investisseurs doivent être mises sur pied pour une mise en œuvre des mesures incitatives, des actions pratiques pour orienter les investissements, l’implantation des entreprises dans la ville et son hinterland. Bref, créer un environnement favorable pour attirer les investisseurs.
C’est ce qu’affirme Matata Ponyo (2016) en disant que la mise en œuvre réussie des politiques publiques dépend de plusieurs facteurs dont la qualité des institutions chargées de leur conception et de leur mise en œuvre. Il établit, en utilisant une approche économétrique, que dans le court et long terme, les réformes institutionnelles et l’amélioration de la gouvernance sont des facteurs sur lesquels la RDC devrait asseoir son modèle de développement.
Par ailleurs, pour accompagner la gouvernance à l’instar des autres volets de la planification, l’aménagement du territoire n’est ni l’œuvre des gouvernements ni celle des techniciens, mais le fruit des efforts et des aspirations de toute la collectivité qui doit se sentir concernée, consultée et informée. La participation des populations suppose qu’elle puisse définir, directement et/ou à travers ses élus, ses besoins en déterminant ses priorités dans le cadre des choix locaux et nationaux (Flores et Jarrot, 2016).
Cette étape reste incontournable. Cependant, dans les pays du Sud, comme c’est le cas pour notre site d’étude, la participation citoyenne est symbolique.
Dans la ville de Kindu, la démarche participative reste encore aujourd’hui peu maîtrisée. Depuis un temps, et sous l’impulsion du PNUD et de la Banque mondiale, cette démarche est quasi permanente dans la planification budgétaire des communes/chefferies et quartier/groupement. Nous pensons à ce sujet qu’il est nécessaire de mieux définir le concept et le contexte d’approche participative, trop souvent utilisé à des fins normatives ou démagogiques par les acteurs de la ville, car exigée par les partenaires du développement.
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Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les principales stratégies d’aménagement pour Kindu en 2024 ?
Les perspectives d’aménagement de la ville passent par plusieurs stratégies, mais un diagnostic partagé est indispensable pour établir une bonne gouvernance.
Pourquoi est-il important d’effectuer un diagnostic partagé à Kindu ?
Le diagnostic partagé permet de faire le point sur la situation de la gouvernance et d’identifier les causes des dysfonctionnements.
Comment la gouvernance participative peut-elle être mise en place à Kindu ?
La gouvernance participative et le contrôle citoyen ne sont possibles qu’avec la mise en place des organes prévus par la constitution, tels que le conseil urbain et le collège exécutif urbain.