Saviez-vous que seulement 16% du bois débité en Côte d’Ivoire provient de sources légales ? Cette étude de cas sur l’approvisionnement en bois révèle les dysfonctionnements du marché d’Abidjan et propose des solutions cruciales pour une gestion durable des ressources forestières.
Afrique de l’Ouest
La sous-région de l’Afrique de l’Ouest représente environ 17% de la superficie totale du continent africain et est constituée de 15 pays (figure 7). En superficie, le Niger est le plus grand, et le Cap-Vert, qui est une île, est le plus petit (FAO, 2003). Le pays le plus peuplé est le Nigéria, avec environ 127 millions d’habitants, alors que plusieurs pays en comptent moins de 5 millions.
De la même manière, la densité de population va de plus de 100 habitants au km2 en Gambie, au Nigéria et au Cap-Vert à moins de 10 au km2 au Niger et au Mali (FAO, 2003).
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17; 17%
Afrique de l’Ouest
83; 83%
Autre Afrique
Figure 7 : Réparation de la superficie de l’Afrique.
Source : Beligné, 2017 ; Fao, 2003 et Guinard, 2009
Dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, le couvert forestier total est estimé à 72 millions d’hectares, soit environ 14% du territoire, avec toutefois de grandes variations suivant les pays (figures 8 et 9). La Guinée-Bissau, dont 60% des terres sont recouvertes de forêts, est le pays le plus boisé de la sous-région, alors que le Niger est le moins boisé, avec environ 1% de forêts (FAO, 2003).
Traditionnellement, les industries du bois d’Afrique de l’Ouest étaient approvisionnées en bois par les forêts de la zone humide, en particulier de la Guinée, du Libéria, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Les perspectives de l’industrie du bois dans la sous-région dépendront donc de la manière dont ces forêts, y compris les plantations, seront gérées (voir tableau I).
La déforestation rapide dans la sous-région est une grande préoccupation du secteur forestier. Les forêts naturelles de l’Afrique de l’Ouest ont été largement déboisées et dégradées, en particulier depuis les années 70. Le tableau I donne une indication de l’ampleur de la réduction du couvert forestier entre 1990 et 2000 (FAO. 2001a). L’Afrique de l’Ouest a perdu à peu près 1,2 million d’hectares par an depuis 1990, ce qui représente environ 24% de la déforestation annuelle en Afrique. Le taux global de déforestation en Afrique de l’Ouest est nettement supérieur à la moyenne du continent (FAO, 2003). Le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont été responsables d’environ 62% de la réduction du couvert forestier dans la sous-région, alors qu’ils ne représentent que 37% de la superficie forestière.
Bénin
Burkina Faso
Cap-Vert Côte d’Ivoire
Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau
Libéria Mali Niger Nigéria Sénégal
Siérra Leone
Togo
0
5000 10000 15000
Bénin
Burkina Faso
Cap-Vert Côte d’Ivoire
Gambie Ghana Guinée
Guinée-Bissau
Libéria Mali Niger Nigéria Sénégal
Siérra Leone
Togo
0,4
0,6
0,2
0,5
0,4
0,3
0,9
1,8
1,2
1,2
0,1
0,1
0,7
0,2
0,1
0
0,5
1
1,5
2
Tableau I : Forêts de l’Afrique de l’Ouest en 2000 : les statistiques clés | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Plusieurs facteurs ont contribué à ce recul considérable, notamment la conversion des forêts à l’agriculture commerciale ou de subsistance, l’exploitation forestière, les activités extractives, le développement des infrastructures et les incendies (Chidumayo, 2011).
En Afrique de l’Ouest, la foresterie de plantation a débuté au début du XXème Siècle. Les plantations forestières de la sous-région couvrent une superficie de 1,76 million d’hectares (FAO, 2001a), ce qui représente environ 21% des plantations du continent. Le rythme des boisements est relativement modeste dans la sous-région (environ 58 000 hectares par an), et ils sont essentiellement limités au Nigéria, au Sénégal, à la Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Cap-Vert (FAO, 2003).
Le teck a été planté sur de vastes surfaces dans l’Afrique de l’Ouest humide, en particulier au Nigéria, au Ghana et en Côte d’Ivoire. Outre ses nombreux avantages techniques liés à la qualité de son bois et à sa résistance au feu, le teck offre des possibilités intéressantes sur le marché international (Chidumayo, 2011).
Le bois de feu, représente plus de 85% de la consommation totale d’énergie des pays Ouest Africains. Cette consommation a augmenté entre 1980 et 2000, passant d’environ 114 à 175 millions de m³ (FAO, 2003). Au cours des 20 dernières années, la part du bois de feu dans la production totale de bois rond qui était déjà très élevée, s’est encore accrue, passant d’environ 86% en 1980 à 91% en 2000.
Tableau II : Évolution de la production de bois rond industriel en Afrique de l’Ouest.
Tableau II : Évolution de la production de bois rond industriel en Afrique de l’Ouest. | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Source : Beligné, 2017 ; Fao, 2003 et Guinard, 2009
La prévalence de l’exploitation forestière illicite est un gros écueil pour évaluer les tendances effectives de la production et du commerce du bois rond. Comme la majorité des ressources en bois rond industriel proviennent des forêts naturelles de la zone humide, on prévoit une diminution ultérieure des approvisionnements, en raison de l’insuffisance des efforts déployés pour mettre en œuvre l’aménagement durable (Chidumayo, 2011).
Lorsque l’on évalue les tendances futures, il importe de faire une distinction entre les pays, suivant le niveau de la production et de la consommation et le degré d’autosuffisance. Le Nigéria assure environ 50 % de la production de bois rond industriel, mais étant un pays très peuplé, il est aussi un consommateur important. Les autres principaux producteurs sont la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Libéria et la Guinée (FAO, 2003). Bien que le Sénégal soit aussi un grand producteur, il a aussi une demande intérieure élevée comme le Nigéria, de sorte qu’il est importateur net. Les principaux exportateurs de bois rond industriel de la sous-région sont le Libéria et la Côte d’Ivoire, le premier ayant représenté environ 75% des exportations en 2000, alors qu’en 1980, la situation était radicalement différente, puisque la Côte d’Ivoire était le premier exportateur. Une baisse de la production et la politique de promotion de la transformation locale ont sensiblement modifié la situation. Le Ghana, autre exportateur important dans les années 1980, a également interdit toute exportation de grumes, pour promouvoir le développement des industries de transformation locales.
La tendance générale en ce qui concerne la production et le commerce du bois rond industriel et des autres produits peut être résumée comme suit :
- baisse de la production de bois rond industriel dans les pays producteurs traditionnels (par exemple, la Côte d’Ivoire) reflétant dans une large mesure l’épuisement des ressources ;
- réduction des exportations de grumes dans certains pays producteurs traditionnels, par suite de politiques et de dispositions juridiques destinées à encourager la transformation locale ;
- augmentations substantielles des exportations de sciages de certains producteurs traditionnels, comme la Côte d’Ivoire et le Ghana ;
- bien que l’on ne dispose d’aucune donnée désagrégée sur ce sujet, la production industrielle de bois rond provient essentiellement des forêts naturelles et des terres boisées, alors que la part des plantations est encore relativement faible (FAO, 2003).
L’échelle limitée des activités de boisement laisse penser que le rôle futur des plantations restera peu important et une poussée importante des investissements de plantation semble peu probable (Chidumayo, 2011).
L’Afrique de l’Ouest a une industrie des sciages bien développée, largement basée au Nigéria, en Côte d’Ivoire et au Ghana, trois pays qui ont fourni environ 93% de la production de sciages en 2000. Le niveau global de la production de sciages dans la sous-région a baissé entre 1980 et 2000, tombant de 3,9 à 3,0 millions de m³ (FAO, 2003).
Ce recul est en grande partie attribuable au Nigéria, dont la production qui avait atteint un pic de 3,3 millions de m³ en 1985, est tombée à près de 2,0 millions de m³ en 2000. L’exportation de sciages est devenue une activité clé dans la sous-région, principalement en Côte d’Ivoire et au Ghana.
Entre 1980 et 2000, les exportations de sciages on progressé de près de 93%, passant de 398 000 m³ à 769 000 m³ (FAO, 2003). La Côte d’Ivoire et le Ghana assurent à eux deux environ 92% des exportations de la sous-région. Le Sénégal est devenu le principal importateur de sciages, avec environ 73% des importations en 2000 (Chidumayo, 2011).
La forte sous-utilisation des capacités est l’un des grands problèmes auxquels est confrontée l’industrie des sciages (FAO, 2003). Les mesures prises pour encourager la transformation locale se sont traduites par une expansion rapide des capacités de transformation mais le taux d’utilisation de ces capacités a souvent diminué, faute d’approvisionnements suffisants. Les principaux problèmes que rencontre l’industrie des sciages sont, en substance, les suivants :
- souvent, les machines sont obsolètes et les taux de récupération faibles ;
- la majorité des scieries sont équipées pour débiter des grumes de grandes dimensions mais, comme la plupart des vieux peuplements ont été exploités, elles devront de plus en plus s’approvisionner dans des forêts secondaires et des plantations qui produisent des grumes de petite taille. Si certaines scieries s’adaptent au changement, d’autres ne sont pas en mesure de le faire, ce qui entraînera une baisse de la production ;
- les capacités très élevées des industries des sciages inciteront probablement à accroître les pressions sur les forêts et à les exploiter de manière non durable.
L’exploitation forestière illégale est dans une large mesure due à la capacité excessive des industries, qui fait que les grumes introduites en fraude ou à bas prix trouvent facilement des usines qui acceptent de les débiter (FAO, 2003). Si l’industrie des sciages est bien développée, on ne peut pas en dire autant des industries de transformation des produits à valeur ajoutée de haut de gamme, à savoir les panneaux et les pâtes et papiers, en Afrique de l’Ouest (Chidumayo, 2011).
Seuls la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Libéria et le Nigéria produisent des placages et du contreplaqué, et la production du Nigéria est essentiellement destinée au marché intérieur, alors que les autres pays sont surtout exportateurs. L’industrie des pâtes et papiers, dans la sous-région, est limitée au Nigéria qui ne produit que 6% des quantités consommées dans la sous région.
Presque tous les pays doivent importer pour satisfaire la demande de papiers d’impression et d’écriture, de papier journal et de papiers et cartons (FAO, 2003). Depuis quelques années, ces importations ont beaucoup augmenté, tant en volume qu’en valeur. En ce qui concerne la production et la consommation des produits forestiers transformés en Afrique de l’Ouest, on distingue plusieurs catégories de pays et la situation peut être groupée de la façon suivante (voir tableau III):
- les pays qui sont à la fois de gros producteurs et de gros consommateurs, dont la demande intérieure tend à être élevée, du fait de leur population nombreuse. Le Nigéria en est un exemple-type ;
- les pays qui ont un excédent de production notable et sont par conséquent de gros exportateurs. Les plus importants sont la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Libéria. Ces pays se concentrent sur la production de sciages et de contreplaqués, bien que le Libéria continue d’exporter en majorité des grumes;
- les pays du Sahel dotés de peu de ressources, qui ne sont ni exportateurs ni importateurs. Tous ces pays, sauf le Sénégal, importent des quantités négligeables de bois.
Durant les deux dernières décennies, le principal changement en ce qui concerne le commerce des produits forestiers en Afrique de l’Ouest est le passage de l’exportation de grumes à l’exportation d’articles transformés, en particulier de bois de sciages et de panneaux. Un certain nombre de pays producteurs de bois ont interdit les exportations de grumes pour encourager la transformation intérieure. Fait intéressant, l’excédent commercial global de la sous-région a diminué par rapport à il y a vingt ans (FAO, 2003).
Tableau III : Vue d’ensemble de l’industrie du bois en Afrique de l’Ouest.
Tableau III : Vue d’ensemble de l’industrie du bois en Afrique de l’Ouest. | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Source : Zon et al., 2022 ; Beligné, 2017 ; Fao, 2003 et Guinard, 2009
On constate dans le tableau IV que la valeur des exportations de produits forestiers a d’une manière générale baissé, en particulier depuis 1990, alors que, dans le même temps, la valeur des importations augmentait (Chidumayo, 2011). Cela a considérablement réduit les recettes d’exportation nettes, qui ont enregistré un fléchissement marqué entre 1990 et 2000.
Cette baisse résulte en grande partie de la situation des principaux importateurs et exportateurs de la sous-région. Le Nigéria, qui absorbait en 2000 environ 43% des importations, a enregistré une augmentation régulière de sa facture d’importation. La Côte d’Ivoire, qui avait un excédent commercial pour les produits forestiers de 391 millions de dollars EU en 1990, a vu ce chiffre baisser à 98 millions de dollars EU en 2000, en partie à cause de l’augmentation de ses importations et d’une réduction en valeur de ses exportations.
Tableau IV : Valeur des échanges de produits forestiers Ouest-africains.
Tableau IV : Valeur des échanges de produits forestiers Ouest-africains. | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Source : Beligné, 2017 ; Fao, 2003 et Guinard, 2009
Le Sénégal est un autre pays où la demande de divers produits forestiers a augmenté et qui est de ce fait devenu un importateur net important de sciages et d’autres produits. Parmi les autres exportateurs, le Ghana a réussi à accroître ses recettes d’exportation nettes au cours des dix dernières années (FAO, 2003).
La réduction globale des prix des produits primaires, accentuée par la dévaluation des monnaies locales, a contribué dans une large mesure à la baisse des recettes d’exportation nettes. En outre, la majorité des pays sont obligés d’importer des produits à forte valeur ajoutée comme les papiers et les produits dérivés du papier (Chidumayo, 2011).
En 2000, les papiers et les cartons représentaient près de 70% de la valeur des importations. Malgré les efforts qu’ont déployés les pays pour ajouter de la valeur aux produits, ils n’ont pas pu se diversifier dans des produits comme le papier, pour diverses raisons. Les possibilités d’investissement dans ce type d’articles à valeur ajoutée semblent moins prometteuses, à cause de la libéralisation du commerce et de la petite taille des marchés.
Le regard porté sur les échanges des produits issus du bois au niveau de l’Union Économique et Monétaire des États de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), met en évidence des chiffres concernant huit pays (BCEAO, 2021). Ces chiffres concernent, d’une part, les valeurs monétaires et d’autre part, les volumes de ces produits (voir tableaux V et VI), allant de 2012 à 2020.
Tableau V : Valeurs du bois et produits dérivés échangés par l’UEMOA
Tableau V : Valeurs du bois et produits dérivés échangés par l’UEMOA | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Source : BCEAO, 2021
La Côte d’Ivoire demeure le leader de ces échanges. Elle est responsable de 89,53%, 91,82% et 70,08% de ces échanges monétaires, respectivement en 2012, 2016 et 2020.
Concernant les flux matériels sur ces mêmes années, elle détient les taux de 70,79%, 81,22% et 52,65% dans le même ordre.
Tableau VI : Quantités de bois et produits dérivés échangés par l’UEMOA
Tableau VI : Quantités de bois et produits dérivés échangés par l’UEMOA | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Source : BCEAO, 2021
De 1990 à 2020, l’Afrique de l’Ouest a connu une grande variation de ses superficies de forêts (voir tableau VII et figure 10). Dans l’ensemble, il y a eu une perte de 19,44% de ces superficies. Pendant que la superficie de forêts du Mali reste stable, celle de la Côte d’Ivoire a disparue de 63, 88% sur la même période. La Côte d’Ivoire a le taux de déforestation le plus élevé. Cependant, le Cap-Vert connait une forte croissance de son couvert forestier : 67,39% (FAO, 2021).
Tableau VII : Superficie de forêts des pays de l’Afrique de l’Ouest, de 1990 à 2020
Tableau VII : Superficie de forêts des pays de l’Afrique de l’Ouest, de 1990 à 2020 | |
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Parameter/Criteria | Description/Value |
Data 1 | Description 1 |
Data 2 | Description 2 |
Source :: FAO, 2021
[5_etude-de-cas-approvisionnement-en-bois-a-abidjan_6]
[5_etude-de-cas-approvisionnement-en-bois-a-abidjan_7]
30 000
25 000
20 000
15 000
1990
10 000
2000
2010
5 000
2020
0
Pays d’Afrique de l’Ouest
Superficie de forêts (1 000 ha)
Figure 10 : Évolution des forêts des pays de l’Afrique de l’Ouest, de 1990 à 2020
Source : FAO, 2021
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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quel est le pourcentage de bois légalement approvisionné sur le marché local en Côte d’Ivoire?
Seulement 16% du bois provient de sources légales, le reste étant alimenté par un commerce parallèle frauduleux.
Quelles sont les causes du dysfonctionnement du marché du bois en Côte d’Ivoire?
Les causes incluent les coûts de production, la faible valorisation du bois et des textes législatifs inadaptés.
Quelles solutions sont proposées pour améliorer l’approvisionnement en bois en Côte d’Ivoire?
L’étude propose des solutions pour améliorer l’approvisionnement légal et assurer une gestion durable des ressources forestières.