Comment surmonter les défis de la démocratie haïtienne ?

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🏫 Université de Yaoundé I - Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines - Département des Sciences du Langage
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022
🎓 Auteur·trice·s
Daniel LAMOUR
Daniel LAMOUR

Quels sont les défis et solutions pour Haïti révélés par les discours de Jean-Bertrand Aristide ? Cette analyse sémantique met en lumière des stratégies discursives inattendues et leur impact sur la crise politique contemporaine, offrant des perspectives cruciales pour comprendre la dynamique du pouvoir en Haïti.


Section II:

Analyse globale du corpus

De l’ensemble des discours

À travers ses discours le président conçoit un pouvoir personnel pour lui et ses partisans, l’ensemble des discours de ce corpus sont marqués par : des improvisations, des phrases creuses, un mélange parfois démagogique de plusieurs langues, notamment ; créole, français, anglais et espagnol, des redondances, des invitations à l’applaudissement et des reprises en chœur à tout bout de champs.

Avec un ton propre à lui ; Aristide galvanise les foules depuis plus d’une décennie en Haïti. Le discours Aristidien 136 essentialise et divise, avec un nationalisme identitaire et un anti-impérialisme au rabais qu’il estime être la cause des malheurs d’Haïti, le discours Aristidien s’enlise dans un populisme teinté de misère qui divise et favorise l’échec de la démocratie en Haïti.

Les idées émises tout au long de ses discours sont fallacieuses et parfois infantile, son excès identitaire, son autoritarisme à peine voilé font obstacle au bon fonctionnement des institutions. Non, on n’efface pas 29 ans de dictature avec des discours charismatiques, le Duvaliérisme avait des racines et des tentacules partout.

En ce sens cet embryon de démocratie s’installe avec un lourd héritage : d’abord celui d’une armée dont la plupart des hauts gradés ont fait leur allégeance à la dictature et puis celui d’une administration habituée à la corruption. (HURBON, 1987, p.85) Ainsi, dès sa genèse la démocratie haïtienne se trouve sur un terrain hostile.

De l’autre côté, la masse veut déraciner tout ce qui de près ou de loin évoque le duvaliérisme, c’est ce que prétend l’opération « dechoukay137 ». Alors force est de constater, la crise haïtienne n’est pas que conjoncturelle elle est avant tout structurelle et institutionnelle.

En ce sens, l’exercice du pouvoir implique une bonne gouvernance, des institutions fortes, une lutte contre la corruption et stricte séparation des pouvoir. Comment ne pas voir l’enlisement d’Haïti dans une misère de plus en plus grande sur tous les plans. Pourtant, dans ses discours qui sont généralement des improvisations le président ne fait que caresser l’émotion des foules et minimise ses opposants.

Pour M. Aristide, la démocratie n’a pas besoin d’institution forte, de constitution, elle a besoin de Lavalas et de l’opposition. Et, Lavalas c’est Aristide.

« De l’Homo habilis à l’homo erectus, De l’homo sapiens à l’homme haïtien, Nous suivons là , le fil conducteur D’une intelligence qui n’a cessé de grandir. » « La démocratie a besoin de l’opposition et de Lavalas » « 

A Darius qui demandait le partage de l’Asie, Alexandre le Grand répondit : »La terre ne peut tolérer deux soleils ! » Amis, chers compatriotes de l’opposition, j’adresse mes vœux de paix en soulignant que la terre d’Haïti ne peut tolérer qu’un soleil démocratique dont nous pouvons tous être des rayons de paix » (Dis. 15 oct. 1994)

L’économie d’Haïti a enregistré des taux de croissance très faibles depuis le début des années 80. En moyenne le PIB a progressé moins vite que la population, ce qui s’est traduit par une baisse du produit par habitant entre 1987 et 2000, baisse qui s’est aggravée entre 2000 et 2003.

Le PIB réel par habitant a été estimé à US$ 457 en 1987, à US$ 352 en 2000 et à US $ 328 en 2003. La production par tête aurait donc diminué selon un taux moyen annuel d’environ 2 % si l’on en croit les données de l’Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatique.

Cependant, l’offre globale de biens et services a progressé entre 1987 et 2000 avant d’amorcer une nette tendance à la baisse après 2000. L’offre et la demande globale de biens et services par tête est passé de US$ 599 en 1987 à US$ 760 en 2000 (1,9 % de croissance annuelle entre 1987 et 2000) et à US$ 703 en 2003 (-2,6 % de décroissance annuelle entre 2000 et 2003).

Quant à la consommation par tête, elle était estimée à US$ 426 en 1987, à US$ 565 en 2000 (2,2 % de croissance annuelle entre 1987 et 2000) et enfin à US$ 512 en 2003 (-3,2 % de décroissance annuelle entre 2000 et 2003).

Les importations, évaluées en valeurs constantes de 1986/87, dépassent désormais le PIB et jouent un rôle déterminant dans l’économie Haïtienne. Leur poids relatif est passé de 23,6 % de l’offre globale en 1987 à 53,5 % de celle-ci en 2003, alors que la valeur des exportations s’est réduite au cours des années 90 et que leur poids relatif des exportations ne représente, en valeurs constantes de 1987, que 24 % du PIB.

Haïti est donc ancré profondément dans une logique économique dominée de plus en plus par la migration internationale et alimentée, en contrepartie, essentiellement par l’accroissement des transferts courants. L’existence des transferts renforce par ailleurs la migration rurale-urbaine déjà intense à travers la demande, désormais possible, de nouveaux biens et surtout de services.

En 2002, sous la présidence d’Aristide l’état de l’éducation en Haïti est une de ces situations catastrophiques. L’État ne possède que 20% du parc éducatif tout le reste est administré par le privé. Plus de deux millions d’enfants scolarisables n’ont pas accès à l’école138.

Pourtant, cela n’empêche pas le président de dire : « Notre option est : l’éducation pour tous. D’ici la fin de notre mandat, nous parviendrons à un taux de scolarisation passant de 67% à 90% et un taux d’alphabétisation de 45% à 80% » (Dis. 1 janv. 2004).

L’ensemble des discours du président veut détourner l’attention de la réalité, en se limitant aux apparences. Ses discours sont majoritairement des discours de façade fait d’éthos. Le pluralisme politique n’a pas de place avec le gouvernement Lavalas.

On n’a qu’à se rappeler ; son intervention au parlement en 1991, après seulement cinq (5) mois de gouvernance, le saccage et l’incendie des locaux des partis politiques d’opposition sans compter les arrestations arbitraires des gens opposés au pouvoir, l’invasion à l’UEH (la FASCH et l’INAGHEI).

Jean- Bertrand Aristide contrôle presque toutes les chaînes de télévision et a réussi à faire taire de façon définitive plusieurs journalistes qui ont pris la parole pour dénoncer Lavalas. Et pourtant, on retrouve dans son discours du 7 février 2000 ces paroles : « Nous avons fait serment de donner au peuple haïtien, la sécurité.

Nous renouvelons aujourd’hui, ici, ce serment. » Comme nos ancêtres, c’est ce que nous voulons aujourd’hui : Vivre en paix ! » » (Dis. 7 fév. 2001)

Il s’enlise dans un populisme de misère et de « faire semblant. Sa vision messianiste et son autoritarisme, ajoutés au caractère conspirateur aux penchants de clivage identitaire ( mulâtre – noir) l’oligarchie haïtienne pour des solutions violentes aux conflits sociopolitiques complexes, est à la base du sanglant coup d’État du 30 septembre 1991, moins de huit mois après son investiture.

Faute de programme politique solidement constitué, il improvise, menace et cherche des coupables pour offrir à son auditoire. Il faut insister que, l’environnement social et économique était favorable à l’émergence du populisme : mobilisation populaire, discours idéologiquement ambigu, un leader charismatique, qui se rencontrent dans un cadre de crise socio-politique, il n’a pas à proprement parler de programme politique, mais promet de rompre avec les pratiques du passé, d’en finir avec la corruption et de rendre son pouvoir au peuple139, dépeint les citoyens en victimes, insiste sur les déclassés, les sans-grades, les « petits ».

Aristide a conquis les cœurs avec cette stratégie, il parle en grande partie créole dans ses discours officiel, avec des mots et des slogans simples.

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136 On entend par discours Aristidien les discours considérés dans le présent travail.

137 Opération consistant à démanteler les partisans des Duvalier avec violence.

138 Dans Rapport sur « LA PAUVRETE EN HAÏTI : SITUATION, CAUSES ET POLITIQUES DE SORTIE » Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPALC), 12 Août 2005.


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les principaux défis de la démocratie haïtienne selon Aristide?

Les discours d’Aristide montrent que la démocratie haïtienne est confrontée à des obstacles tels que l’autoritarisme, la corruption et un héritage de dictature.

Comment Aristide perçoit-il le rôle des institutions dans la démocratie?

Pour Aristide, la démocratie n’a pas besoin d’institutions fortes ou de constitution, mais plutôt de Lavalas et de l’opposition, ce qui signifie que Lavalas est synonyme d’Aristide.

Quel impact les discours d’Aristide ont-ils sur la perception du nationalisme en Haïti?

Le discours Aristidien essentialise et divise, avec un nationalisme identitaire qui, selon lui, est la cause des malheurs d’Haïti, tout en favorisant un populisme teinté de misère.

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