Les résultats de l’analyse sémantique révèlent des dynamiques inattendues dans les discours de Jean-Bertrand Aristide, mettant en lumière des stratégies discursives qui ont façonné le paysage politique haïtien. Cette étude offre des perspectives cruciales sur la crise politique contemporaine et les défis de la démocratisation en Haïti.
Partie 2 : Contexte socio-politique et la production des discours
Considérant que notre travail s’inscrit dans une démarche socio-sémiotique, il est pertinent de rendre compte de la situation socio-politique de l’époque.
Dans ce chapitre nous dressons le contexte socio-politique qui sévit dans le pays de 1991 à 2004, l’influence de la communauté internationale en Haïti, notamment les États-Unis d’Amérique, nous présentons les évènements déroulant autours des élections du 16 décembre 1990 et celle du 21 mai 2000.
Chapitre III
La crise socio-politique d’Haïti de 1991 à 2004
Section 1 : Situation socio-politique d’Haïti 1991-2004
26 décembre 1991, marque la fin de la guerre froide. L’explosion du bloc de l’Est, la dislocation de l’Union soviétique, signe la fin du monde bipolaire qui a dominé les relations internationales depuis 1945, pour fait place à un monde unipolaire très largement dominé par les États-Unis, seule superpuissance86.
Pourtant, la Charte des Nations Unies ne définit pas de modèle politique de référence.
Les États-Unis et leurs principaux alliés européens ont en commun d’être les plus anciennes démocraties du monde contemporain. La promotion de la démocratie a toujours été un des axes de la politique américaine.
Dans le contexte de la guerre froide, les Occidentaux se présentent comme le « monde libre » et affirment la supériorité de leur modèle politique démocratique et économique libéral.
Au début des années 1990, lors du Sommet des Amériques tenu à Miami, le président Clinton se félicita de ce que le continent américain, y compris l’Amérique latine, était le seul de la planète où tous les pays, avec la remarquable exception de Cuba et d’Haïti, jouissaient de régimes démocratiques, dans lesquels les autorités avaient été désignées par suffrage universel à partir d’élections raisonnablement honnêtes.
Même les plus optimistes auraient eu du mal à imaginer un tel panorama quelques années auparavant. En effet, amorcée au début des années 1980 en Argentine et accomplie au début des années 1990 au Chili, la grande vague de transition qui a permis le passage des vieilles dictatures à des régimes démocratiques a pris au dépourvu la plupart des spécialistes87 (Couffignal, 1997)
Quand en 1986 Jean-Claude Duvalier quitte le pouvoir, Haïti connaît une crise économique sans précédent qui n’a cessé de se renforcer depuis le second choc pétrolier (1979). Dès 1970, le pays est considéré par les Nations unies comme l’un des 25 plus pauvres de la planète, et certainement celui le plus en difficulté à l’intérieur du continent américain.
Le programme d’industrialisation du pays développé par Baby doc en réaction à cette situation, est un échec. Ni le programme industriel, ni la volonté de créer un tourisme de luxe, ne parviennent à sortir le pays de l’ornière.
La corruption du régime, la répression permanente exercée par les miliciens macoutes, bloquent progressivement les investissements extérieurs. Le choc pétrolier fragilise
86Maurice Vaïsse 2013, Chap.5 : La fin du monde bipolaire (1985-1992), p. 172-204.
87Couffignal, G. (éd.), 1997, Amérique Latine. Tournant de siècle. Paris, Éditions La Découverte et Syros.
un pays aux abois : les premiers flux de boat people quittent Haïti vers les côtes de Floride, où les départements français de la Caraïbe. En 1986, quand Jean-Claude Duvalier quitte le pouvoir, le pays est soumis à une urbanisation croissante (Port-au-Prince a gagné en dix ans un million d’habitants, et en compte alors environ 1,7 M pour 6,5 M dans le pays), et à une paupérisation des masses.
Après 10 semaines de grèves et de manifestations, sous la pression américaine, Duvalier laisse le pouvoir aux militaires, chargés discrètement par Washington d’assumer la transition vers la démocratie88.
La transition des militaires
La transition menée par les militaires entre 1986 et 1990, appuyée par les Américains, se déroule dans de très mauvaises conditions politiques (cinq présidents se succèdent). Mal préparée, l’élection d’une assemblée constituante, le 19 octobre 1986, n’attire que 5 % des électeurs. Les tenants de la démocratie dénoncent une parodie de scrutin.
La Constitution, approuvée par référendum le 29 mars de l’année suivante par 99,81 % des citoyens qui se sont déplacés, est votée sans débat, sous fond d’une terreur politique permanente. Les élections présidentielles du 29 novembre 1987 sont annulées par le Général Namphy qui les repousse de deux mois.
Le 17 janvier 1988, deux ans après le départ de Duvalier, l’historien Leslie Manigat est élu président, par 15 % du corps électoral.
Les observateurs des Nations Unies et de l’OEA émettent alors des « réserves » sur le déroulement du scrutin. Six mois plus tard, le 20 juillet 1988, un coup d’État militaire met fin à cette première expérience démocratique.
La terreur est immédiatement de retour. Dans ce contexte, la reprise économique est impossible malgré l’afflux massif de l’aide internationale et des ONG qui viennent au secours des masses. Le PIB poursuit sa dégringolade89.
Dans cette transition chaotique, les secteurs démocratiques affichèrent une méfiance totale vis-à-vis de l’institution militaire. Toutefois, moyennant l’appui de l’ambassadeur américain, ils se mirent d’accord avec le général Hérard Abraham pour désigner
88Laurent Jalabert, « Un populisme de la misère : Haïti sous la présidence Aristide (1990- 2004) », Amnis [En ligne], 5 | 2005, mis en ligne le 01 septembre 2005, consulté le 10 juin 2022. URL :http://journals.openedition.org/amnis/1003 ; DOI : https://doi.org/10.4000/amnis.1003
89opcit.p.7.
Ertha Pascal Trouillot, juge à la Cour de cassation, comme présidente provisoire, avec la mission spécifique de travailler, dans le plus bref délai, à la réalisation d’élections libres90.
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86 Maurice Vaïsse 2013, Chap.5 : La fin du monde bipolaire (1985-1992), p. 172-204. ↑
87 Couffignal, G. (éd.), 1997, Amérique Latine. Tournant de siècle. Paris, Éditions La Découverte et Syros. ↑
88 Laurent Jalabert, « Un populisme de la misère : Haïti sous la présidence Aristide (1990- 2004) », Amnis [En ligne], 5 | 2005, mis en ligne le 01 septembre 2005, consulté le 10 juin 2022. URL :http://journals.openedition.org/amnis/1003 ; DOI : https://doi.org/10.4000/amnis.1003 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels événements ont marqué la situation socio-politique d’Haïti entre 1991 et 2004 ?
La situation socio-politique d’Haïti entre 1991 et 2004 a été marquée par la fin de la guerre froide, la transition des militaires après le départ de Jean-Claude Duvalier, et des élections importantes comme celles du 16 décembre 1990 et du 21 mai 2000.
Comment la communauté internationale a-t-elle influencé la politique haïtienne durant cette période ?
La communauté internationale, notamment les États-Unis, a joué un rôle significatif en soutenant la transition vers la démocratie et en exerçant des pressions politiques, comme lors du départ de Duvalier en 1986.
Quelle était la condition économique d’Haïti avant l’arrivée d’Aristide au pouvoir ?
Avant l’arrivée d’Aristide au pouvoir, Haïti connaissait une crise économique sans précédent, étant considéré par les Nations unies comme l’un des 25 pays les plus pauvres du monde, avec une paupérisation croissante des masses.