Les implications politiques en gestion foncière en Haïti révèlent des failles surprenantes dans la législation de 2010 à 2020. Cette étude met en lumière les conflits juridiques et propose des solutions innovantes, essentielles pour transformer la gestion des terres dans le pays.
Le Droit domanial public et privé de l’État
D’après le Droit domanial haïtien : « le domaine public se compose : des chemins, routes, rues, marches et places publiques, des fleuves, rivières, lacs et étangs, des rivages, etc., des monuments et souvenir historiques e de toutes les portions du territoire qui ne sont susceptibles d’appropriations privées ni de prescription ». 254 En Haïti, même s’il est présent, et que le domaine public devrait être régularisé par des normes claires, dans la réalité, il semble largement absent du contexte juridique. D’une part, dans les textes, il existe peu de dispositions spécifiques favorisant la gestion efficace de ce domaine.
Faute de mieux, il faut donc rechercher les dispositions y relatives dans de multiples textes touchant à différents sujets. Ainsi, l’adaptation des textes confirmant l’existence du domaine public, permettra de rendre effective les dispositions du Code civil, notamment en son article 443, la loi du 26 juillet 1927, sur la gestion des biens du domaine privé de l’État, en particulier son article 2 qui fixe même le régime du domaine public et la consistance de celui-ci. 255 « Ce domaine public étant inaliénable et imprescriptible, consiste dans toutes les choses qui sans appartenir à personne, sont par une jouissance en commun affectées au service de la société en général ». Ainsi, les changements de destinations susceptibles de transformer des parties du domaine seront autorisés que par la loi.
Et aussi le domaine privé de l’État étant imprescriptibles, l’intégration des biens dans ce domaine se fait soit par acquisition, par concession, par déclaration d’utilité publique ou par 256expropriation. En prenant l’exemple dans un texte ayant pourtant pour objet le domaine privé ; le décret du 22 septembre 1964 sur le fermage et le loyer des biens de l’État dont les articles 1 et 2 reprennent à l’identique les articles 1 et 2 de la loi de 1927, nous pourront recommander à la lumière des faits, que l’État doit reprendre le contrôle de ces biens, et réviser les clauses élucidés dans les contrats d’affermages et de baux.
À regarder l’article 574 du Code civil qui dispose : « les biens qui n’ont pas de maître, appartiennent à l’Etat », (biens vacants et ainsi que ceux des personnes qui décèdent sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées), et l’article 1er du Décret du 25 février 1944 déclarant que : « tous les biens meubles, immeubles généralement quelconques appartenant à des ennemis, alliés ou agents d’ennemis, mis sous séquestres, sont décrétés « biens de l’Etat Haïtiens » 257. Et que : « l’Etat haïtien pourra mettre en œuvre toutes les dispositions légales relatives à la preuve de la propriété pour en prendre procession ou les revendiquer » 258.
Nous devons aussi recommander à ce que le contrôle de la gestion des biens fonciers du domaine privé de l’État puisse relever institutionnellement et légalement d’un autre organisme public spécial 259. Tout en mettant en place des mécanismes adéquats permettant que les biens du domaine public de l’État puisse être gérer efficacement par la Direction Générale de l’Impôt 260. Et l’État doit rendre effective la décentralisation du pays et mettre en place des mécanismes efficaces permettant d’éviter les duplications de tâches et les chevauchements en terme de responsabilité institutionnelle.
Des propositions concernant la gestion efficace des biens de l’État tendent à une utilisation rationnelle du patrimoine foncier étatique à des fins d’inclusion sociale, de sauvegarde historique et de développement économique. Et ces propositions s’orienter vers une décentralisation efficace permettant aux conseils communaux à jouir amplement de leurs droits de gestion et une harmonisation du système judiciaire.
Garantir la propriété privée
La protection des droits des citoyens passe par la traduction de droits insérer dans des textes légaux. Il est ainsi déclarer dans l’article 1er du protocole numéro 1 de la convention européenne des droits, que : « Nul ne peut être privé de ses biens sauf si la nécessité publique l’exige.
» ; par cette déclaration le garanti de la propriété privée est plus qu’une fonction sociale, mais plutôt un droit absolue dont la jouissance requiert des obligations 261. En ce sens, pour garantir la propriété privée, il faut renforcer les modalités d’achat et de succession inscrites dans les articles 578 à 626 du Code civil doit être de mise dans toute politique de sécurisation de biens fonciers.
Cela permettra d’établir le principe de l’égalité des héritiers dans la succession, et rendre effective l’article 605 du Code civil disposant en ces termes : « Les enfants légitimes ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinctions de sexe ni de progéniture, et encore qu’ils soient issus de différents mariages » (Code civil, chapitre III, section III, article 605) 262.
Ainsi que le Décret du 27 janvier 1959 met fin à l’inégalité de condition juridique entre les enfants naturels et les enfants légitimes.
259 Outre que la Direction General des impôts, car dans l’adoption d’une politique de gestion efficace, la DGI ne devra pas être gestionnaire et contrôleur à la fois.
260 Revue Rencontre, Extrait, PRIVERT Jocelerme, Le patrimoine foncier étatique; un espace d’enjeux économiques individuels et d’expression de la puissance publique, p133.
261 Protocole numéro 1 de la convention européenne des droits, Art 1.
262 Code civil haïtien, Art 605.
Dorénavant, « la filiation naturelle engendre les même droits et les même obligations que ceux dérivant de la filiation légitime » (article 1) à condition que ces enfants naturels soient reconnus 263.
Il faut aussi rendre efficace les articles 36 et suivants de la constitution de 1987 reconnaissent et garantissent la propriété privée pour tous les citoyens du pays. En permettant à l’État de garantir de façon efficace les droits de propriété privée ; et il faut mettre en place une politique adéquate permettant de résoudre les litiges liées au foncier, car , « nul ne peut être privé de son droit légitime de propriété qu’en vertu d’un jugement rendu par le tribunal de droit commun passé en force de chose souverainement jugée, sauf dans le cadre d’une réforme agraire », stipule la constitution de 1987 en son article 36-2. 264 Et aussi : « en cas de suspicion de blanchiment des avoirs provenant du trafic illicite de la drogue, l’autorité compétente peut procéder à une confiscation sans condamnation préalable ».
Il implique, outre de rendre efficace la force probante que confère l’article 36 de la Constitution de 1987 au décret du 30 juillet 1986. Ainsi donc, l’effectivité des prérogatives juridiques est d’importance cruciale, car vu le déséquilibre du processus de la sécurisation foncière actuelle, l’effectivité de ces normes juridiques permettra une sécurisation effective des terres et assurera le strict garanti des droits de propriétés privées sans exclusion.
Réviser les lois foncières et les rendre effectives
Toute politique visant à stimuler l’effectivité des lois foncières doit non seulement agir sur les failles que peuvent générer l’application des lois obsolètes, mais aussi doit mettre des outils rigoureux et contraignants qui renforcent l’application des sanctions prévues pour ceux qui dérogent aux lois quel que soit leur statut social ou appartenance politique. La révision du cadre légal sur le foncier aux fins d’adaptation est une réponse clé, qui exigera entre autre d’effectuer un décret complémentaire au décret du 22 septembre 1995 sur l’organisation judiciaire, d’actualiser la loi sur la spoliation de 1983 (le concept spoliation mérite d’avoir une définition opérationnelle), et l’augmentation de la peine et des dommages, intérêts associée à ce délit.
263 Décret du 27 janvier 1959, Art 1.
264 ProFin, politique de lutte contre le blanchiment des avoirs illicites et le financement du terrorisme (AML), Septembre 2016, p10.
Et aussi l’État doit créer un Code foncier et domanial dans lequel on définira clairement les modes d’accession, les types et les effets des droits réels immobiliers, les formalités pour la confirmation des droits fonciers, les procédures en cas de contestations de biens, le contenu et les formalités des registres foncier et du planche cadastrale pour les subdivisions territoriales.
Ainsi, l’enjeu de la sécurisation foncière se portera non pas tant sur la nature des droits et sur le fait que ces droits ne puissent être subitement contestées ou remis en cause, mais plutôt sur leurs reconnaissance, légitimité crées par ce Code foncier et leurs défenses qui seront assurées par des instances d’arbitrage reconnues, accessible à tous les niveaux et pour tous les justiciables et acteurs fonciers.
Entre autres l’effectivité de la justice foncière joue un rôle crucial dans toute politique visant l’effectivité des lois. Et cela requiert implicitement le renforcement de la justice et la création d’une chambre foncière au niveau de chaque tribunal de première instance qui sera la seule à avoir pleine compétence à la fois sur le possessoire grâce à sa chambre terrienne et le pétitoire grâce à sa chambre spéciale.
Et cette chambre foncière doit aussi avoir pleine compétence d’agir et plein pouvoir afin de mobiliser dans des cas exceptionnelles l’expertise des arpenteurs, notaires, enquêteurs fonciers, notables, cartographe et autres experts quand c’est nécessaire. Cela permettra d’une part, d’en finir avec la dissociation du règlement des litiges entre deux niveaux différents de justice, et, d’autre part, d’arrêter de faire passer la forme avant le fond dans les cas de litiges fonciers, mais plutôt les traités de façon proportionnelle et équitable.
Pour être efficace, l’adoption d’un système de sécurisation foncière doit se basée sur des lois adaptées modernes et qui prenne aussi en compte les besoins de l’agriculture urbaine afin de doter le pays d’un cadre légal performant capable de s’articuler aux accommodements sociaux.
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254 Code Rural 1962, 0p.cit, p73-76. ↑
255 Article 2 et 3 de la Loi du 26 juillet 1927, règlementant le service domanial haïtien. ↑
256 Après le paiement d’une indemnité à l’expropriant. ↑
257 Décret du 25 février 1944, art 1. ↑
259 Outre que la Direction General des impôts, car dans l’adoption d’une politique de gestion efficace, la DGI ne devra pas être gestionnaire et contrôleur à la fois. ↑
260 Revue Rencontre, Extrait, PRIVERT Jocelerme, Le patrimoine foncier étatique; un espace d’enjeux, économiques individuels et d’expression de la puissance publique, p133. ↑
261 Protocole numéro 1 de la convention européenne des droits, Art 1. ↑
262 Code civil haïtien, Art 605. ↑
263 Décret du 27 janvier 1959, Art 1. ↑
264 ProFin, politique de lutte contre le blanchiment des avoirs illicites et le financement du terrorisme (AML), Septembre 2016, p10. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les principales faiblesses de la gestion foncière en Haïti ?
L’étude identifie la faiblesse des trois pouvoirs de l’État comme cause principale des problèmes fonciers.
Comment le domaine public est-il défini dans le droit domanial haïtien ?
Le domaine public se compose des chemins, routes, rues, marches et places publiques, des fleuves, rivières, lacs et étangs, des rivages, etc., et est inaliénable et imprescriptible.
Quelles mesures peuvent améliorer la gestion foncière en Haïti ?
L’analyse propose des mesures de redressement normatives et institutionnelles pour améliorer la gestion foncière, notamment la décentralisation et l’harmonisation du système judiciaire.