Les perspectives futures de l’AFD révèlent des transformations inattendues dans les relations franco-africaines. Alors que l’institution a évolué depuis 1941, ses impacts sur le développement économique et social des territoires africains francophones soulèvent des questions cruciales sur son rôle dans un monde en mutation.
De la conférence de Brazzaville de 1944 à la naissance du dispositif français de coopération
L’effort de guerre des colonies apportent une contribution importante. Les mobilisées au sein de leur population constituent un appoint d’autant plus précieux qu’elles sont souvent exposées lors d’opérations difficiles. En effet, pendant la seconde guerre mondiale, on assiste à un bouleversement de l’économie africaine. Ralliée à la France libre en 1943, l’A.O.F.
fut sollicitée de produire un « effort de guerre » pour soutenir le combat mené par la France et ses alliés d’Europe. Cet effort a, dans un premier temps porté sur les hommes. Ainsi DE BENOIST Joseph-Robert dénombre 80.000 soldats de l’A.O.F., recrutés pendant la campagne de 1939-1940110, formant 17 régiments pour servir à l’extérieur.
L’effort de guerre des colonies a porté également sur la production économique. Ainsi quelques chiffres des exportations effectives de quelques produits permettent de reconnaitre que l’effort exigé était au-dessus des capacités réelles de production des colonies.
Tableau 1 : les exportations des cercles de l’A.O.F. en France
Tableau 1 : les exportations des cercles de l’A.O.F. en France | |
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Paramètre/Critères | Description/Valeur |
Exportations | Données non spécifiées |
Source : DE BENOIST J-R, L’Afrique Occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à l’indépendance (1960), Dakar, les Nouvelles Editions Africaines, 1994, p.17.
110 DE BENOIST Joseph-Robert, L’Afrique Occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à l’indépendance (1960), Dakar, les Nouvelles Editions Africaines, 1994, p.16.
Commentaire tableau 1 : Au regard de ces chiffres exigés et exportés, on peut nettement constater que la contribution apportées par les colonies française d’Afrique (AOF) pendant la seconde guerre mondiale avait une signification importante dans la victoire de la France et ses alliés d’Europe.
Le rôle propre des colonies françaises d’Afrique à la luttes des nations contre le nazisme, rendait inévitable une modification des rapports entre la métropole et ses dépendances. Ainsi pour prendre les devants et préparer l’après-guerre, le général de Gaulle organise la Conférence de Brazzaville, au Congo, en Afrique-Equatoriale française du 30 janvier au 8 février 1944, sous la proposition de René Pleven, par ailleurs commissaire nationale aux colonies dans le C.F.L.N., installé à Alger en 1943. La Conférence, présidée par René Pleven, réunit des membres de l’Assemblée Consultative Provisoire, des représentants de syndicats, des délégués de groupes de territoires, les gouverneurs des colonies111
En premier lieu, le sommet de Brazzaville s’inscrit dans la continuité des conférences économiques impériales organisées sous la IIIème République, comme celle qui se tint de décembre 1934 à avril 1935 ou celle qui fut organisée en novembre 1936 à l’initiative de Marius Motet, ministre des colonies du Front populaire. Ce dernier avait en effet adopté un projet de fonds colonial112 que le sénat de l’époque refusa à examiner.
La conférence de Brazzaville est aussi le point d’aboutissement de la volonté réformatrice exprimée par les cadres coloniaux de la France Libre. En effet, le général de Gaulle dans son discours d’avril 1941 devant le Royal African Society de Londres, avait évoqué les « transformations » nécessaires qui devaient ouvrir à l’Afrique le « chemin d’un grand avenir » et lui permettre de choisir notablement, librement la route des temps nouveaux.
Ainsi le général de Gaulle, en réunissant les représentants de la France Libre (en particulier les responsables des colonies qui l’ont rallié) se prononce en faveur d’une vision de développement qui associe les ressortissants des colonies. Son discours fonde le développement comme une richesse partagée et l’aide comme une redistribution étendue en dehors du territoire français, sous l’égide de l’Etat français.
Ce faisant, de Gaulle partage, au cours de la rencontre, une vision qui deviendra consensuelle après la seconde guerre mondiale à savoir celle d’une prospérité commune tant en France que dans les colonies, qui étaient fortement contribué à la libération. Les réformes issues de cette conférence ouvrent ainsi une période importante en termes de croyance dans le développement économique des colonies française d’Afrique noire.
Telle est une première conséquence, idéologique de la conférence
111 DE BONOIST Joseph-Roger, op.cit., p.26.
112 Idem, p.136.
car la France renforce ses liens politiques, culturels et économiques avec ses colonies. En effet, la IVème République ne parle plus d’« Empire » mais l’« Union » reflétant ainsi une volonté de rapprochement plutôt qu’un pas vers la décolonisation. Parallèlement, la fin de la Seconde Guerre mondiale a ouvert une période de contestation grandissante du système colonial à laquelle la métropole doit répondre. Mais pendant la conférence, les indépendances ne sont pas d’actualité car la France doit se reconstruire matériellement et retrouver sa place de grande puissance, et ce avec l’appui de son Empire.
La seconde conséquence de ladite conférence est le rôle dévolu de la Caisse (C.C.F.L.). En effet, l’esprit de Brazzaville donne une nouvelle impulsion de la Caisse qui, par un changement de dénomination, devenant Caisse centrale de la France d’Outre-mer (C.C.F.O.M.), embarrasse l’Outre-mer et se voit charger de répondre aux besoins des colonies, en particulier africaines.
Dans cette perspective, l’idée de la création d’un fonds colonial, impulsée dès les années 1930 prend en fin forme. L’action de la Caisse centrale se présente alors dans l’esprit de la Conférence de Brazzaville, au cœur d’un dispositif visant à répondre aux colonies, dans une phase de reconstruction et de réorganisation économique.
C’est en effet une loi du 30 avril 1946, en organisant les institutions en charge de la planification coloniale, qui vient de donner corps au discours de de Gaulle et qui octroie une place privilégiée aux colonies d’Afrique113.
En en se replaçant dans le contexte des années 1940, force est de constater que cette période peut être caractérisé d’« ère du développement » d’autant plus que, dans leur vision coloniale, les hauts fonctionnaires métropolitains et coloniaux croyaient que la planification et les investissements publics aideront les économies africaines à sortir de l’arriération114. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il s’agissait d’abord de revaloriser le pouvoir d’achat dans les possessions d’outre-mer afin d’assurer à la métropole un débouché pour ses produits manufacturés115, même si la « mise en valeur » des territoires impliquait aussi des investissements lourds en matière d’infrastructures et contribuait à parer l’action hexagonale des vertus de la solidarité.
113 LICKERT Victoria, op.cit., p.28.
114 D’où l’idée de la mise en œuvre des plans d’équipement et de modernisation des territoires d’Outre-mer.
115 C’est très précisément le principe de la création en 1933 d’une union douanière entre la France et ses colonies, qui, en revalorisant le prix des produits agricoles tropicaux, accroît aussi la dépendance des secondes par rapport à la première.
La conférence ouverte par De Gaulle à Brazzaville116, enfin, portait en germe certains principes fondateurs des nouveaux rapports qui verront le jour dans les années 1950 et 1960. La recommandation économique principale issue de cette Conférence indiquait en effet que :
« Le but de notre politique économique coloniale doit être le développement du potentiel de production et l’enrichissement des territoires d’outre-mer en vue d’assurer aux Africains une vie meilleure par l’augmentation de leur pouvoir d’achat et l’élévation de leur standard de vie ».
Dans le contexte international particulier de janvier 1944, l’accent porté sur le « développement » de l’Afrique peut se comprendre comme un signal destiné aux responsables africains afin d’encadrer une possible contestation de la présence française. On comprend bien que la période 1944-1946 fut un moment décisif dans les relations franco-africaines, couronné par un changement de République qui prenait acte de certaines évolutions : les territoires africains sont considérés comme une ressource pour reconstruire économiquement la France et préserver sa « grandeur » non sans
maintenir de ce fait une souveraineté sur eux, y compris au moyen de répressions117, en même temps que se libéralisent politiquement les rapports entre la métropole et ses colonies, notamment sous la pression des élus africains.
116 Les recommandations finales condamnaient « toute idée d’autonomie, même lointaine », mais proposaient une représentation parlementaire des colonies en France et la création d’assemblées locales.
117 Notamment Thiaroye (Sénégal) en 1944, Constantine (Algérie) en mai 1945, Tonkin en 1946, Madagascar en 1947-1948.
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110 DE BENOIST Joseph-Robert, L’Afrique Occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à l’indépendance (1960), Dakar, les Nouvelles Editions Africaines, 1994, p.16. ↑
111 DE BONOIST Joseph-Roger, op.cit., p.26. ↑
113 LICKERT Victoria, op.cit., p.28. ↑
114 D’où l’idée de la mise en œuvre des plans d’équipement et de modernisation des territoires d’Outre-mer. ↑
115 C’est très précisément le principe de la création en 1933 d’une union douanière entre la France et ses colonies, qui, en revalorisant le prix des produits agricoles tropicaux, accroît aussi la dépendance des secondes par rapport à la première. ↑
116 Les recommandations finales condamnaient « toute idée d’autonomie, même lointaine », mais proposaient une représentation parlementaire des colonies en France et la création d’assemblées locales. ↑
117 Notamment Thiaroye (Sénégal) en 1944, Constantine (Algérie) en mai 1945, Tonkin en 1946, Madagascar en 1947-1948. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est l’origine de l’Agence Française de Développement (AFD) ?
L’AFD a été créée en 1941 sous le nom de Caisse centrale de la France Libre.
Quel rôle a joué l’AFD pendant la seconde guerre mondiale ?
L’AFD a contribué à l’effort de guerre des colonies, en mobilisant des soldats et en soutenant la production économique.
Comment la conférence de Brazzaville a-t-elle influencé l’AFD ?
La conférence de Brazzaville, organisée par le général de Gaulle en 1944, a marqué un tournant dans les relations entre la métropole et ses colonies, en promouvant une vision de développement associant les ressortissants des colonies.