Comment l’analyse de cas révèle les droits des communautés au Nord-Kivu ?

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🏫 Université de Gomadomaine des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations Internationales - Sciences juridiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022-2023
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Les droits des communautés au Nord-Kivu sont souvent compromis par l’exploitation minière intense. Cette étude révèle comment les activités extractives menacent non seulement l’environnement, mais aussi la protection juridique des populations locales, soulevant des questions cruciales sur leur avenir et leur survie.


CONCLUSION

La province du Nord-Kivu est l’une des provinces de la RDC où les activités minières s’effectuent avec intensité. Elles sont l’œuvre des sociétés minières privées et/ou publiques, des exploitants artisanaux regroupés au sein de coopératives minières et des négociants attachés à des comptoirs d’achats. Certes, ces activités minières sont génératrices de revenus notamment pour les exploitants miniers. Cependant, elles ont été à la base de la destruction de l’environnement et affectent sérieusement les communautés locales du Nord-Kivu.

Conscient de conséquences des activités minières sur les communautés locales, le législateur congolais, avait déjà consacré des droits à leur faveur et prévu des mécanismes visant à assurer leur protection contre les effets néfastes des activités minières. A ce titre, la législation leur garantit notamment le droit au développement, le droit à l’eau, le droit à la paix, le droit foncier coutumier, le droit aux indemnisations, le droit au dédommagement, le droit à la relocalisation et réinstallation dans un milieu qui offre les meilleures conditions socio-économiques que celles du lieu d’origine, le droit à un environnement sain, le droit à être consulté…etc

Pour concrétiser ces droits, plus précisément le droit au développement et le droit à un environnement sain, le droit congolais enjoint les sociétés minières au payement de 0.3% du chiffre d’affaires pour financer les projets de développement communautaire sur base d’un cahier des charges négocié et signé par les communautés locales et la société minière et approuvé par le gouverneur de la province.

Il oblige les compagnies minières de verser directement 44% de la redevance minière au pouvoir central, 23% à la province où se trouve le projet, 14% à l’ETD, 11% au profit du Fonds national des réparations des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV) et 8% au profit du Fond minier pour les générations futures.489 Sur le plan environnemental, les compagnies doivent produire et réaliser les EIES et les PGES pour

éviter ou réduire les effets néfastes des activités minières sur l’environnement.

Par ailleurs, les exploitants artisanaux contribuent au fond de réhabilitation institué en vue de financer la réalisation des mesures d’atténuation et de réhabilitation des ZEA. Le taux de cette contribution est fixé à 10 % du montant fixé pour l’obtention de la carte d’exploitant artisanal. De même, les exploitants artisanaux doivent respecter les normes en matière de sécurité, d’hygiène, d’utilisation de l’eau et de protection de l’environnement qui s’appliquent à leurs exploitations conformément à la réglementation en vigueur. Ils doivent indemniser les exploitants agricoles pour tout dommage engendré par leurs activités. Tout comme les sociétés minières, ils sont tenus de respecter les mécanismes de transparence et de traçabilité institués au niveau régional et universel.

A vrai dire, tous ces droits reconnus aux communautés locales et tous ces mécanismes de protection font l’objet de violation de la part de ceux qui sont tenues à leur respect. Les réalités du Nord-Kivu, précisément dans les zones minières, en constituent des preuves éloquentes.

Cet état d’insatisfaction couplé à l’avidité de certains agents de l’administration publique et la convoitise parfois violentes de la part des étrangers (Rwanda, Ouganda, occidentaux, etc.)

489 Décret n° 23/32 du 26 août 2023 précisant les modalités de recouvrement et de répartition de la redevance minière, article 1er

Source: https://congomines.org/reports/2437-decret-n-23-32-du-26-08-2023-precisant-les-modalites-de-recouvrement-et-de-repartition-de-la-redevance-miniere

entraînent une situation de conflictualité qui aggrave la vulnérabilité des communautés locales et occasionnent ainsi les violations de leurs droits.

Pour mettre un terme à cette situation et endiguer le trafic des minerais de sang, des mécanismes de traçabilité et de transparence ont été mis en place au niveau régional et universel.

C’est le cas, d’abord, de l’OCDE qui a institué le mécanisme de lutte contre le commerce des minerais de sang en adoptant les principes directeurs du devoir de diligence (due diligence).

Ensuite, la CIRGL a adopté en 2010, les six outils de lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles par les États membres de la CIRGL, qui sont : le mécanisme de certification régionale, l’harmonisation des législations nationales, la base de données régionales sur les flux des minerais, la formalisation du secteur minier artisanal, la promotion de l’ITIE et le mécanisme d’alerte rapide (MAR). Ce qui inspira même l’adoption d’une loi aux États-Unis: la loi Dodd-Frank, en sa section 1502. Cette loi oblige les compagnies américaines à rendre publique la provenance de leurs achats des métaux congolais pour éviter de s’approvisionner en « minerais de sang ».

Enfin, l’Association internationale de l’étain (ITA) et le Centre international d’étude de tantale et niobium (TIC) ont créé l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI) avec comme objectif de fournir une chaîne de traçabilité fiable des minerais 3T garantissant que leur extraction ne contribue pas au travail des enfants ou à l’influence des groupes armés.

Dans cette étude, nous avons eu à démontrer comment tous ces mécanismes ne protègent pas efficacement les droits des communautés locales compte tenu du contexte du Nord-Kivu. A cet égard, Global Witness démontre comment le système ITSCI permet le blanchiment des minerais congolais.490 Pour cette ONG, « d’énormes quantités de minerais provenant de mines non validées, y compris aux mains de milices ou exploitées par l’intermédiaire du travail des enfants, peuvent intégrer la chaîne d’approvisionnement d’ITSCI et être exportées ». 491

Ce blanchiment des minerais facilite ainsi aux groupes armés de s’équiper en armes, tenues et d’avoir de la nourriture pour continuer leurs activités criminelles. Dans une telle criminalité, les violations de tous ces autres mécanismes prévus au sein de l’OCDE et de la CIRGL devient monnaie courante et par conséquent, les communautés locales ne peuvent pas être épargnées.

En plus de ces mécanismes régionaux et universels défaillants, nous avons démontré comment la législation congolaise définit la communauté locale sans lui conférer la personnalité juridique. Autrement dit, la communauté locale a des droits dont elle ne peut pas revendiquer le respect. Elle ne bénéficie d’aucune garantie légale qui tient compte de sa position de partie faible.

Il a cependant été démontré que, bien que dépourvu de la personnalité juridique, la communauté locale peut jouir de tous ses droits même devant le juge. En effet, un organisme spécialisé, dont certains membres sont issus de la communauté locale, est habilité à gérer le 0,3% du chiffre d’affaires que la législation reconnaît aux communautés locales. Cet organisme spécialisé agit en son nom mais pour le compte de la communauté locale. Par ailleurs, 14 % de la redevance minière doit être géré par l’ETD au bénéfice des communautés

490 Global Witness, supra note 126, pp.1-9.

491 Ibid.

locales. L’ETD est revêtu de la personnalité juridique. De même, les droits collectifs, comme le droit à un environnement sain, peuvent être réclamés en justice par toute personne, dont chacun des membres des communautés locales. Ainsi, en se basant sur ces arguments, les communautés locales s’avèrent efficacement protégées.

Toutefois, l’organisme spécialisé sus-indiqué n’est pas en lui seul suffisamment protégé. En effet, ses frais de fonctionnement sont constitués de 10% de la dotation de 0,3% destinée au financement des projets développement communautaire. A cet effet, si l’entreprise minière ne paye pas la dotation, l’organisme chargé d’en assurer le recouvrement sera aussi dépourvu de moyens de fonctionnement.

Une telle situation est de nature à bloquer la machine aux dépens des communautés locales. De même, bien qu’émanant des diverses structures, l’équipe dirigeante dudit organisme n’échappent pas à la corruption et d’autres formes de manipulations. Ses membres ont certainement aussi un problème de formation en gestion de la chose publique au même titre que les chefs des ETD appelés à gérer la redevance minière.

Par ailleurs, les OSC qui pourraient agir au nom de la communauté locale en matière environnementale et en protection d’autres droits collectifs ne sont pas suffisamment outillés pour ces genres d’affaires, tandis que celles qui le sont ne font souvent pas bien leur travail, peut-être parce qu’elles n’ont pas d’intérêts. La preuve en est que beaucoup des cas d’atteintes aux droits des communautés locales ont été relevés mais sont demeurés sans suite.

Il en va ainsi du seul cas porté par les OSC contre ABM devant la justice du Nord-Kivu.

Pour pallier ces défis, nous avons estimé que l’investissement public en soutien de l’initiative privée serait nécessaire, voir même palliative aux problèmes qui gangrènent les communautés locales, car en laissant la totalité des charges d’investissements miniers aux opérateurs privés, l’État congolais s’est privé de l’essentiel des ressources de ce secteur primordial pour le développement du pays. En outre, l’Etat laisse les communautés locales à la merci des exploitants miniers généralement capitalistes, cupide de l’enrichissement rapide et sans scrupule aux droits des communautés locales. La province, les ETD, la justice, les OSC et tout individu devraient adopter un comportement qui soit de nature à favoriser les communautés locales.

Ainsi, le gouvernement provincial devrait notamment exercer un contrôle régulier du respect, par les sociétés minières, de leurs permis d’exploitation ainsi que du Code minier ; tenir des dialogues entre les deux éventuelles parties en conflits miniers ; et faire respecter les différents protocoles et résolutions prises dans la cadre de la gestion et décrispation du climat conflictuel entre divers acteurs du secteur minier.

Il devrait renforcer les capacités de la commission de suivi des activités minières en la dotant des moyens suffisants pouvant lui permettre d’être réellement active dans les activités minières. Le gouverneur devrait nommer, dans le cadre de ladite commission, les représentants affectés auprès de toutes les sociétés minières œuvrant au Nord-Kivu afin qu’il soit constamment au courant de tout dans les sites et zones miniers.

Les ETD étant normalement les personnes qui reçoivent officiellement les ouvrages réalisés sous le financement des exploitants miniers, devraient s’assurer que les communautés locales bénéficient d’un encadrement suffisant de leur part afin de permettre auxdites communautés de bien pouvoir revendiquer leurs droits. Elles doivent donc promouvoir le bien-être de la population et veiller à ce que les richesses, telles que les mines industrielles, profitent de manière équitable à toutes les communautés affectées par le projet minier.

De son côté, la justice devrait chaque fois intervenir en amont pour donner ses avis sur les cahiers des charges, les EIE et même lorsque on veut entamer une procédure de délocalisation

et de réinstallation des communautés locales par une société minière. En aval, la justice devrait intervenir pour restaurer l’ordre qui est éventuellement troublé par un projet minier. A ce titre, le parquet près la Cour d’appel du Nord-Kivu devrait commencer à organiser périodiquement, de préférence chaque trimestre ou même chaque mois, des commissions d’enquête dans les zones d’exploitation minières du Nord-Kivu, notamment pour rechercher et déterminer les atteintes aux droits des communautés locales, identifier les auteurs et le poursuivre s’il s’agit des infractions pénales.

Pour renforcer ces commissions, le Procureur général près la Cour d’appel du Nord-Kivu devrait désigner une commission de surveillance composée d’un personnel compétent, dont des magistrats (au moins 2) et des OPJ (au moins 3). Cette commission aurait pour mission d’assurer le contrôle de de la mise en œuvre des projets communautaires par les unités d’exécution des projets et les ETD.

Elle devrait avoir accès à toutes les informations détenus par la SAESSMAP, la Police de mine, la société minière et l’ETD lors de la conduite d’une éventuelle enquête. Les membres de la commission devraient être changés lors de chaque enquête.

Les OSC locales auraient intérêt à se professionnaliser. Leurs actions devraient consister beaucoup plus en l’autoformation afin qu’elles soient capables, à leur tour, de former et sensibiliser les communautés locales sur leurs droits, d’élaborer des plaidoyers en faveur de celles-ci, de former les agents de l’Etat impliqués dans la gestion des ressources naturelles, de dénoncer toutes sortes de violations des droits des communautés locales, de relever les cas de la violation de leurs droits à soumettre à la justice et au gouvernement, d’intervenir activement dans

la validation des sites miniers, de mener des enquêtes et d’identifier tous les négociants et comptoirs qui s’approvisionnent auprès de groupes armés. De tels acteurs nuisibles devraient être répertoriés sur une liste noire à publier. Les OSC devraient aussi identifier tous les hommes politiques ayant des intérêts cachés dans les mines.

Quant aux OSC internationales, elles devraient profiter de leur confiance pour faire attendre leurs voix dans des rencontres internationales telles que les conférences de l’OMC, les sommets du G8, les réunions des chefs d’Etat et de gouvernement et différents forums économiques. Dans le même ordre d’idées, elles devraient faire pression sur le gouvernement de la RDC, en proposant des sanctions au niveau international contre tout agent public ou privé impliqué, de près ou de loin, dans une affaire qui cause ou est susceptible de causer

les violations de droits des communautés locales. En plus, les OSC internationales devraient exercer des pressions sur les entreprises irrespectueuses de la législation nationale et des règles de due diligence, s’assurer que tous les mécanismes de transparence et de traçabilité sont scrupuleusement suivis, assurer une formation des agents publics qui gèrent le secteur minier, particulièrement les animateurs des ETD et les membres de l’organisme spécialisé de gestion de 0,3% du chiffre d’affaires destinés aux développement communautaire.

En dernier lieu, les citoyens congolais et les africains en général devraient arrêter de consommer les produits fabriqués par les minerais qui alimentent la guerre au Nord-Kivu. Les congolais devraient se méfier des marques comme Apple, Inter, Nokia, tesla, Samsung et autres une fois qu’elles sont dénoncées comme des produits qui ont été fabriqués par les compagnies qui s’approvisionnent dans les zones en conflit comme le Nord-Kivu.


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les droits des communautés locales au Nord-Kivu?

La législation garantit aux communautés locales plusieurs droits, notamment le droit au développement, le droit à l’eau, le droit à la paix, le droit foncier coutumier, le droit aux indemnisations, le droit au dédommagement, le droit à la relocalisation, le droit à un environnement sain et le droit à être consulté.

Comment les sociétés minières contribuent-elles au développement des communautés locales au Nord-Kivu?

Les sociétés minières sont tenues de payer 0.3% de leur chiffre d’affaires pour financer des projets de développement communautaire, sur la base d’un cahier des charges négocié et signé par les communautés locales et la société minière.

Quelles sont les conséquences des activités minières sur les communautés locales au Nord-Kivu?

Les activités minières ont entraîné la destruction de l’environnement et affectent sérieusement les communautés locales, aggravant leur vulnérabilité et entraînant des violations de leurs droits.

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