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Comment l’innovation technologique transforme-t-elle l’exploitation minière au Nord-Kivu ?

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🏫 Université de Gomadomaine des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations Internationales - Sciences juridiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022-2023
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L’innovation technologique en exploitation minière transforme radicalement le paysage socio-économique au Nord-Kivu. Comment ces avancées peuvent-elles à la fois favoriser le développement local et protéger les droits des communautés face aux défis des activités extractives ?


§2. Les conséquences socio-économiques

Les violations des droits de communautés locales ne peuvent entrainer qu’une situation d’insatisfaction de celles-ci. Pourtant des réformes en faveur de communautés locales étaient déjà consacrées dans le code minier de 2018.

Les réformes législatives en faveur des communautés locales

Avant d’analyser quelques cas de réformes en rapport avec les communautés locales, parlons d’abord du contexte de ces réformes de 2018.

Le contexte des réformes

Le secteur minier était régi par l’Ordonnance-Loi n° 81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les Mines et Hydrocarbures, telle que modifiée et complétée par l’Ordonnance-Loi n°82-039 du 05 novembre 1982. Il a été abrogé remplacée par la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier. Ce dernier, adopté dans un contexte de guerre et au lendemain d’une récession économique, était qualifié d’attractif des investissements. Avec le temps, il a révélé aussi ses faiblesses.

En effet, selon le législateur « Son application de juillet 2002 au 31 décembre 2016 a été à la base de l’augmentation sensible du nombre des sociétés minières et des droits miniers et des carrières ainsi que de l’accroissement de la production minière en République démocratique du Congo. Néanmoins, l’essor du secteur minier, censé rapporter à l’Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social, n’a pas su rencontrer ces attentes ».375 Voilà pourquoi il fallait reconsidérer ce Code minier et son application.

Le projet de la réforme du code minier commence dans les années 2012, un projet de loi suspendu au niveau de l’assemblée nationale depuis mars 2015, s’est poursuivie le 5 avril 2017.

Dans son discours à la nation devant les deux chambres du parlement congolais, le Président Joseph Kabila a insisté sur l’adoption « dans les plus brefs délais », de la loi portant révision du code minier. En juin 2017, le Ministre des Mines a présenté à l’Assemblé nationale le projet de loi déposé plus de deux ans auparavant. Les débats ont eu lieu lors de la session parlementaire de septembre à décembre 2017, et se sont poursuivis en janvier 2018, au Sénat, avant que le texte soit adopté et transmis au Président de la République pour signature.

La loi amendant le code minier a ainsi été signée par le Président le 9 mars 2018. Enfin, les textes d’application ont été signés par le Premier ministre le 8 juin 2018 sous la forme du règlement minier.376 Le nouveau code et son règlement introduisent des éléments positifs en termes de développement communautaire et de transparence, qui suivent largement les recommandations de la société civile depuis le début du processus de révision du code.377

Certes les organisations de la société civile n’ont pas été adéquatement associées à la finalisation du code minier. Elles ont toutefois été satisfaites sur certaines de leurs recommandations les plus importantes, notamment la création de la contribution obligatoire au développement communautaire sur le chiffre d’affaires et son augmentation de 0,1 pourcents dans le projet de loi à 0,3 pourcents dans le texte final, des dispositions juridiques renforcées sur la transparence du secteur minier, ou la répartition directe de la redevance minière entre les différentes entités bénéficiaires.378

Toutefois, une recommandation essentielle pour la gouvernance du secteur minier, l’interdiction aux agents publics d’acquérir des participations dans le capital des sociétés minières pendant l’exercice de leurs fonctions, n’a pas été pris en compte.379

Il convient déjà de le dire ici, deux principales réformes ont attirées nôtres attention. La redevance minière et la dotation pour le développement communautaire.

Les réformes clefs en faveur des communautés locales

Le nouveau code minier contient plusieurs obligations pour les entreprises minières qui pourraient bénéficier aux populations locales. De telles dispositions ont été considérées par la société civile congolaise comme « des avancées positives ».380

375 Code minier, exposé de motif.

376 Thomas Lassourd, La fiscalité du nouveau Code minier de la République démocratique du Congo, p.1, Natural Resource Governance Institute, Analyse, (novembre 2018) https://resourcegovernance.org/sites/default/files/documents/la-fiscalite-du-nouveau-code-minier-de-la-republique-democratique-du-congo.pdf 16 janvier 2024.

377 Ibid., p.2.

378 Ibid., p.6.

379 Ibid.

380 Ibid., p.2.

Parmi elles, la redevance minière que toute entreprise devrait reverser passe de 2% à 3,5% de la valeur commerciale brute pour les métaux non-ferreux, les métaux de base et les métaux précieux, et à 10%381 pour les minerais dits « stratégiques » (c’est-à-dire des minerais qui présentent un intérêt particulier au regard du contexte géostratégique ; il s’agit par exemple du cobalt, du Coltan et du germanium382).

De cette redevance minière, 50% est reversés à l’Etat congolais, 25% à la province d’où provient le minerai en question, 10% à un « Fonds minier pour les générations futures » et 15% à l’ETD où est incrustée la société minière.383 Toutefois, selon un récent décret de 2023 qui modifie l’article 242 du Code minier : 44% de la redevance minière est pour le pouvoir central, 23% pour la province ou se trouve le projet, 14% pour l’ETD, 11% au profit du Fonds national de réparation de victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et 8% au profit du Fond minier pour les générations futures.384

De plus, les entreprises devraient élaborer des « cahiers des charges » en concertation avec les communautés locales. Les « cahiers des charges » sont des documents qui reprennent les engagements des entreprises vis-à-vis des populations locales en vue d’une amélioration de leurs conditions de vie, d’une part, et des relations des populations avec les entreprises, d’autre part. Les entreprises minières devraient contribuer à hauteur de 0,3% de leur chiffre d’affaires à une dotation pour le développement des communautés locales IIOou « dotation pour le développement communautaire ».385

Le code minier comprend le principe d’une compensation par l’entreprise pour les délocalisations des communautés locales, l’obligation d’avoir un certificat environnemental (et non plus un avis environnemental) pour recevoir un permis d’exploitation minière, et de nombreuses autres dispositions considérées positives par les organisations de la société civile congolaise.386

Ensuite, le code minier implique d’autres obligations vivement critiquées par les entreprises minières, comme le relèvement de la quotité de la participation de l’Etat congolais dans le capital social des entreprises minières (passant de 5 à 10%),387 la participation d’au moins 10% des personnes physiques de nationalité congolaise lors de la création d’une entreprise minière,388 ou encore un quota minimal d’employés congolais selon différentes catégories et phases d’un projet.

Enfin, le nouveau code minier modifie le régime fiscal appliqué aux entreprises minières.389 Parmi les innovations du code, il introduit un « impôt spécial sur les profits excédentaires » au taux de 50%, applicable lorsque le prix moyen du minerai sur une année est supérieur d’au moins 25% au prix du minerai prévu a priori dans l’étude de faisabilité de l’entreprise (en d’autres mots, si le prix d’un minerai augmente beaucoup plus que ce que l’entreprise avait initialement prévu).390

Cependant, la « clause de stabilité » prévu conformément au code minier de 2002 pourrait entraîner l’inapplicabilité de toutes ces dispositions. En effet, selon la clause de stabilité du précédent code de 2002, les dispositions de ce dernier resteraient d’application endéans les 10 ans de l’entrée en vigueur d’un nouveau code, laissant donc 10 ans aux entreprises pour s’adapter aux nouvelles dispositions.391 Ce n’est toutefois plus le cas du nouveau code minier qui dispose que les nouvelles dispositions entrent en vigueur immédiatement392 et que la clause de stabilité y est par ailleurs réduite à 5 ans.393

Cette disposition avait soulevé des tensions de la part de sociétés minières de la RDC en tel enseigne qu’une réunion de plus de 6 heures entre les multinationales et le président Kabila avais eu lieu le 7 mars 2018, deux jours avant que le président ne signe le Code minier.

Parmi les entreprises présentes se trouvaient Glencore et China Molybdenum-TFM, MMG/China Minmetals, IvanhMines, Zijin, Rand gold et Angelo Gold Ashanti ; toutes apparemment furieuses à l’issue de la réunion.394 Le gouvernement avait proposé de traiter les demandes des entreprises multinationales au cas par cas, après la promulgation du Code, et en tiendra compte dans le Règlement minier395 qui régit la mise en exécution du Code minier.396

Pour les organisations de la société civile, le fait pour le code minier de laisser la possibilité au premier ministre de prendre des mesures incitatives pour les sociétés de manière particulière, ouvre la porte à la corruption par les sociétés en quête des avantages fiscaux et douaniers, a un traitement discriminatoire et une concurrence déloyale, portant ainsi atteinte à l’universalité du nouveau code minier.397

Des avantages ainsi accordées par le premier ministre nous ramènent en arrière vers un système d’exemptions fiscales accordées aux investisseurs au détriment de la population congolaise.398 Ces acteurs sus-indiqués et tant d’autres impliqués dans les activités minières en RDC ont, certes, exprimé leurs quiétudes par rapport au nouveau code minier qui s’est avéré beaucoup plus « nationalistes » contrairement à celui de 2002 qui était beaucoup plus « attractif ».

Cependant compte tenus de réalités socio-économique, notamment dans les zones d’exploitation minières du Nord-Kivu, il apparaît qu’après le code de 2018 égal avant le code de 2018 surtout à ce qui concerne les droits des communautés locales.

390 Code minier Article 251.

391 Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, JORDC, 55ème année, numéro spécial, 15 juillet 2002, article 241.

392 Code minier, article 342 bis.

393 Ibid., article 242.

394 Van Haut, Ibid., p.3.

395 Code minier, article 220.

396 Raf Custers, Congo : les multinationales inlassablement en opposition, (mars 2019) https://gresea.be/Congo-les-multinationales-inlassablement-en-opposition-1879-1879-1879-1879 23 janvier 2024.

397 Van Haute, Ibid., p.4.

398 Ibid.

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375 Code minier, exposé de motif.

376 Thomas Lassourd, La fiscalité du nouveau Code minier de la République démocratique du Congo, p.1, Natural Resource Governance Institute, Analyse, (novembre 2018)

377 Ibid., p.2.

378 Ibid., p.6.

379 Ibid.

380 Ibid., p.2.

381 Code minier, article 241.

382 Décret n° 18/42 du 24 novembre 2018 portant déclaration du cobalt, du germanium et de la colombo‐tantalite « coltan » comme substances minérales stratégiques (novembre 2018), articles 3-6,

383 Code minier, article 242.

384 Décret n° 23/32 du 26 août, 2023 précisant les modalités de recouvrement et de répartition de la redevance minière, article 1,

385 Code minier, articles 283 à 285.

386 Van Haut, supra note 205, p.3.

387 Code minier, article 71-d.

388 Ibid., article 71 bis.

389 Van Haute, Supra note 205.

390 Code minier Article 251.

391 Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, JORDC, 55ème année, numéro spécial, 15 juillet 2002, article 241.

392 Code minier, article 342 bis.

393 Ibid., article 242.

394 Van Haut, Ibid., p.3.

395 Code minier, article 220.

396 Raf Custers, Congo : les multinationales inlassablement en opposition, (mars 2019)

397 Van Haute, Ibid., p.4.

398 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les réformes législatives en faveur des communautés locales au Nord-Kivu?

Le nouveau code minier contient plusieurs obligations pour les entreprises minières qui pourraient bénéficier aux populations locales, telles que la création de la contribution obligatoire au développement communautaire sur le chiffre d’affaires.

Comment le code minier de 2018 protège-t-il les droits des communautés locales?

Le code minier de 2018 introduit des éléments positifs en termes de développement communautaire et de transparence, suivant largement les recommandations de la société civile.

Pourquoi le code minier de 2002 a-t-il été remplacé?

Le code minier de 2002 a révélé des faiblesses et n’a pas su répondre aux attentes de recettes substantielles pour le développement économique et social de l’État.

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