Les conflits miniers au Nord-Kivu révèlent une réalité troublante : bien que les communautés locales soient souvent absentes des négociations, leurs droits sont systématiquement menacés. Cette étude met en lumière les enjeux cruciaux de l’exploitation minière et les mécanismes de protection indispensables pour garantir leur survie.
Les conflits entre divers acteurs du secteur minier
Les conflits autours de ressources naturelles du Nord-Kivu sont aussi l’œuvre des acteurs du secteur minier, c’est-à-dire sans intervention directe et ou indirecte des étrangers. Ils peuvent ne pas impliquer les communautés locales. Dans tous les cas cependant, ils les affectent.
Les conflits où les communautés locales ne sont pas parties
Le Nord-Kivu est considéré comme une zone grise155 car l’Etat de droit, la RDC, n’y a plus de contrôle de facto (c’est-à-dire dans la réalité concrète), mais seulement de jure (un contrôle juridique officiel et reconnu).156
L’Etat congolais est donc tellement impuissance, qu’il a du mal à pénétrer tous son territoire pour affirmer sa domination, laquelle est malheureusement assurée par des micro-autorités alternatives « les groupes armés». Ces défaillances de l’Etat congolais, a instauré son autorité sur tous son territoire fait de la RDC un état failli qui rend le Nord-Kivu « un espace de dérégulation sociale, de nature politique ou socio-économique »157
La défaillance de l’Etat c’est « l’incapacité partielle ou totale de l’Etat à offrir sa protection et les services minima qu’il doit en théorie prodiguer à ses citoyens. La défaillance peut être spatiale : une portion du territoire étatique échappant au contrôle du pouvoir central.»158 C’est exactement cela qui reflète la réalité du Nord-Kivu.
En effet bien qu’officiellement sous le contrôle de l’Etat congolais (Kinshasa), le Nord-Kivu n’est pas entièrement « de jure » contrôlé par Kinshasa. Les zones rurales de la province sont presque toutes contrôlées par divers groupes armés que Rosière qualifie de « guérilla ». 159
Il en existe plusieurs au Nord-Kivu. Nous pouvons citer en titre d’exemple: ADF NALU à Béni et Lubero; FPP/AP du général autoproclamé Kabido dans le Lubero, Rutshuru et Masisi ; UPLC du général autoproclamé Kilalo dans le Lubero, UPCP du général autoproclamé Lafontaine Sikuli dans le Lubero, NYATURA dans le masisi et Rutshuru, FDLR dans le masisi, walikale, Rutshuru et Nyiragongo, APCLS du général autoproclamé Janvier Karairi dans le masisi, NDC-RENOVE du général autoproclamé Guido Shimwiray dans le walikale, masisi et Lubero, M23 dans le Rutshuru, Masisi, Nyiragongo et Lubero
…etc. En tout cas c’est presque toute la province qui est occupée par les groupes armés. Pour ne parler que du M23, il est les plus actif actuellement, il a récemment pris la cité de Mushaki située à moins de 10 kilomètres du site minier de Rubaya.
Ces différentes milices parfois soutenues par les autorités congolaises s’affrontent régulièrement dans les zones minières et facilitent aussi le pillage systématique des ressources minières au Nord-Kivu. C’est notamment le cas à Lubero où le FPP/AP de Kabido et le NDC/Rénove de Guido s’affrontaient de temps en temps pour avoir le contrôle du site miniers de Musigha a Bunyatenge.
Même chose à Masisi où les groupes armés Nyatura présumé soutenu par la COOPERAMA s’immisçait dans le conflit qui opposait celle-ci a la SMB. A walikale par ailleurs, les Maï-Maï Cheka avaient attaqué les installations Alphamin, en détruisant plusieurs machines et foreuses à Bisie notamment en juillet 2014. Ces même Maï- Maï exploitaient des mines d’or et de diamants dans le territoire de Walikale.
Selon les dires autour de la rivière OSSO, Ces Maï-Maï Cheka actuellement appelées NDC/Rénove commandé par Guido Shimwiray, auraient des liens historiques avec des communautés locales de Walikale (les Banyanga), et des groupes de creuseurs artisanaux à Bisie.160
A cet effet, a walikale les conflits sont de diverses natures : d’un cote les communautés locales sous l’étiquette de groupes Maï-Maï s’attaquent aux installations de Alphamin Bisie Mining au motif que le site de Bisie serait l’œuvre de leurs découverte avant même que MPC (Mining processing company), l’ancien de Alphamin Bisie Mining n’ait obtenu son permis de recherche en 2006 ; de l’autre cote par ailleurs, les communautés locales sous l’étiquette de groupes armés toujours (NDC Rénove et mai-mai Simba, ou alors NDC Rénove et FPP/AP) s’affrontent pour avoir les contrôle des sites dans le Walikale au point que le gouvernement provincial avait suspendu les activités minières dans la région. 161Ainsi dans des milieux pareils le respect de droits de communautés locales ne peut être qu’une illusion.
Balingene Kahombo classe les conflits autours de minerais a trois types de conflits : ceux entre compagnies minières et creuseurs artisanaux ; ceux entre compagnies minières elles- mêmes et ceux entre compagnies minières et communautés locales.162
En premier lieu, il parle de conflits entre compagnies minières elles-mêmes qu’il illustre par le différend entre la SMB et la SAKIMA. En effet, la SMB accuse la SAKIMA de vendre illicitement les minerais extraits de son périmètre notamment par les membres de la COOPERAMA liée à la SMB par un accord de vente exclusive.
En novembre 2017, par exemple, la SAKIMA a accusé la SMB de vouloir s’approprier quelques 2.300 Kg de Coltan extraits du site de Kalungu dans la zone de Numbi, dans le territoire de Kalehe (Sud-Kivu). La SMB aurait prétexté que ces produits provenaient de ses sites à Rubaya, au Nord-Kivu.163 En novembre 2018, c’est au tour de la CDMC de protester contre la SMB en l’accusant de faire procéder à la saisie irrégulière de ses minerais sur ordre du Ministre provincial des mines du Nord-Kivu.
La cargaison des minerais saisis comprenait quelques 3.256 Kg de Coltan que la CDMC dit avoir régulièrement achetés auprès de la COOPERAMMA, qui, en application d’un accord qui la lie à la SAKIMA, les aurait extraits du périmètre de celle-ci.164 En deuxième lieu il parle des conflits entre compagnies minières et creuseurs artisanaux et enfin entre compagnies minières et communautés locales.
Ces deux types des conflits impliquent nécessairement les communautés locales de manière directe ou indirecte.
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155 Gaïdz, supra note 30, p.16. ↑
158 Rosière Stéphane, Dictionnaire de l’espace politique : géographie politique et géopolitique, Paris, Armand Colin, 2008, p. 96. ↑
160 Initiative d’ITRI pour la chaîne d’approvisionnement de l’étain (iTSCi), supra note 77, p.9. ↑
162 Kahombo, supra note 17, p.207. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux acteurs des conflits miniers au Nord-Kivu?
Les conflits autour des ressources naturelles du Nord-Kivu sont l’œuvre des acteurs du secteur minier, sans intervention directe ou indirecte des étrangers, et peuvent ne pas impliquer les communautés locales.
Comment l’État congolais contrôle-t-il le Nord-Kivu?
Bien qu’officiellement sous le contrôle de l’État congolais, le Nord-Kivu n’est pas entièrement contrôlé de jure par Kinshasa, car les zones rurales sont presque toutes contrôlées par divers groupes armés.
Quels types de conflits existent entre les communautés locales et les groupes armés au Nord-Kivu?
Les conflits sont de diverses natures, incluant des attaques des communautés locales sous l’étiquette de groupes Maï-Maï contre des installations minières, ainsi que des affrontements entre groupes armés pour le contrôle des sites miniers.