La décision participative en Afrique pourrait transformer radicalement l’efficacité des institutions de l’Union africaine. En révélant des approches innovantes, cette étude met en lumière l’importance d’impliquer les citoyens dans le processus décisionnel, avec des implications cruciales pour l’intégration régionale.
CHAPITRE 2 : MODALITES DE DECISION POUR DES NORMES EFFICACES
Au niveau de l’UA, les décisions sont prises par la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement sur proposition de la Commission, des experts nationaux, et après
examen par le Conseil exécutif. Ce qui diffère fondamentalement du schéma de
fonctionnement de l’Union européenne.
Pour améliorer l’efficacité de l’UA, il conviendrait de rendre le processus de prise de décision plus participatif et d’élargir la gamme des normes, allant des plus contraignantes aux simples avis.
Section première :
Processus de prise de décision davantage participatif
Il s’agira d’améliorer le processus de prise de décision en octroyant certains
droits d’initiative à la Commission dans un espace où les tâches à exécuter sont
clairement réparties entre les divers organes, pour mieux situer in fine les
responsabilités. De même, la participation des acteurs à la base que sont les élus
nationaux et les membres de la société civile africaine est à souhaiter.
Paragraphe premier : Processus décisionnel mieux structuré
L’Union africaine se compose de 55 pays ayant chacun un lourd héritage de problèmes et de difficultés sur tous les plans. La règle de la majorité ne signifie pas
systématiquement l’annulation du principe d’égalité entre les Etats, chaque pays
disposant d’une voix. Mais au niveau du fonctionnement de l’Union cela pourrait créer une perturbation dans la relation avec les puissances influentes au sein de l’Union.
Contrairement à l’Union européenne, l’Union africaine n’a pas cherché à créer
une sorte d’équilibre en reliant les voix à la puissance économique ou à la taille
démographique de certains pays. Dans un tel contexte, les organes techniques et
exécutifs ont le plus grand rôle à jouer, en termes de prises d’initiative et d’une claire
répartition des tâches à soumettre aux organes politiques pour faire progresser
l’intégration.
A- Pouvoirs d’initiative de la Commission
Dans le schéma de l’Union européenne, la Commission est, d’abord, le
« moteur de la politique de l’Union 44 ».
Elle est à l’origine de toute action de l’Union, puisque c’est à elle qu’il incombe de présenter au Conseil des propositions de normes juridiques de l’Union (« droit d’initiative » de la Commission).
La Commission n’accomplit pas cette tâche comme bon lui semble : elle est
tenue d’agir lorsque l’intérêt de l’Union l’exige. Le Conseil (article 241 du traité
FUE), le Parlement européen (article 225 du traité FUE) ainsi que, dans le cadre d’une initiative citoyenne, un groupe de citoyens de l’Union (article 11, paragraphe 4, du traité UE) peuvent aussi inviter la Commission à élaborer une proposition. Les compétences législatives légales dont la Commission dispose (par exemple en matière de budget de l’UE, de Fonds structurels, de lutte contre la discrimination fiscale ou de subventions et de clauses de sauvegarde) sont ponctuelles. Bien plus vastes sont, en revanche, les compétences législatives déléguées à la Commission par le Conseil et le Parlement européen pour l’exécution des règles qu’ils établissent (article 290 du traité FUE).
La question de la réforme institutionnelle de l’UA nous incite également à
reconsidérer la question des pouvoirs à conférer aux organes à vocation
supranationale, notamment la Commission de l’UA. C’est en effet un élément clé du succès de tout programme d’intégration, comme le montre l’expérience européenne. L’Acte constitutif de l’UA reste silencieux sur les pouvoirs de la Commission de l’UA.
Lors de la révision de l’Acte constitutif, il faudra trouver de manière créative des
modes permettant de combiner l’action autonome de la Commission (dans l’intérêt de l’Union) avec des mesures de renforcement de la confiance (afin de ne pas s’aliéner les États membres).
En termes plus pratiques, il s’agira d’étendre la capacité de la Commission de l’UA à prendre des « initiatives » (en accord avec son rôle de moteur du processus
d’intégration). Cet instrument sera particulièrement important lorsque des points «
urgents » des programmes d’intégration devront être traités malgré l’absence d’une
44 Klaus-Dieter BORCHARDT, L’ABC du droit de l’Union européenne, 2017, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2017, page 82
forte volonté politique des États membres. L’expérience européenne suggère que dans de tels cas, l’organe supranational est bien placé pour jouer un rôle de catalyseur afin de mettre ces questions à l’ordre du jour sans pour autant créer de menaces directes pour les États membres. Cette approche ne conduit pas à des résultats immédiats, mais
elle permet à la Commission d’investir dans un processus de suivi, de stimuler le
dialogue sur les questions concernées, d’ouvrir des opportunités d’action pour les États membres souhaitant aller de l’avant, et de créer les conditions permettant aux autres États membres de suivre le mouvement à une date ultérieure.
Il est à recommander que la Commission de l’UA puisse disposer de tel pouvoir
d’initiative, initiative législative et initiative budgétaire, pour prendre des décisions
dans l’intérêt général de la communauté africaine.
B- Répartition claire des tâches entre institutions
Mêmes avec les meilleures institutions, s’il n’y a pas une clarification claire de la répartition des rôles et la mise en place d’une interaction dynamique entre les divers acteurs et institutions, l’UA ne pourrait pas atteindre ses objectifs.
Pour réussir, l’intégration a besoin de mandats clairs, d’une répartition des
tâches et d’un partage des pouvoirs entre les acteurs (c’est-à-dire : la CUA, le Conseil
exécutif, le PAP, la Cour africaine de justice, la Conférence des chefs d’État,
l’ECOSOCC, etc.). Ce serait une erreur de simplement se concentrer sur le mandat, le
rôle et les capacités de la CUA. Il est essentiel au contraire d’avoir une vue
d’ensemble.
De manière similaire, il est tout aussi important d’aborder cette question en
tenant compte des différents niveaux africains de gouvernance (national, régional et
continental) et de chercher à faire le meilleur usage possible du principe de subsidiarité.
Il est particulièrement important d’éviter tout déséquilibre, à savoir une trop
grande concentration de pouvoirs au niveau régional, car ceci pourrait entraver
l’attribution de pouvoirs au niveau continental. L’exemple des APE est à ce titre
particulièrement instructif.
Tout ceci peut impliquer des changements dans la répartition des mandats, des rôles et des pouvoirs. Il pourrait par exemple être utile d’investir davantage dans des
politiques communes même si les pouvoirs correspondants ne sont pas entièrement
transférés à un organe central de coordination, de façon à mettre en place un partage
clair des responsabilités. La CUA doit être en position de surveiller et suivre les
progrès réalisés. De manière similaire, la Cour africaine de justice pourrait elle aussi
jouer un rôle plus important en tranchant entre les différents acteurs lorsque des
divergences d’opinion se font jour sur la mise en œuvre. En Europe, par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne a joué un rôle non négligeable en tant que l’un des facteurs d’équilibre entre les pouvoirs au sein du système, en aidant à clarifier les rôles et les accords entre institutions de façon à ce que l’intégration puisse aller de l’avant. Le contrôle démocratique est également d’une grande importance. A l’heure
actuelle, ce contrôle est surtout laissé à la CUA et aux États membres, mais ceci
devrait changer une fois que le Parlement panafricain et l’ECOSOCC auront renforcé leurs rôles et leurs capacités.
L’opinion générale actuelle est que les mécanismes de coordination
interinstitutionnelle de l’UA ne fonctionnent pas correctement et l’on se demande
pourquoi ces relations sont aussi difficiles. L’adoption d’une approche secteur par
secteur afin de déterminer la meilleure répartition des rôles et des responsabilités
pourrait permettre d’avancer, comme cela a été le cas en matière de paix et de sécurité.
D’autres secteurs présentent eux aussi un potentiel similaire, comme le
montrent par exemple le rôle joué par le MAEP en matière de gouvernance ou les
efforts entrepris pour créer une Unité Changement climatique au sein de la CUA.
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44 Klaus-Dieter BORCHARDT, L’ABC du droit de l’Union européenne, 2017, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2017, page 82 ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment l’Union africaine prend-elle ses décisions?
Au niveau de l’UA, les décisions sont prises par la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement sur proposition de la Commission, des experts nationaux, et après examen par le Conseil exécutif.
Pourquoi est-il nécessaire de rendre le processus décisionnel de l’UA plus participatif?
Il conviendrait de rendre le processus de prise de décision plus participatif et d’élargir la gamme des normes, allant des plus contraignantes aux simples avis.
Quels sont les pouvoirs d’initiative de la Commission de l’Union européenne?
La Commission est à l’origine de toute action de l’Union, puisque c’est à elle qu’il incombe de présenter au Conseil des propositions de normes juridiques de l’Union.