Les stratégies de mise en œuvre des amnisties révèlent des enjeux cruciaux dans le droit international des droits de l’homme. Cette étude met en lumière la tension entre clémence et justice, tout en proposant des mécanismes innovants pour protéger les victimes des violations des droits humains.
B- Les fondements des prescriptions pénales
La doctrine pénale française a dégagée plusieurs fondements à la prescription des peines qui, sont pour la plus part des fondements liés à l’étape de la poursuite des présumés auteurs des infractions. Deux fondements gouvernent ainsi la prescription des poursuites pénales, à savoir le fondement moral (1) et le fondement social (2).
Le fondement moral
Les fondements moraux des prescriptions pénales peuvent être considérés comme les plus anciens. Pour ce courant, le temps accorde un pardon moral aux auteurs des infractions qu’il faudrait oublier et ne pas prononcer les sanctions. Cette conception est considérée par J. PRADEL comme du « romantisme juridique »35 montrant que l’auteur d’une infraction serait déjà condamné par son angoisse à l’idée de penser que son acte lui vaudra une sanction. Ainsi, en attendant une punition légale, le fautif est déjà sanctionné, ce qui serait inutile de la sanctionner une nouvelle fois.
Cette théorie peut se justifier par plusieurs éléments. D’abord, le fait de commettre une infraction pousserait le fautif à se mettre en marge de la société, donc de vivre une vie solitaire afin d’échapper à la sanction légale et par conséquent ne plus commettre d’infraction. Ensuite, toujours dans la logique de la crainte d’être sanctionné, un remord va se créer sur l’individu et, le délai de prescription pénal serait un autre moyen de « sanction pénale indirecte »36.
Aussi, la période d’angoisse subit par le délinquant lui permettrait de retenir une leçon sur le respect de la vie sociale, ce qui le pousserait à se remettre sur le droit chemin. De ces arguments, il ressort que la prescription pénale est une arme efficace qui permettrait au droit pénal de résoudre les difficultés liées à l’application des peines.
Ce qui réjouit certains criminologues et pénalistes qui se sont plutôt rangé de ce côté37.
Le pardon moral qui gouverne cette conception voudrait donc que la loi fixe un délai de prescription de la peine, adapté à chaque infraction selon sa gravité.
Ces fondements sont toutefois remis en cause et critiqués par d’autres auteurs qui pensent que la prescription pénale est un frein pour le droit pénal et la société en général. En effet, des auteurs comme Garraud ou Prins, rejettent cette conception et demandent « comment le simple écoulement du temps pourrait parvenir à l’amendement du délinquant alors que la peine ne peut
35 J.PRADEL, Procédure Pénale, Cujas, 15ème ed., 2010, N°236, p.184 mais aussi R.MERLE et A.VITU, op. cit., N°50, p.66.
36 M-L.RASSAT, Procédure Pénale, PUF, 2ème ed., 1995, p.469
37 Voir A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.289
pas toujours atteindre ce but »38. Le droit pénal moderne, à travers sa doctrine, rejette également cette conception qu’elle qualifie de trop idéaliste du temps qui passe39.
Face à la réalité d’aujourd’hui, nous pouvons comprendre dans quelle mesure cette conception, bien que moralement satisfaisante, ne peut être mis en place. Déjà, l’idée de penser que la prescription pénale peut être un rédempteur pour le délinquant, nous emmène à parler après d’un repentir actif ce qui n’est pas équivoque quel que soit l’époque.
En effet, pour pouvoir se repentir d’un fait infractionnel il faut premièrement en être conscient et avoir agi volontairement. Ainsi, la rédemption à un comportement criminel ou délinquant ne vaudrait que pour une infraction intentionnelle. Bien qu’un certain sentiment de culpabilité puisse naitre d’une infraction non intentionnelle, le fait que ce type d’infractions relève d’une imprudence ou d’une faute qualifiée ne traduit pas la volonté d’un comportement particulièrement déviant pouvant s’amender par l’angoisse de la répression.
La sanction pénale ici aura plutôt pour fonction de mettre en avant les responsabilités du délinquant et non pas contrarier une volonté d’atteinte aux valeurs sociales de la société40.
Aussi, pour se repentir, il faut être conscient d’avoir commis une infraction. Dès lors, les personnes ayant commis des infractions de manière involontaire pourront se repentir puisque conscient de n’avoir commis aucun acte délictueux. Leurs fautes ayant créée une infraction pénale mais ils n’en savent rien. L’expiration des délais de prescription dans cette perspective ne punit pas d’une manière quelconque le fautif.
Enfin, tout semble à comprendre que ces conceptions ne prennent pas en considération le problème du récidive. Pour le Professeur Rassat, « l’absence de poursuites des premières infractions d’un individu a pu le renforcer dans un sentiment d’impunité et l’inciter, au contraire, à en commettre de nouvelles »41. Pour éviter que l’angoisse soit un élément guérisseur du délinquant, Madame Rassat ajoute que « l’absence de poursuite a empêché d’appliquer tout de suite à l’intéressé les mesures qui auraient été propres à le détourner de la
38 A.MIHMAN, ibid.
39 Voir J.PRADEL, op. cit., p.184 ; R.MERLE et A.VITU, op. cit., p.66 et 67 ; M-L.RASSAT, op. cit., p.469.
40 V. FOURMY, « Désordre de la prescription de l’action publique », Mémoire de master en droit pénal et science pénale. Faculté de droit, Université Paris II Panthéon –Assas. 2011.
41 M-L.RASSAT, op. cit., N°290, p.468
42 M-L.RASSAT, ibid
théorie sur l’expiation aussi générale « le temps n’étant pas le même pour tous43. Par ailleurs, il ajoute que la prescription profite aussi bien aux petits délinquants, lesquels sont les plus susceptibles de rentrer dans la norme, qu’aux grands malfaiteurs, ancrés dans un comportement déviant et nettement moins susceptibles de repentir44.
Les théories moralistes de la prescription pénale apparaissent comme des formes de réflexions considérées aujourd’hui comme dépassé. Si certains peuvent aujourd’hui accepter que les infractions soient parfois oubliées, il est de plus en plus difficile de concevoir cet oubli sur la base du remord et du repentir du délinquant. Ainsi, d’autres conceptions comme l’utilité sociale à la répression ont vu le jour et semble adéquat à la prescription.
Le fondement social
Plus actuel que les fondements moraux, les fondements sociaux ont tout de même un lien avec les premiers. En effet, les fondements sociaux de la prescription ont pour but de consolider la paix acquise avec le temps. Il est pour cette conception, pas normal de poursuivre des délinquants après un temps écoulé alors que les faits qui leurs sont reprochés ont perdu de traces dans la société. Ainsi, pour cette conception sociale, c’est l’impact social de l’infraction qui doit être visé. Dès lors qu’il cesse avec le temps, il ne convient plus de demander justice.
Le droit pénal dont la fonction est de sanctionner les troubles sociaux par une infraction, son but est celui de mettre en place une paix sociale. Toutefois, si par le temps, l’impact d’une infraction n’est plus visible, les effets de celle-ci sont oubliés, il ne serait pas nécessaire de recourir aux sanctions pénales puisque la paix et la sécurité sociale ont été restaurées d’elles même.
Comme le dit le Professeur Bouloc, « au bout d’un certain temps, mieux vaut oublier l’infraction qu’en raviver le souvenir »45. Si le temps a pour vertu de permettre à la société d’oublier l’infraction il serait alors inopportun de déclencher l’action publique tardivement car le déclenchement des poursuites aurait pour effet de rappeler à la société le trouble qu’elle a subi et ainsi « mettre en péril l’équilibre retrouvé46.
Les poursuites tardives dans cette perspective perdent leur rôle fondamental qui est de veiller sur la paix et la sécurité sociale. Ainsi, le Professeur Rassat affirme que « qu’il est inopportun de manifester aussi
43 J.PRADEL, op. cit., p.184
44 J. PRADEL, ibid. « la prescription est pernicieuse (…) Elle nuit à la protection de la société en profitant aussi bien aux grands malfaiteurs qu’aux petits délinquants alors que le temps ne saurait atténuer les dangers des premiers. »
45 B.BOULOC, Procédure Pénale, Dalloz, Coll. Précis, 22ème ed, 2010, N°203, p.173.
46 A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.288
spectaculairement l’inefficacité d’un système pénal qui met des années avant de se saisir des délinquants »47. La prescription serait ici un moyen de pardon permettant de mettre en place une paix sociale. Le législateur met en place un délai pour la restauration de la paix et de la sécurité sociale en fonction des infractions, tout en se basant sur la classification de celles-ci.
Les fondements sociaux, comme les fondements moraux ont également fait l’objet des critiques. D’abord, comment affirmer que l’impact de l’infraction s’atténue avec le temps et donc l’application de la prescription est possible alors même que la poursuite pénale n’a pas pour seul rôle de sanctionner, mais aussi de prévenir l’avenir ?
Comme pour les conceptions moralistes, l’acquisition de la prescription, résultant en l’impunité de l’auteur d’une infraction, n’assure pas son intention de ne plus récidiver dans son anti socialité. La paix sociale n’est dans cette perspective pas assurée par l’absence de poursuites. La prescription semble donc ici encore profiter aux délinquants de toute espèce sans pour autant les inciter à rentrer dans la norme.
Aussi, si l’opinion publique ne souffre plus de l’infraction, il n’en demeure pas moins qu’une atteinte lui a été portée et qu’ainsi il est nécessaire d’y apporter une réponse.
Par ailleurs, le pardon qui est certes un élément fondamental pour l’instauration de la paix et de la sécurité, n’est pas généralisé à tous les troubles car certains ne finissent pas. Chaque crime ne s’équivaut pas et cette affirmation est aussi valable pour les délits. Ainsi un génocide n’équivaut pas en termes de gravité un vol à main armée48 alors que ces deux infractions sont des crimes. Il ressort aujourd’hui que notre législation prend en compte ces différences de gravité entre infractions. Les crimes contre l’humanité dont le génocide fait partie, sont imprescriptibles49 alors que le vol aggravé donné en exemple se prescrit selon la règle de l’article 7 du Code de procédure pénale par dix années révolues.
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35 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
36 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
37 Voir A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.289 ↑
39 Voir J.PRADEL, op. cit., p.184 ; R.MERLE et A.VITU, op. cit., p.66 et 67 ; M-L.RASSAT, op. cit., p.469. ↑
40 V. FOURMY, « Désordre de la prescription de l’action publique », Mémoire de master en droit pénal et science pénale. Faculté de droit, Université Paris II Panthéon –Assas. 2011. ↑
41 M-L.RASSAT, op. cit., N°290, p.468 ↑
43 J.PRADEL, op. cit., p.184 ↑
44 J. PRADEL, ibid. « la prescription est pernicieuse (…) Elle nuit à la protection de la société en profitant aussi bien aux grands malfaiteurs qu’aux petits délinquants alors que le temps ne saurait atténuer les dangers des premiers. » ↑
45 B.BOULOC, Procédure Pénale, Dalloz, Coll. Précis, 22ème ed, 2010, N°203, p.173. ↑
46 A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.288 ↑
47 A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.288 ↑
48 Voir J.PRADEL, op. cit., p.184 ↑
49 Voir J.PRADEL, op. cit., p.184 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les fondements moraux des prescriptions pénales?
Les fondements moraux des prescriptions pénales considèrent que le temps accorde un pardon moral aux auteurs des infractions, suggérant qu’il serait inutile de prononcer des sanctions supplémentaires.
Comment le temps influence-t-il la sanction des délinquants selon la doctrine pénale?
La doctrine pénale suggère que le temps peut agir comme une ‘sanction pénale indirecte’, où l’angoisse du délinquant à l’idée d’une sanction légale pourrait le pousser à se remettre sur le droit chemin.
Pourquoi certains auteurs critiquent-ils la prescription pénale?
Des auteurs comme Garraud ou Prins critiquent la prescription pénale en demandant comment le simple écoulement du temps pourrait amender un délinquant, soulignant que la peine doit avoir un effet direct sur le comportement criminel.