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Comment l’autofiction influence-t-elle la politique dans ‘Les désorientés’ ?

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🏫 Université Batna 2 - Faculté des Lettres et des Langues Étrangères - Département de Langue et Littérature Françaises
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2016-2017
🎓 Auteur·trice·s
Mebarki Houssem Eddine
Mebarki Houssem Eddine

L’impact politique de l’autofiction se révèle surprenant dans l’œuvre d’Amin Maalouf, où l’hybridité entre autobiographie et fiction remet en question les conventions littéraires. Cette étude met en lumière comment l’expérience personnelle de l’auteur façonne un discours critique sur l’identité et l’exil, essentiel pour comprendre les enjeux contemporains.


  1. 2. Le contexte Professionnel :

Amin Maalouf est l’un des écrivains Libanais les plus connu dans les quatre coins du monde, il est considéré comme le défenseur de la paix et l’appel a la coexistence entre les peuples du monde, il commence à s’intéresser à l’histoire des anciennes civilisations. On trouve pratiquement dans ses ouvrages et ses publications la thématique de l’exil. Il était victime lui-même de cette blessure comme il l’appelle, il a pu la cicatriser et la guérir par le biais de l’écriture.

Il précise et décrit que si la douleur est oubliée, la blessure est là, que les événements ou les remords intimes se chargent de la réveiller quand elle commence à se cicatriser. Une blessure ne se proclame pas, elle se ressent, elle se devine entre elle et celui qui la porte. Il arrive qu’on révèle pour mieux dissimuler, et qu’on dissimule pour mieux dénoncer.

Le vécu et le passé de l’auteur le pousse à ce que l’on pourrait appeler « l’urgence d’écrire » :

« l’écrivain vit entre guillemets dés lors que sa vie est déchirée par l’exigence de créer, que le miroir se trouve déjà dans l’existence qu’il est supposé refléter. »215

Des propos qui renvoient à ce sentiment d’urgence dans lequel l’écrivain vit ; une question ouverte a été posée à Amin Maalouf « les écrivains exilés parlent de blessure sa réponse était ainsi :

« Ce n’est sans raison. c’est cela qui détermine le passage à l’écriture. L’encre, comme le sang, s’échappe forcément d’une blessure. Généralement, d’une blessure d’identité – ce sentiment douloureux de n’être pas à sa place dans le milieu où l’on a vu le jour ; ni d’ailleurs dans aucun autre milieu. »216

Son premier contact avec l’écriture était dans le journalisme où il a été engagé pour la première fois comme rédacteur en chef dans le principal quotidien de Beyrouth, An-Nahar,

215 DOMINIQUE Maingueneau, Le contexte de l’œuvre littéraire, p.47. Version PDF.

216 EGI Volterrani, Amin Maalouf, Autobiographie à deux voix op.cit.

ensuite à Paris dans le Jeune d’Afrique, le mot « journal » figure dans son livre voici les extraits qui illustrent :

« engagée par un groupe de presse européen pour diriger un mensuel de vulgarisation scientifique,(…) elle passait l’essentiel de son temps au journal » (p137).

« Est-ce que tu me permets de relater cette histoire dans mon journal ? » (p 426).

« je déduis de tes propos que tu es journaliste » (p 426).

Après le journalisme, Amin Maalouf a délaissé le journalisme pour se consacrer entièrement à l’écriture des romans, des essais et des opéras. Un changement de cap qui a apporté son fruit. Lauréat de prix Goncourt et d’autres consécrations, dont il a une notoriété mondialement connue transposant cette célébrité et cette réputation sur son personnage Adam par un passage démonstratif :

« L’étonnement d’Adam n’était pas sincère. Ce que lui disait Dolorès était l’exacte vérité. Il possédait, dans la communauté des historiens, une réputation à préserver, construite sur plusieurs décennies. On appréciait sa rigueur dans l’argumentation, sa minutieuse critique des sources, son objectivité de ton, son souci permanent d’être inattaquable, même par les plus teigneux de ses pairs… comment pourrait-il concilier ces qualités, qui faisaient de lui un historien respecté, avec son désir de raconter les tribulations existentielles d’une bande d’étudiants ? comment réagiraient ses vénérables collègues ? il les entendait déjà se gausser… » (p136)

L’autre caractéristique entre Amin Maalouf et son personnage est qu’ils travaillent sur deux textes à la fois sans jamais les publier ou ils resteront dans les tiroirs et l’oubli.

« il m’arrive de travailler deux ou trois mois sur un roman, puis épuisé, parce que je travaille sept jours sur sept et dix heures par jour, j’éprouve le besoin de m’interrompre, de prendre du recul par rapport au sujet, au texte déjà écrit. Alors, au lieu de m’arrêter de travailler, je change de sujet. je range tout ce qui concerne le livre en cours dans un pan de ma bibliothèque, j’ouvre un autre dossier… »217

217 EGI Volterrani, Amin Maalouf, Autobiographie à deux voix op.cit.

Cette faculté ou cette spécificité est présente dans le personnage Adam, ce dernier est penché sur une biographie d’un conquérant « Attila », et il le laisse à côté pour se consacrer à raconter sa vie d’autrefois et celle des amis à travers le dialogue suivant :

« Voilà, je suis à toi. Sémi m’a dit que tu travaillais bien. Un peu trop peut-être. »

« C’est vrai, je travaille bien. »

« Sur la biographie ? »

« Non, j’ai laissé Attila de côté, je suis sur autre chose. »

« Si tu travailles constamment sur autre chose, tu ne la finiras jamais, cette biographie. » (p135)

« Avec la mort de Mourad, j’ai eu envie de raconter l’histoire de mes amis, de ma jeunesse, de ce que les temps présents ont fait de nous. »

« Je comprends, il est normal que les nostalgies remontent à la surface à un moment pareil. Mais il me semble que tu t’égares… je te connais, Adam. Tu vas noircir des centaines de pages sur tes amis, mais tout ça restera indéfiniment dans les tiroirs… comprends-moi bien je ne te le dis pas de ne pas le faire. C’est une catharsis… » (p136)

« Et parenthèse, aussi, tout ce que j’éprouve le besoin de raconter sur ma jeunesse, sur mes amis ? Oui, sans doute, c’est le mot qui convient. Néanmoins, cette parenthèse, je n’ai pas l’intention de la refermer tout de suite. Même si elles devaient finir dans un tiroir, dans une oubliette, ces pages que je consacre à la mémoire de mes amis dispersés ont encore pour moi une raison d’être. » (p 139)

« Je suis censé avancer sur ma grosse biographie d’Attila que mon éditeur attend depuis quinze ans » (p91)

« Une ou deux fois, il m’a demandé où en était ma biographie d’Attila. J’ai dû répondre qu’elle en était toujours au même point – en chantier, ce qui veut dire en panne. » (p168)

En posant la question suivante à Amin Maalouf : Adam dit-il écrit une biographie d’Attila, Quel est l’enjeu ? Sa réponse était « Attila est un personnage historique qui m’a longtemps intrigué et j’avais même envisagé pendant un temps d’écrire un livre sur lui c’est pour cela que son nom apparaît dans le roman. »

Nous concluons que ni Amin Maalouf ni son personnage n’ont jamais publié ni complété la vie d’Attila.

Autre point commun entre l’écriture d’Amin et Adam est que les deux se basent sur l’histoire qui est leur passion. Amin Maalouf recourt à l’histoire dans ses écrits tels que « Les Croisades vues par les Arabes. » et dans « Les désorientés », dans ce roman qui nous intéresse l’auteur évoque quelques événements historiques et véridiques à titre d’exemple :

L’ascension de Gamal Abdel Nasser sur la tête du pays de l’Egypte et les biens des émigrés mis sous séquestre et furent confisqués. Ainsi la tentative de son assassinat par les groupes el IKWANES.

Ainsi, le personnage principal s’intéresse à l’histoire et évoque des événements véridiques le passage suivant confirme nos dires :

« On raconte qu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne, quand la nouvelle religion se répandait dans l’empire romain, certains patriciens s’arrangeaient pour retarder autant que possible leur conversion. Ne leur avait-on pas expliqué qu’au moment du baptême, tous leurs péchés seraient effacés ? Alors ils poursuivaient leur vie de débauche, pour se faire baptiser que sur leur lit de mort. » (p19)

« Jules César n’a jamais dit à Brutus : « Toi aussi, mon fils ? » ; Henri IV n’a jamais dit :

« Paris vaut bien une messe ! » – même s’il l’a indéniablement pensé ; son petit-fils Louis XIV n’a jamais dit : « L’Etat, c’est moi ! » (p109)

« Prenez garde : si vous ne vous occupez pas de politique, la politique s’occupe de vous. » Bien entendu, elle était attribuée, au gré des sources, à deux auteurs différents, contemporains de la Révolution française : l’un étant Royer-Collard, l’autre l’abbé Sieyès. » (p110)

« Haroun el-Rachid était calife, son empire s’étendait du Maghreb jusqu’aux Indes, mais il enviait son vizir Jaafar pour sa prospérité, et s’est acharné à le ruiner et à le déposséder. » (p273)

Nous avons tenté à travers ce va-et-vient comparatif de dresser les principales ressemblances et différences entre Amin Maalouf et Adam, et afin de les mieux expliciter, nous avons brossé un tableau où nous avons résumé les ressemblances. Ensuite, nous avons dégagé les points de divergence que nous avons également résumés dans un tableau.

      1. Les Points de convergences :

Amin Maalouf

Adam

  • Exilé en France.
  • Langue maternelle arabe.
  • Il vit à Paris.
  • Une confession grec-catholique.
  • Il a refusé de porter les armes lors de l’éclatement de la guerre de son pays.
  • Son premier roman Le prisonnier de Zenda .
  • Il aime la lecture et se passionne pour l’histoire.
  • Sa communauté est minoritaire.
  • Sa position envers la religion est confuse.
  • Les cheveux grisonnants.
  • Il aime sa grand-mère.
  • Parfaitement bilingue.
  • Timide et discret.
  • Il s’intéresse à la politique mais il n’a pas réussi à faire carrière.
  • Issu d’une famille intellectuelle et reconnue dans son pays.
  • Exilé en France.
  • Langue maternelle arabe.
  • Il vit à Paris.
  • Une confession catholique.
  • Il a refuse de porter les armes lors de l’éclatement de la guerre de son pays .
  • Son premier roman Le prisonnier de Zenda.
  • Il aime la lecture et se passionne pour l’histoire.
  • Sa communauté est minoritaire.
  • Sa position envers la religion est confuse.
  • Les cheveux grisonnant.
  • Il aime sa grand-mère.
  • Parfaitement bilingue.
  • Timide et discret.
  • Il s’intéresse à la politique mais il n’a pas réussi à faire carrière.
  • Issue d’une famille intellectuel et reconnu dans son pays.

Nous avons tenté à travers ce tableau de mettre au point la ressemblance entre le vécu d’Amin Maalouf et celui du personnage Adam. Cependant, il existe également des éléments qui ont été fictionnalisés par l’auteure, et que nous résumons dans le tableau ci-dessous :

      1. Les Points de divergences :

Amin Maalouf

Adam

-son pays le Liban.

  • son père journaliste.
  • il a fait des études en sociologies.

-écrivain et historien.

  • il a pris le bateau pour l’ile chypre, et il s’était envolé vers la France.
  • il a des sœurs.

-son épouse André et quatre enfant.

  • Amin Maalouf a visité son pays en 1994.
  • il parle du Levant.
  • son père gestionnaire.

-il a fait des études en histoire.

-historien et écrivains.

-il a pris le bateau pour l’ile de Paphos il s’envolait pour Paris.

  • il est le fils unique.
  • sa compagne Dolores et sans enfant.

-Adam a visité son pays en 2001.

En comparant les deux tableaux, nous remarquons qu’il existe des événements identiques entre Amin Maalouf et Adam. Cependant, Amin Maalouf a changé d’autres en laissant libre cours à son imaginaire, il a donc fictionnalisé quelques événements.

La mise en évidence de la présence des éléments à la fois réels et fictionnels dans Les désorientés est une preuve tangible de l’existence de ce pacte contradictoire, qui s’appelle le pacte autofictionnel. Avoir changé le nom du pays ou presque non-nommé ainsi l’auteur ne donne pas des lieux précis ni le nom de guerre, et les noms des personnages sont imaginaires et fictifs. C’est du travail de l’imagination de l’auteur cela pourrait être aux yeux du lecteur une contradiction, Philippe Lejeune affirme

« Pour que le lecteur envisage une narration apparemment autographique comme une fiction, comme une « autofiction », il faut qu’il perçoive l’histoire comme impossible ou incompatible avec une information qu’il possède déjà. »218

218 LEJEUNE Philippe, Moi aussi, Paris, Seuil, 1986, p.65.

Amin Maalouf déclare et avoue qu’il modifie et change voire maquille et déforme la réalité. Les événements sont mis en scène, les personnages ne sont pas les mêmes et que son univers ressemble à l’univers de son personnage :

« Je pense que c’est un moyen de se protéger de la réalité, ne pas nommer le pays même s’il est évident que c’est le Liban, ne pas nommer la ville, ne pas parler d’événements très précis qui situent le livre dans le temps et dans l’espace. C’est un livre qui parle de ma jeunesse mais indirectement, il n’est pas autobiographique, il a une apparence autobiographique à un contenu autobiographique. Je m’explique, il a l’apparence parce qu’il raconte une histoire d’un personnage

qui me ressemble un peu mais pas totalement, et le contenu c’est-à-dire l’univers dont lequel agrandisse le personnage ressemble à mon univers mais le reste est transformé, les personnages ne sont pas exactement les mêmes, les événements mis en scène quelques fois maquillés. »219

Nous lui avons posé la question suivante : Le roman est-il une autobiographie ou une autofiction ? Reflète-t-il votre jeunesse ? Sa réponse était ainsi :

« C’est avant tout un roman, avec des personnages imaginaires, même si le cadre où il se déroule s’inspire du pays où j’ai passé ma jeunesse. Les événements sont tous imaginaires, et les personnages également, bien qu’ils soient inspirés dans une certaine mesure par des faits et des personnes. »

Il a affirmé également que cette façon de marier les événements qu’il a réellement vécus et son imaginaire fécond, est une stratégie intelligente pour présenter au lecteur une nouvelle réalité, dont le fond est tiré de son vécu, mais qui est embellie par la liberté de la fiction.

A travers l’analyse précédente nous avons tenté de mettre en exergue la part du référentiel et du fictionnel dans le roman en inscrivant notre étude dans la conception de l’autofiction Doubroviskienne et de Vincent Colonna ainsi que de Gérard Genette, et nous avons tenté de montrer comment l’auteur a embrassé des données contradictoires pour donner naissance à une nouvelle réalité.

219 Fichier audio téléchargeable sur site : http://www.canalacademie.com/ida9661-Les-desorientes-un-livre-d-Amin-Maalouf.html.

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215 DOMINIQUE Maingueneau, Le contexte de l’œuvre littéraire, p.47. Version PDF.

216 EGI Volterrani, Amin Maalouf, Autobiographie à deux voix op.cit.

218 LEJEUNE Philippe, Moi aussi, Paris, Seuil, 1986, p.65.


Questions Fréquemment Posées

Comment Amin Maalouf utilise-t-il l’autofiction dans ‘Les désorientés’?

Amin Maalouf utilise sa propre expérience de jeunesse tout en intégrant une part de fictivité, remettant en question le pacte autobiographique traditionnel.

Quel est le lien entre l’exil et l’écriture selon Amin Maalouf?

Amin Maalouf affirme que l’écrivain exilé vit une ‘urgence d’écrire’ en raison de la douleur liée à l’exil, et que l’encre s’échappe d’une blessure d’identité.

Quelle est la carrière d’Amin Maalouf avant de devenir écrivain?

Avant de se consacrer à l’écriture de romans, Amin Maalouf a travaillé dans le journalisme, notamment comme rédacteur en chef dans le quotidien An-Nahar à Beyrouth.

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