Les perspectives futures de l’autofiction révèlent des enjeux inattendus dans la littérature contemporaine. En remettant en question le pacte autobiographique traditionnel, cette étude sur ‘Les désorientés’ d’Amin Maalouf offre des clés essentielles pour comprendre l’évolution de ce genre hybride.
2-2. « L’autofiction » selon Gérard Genette :
Dans fiction et diction, Genette distingue deux types d’autofiction, d’une part il évoque « les vraies autofiction – dont le contenu narratif est (…) authentiquement fictionnel »108 et
Il y inclut L’Alphe de Borges (1952) et la divine comédie de Dante (1555) ; des textes qui relève plutôt de l’invraisemblable et du fabuleux ; d’autres part, il qualifie de « fausses autofictions »109 QUOI ? que pour la douane : autrement dit, autobiographies honteuses :
« c’est moi et ce n’est pas moi »110 balbutie l’auteur .
Genette trouve absurde le pacte énoncé par les fausses autofictions et pour ainsi les qualifier il parle « d’entreprise boiteuse » 111
Pour débrouiller l’écheveau des significations de ce néologisme, Philippe Gasparini, dans Autofiction, une aventure du langage, propose de distinguer entre autofabulation, autofiction et autonarration.
- L’autofabulation : inclut cette catégorie de textes cite par Gérard Genette et Vincent Colonna, des textes ou l’auteur se projette dans des situations imaginaires, voire fabuleuses et invraisemblables.
- L’autonarration : désignerait un archi-genre : « elle recouvre des textes strictement autobiographiques, obéissant a une stratégies d’ambiguïté générique plus ou moins retorse »112
- L’autonarration correspondrait a ce que Lejeune nomme « l’Espace autobiographique » c’est-à-dire l’ensemble des journaux , des correspondances , des essaies , des textes autobiographiques et romanesques qui déclinent l’image de l’auteur .
107 SERGE Doubrovsky, « autobiographie/vérité/psychanalyse », dans Autobiographiques : de Corneille à Sartre, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1988, p.70, cité par Gasparini, Est-il je?, Paris, Seuil, 2004, p.23.
108 GENETTE Gérard, Fiction et diction, Paris, Seuil, 1991, p. 87.
109 Ibid .p86-87.
110 Ibid .p.87.
111 Ibid. .86-87.
112 GASPARINI Philippe. (2008), Autofiction, une aventure du langage, Paris, Seuil p.312-313.
- Quand a l’autofiction pour Gasparini : elle désigne des textes qui se distingueraient surtout par leur mode de narration , par leur style d’écriture : « texte autobiographique et littéraire présentant de nombreux traits d’oralité, d’innovation formelle , de complexité narrative , de fragmentation , d’altérite ,de disparate et d’autocommentaire qui tendent a problématiser le rapport entre l’écriture et l’expérience. » 113
Comme on peut le remarquer, ces définitions De l’autofiction se recoupent par la présence de certains critères comme l’homonymat de l’auteur, narrateur, personnage ; l’innovation formelle, l’entremêlent du référentiel et du fictionnel.114
2-3. « L’autofiction » selon Vincent Colonna :
Colonna propose une définition qui s’écarte énormément de celle de Doubrovsky :
« La fictionnalisation de soi consiste a s’inventer des aventures que l’on attribuera, a donner son nom d’écrivain a un personnage introduit dans des situations imaginaires. En outre, pour cette fictionnalisation soit totale, il faut que l’écrivain ne donne pas cette invention une valeur figurale ou métaphorique, qu’il n’encourage pas une lecture référentielle qui déchiffrait dans le texte des confidences indirectes »115
Il définit l’autofiction comme : « une œuvre littéraire par laquelle un écrivain s’invente une personnalité et une existence, tout en conservant son identité réelle » 116
Donc, pour Colonna l’autofiction s’appuie sur la triade (auteur= narrateur= personnage) tout en ancrant l’histoire dans un univers purement fictif et qui ne fait pas même pas allusion au réel.
113 GASPARINI Philippe. (2008), Autofiction, une aventure du langage, Paris, Seuil p.311.
114 AWTIF Beggar , l’autofiction : un nouveau mode d’expression autobiographique ,université Moulay Ismail (Meknès),op.cit , p.126.
115 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, thèse inédite, dirigée par Gérard Genette, EHESS, 1989, p.03.
116 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.30.
Il distingue, par ailleurs, quatre autofictions :
- L’autofiction fantastique : l’écrivain est au centre du texte comme dans une autobiographie
« c’est le héros » mais il transfigure son existence et son identité, dans une histoire irréelle, indifférente a la vraisemblance.117
- l’autofiction réfléchissante « spéculaire » : l’auteur ne se trouve plus forcement au centre du livre , il n’occupe qu’un petit rôle, une silhouette a la Hitchcock traversant ses films.118
- l’autofiction intrusif : ou l’avatar de l’écrivain est un récitant, un raconteur ou un commentateur 119
- l’autofiction biographique : l’auteur est le pivot de son livre, il raconte sa vie mais il la fonctionnalisé en la simplifiant, en la magnifiant ou, s’il est maso, en en rajoutant dans le sordide et l’autoflagellation 120
« L’écrivain affabule son existence à partir de données réelles, reste au plus près de la vraisemblance et crédite son texte d’une vérité au moins subjective – quand ce n’est pas davantage. Certains littéraires revendiquent une vérité littérale et affirment vérifier dates, faits et noms.
D’ autres, quittent la réalité phénoménale (le personnage est un bébé qui porte le patronyme de l’ auteur), mais restent plausibles , évitent le fantastique; font en sorte que le lecteur comprenne qu’ il s’ agit d’un mentir-vrai, d’une distorsion au service de la véracité.
Un noyau narratif élémentaire est exhibé comme véridique et comme l’axe du livre, sur le modèle de quelques précédents historiques. [ … ] Mécanisme du mentir-vrai: l’auteur modèle son image littéraire, la sculpte avec la liberté que la littérature intime ne permettait pas »121
Notant que ce dernier type de l’autofiction, proposé par Colonna , l’autofiction biographique est l’acception la plus répandu de nos jours.
117 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.75.
118 Colonna cité par : Corinne Durand Degranges, L’autofiction, synthèse en ligne : http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=736.
119 Ibid., p.135.
120 Colonna cité par : Corinne Durand Degranges, L’autofiction, synthèse en ligne : http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=736
121 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.93.
Dans son « essai sur la fictionnalisation de soi en littérature »122 , Vincent Colonna recense quatre caractéristiques mises au point par S. Doubrovsky esquissant un tableau a la fois fonctionnel, thématique, formel et générique d l’autofiction.
Elle permettrait a chacun de raconter sa vie dès lors qu’il l’a dote des atours de la fiction et elle partagerait avec d’autres formes de l’écriture de soi une certaine authenticité du vécu qui est rapportée.
L’autre authenticité « serait inscrire avant tout au cœur du langage du sujet écrivant, dans la production de son écriture »123 elle serait également moderne mais non exempte d’un certain romantisme et surtout inédite en son genre ; quoi que ce dernier point paraisse discutable au vu du volume et du passé des autofictions publiées depuis longtemps.
Suivant la typologie de Colonna, l’autofiction contemporaine est la seule qui colle à la vision qu’avait Doubrovsky du genre au moment de la création du néologisme et ce , même s’il est évident que les deux auteurs ne partagent pas la même opinion quant a sa valeur , sa nouveauté et sa spécificité.
Les autres types d’autofiction semblent correspondre au degré des romans autobiographique dont parlait Lejeune. Chose certaine, les autofictions qualifiées de fantastiques, d’intrusives et de spéculaires ne font pas l’unanimité quant a leur inclusion dans le genre autofictif .pour toutes ces raisons, nous nous attarderont donc uniquement sur les caractéristiques autobiographique.124
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107 SERGE Doubrovsky, « autobiographie/vérité/psychanalyse », dans Autobiographiques : de Corneille à Sartre, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1988, p.70, cité par Gasparini, Est-il je?, Paris, Seuil, 2004, p.23. ↑
108 GENETTE Gérard, Fiction et diction, Paris, Seuil, 1991, p. 87. ↑
112 GASPARINI Philippe. (2008), Autofiction, une aventure du langage, Paris, Seuil p.312-313. ↑
113 GASPARINI Philippe. (2008), Autofiction, une aventure du langage, Paris, Seuil p.311. ↑
114 AWTIF Beggar , l’autofiction : un nouveau mode d’expression autobiographique ,université Moulay Ismail (Meknès),op.cit , p.126. ↑
115 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, thèse inédite, dirigée par Gérard Genette, EHESS, 1989, p.03. ↑
116 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.30. ↑
117 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.75. ↑
118 Colonna cité par : Corinne Durand Degranges, L’autofiction, synthèse en ligne : http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=736. ↑
120 Colonna cité par : Corinne Durand Degranges, L’autofiction, synthèse en ligne : http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=736 ↑
121 COLONNA Vincent, L’autofiction, essaie sur la fictionnalisation de soi en littérature, op. cit, p.93. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’autofiction selon Gérard Genette?
Selon Gérard Genette, l’autofiction se divise en deux types : les vraies autofictions, qui sont authentiquement fictionnelles, et les fausses autofictions, qui se caractérisent par un pacte autobiographique absurde.
Comment Philippe Gasparini définit-il l’autofiction?
Philippe Gasparini définit l’autofiction comme des textes autobiographiques et littéraires qui présentent des traits d’oralité, d’innovation formelle, de complexité narrative, et qui problématisent le rapport entre l’écriture et l’expérience.
Quelle est la vision de Vincent Colonna sur l’autofiction?
Vincent Colonna définit l’autofiction comme une œuvre littéraire où un écrivain s’invente une personnalité et une existence tout en conservant son identité réelle, sans allusion au réel.