L’écologie et innovation technologique révèlent une interconnexion surprenante entre la théologie et la crise écologique actuelle. En revisitant les enseignements de Saint François d’Assise, cet article propose des solutions novatrices pour rétablir l’harmonie entre l’homme, la nature et le Créateur, essentielle à notre survie collective.
3. L’écologie et la libération intégrale chez Jean Marc Ela
Ce théologien camerounais met l’homme au centre de sa réflexion théologique et écologique. Il faut retrouver les ressources tant évangéliques qu’anthropologiques pour proposer une éco-théologie qui favorise la libération de l’homme et l’harmonie cosmique. La question de l’écologie est d’autant plus pertinente pour la théologie africaine que la survie de de l’homme et de l’univers en dépend.
Il est urgent donc de ressaisir le rapport de l’homme au cosmos « afin de mieux cerner les nouveaux appels de la foi et de l’évangile au moment où précisément, la survie de l’humanité est en péril en raison de danger graves qui pèsent sur l’ensemble de la création »508. Autour de ce défi majeur, l’auteur constate qu’il y a une nouvelle conscience qui émerge.
« Il s’agit pour lui d’une prise de conscience historique et du temps de réveil des chrétiens et des Eglises qui doivent s’interroger sur ce qui reste de la Genèse aujourd’hui »509. Il est donc impératif pour la théologie africaine « de tenir comme exigence évangélique la protection de la beauté du monde qui est en réalité le premier don de Dieu à l’être humain »510.
Face à ce défi, Jean-Marc Ela propose le dépassement de l’écologie de l’âme et rejoint Kä Mana en soutenant que c’est la théologie de vie511 qu’il faut mettre en œuvre aujourd’hui. Il fonde donc sa réflexion sur la Bible et mène une réflexion sur les rapports entre la foi et l’environnement avec le souci de dialogue avec la spiritualité africaine.
Un enjeu de pouvoir
Tout en reconnaissant les efforts fournis par les États, en faveur de l’environnement, Ela constate que l’affaire s’est transformée en un vaste champ de bataille où les plus puissants font prévaloir leurs intérêts. L’échec de plusieurs sommets512 sur le climat est une belle illustration de ce que l’auteur appelait déjà un ‘enjeu de pouvoir’. À tous ces banquets « des grands », l’Afrique assiste impuissante et se plaît à crier au secours. Dans ce contexte, non seulement le continent africain subit gravement les effets du modèle économique néolibéral non respectueux de l’environnement, « mais aussi les
grandes régions d’Afrique qui regorgent des richesses convoitées et exploitées par les pays riches sont pratiquement condamnées à la misère et comme en marge du monde »513 À partir de ce paradoxe africain, l’auteur situe la problématique environnementale dans l’axe de rapport entre riches et pauvres.
Cependant, selon J.-M. Ela, « les problèmes de la terre ne relèvent pas seulement des luttes sociales et du champ politique. Ils touchent plus profondément l’éthique et le religieux »514. Qui confesse le Dieu Créateur du ciel et de la terre ne saurait rester sans inquiétude au moment où la création est menacée en Afrique. Ainsi, la recherche d’un christianisme africain doit s’articuler avec les débats actuels sur l’environnement. « Plus concrètement, il s’agit de voir comment parler de Dieu à partir de l’univers menacé, pollué ou détruit »515.
3.2. L’homme africaine et le péché contre la terre516
J.-M. Ela fait remarquer « que dans l’ensemble, les Églises d’Afrique ne sont pas très sensibles au défi de l’environnement »517. Il constate que ce sujet n’existe pas dans l’index thématique fait par Maurice Cheza des interventions des évêques africains dès 1969 à 1992 »518. Selon lui, dans les messages des évêques africains rien ne laisse imaginer que les atteintes à la terre soient un enjeu primordial pour l’engagement des chrétiens en faveur de la justice. En l’occurrence, au synode des évêques africains en 1994 seuls deux interventions ont évoqué le problème lié à l’environnement naturel. Il s’agit de Mgr. Paul Rukoza, Evêque de Kigoma en Tanzanie et Mgr. Emmanuel Wamala, archevêque de Kampala en Ouganda.
Pour l’évêque tanzanien, la prédication ne peut pas se passer du sens du péché,
« en particulier celui du péché social ou structurel »519. Ce péché est particulièrement visible dans la dégradation causée à la création à travers un déboisement incontrôlé, la pollution de l’air et de l’eau. Ce prélat affirme que « l’injustice faite à la création est une injustice faite aux générations avenir, un véritable péché contre la terre »520. Pour l’évêque ougandais « la situation précaire du continent oblige à reconnaître la protection de l’environnement comme une préoccupation centrale de la mission des chrétiens et des Eglises d’Afrique »521.
On le voit, ces deux interventions fortes des prélats du continent montrent qu’aujourd’hui, la mission de l’Église doit être redéfinie à partir du cri de la terre d’Afrique. Pour J.- M. Ela « le dessein de Dieu pour le salut de l’Afrique »522 ne peut se réaliser sans que ne change en profondeur l’état de l’environnement naturel. La crise écologique met en lumière une dimension manifeste du péché du monde et elle est une preuve « qu’aucune promotion humaine n’est possible sans une intégrité préalable de la création »523. Il revient à la théologie africaine d’élucider cette problématique.
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508 J-M, ELA, Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Karthala, 2003, p.118. ↑
510 Ibidem. Plusieurs passages bibliques en témoignent, tels que : (Gn 1,1 ; Jn 1, 1-3 ; Col 1,16) ↑
511 Comme nous l’avons déjà indiqué c’est Ka Mana qui développe cette théologie, la rencontre du Conseil Œcuménique des Eglise qui s’est tenue à Bale du 15 au 21 mai 1989 pour traiter de justice, de paix et de la sauvegarde de la création, avait indiqué que les Eglises ne devaient plus se limiter à une écologie de l’âme. C’est une manière d’insister sur l’écologie de l’engagement pour la vie dans sa globalité et pour toutes les composantes du cosmos. ↑
512 Ces échec se sont manifestés dans les Conférences de Stockholm de Rio en 1992, de Kyoto en 1997, celle de la Haye en 2000 et plus récemment la COP21 qui a celle l’accord de Paris en 2015. En voici l’historique : En 1992, plus de 178 pays se rencontrent à Rio de Janeiro pour la conférence décennale de l’ONU sur l’environnement et le développement. ↑
Des avancées significatives sont ainsi faites, comme la signature de la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement qui donne une définition « officielle » du développement durable. La machine est alors lancée : chaque année, les pays ayant signé la convention sur le climat du sommet de Rio se retrouveront pour trouver des solutions concrètes pour lutter contre le changement climatique : c’est la fameuse « conférence des parties » qui prendra place chaque année dans une ville différente.
Des acteurs non gouvernementaux y prendront aussi place (ONG, entreprises, villes, citoyens etc.) afin de représenter aux mieux la société qui doit lutter contre le changement climatique. Consulté sur https://www.compteco2.com/article/historique-cop-conference-des-parties/ le 06 juin 2019.
513 J.-M, ELA, op.cit. p.120. ↑
516 C’est Mgr. Paul Ruzoka, évêque de Kigoma en Tanzanie, qui a utilisé l’expression « péché contre la terre », dans son intervention au synode africain de 1994. Jean Marc Ela constate qu’au synode de 1994, deux ans après le sommet mondial de la terre à Rio, sur deux cents dix interventions en assemblée plénière, deux seulement ont porté explicitement sur l’environnement. Cela indique le peu d’intérêt que les pères synodaux accordaient à ce sujet à l’époque, pourtant d’une actualité brulante. Cf. Ibidem, p. 121. ↑
517 J-M, ELA, op.cit. p. 121. ↑
518 M. CHEZA, Le synode africain. Histoire et textes, Paris, Karthala, 1996, p. 260. ↑
519 JEAN PAUL II, Lettre encyclique Sollicitudo Rei Socilalis, à l’occasion du vingtième anniversaire de l’encyclique Populorum Progressio, n° 39. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la thèse de Lynn White Jr. sur la crise écologique?
La thèse de Lynn White Jr. attribue les racines historiques de la crise écologique à l’anthropocentrisme du christianisme occidental.
Comment Jean Marc Ela relie-t-il l’écologie et la théologie?
Jean Marc Ela met l’homme au centre de sa réflexion théologique et écologique, proposant une éco-théologie qui favorise la libération de l’homme et l’harmonie cosmique.
Pourquoi l’écologie est-elle un enjeu majeur pour la théologie africaine selon Jean Marc Ela?
Ela souligne que la survie de l’homme et de l’univers dépend de la question écologique, et il est impératif pour la théologie africaine de protéger la beauté du monde, premier don de Dieu à l’être humain.