L’analyse comparative de la création révèle des perspectives inattendues sur la crise écologique actuelle, mettant en lumière l’anthropocentrisme du christianisme occidental. Cette recherche propose des approches novatrices, inspirées par Saint François d’Assise, pour rétablir l’harmonie entre l’homme, la nature et le Créateur.
La perspective patristique de l’éco-théologie chez Willy LIBAMBU.
L’auteur présente son ouvre comme une recherche des fondements du discours théologique qui puisse intégrer la question du rapport entre cosmo-théologie et anthropo-théologie. Pour y parvenir, il soutient qu’une place de choix doit être accordée « aux Pères de l’Eglise considérant surtout leur contribution à l’histoire de la théologie, notamment à la
465 P. POUCOUTA, art.cit., p.179.
466 Ibidem, p. 179.
467 Ibidem, p. 181-182
468 Ibidem ,p. 182.
469 D. MULLER, De quel droit la théologie se mêle-t-elle de l’écologie ? dans A. BLANCY, (e.a.) Ecologie et Création, n°214, (1993), p.75.
doctrine de la création »470. Parmi les Père de l’Eglise, Augustin reste pour l’auteur, le maître incomparable qui a concilié plus que les autres le rapport entre ontologie et histoire. Dans sa contribution l’auteur veut donc mettre en valeur la doctrine augustinienne de la création en soulignant ses rapports avec le discours théologique sur l’écologie.
Saint Augustin et la cité de Dieu
Selon l’auteur, la notion de la cité de Dieu est employée par St Augustin pour signifier le projet salvifique intégral de Dieu sur l’homme et sur l’univers. « Cette expression vient à point nommé pour souligner et symboliser la venue du royaume de Dieu sur terre »471. Dans cette ligne de pensée on doit nécessairement rattacher le discours sur la création du monde à la bonté du Créateur.
L’origine du monde et le temps de la création
L’auteur affirme que la théologie augustinienne de la création s’élabore en réaction contre des philosophes païens sur l’origine du monde et le temps de la création. « Il s’agit surtout d’une réaction contre les néoplatoniciens qui professent la théorie de l’éternité du monde »472. L’hypothèse que le monde soit incréé constituait la base de discorde entre les chrétiens et les néoplatoniciens car cela doit conduire nécessairement à l’affirmation de la nécessité du monde.
Pour Augustin, « prétendre que le monde est éternel sans aucun commencement, et qu’il n’a donc pas été fait par Dieu, c’est tourner complétement le dos à la vérité et être en proie de la folie mortelle »473. Pour guider les croyants vers la foi orthodoxe et répondre aux adversaires païens et hérétiques, Augustin se remet à la vérité des témoignages des Ecritures en raison d’inspiration divine.
Le maître africain rejette aussi catégoriquement l’idée d’un temps antérieur à la création. « Il est incontestable que monde a été fait non dans le temps (in tempore), mais avec le temps (com tempore) […], puisqu’en créant le monde, Dieu a créé en lui le mouvement successifs »474. Affirmer que la création a été faite avec le temps signifie que même le temps fait partie de la création.
470 M-W. LIBAMBU, art.cit., p. 187-207.
471 Ibidem, p.188.
472 Ibidem.
473 Cf. AUGUSTIN, Civitate Dei, XI, 4,2. Cité par M.W. LIBAMBU, art.cit., p. 192.
474 Cf. Ibidem, XI, 6. Cité par M.W. LIBAMBU, art.cit., p. 193.
La raison de la création : la bonté du créateur
Le pasteur d’Hippone affirme que Dieu en tant que Créateur du monde, ne peut être que bon. Précisément, cela veut dire que « la bonté constitue l’être et la nature même de Dieu comme un attribut transcendantal »475. L’homme n’y accède que par participation. Pour l’auteur, même le diable avait était créé bon mais il s’est perverti par volonté.
Il est donc mauvais par volonté (voluntate sua malus) et non par la nature (institutione illius bonus) »476. Augustin s’inspire par le récit de la création d’après la Genèse où la formule sur la bonté de Dieu est mise en exergue : … et Dieu vit que cala était bon (Gn 1,3).
Cette parole est une approbation de l’œuvre bonne accomplie selon la Sagesse divine.
Pour étayer sa doctrine, Saint Augustin introduit la notion de la Trinité dans le discours sur la nature du Dieu Créateur. Pour lui « c’est en raison de l’unité substantielle des personnes divine que l’on doit déduire que la bonté de la Trinité est la raison majeure de la création »477. Il identifie donc la bonté à la sainteté divine qui concerne chaque personne de la Trinité entièrement et distinctement. Ainsi, la bonté de la Trinité équivaut la sainteté de la Trinité. C’est l’immense bonté de Dieu qui le pousse à créer et celle-ci est caractéristique des trois personnes trinitaires. Cette affirmation constitue la quintessence de l’affirmation augustinienne sur la création.
Les tâches du discours théologique sur l’écologie.
L’auteur présente ensuite les tâches majeures du discours théologique sur la question écologique qui se présente comme les lignes de recherche proposées par la théologie augustinienne de la création. Il s’agit surtout du lien entre cosmologie et anthropologie, ainsi que la participation à l’œuvre créatrice de Dieu.
Le lieu entre cosmologie et anthropologie
Selon Saint Augustin « l’approche globalisante de la création doit nécessairement établir le rapport entre la nature et l’homme »478. C’est un lien qui est bien exprimé dans le récit de la création. L’exégèse patristique a suffisamment établi un lieu entre (Gn 1, 1-2) et (Gn 1, 26). « Dans cette perspective anthropologique, l’homme créé à l’image et à la
475 Cf. F. VON RINTELE, Bonitas creationis. Bonitas Dei, in Gioranale de Metafisica n° 9, (1954), p. 533. Cité par M-W. LIBAMBU, art.cit., p.195.
476 AUGUSTIN, Civitate Dei, XI, 20. Cité par M-W. LIBAMBU, art.cit., p.195.
477 M-W. LIBAMBU, art.cit., p.195.
478 Ibidem, p. 201.
ressemblance de Dieu doit s’accomplir dans l’usage judicieux de la nature »479. Ainsi la nature devient l’occasion pour louer le Créateur. Cette ressemblance ne se trouve pas dans la partie physique de l’homme mais dans son âme. Il faut donc retrouver l’homme intérieur à l’aide de trois certitude de l’esprit à savoir : « être, connaître et aimer (esse, nosse et diligere) dont les vestiges demeurent encore présents en l’homme, image de Dieu trinitaire »480. L’écologie renvoie l’homme à la dimension ontologique de toute créature et la valeur de l’homme dépend nécessairement de ce qu’il est devant le Créateur.
La participation à l’œuvre créatrice de Dieu.
Pour Saint Augustin, « le fondement ontologique de toute écologie, c’est la participation de l’homme à l’œuvre créatrice de Dieu »481. Ceci est en même temps un rappel de fidélité à la narration biblique du récit de la création et de la confession de foi au Créateur tout-puissant dans le Credo.
On le voit, dans cette perspective, l’éco-théologie augustinienne constitue le garde-fou contre le paganisme issu de l’orgueil humain face à la modernité. D’après St Augustin, « toute vraie science doit conduire à la connaissance de Dieu, fondateur de la cité céleste dont l’œuvre créatrice dépasse toute sagesse humaine »482. Ainsi pour l’auteur, l’éco-théologie augustinienne a pour tâche de rappeler à l’homme sa responsabilité vis-à-vis le Créateur et du monde.
Toutefois, le progrès de l’art et de la science ont souvent conduit l’homme à se détourner de Dieu, cessant de travailler ainsi à l’événement de la cité céleste.
Pour conclure, l’auteur propose une affirmation centrale d’Augustin : « le discours théologique sur l’écologie est fondé sur la révélation chrétienne, c’est-à-dire la manifestation du dessin de Dieu sur les hommes dans le Christ grâce à l’Esprit Saint »483. Cette manifestation fondamentalement trinitaire est sans cesse soumise à l’effort herméneutique de l’appropriation suivant l’évolution du contexte. Ainsi, par son statut épistémologique, « l’éco-théologie est une discipline fondamentalement herméneutique pour actualiser les fondements de la doctrine de la création face à l’évolution des sciences du cosmos »484. Il faut toujours tenir compte de la triple question de la cause, de l’usage et
479 Ibidem, p. 203.
480 AUGUSTIN, De Trinitate IV, 21,30. Cité M-W. LIBAMBU, art.cit. p.203.
481 M-W. LIBAMBU, art.cit. p. 202.
482 Ibidem, p. 203.
483 Ibidem, p.206.
484 Ibidem, p. 207
de la finalité de la création à la lumière du donné révélé. C’est en intégrante cette perspective, que la paix cosmique pourra être retrouvée.
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465 P. POUCOUTA, art.cit., p.179. ↑
469 D. MULLER, De quel droit la théologie se mêle-t-elle de l’écologie ? dans A. BLANCY, (e.a.) Ecologie et Création, n°214, (1993), p.75. ↑
470 M-W. LIBAMBU, art.cit., p. 187-207. ↑
473 Cf. AUGUSTIN, Civitate Dei, XI, 4,2. Cité par M.W. LIBAMBU, art.cit., p. 192. ↑
474 Cf. Ibidem, XI, 6. Cité par M.W. LIBAMBU, art.cit., p. 193. ↑
475 Cf. F. VON RINTELE, Bonitas creationis. Bonitas Dei, in Gioranale de Metafisica n° 9, (1954), p. 533. Cité par M-W. LIBAMBU, art.cit., p.195. ↑
476 AUGUSTIN, Civitate Dei, XI, 20. Cité par M-W. LIBAMBU, art.cit., p.195. ↑
477 M-W. LIBAMBU, art.cit., p.195. ↑
480 AUGUSTIN, De Trinitate IV, 21,30. Cité M-W. LIBAMBU, art.cit. p.203. ↑
481 M-W. LIBAMBU, art.cit. p. 202. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la thèse de Lynn White Jr. sur la crise écologique?
Lynn White Jr. attribue les racines historiques de la crise écologique à l’anthropocentrisme du christianisme occidental.
Comment Saint Augustin contribue-t-il à la compréhension de la création?
Saint Augustin est considéré comme le maître incomparable qui a concilié le rapport entre ontologie et histoire, mettant en valeur la doctrine de la création.
Quelle est la raison de la création selon Saint Augustin?
Pour Saint Augustin, la bonté constitue l’être et la nature même de Dieu comme un attribut transcendantal, et l’homme n’y accède que par participation.