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Quelles approches méthodologiques pour une théologie de la création innovante ?

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🏫 Université Catholique du Congo - Faculté de Théologie
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licencié (Master/LMD) - 2018-2019
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Les approches méthodologiques en théologie révèlent des perspectives inattendues sur la crise écologique actuelle. En s’appuyant sur l’exemple de Saint François d’Assise, cette recherche propose des solutions novatrices pour rétablir l’harmonie entre l’homme, la nature et le Créateur, redéfinissant ainsi notre compréhension théologique.


Quelques approches récentes

L’auteur affirme que le souci de la sauvegarde de l’environnement naturel n’a pas souvent été très explicite dans la tradition chrétienne. Néanmoins, il s’accord avec Paul Santmire que « la tradition chrétienne écologiquement ambiguë offre de grandes perspectives de renouveau théologique ».381 En fait, la réflexion chrétienne sur la crise environnementale est déjà en cours et suscite un certain optimisme. L’auteur fait l’analyse de trois approches dans la théologie écologique contemporaine qui ne sont pas purement exclusives, mais plutôt complémentaires.

L’approche apologétique.

Cette approche tente de montrer qu’il existe déjà dans les Écritures, dans la littérature patristique et dans les traditions chrétiennes une base suffisante pour apporter une réponse chrétienne adéquate à la crise environnementale. « Elle est apologétique puisqu’elle défend l’intégrité de la théologie biblique et de la tradition chrétienne sans exiger leur transformation »382.

Cela est corroboré par les déclarations récentes du magistère383 et des évêques catholiques américains384 ainsi que par un certain nombre d’articles et d’ouvrages théologiques publiés récemment. Selon cette approche, « nous avons simplement ignoré les richesses du matériel écologiquement pertinent de la tradition »385. Par conséquent, pour une théologie de la création adéquate, il faut simplement interroger les textes appropriés et leur permettre de nous éclairer.

Aussi, « l’approche apologétique insiste sur la notion biblique selon laquelle Dieu a conféré à l’humanité l’intendance de la création, ce qui est une raison suffisante pour prendre soin de notre monde naturel »386.

Critiquant cette approche, l’auteur indique qu’elle a le mérite de développer un élément indispensable d’une théologie écologique: « elle attire notre attention sur des

381 P.SANTMIRE, The travail of Nature, Philadelphia, Fortress Press, 1985, p. 18.

382 Ibidem, p. 92.

383 Voir à titre d’exemple le message du Papa Jean Paul II pour la journée Mondiale de la Paix intitulé, La paix avec dieu créateur, la paix avec toute la création dans La documentation catholique, n° 1997, 7 janvier 1990, p. 9-12.

384 Voir le message de la Conférence Episcopale américaine, « Renewing the Earth An Invitation to Reflection and Action on Environment in Light of Catholic Social Teaching. A Pastoral Statement of the United States Catholic Conference November 14, 1991. Consulté sur http://www.usccb.org/issues-and- action/human-life-and-dignity/environment/renewing-the-earth.cfm, le 05 mai 2019.

385 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature, Ecology and Cosmic Purpose, p. 91.

386 Ibidem.

ressources classiques chrétiens qui n’ont pas été suffisamment exploitées »387. De plus, une bonne dose d’apologétique est certainement requise aujourd’hui face aux nombreuses plaintes incroyablement simplistes de certains historiens et scientifiques selon lesquelles le christianisme est la principale cause de la crise environnementale.

Toutefois, l’auteur affirme que « cette approche ne va pas assez loin pour ouvrir la foi chrétienne au renouveau radical exigé par la crise écologique actuelle ».388 Du point de vue théologique, il n’est pas évident qu’on puisse faire face, de manière adéquate, aux problèmes de la crise écologique, simplement en insistant davantage sur les exhortations morales ou « en faisant l’exégèse des passages des Écritures sur la bonté de la nature ou l’importance de l’intendance ».389 De tels efforts, bien que significatifs, l’auteur les trouve insuffisants. Pour avoir une théologie environnementale adéquate, le christianisme devra s’ouvrir à un renouvèlement interne plus radical.

Approche sacramentelle.

Cette approche est un réel dépassement de l’approche apologétique. « Elle se concentre moins sur les textes religieux normatifs ou sur la révélation historique et davantage sur la qualité prétendument sacrée du cosmos lui-même »390. Il se présente sous diverses formes théologiques, allant de la théologie naturelle, à la spiritualité cosmique de Thomas Berry391, Matthew Fox et de leurs disciples392.

Sous sa forme typique, cette approche interprète le monde naturel comme la principale révélation symbolique de Dieu. Les textes bibliques et les traditions religieuses restent importants, « mais le cosmos lui-même est le principal moyen par lequel nous parvenons à connaître le sacré »393. Cette approche tient généralement compte de la théorie de l’évolution et des aspects de la physique contemporaine.

Dans le contexte théologique actuel, cette approche trouve son expression la plus explicite dans ce que l’auteur appelle, (creation-centered theology) « la théologie centrée sur la création ». Selon l’auteur « les textes bibliques et les traditions doivent être

387 Ibidem, p. 92.

388 Ibidem, p. 93.

389 Ibidem.

390 Ibidem.

391 Cf. T. BERRY, The dream of the earth, Berkeley, Counterpoint, 2015.

392 Cf. M. FOX, Original Blessing, Santa Fe, Bear & Co., 1993; B. SWIMME, The Universe is a Green Dragon, Santa Fe: Bear & Co., 1984.

393 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature, Ecology and Cosmic Purpose, p. 94.

soigneusement passés au crible et réinterprétés en termes de compréhension cosmologique, relationnelle, non hiérarchique, non patriarcale, non dualiste et plus organismique »394. Tout en adoptant les doctrines du credo chrétien, cette perspective théologique leur donne une interprétation cosmologique renouvelée. En l’occurrence, « le thème biblique de la création est placé au centre de la théologie au lieu de le subordonner, comme il l’a été par le passé, au thème de la rédemption »395. On le sait, l’insistance sur la rédemption d’un monde déchu, a favorisé l’oubli de la bonté intrinsèque de la nature. Les hommes ont été tellement obsédés par le désir de vaincre leurs péchés au point d’oublier le soin de la nature dans son ensemble.

Egalement cette théologie centrée sur la création apprécie les efforts antiques et modernes visant « à comprendre le Christ comme une réalité cosmique, et non pas simplement comme un sauveur historique personnel »396. La christologie cosmique déjà présente dans l’ancienne théologie chrétienne est ici retrouvée sous l’angle d’une vision du monde évolutive et écologique. Le cosmos tout entier, et non pas juste les humains, est le corps du Christ. « Une christologie cosmique fournit alors les fondements les plus profonds d’une spiritualité environnementale typiquement chrétienne »397.

Le trait le plus caractéristique de cette révision contemporaine de la théologie est sa focalisation sur la sacramentalité398 de la nature. « Le sacramentalisme reconnaît la transparence de la nature envers le divin et confère donc à la nature un statut qui devrait susciter notre respect et notre protection »399. La perspective sacramentelle découvre dans la nature une valeur inhérente qui ne saurait être discernée par une approche purement utilitaire ou naturaliste. La nature n’est donc pas principalement une chose à utiliser à des fins humaines ou pour des projets techniques. « Elle est essentiellement la manifestation d’une bonté et d’une générosité ultimes »400.

En plus, dans son interprétation des sources classiques de la foi chrétienne cette approche critique l’idéal de l’intendance humaine sur la création, qui est fondamental pour

394 Ibidem, p. 95.

395 Ibidem, p. 95.

396 Ibidem, p. 96.

397 Ibidem p. 97.

398 Par sacrement, nous entendons tout aspect du monde à travers lequel un mystère divin devient présent à la conscience religieuse. Cf. Ibidem, p. 99.

399 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature, Ecology and Cosmic Purpose, p. 99.

400 Ibidem.

l’approche apologétique. « La notion de l’intendance, même lorsqu’elle est purgée des distorsions auxquelles elle a été soumise, reste un concept trop managérial pour soutenir le type d’éthique écologique dont nous avons besoin aujourd’hui »401. La plupart des écologistes diraient même que le système de vie de la terre était bien meilleur avant que les humains viennent pour le gérer. Cependant, cette approche reconnaît que les humains jouent encore un rôle très important dans l’image cosmique globale. Leur présence enrichit et ajoute une valeur considérable à la vie sur terre.

L’approche eschatologique

L’auteur souligne la nécessité de la dimension eschatologique du christianisme comme nouvelle approche de la théologie de la création. Il s’agit de son espérance dans la perfection béatifique fondée sur l’expérience hébraïque de la promesse et de la fidélité de Dieu. Cette espérance doit devenir l’ossature d’une vision religieuse sensible à l’environnement.

« Si un retour à la cosmologie est aujourd’hui théologiquement essentiel, il nous faut donc, du point de vue de la foi chrétienne, nous assurer que cette cosmologie reste suffisamment encadrée par l’eschatologie »402. Jusque récemment, la manière de voir le cosmos comme l’incarnation de la promesse, avait presque complètement disparu de la compréhension chrétienne.

Il avait été remplacé par un dualisme où seule l’âme humaine immortelle pouvait espérer le salut alors que le cosmos n’avait plus d’avenir.

C’est pourquoi, comme alternative aux types apologétique et sacramentel, l’auteur propose une cosmologie eschatologique plus inclusive comme fondement de la théologie environnementale chrétienne. Ici, le cosmos n’est ni un lieu d’entraînement de l’âme pour l’existence humaine, ni une simple épiphanie de la présence de Dieu. Au contraire, « il s’agit, dans son essence la plus profonde, d’une promesse de réalisation future »403. C’est la création tout entière qui s’achemine vers cet accomplissement final.

Pour conclure, l’auteur affirme que pour élaborer une théologie de la création dans la foi biblique, nous devons placer promesse divine au centre de nos réflexions. Pour ce faire, sur le plan écologique, nous devons reconnaître que le cosmos lui-même fait partie intégrante de l’avenir eschatologique. Ainsi, il ne mérite ni négligence ni adoration, mais simplement le type de soin proportionné à la conservation d’une promesse.

401 Ibidem.

402 Ibidem, p. 102.

403 Ibidem.

Conclusion

Il va sans dire que ce chapitre deuxième constitue le nœud de notre investigation scientifique. Après avoir exposé la situation de la crise écologique actuelle, au premier chapitre, nous avons, à travers notre étude de quatre auteurs proposé quelques remèdes au point de vue théologique. Pour ce faire, nous avons d’abord présenté une brève exposition de la doctrine traditionnelle de la création. Rappelons que cette doctrine se réduisait souvent à la catégorie de causalité qui a contribué, surtout sous l’impulsion du développement technique à infléchir le propos biblique dans le sens d’une production.

Les insuffisances de la théologie traditionnelle de la création ont été revisitées par le concile Vatican II qui dans sa démarche a marqué le tournant anthropocentrique de la création où l’homme est devenu centre et sommet de la création. Nous avons indiqué que l’influence de l’anthropocentrisme du Vatican II est restée dominante dans la période postconciliaire. C’est surtout la prise de conscience progressive des effets néfastes pour l’homme lui-même et pour la nature d’un développement incontrôlé qui suscitera la recherche des nouveaux paradigmes. C’est alors la théologie tentera de corriger la tendance anthropocentrique et de favoriser une relation d’alliance entre Dieu, l’homme et la nature.

Notre recherche systématique s’est inscrite donc dans cette perspective de recherche des nouveaux paradigmes pour la théologie de création qui prend en considération la crise écologique actuelle. C’est dans ce sens que nous avons étudié la pensée de quatre théologiens contemporains qui ont contribué au renouveau de la théologie de la création à l’époque contemporaine. A nos yeux, ces approches nouvelles de la théologie de la création pourront contribuer au respect de la nature et à la paix cosmique voulue par le créateur. Après cette étude, nous faisons pour la suite de notre travail un chemin retour vers notre terre natale l’Afrique, pour y découvrir quelques perspectives et implications écologiques typiquement africaines.

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381 P.SANTMIRE, The travail of Nature, Philadelphia, Fortress Press, 1985, p. 18.

382 Ibidem, p. 92.

383 Voir à titre d’exemple le message du Papa Jean Paul II pour la journée Mondiale de la Paix intitulé, La paix avec dieu créateur, la paix avec toute la création dans La documentation catholique, n° 1997, 7 janvier 1990, p. 9-12.

384 Voir le message de la Conférence Episcopale américaine, « Renewing the Earth An Invitation to Reflection and Action on Environment in Light of Catholic Social Teaching. A Pastoral Statement of the United States Catholic Conference November 14, 1991. Consulté sur http://www.usccb.org/issues-and- action/human-life-and-dignity/environment/renewing-the-earth.cfm, le 05 mai 2019.

385 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature, Ecology and Cosmic Purpose, p. 91.

386 Ibidem.

387 Ibidem, p. 92.

388 Ibidem, p. 93.

389 Ibidem.

390 Ibidem.

391 Cf. T. BERRY, The dream of the earth, Berkeley, Counterpoint, 2015.

392 Cf. M. FOX, Original Blessing, Santa Fe, Bear & Co., 1993; B. SWIMME, The Universe is a Green Dragon, Santa Fe: Bear & Co., 1984.

393 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature, Ecology and Cosmic Purpose, p. 94.

394 Ibidem, p. 95.

395 Ibidem, p. 95.

396 Ibidem, p. 96.

397 Ibidem p. 97.

398 Par sacrement, nous entendons tout aspect du monde à travers lequel un mystère divin devient présent à la conscience religieuse. Cf. Ibidem, p. 99.

399 J-F. HAUGHT, The Promise of Nature, Ecology and Cosmic Purpose, p. 99.

400 Ibidem.

401 Ibidem.

402 Ibidem, p. 102.

403 Ibidem.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les approches méthodologiques en théologie de la création?

L’article présente trois approches dans la théologie écologique contemporaine: l’approche apologétique, l’approche sacramentelle et une approche complémentaire qui n’est pas explicitement détaillée.

Quelle est l’approche apologétique en théologie de la création?

L’approche apologétique tente de montrer qu’il existe déjà dans les Écritures et la tradition chrétienne une base suffisante pour répondre à la crise environnementale, sans exiger leur transformation.

Pourquoi l’approche apologétique est-elle critiquée?

L’approche apologétique est critiquée car elle ne va pas assez loin pour ouvrir la foi chrétienne au renouveau radical exigé par la crise écologique actuelle, se limitant à des exhortations morales et à l’exégèse des Écritures.

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