Les perspectives futures sur l’instabilité des microsatellites révèlent des implications surprenantes pour le traitement du cancer colorectal. En effet, près de 15 % des cas présentent un statut MSI, soulignant l’importance cruciale de cette biomarqueur dans la personnalisation des thérapies.
L’instabilité des microsatellites et réponse à la chimiothérapie : valeur prédictive
Chimiothérapie adjuvante par 5-Fluorouracile
Il y a plus de 40 ans, le 5-fluorouracile (5FU) a été introduit comme une chimiothérapie adjuvante à utiliser dans le CCR, et il est resté le pilier du traitement. Presque toutes chimiothérapie adjuvante pour le CCR de stade avancé implique une chimiothérapie à base de fluorouracile (FBC). En particulier, le FBC exerce ses effets anticancéreux par inhibition de la thymidylate synthétase (TS) et incorporation de ses métabolites dans l’ARN et l’ADN (Valentini et al., 2006).
Plusieurs études ont évalué l’impact du statut MSI dans le traitement adjuvant par 5FU des patients opérés pour un CCR de stade II ou III. Selon les études, le statut MSI était évalué comme facteur pronostique quand l’analyse portait sur des patients recevant tous le même traitement, ou comme facteur prédictif quand les patients recevaient au sein d’une même étude deux traitements différents (exemple : chirurgie seule ou associée à une chimiothérapie adjuvante par 5FU) (Zaanan and Taieb, 2019).
Des preuves proviennent de l’analyse des essais sur adjuvants dans la base des données ACCENT, dans lesquels un manque d’efficacité du traitement par 5FU et même une tendance à une moins bonne survie n’a été observé chez les patients atteints de tumeurs MSI-H de stade II (Battaglin et al., 2018). Concernant l’absence d’efficacité du 5FU chez les patients MSI, d’autres méta-analyses confirment que les patients avec une tumeur MSS semblaient avoir un bénéfice de la chimiothérapie par 5FU.
En revanche, dans le groupe de patients MSI, la chimiothérapie par 5FU n’apportait pas de bénéfice par rapport à celle traiter par une chirurgie seulement (Zaanan and Taieb, 2019).
Compte-tenu de ces résultats, le National Compréhensive Cancer Network considère que le statut microsatellite instable de la tumeur est un des éléments d’information important à prendre en compte lorsqu’il s’agit de décider d’utiliser ou non une chimiothérapie adjuvante à base de 5FU, notamment chez les patients présentant une tumeur de stade II. Par contre pour les patients avec un cancer de stade III ou métastatique, l’emploi du 5FU reste recommandé (NCCN, 2018).
Chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine
À l’heure actuelle, l’utilisation de l’oxaliplatine en association avec une chimiothérapie adjuvante au 5FU est la norme de soins pour les patients atteints d’un cancer du côlon de stade III (Kawakami, Zaanan and Sinicrope, 2015). Des études précliniques ont montré que les cellules tumorales dMMR sont sensibles à l’oxaliplatine malgré une résistance au 5FU. Les protéines
MMR ne reconnaissent pas les adduits liés à l’oxaliplatine car l’oxaliplatine contient un groupement volumineux qui est incorporé dans l’ADN via des adduits intra- et inter-brins cytotoxiques, par conséquent, la chimiosensibilité à l’oxaliplatine est indépendante du système MMR (Sinicrope and Sargent, 2012).
En outre, dans une étude, ayant inclus 433 patients atteints CCR dMMR de stade II et III traités par chirurgie seule ou par chirurgie plus chimiothérapie adjuvante comprenant de la fluoropyrimidine plus ou moins l’oxaliplatine a été analysé. Par rapport à la chirurgie seule, la chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine a amélioré la survie sans maladie, contrairement à la fluoropyrimidine seule, avec un bénéfice statistiquement significatif dans l’analyse multivariée limitée aux tumeurs de stade III et aux cas sporadiques plutôt que le syndrome de Lynch (Gelsomino et al., 2016).
L’instabilité des microsatellites et réponse à l’immunothérapie
Le rôle du système immunitaire dans le cancer colorectal
Dans le CCR, l’infiltration des cellules T dans le lit tumoral a été associée à des résultats favorables, suggérant un rôle possible de l’immunoédition dans le contrôle de la croissance tumorale (Ganesh et al., 2019). Le système immunitaire se distingue du non-soi par la liaison de récepteur des cellules T (TCR) à des complexes de peptides avec le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I présentées à la surface de toutes les cellules, y compris la tumeur cellules (Colle et al., 2017).
La reconnaissance des complexes peptide-CMH de classe I par le TCR (T Cell Receptor) seul est insuffisante pour l’activation des lymphocytes T. Les voies de signalisation TCR-CMH sont modulées par des signaux co-stimulants ou co-inhibiteurs, que les cellules tumorales exploitent pour échapper à la destruction (Sharma and Allison, 2015). Par ailleurs, ces co-récepteurs inhibiteurs permettent de contrôler la réponse immunitaire.
Ce sont des points de contrôle immunitaire (ICKs : immune checkpoints), permettant de freiner la réponse immunitaires, en induisant un épuisement lymphocytaire, associant une absence de prolifération en réponse à l’antigène reconnu et la perte des fonctions effectrices cytotoxiques (Wei, Duffy and Allison, 2018). Le traitement par un inhibiteur de point de contrôle immunitaire cible les récepteurs co-inhibiteurs, tels que l’antigène 4 du lymphocyte T cytotoxique (CTLA4) et la protéine programmée 1 (PD1) sur les cellules T et d’autres sous-populations de cellules immunitaires, ou
leurs ligands, comme le ligand de mort programmé 1 (PDL1) sur cellules tumorales et diverses cellules immunitaires. Ainsi, ils empêchent le dysfonctionnement des cellules T et l’apoptose et améliorent à la place l’activation des cellules T, potentialisant la destruction cytotoxique des cellules tumorales (Fig. 14) (Ganesh et al., 2019).
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Figure 12 : Immunothérapie anti-tumorale et inhibition de PD-1, PD-L1 ou CTLA-4(Ganesh et al., 2019).
L’immunothérapie dans le cancer colorectal MSI-H et dMMR
Le CCR peut être classé en deux groupes distincts sur la base des modèles de mutation : les tumeurs qui ont une signature dMMR et MSI-H et une charge de mutation globale élevée et les tumeurs qui ont une signature pMMR et MSI-L avec une charge de mutation beaucoup plus faible (Muzny et al., 2012).
Les tumeurs dMMR et MSI-H sont fortement infiltrées par les cellules immunitaires, notamment les lymphocytes CD8+ infiltrant les tumeurs, les lymphocytes T auxiliaires 1 (Th1) CD4+ et macrophages, et ont un micro-environnement qui est riche en interférons de type I en comparaison avec d’autres CCR (Ganesh et al., 2019). Actuellement, nombreuses études ont montré que les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire (ICKi) sont associés à une grande efficacité clinique chez les patients traités pour un CCRm MSI/dMMR, que ce soit le pembrolizumab (anticorps monoclonal anti-PD-1), le nivolumab (anti-PD-1)
seul ou en association avec l’ipilimumab (anti-CTLA-4) (Boland and Ma, 2017). Le critère de jugement le plus représentatif de l’efficacité de ces médicaments anti-cancéreux est la durée de réponse des tumeurs MSI/dMMR aux ICKi. En 2017, sur la base des résultats de l’activité de ces nouveaux traitements, la Food and Drug Administration (FDA) a accordé une autorisation accélérée au pembrolizumab pour les patients avec un cancer avancé MSI chimio-réfractaire, quelle que soit la localisation tumorale, et du nivolumab seul ou associé au pembrolizumab pour les
patients avec un CCRm MSI (Golshani and Zhang, 2020).
L’immunothérapie dans le cancer colorectal MSS et pMMR
Avec l’approbation passionnante de l’immunothérapie dans le cancer colorectal MSI-H et dMMR, plusieurs études ont essayé d’évaluer l’effet des inhibiteurs de point de contrôle chez les patients atteints du CCR MMS et pMMR (Boland and Ma, 2017). Malheureusement, les analyses des cohortes MSS et pMMR dans les essais sur les inhibiteurs de point de contrôle ont échoué de démontrer une réponse cliniquement significative ou un bénéfice de survie avec la monothérapie PD-1 ou le blocage à deux points de contrôle (Ganesh et al., 2019).
Pour améliorer l’activité de ces agents dans les tumeurs MSS et pMMR, les chercheurs ont évalué l’approche synergique potentielle des voies de transduction de l’inhibiteur de point de contrôle et du signal tumoral (Golshani and Zhang, 2020). Des modèles précliniques ont démontré que le ciblage de la voie de la protéine kinase activée par un mitogène par l’inhibition de la MEK (protéine kinase activée par un mitogène) augmente l’expression des cellules tumorales du CMH-I, stimulant ainsi l’expansion clonale des cellules T péritumorales et augmentant
l’activité anti-PDL1. Cette synergie biologique a été étudiée en combinant l’immunothérapie (anti-PD-L1) et le cobimétinib, un inhibiteur oral, hautement sélectif et réversible de petites molécules de MEK1/2, et des composants centraux de la voie de signalisation RAS/RAF/MEK/ERK, mais les résultats restent limités (Franke et al., 2019).
Conclusion
Conclusion
Le cancer colorectal (CCR) est considéré comme un fardeau lourd pour la santé publique, il est l’une des principales causes de décès en Algérie et dans le monde. L’identification des moyens de diagnostic et de traitement du CCR est alors de la plus haute importance. L’instabilité des microsatellites est un marqueur génétique important du CCR qui peut être utiliser pour le diagnostic, le pronostic et la prédiction de l’efficacité du traitement chimiothérapeutique et immunothérapeutique.
Les implications biologiques et cliniques de l’instabilités des microsatellites dans le CCR continuent de se développer. De nos jours, les stratégies de développement des médicaments sont basées sur les caractéristiques moléculaires spécifiques des tumeurs. De ce fait, des techniques immunohistochimiques et moléculaires ont été développées pour la détection de l’instabilité des microsatellites dans les cancers colorectaux.
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la valeur prédictive du statut MSI dans le traitement par 5-Fluorouracile?
Le statut MSI était évalué comme facteur pronostique quand l’analyse portait sur des patients recevant tous le même traitement, ou comme facteur prédictif quand les patients recevaient au sein d’une même étude deux traitements différents.
Comment l’oxaliplatine affecte-t-il les patients atteints de cancer colorectal avec instabilité des microsatellites?
Les études précliniques ont montré que les cellules tumorales dMMR sont sensibles à l’oxaliplatine malgré une résistance au 5FU, et la chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine a amélioré la survie sans maladie par rapport à la chirurgie seule.
Quel est le rôle du système immunitaire dans le cancer colorectal?
Dans le CCR, l’infiltration des cellules T dans le lit tumoral a été associée à des résultats favorables, suggérant un rôle possible de l’immunoédition dans le contrôle de la croissance tumorale.