L’impact de l’instabilité des microsatellites dans le cancer colorectal révèle des implications pronostiques cruciales, affectant environ 15% des cas. Cette recherche met en lumière des découvertes récentes sur le statut MSI, transformant notre compréhension du diagnostic et de la classification des tumeurs colorectales.
Chapitre II : L’impact de l’instabilité des microsatellites dans le cancer colorectal
L’instabilité des microsatellites et le diagnostic du syndrome de Lynch
Depuis une vingtaine d’années, la déficience du système MMR est connue pour contribuer à l’instabilité génomique et au développement des cancers de phénotype MSI. Historiquement, l’implication des gènes MMR dans le développement des cancers MSI a été mise en évidence dans un contexte de prédisposition génétique au cancer, à savoir le SL (De’angelis et al., 2018).
Le SL est l’une des formes héréditaires les plus courantes de cancer colorectal. Il représente 2 à 7% de l’ensemble des cancers colorectaux. C’est une maladie héréditaire autosomique dominante qui est causée par des mutations germinales délétères dans l’un des gènes de réparation des mésappariements : MLH1, MSH2, MSH6 ou PMS2, ou par une délétion germinale du gène EPCAM (epithelial cell adhesion molecule) qui provoque une fusion des transcrits EpCAM- MSH2 conduisant à l’inactivation de la protéine MSH2 (Kašubová et al., 2018).
Les patients atteints de SL ont un risque élevé de développer de nombreux cancers différents ; le CCR, le carcinome de l’endomètre, des tumeurs des ovaires, de l’intestin grêle, de l’estomac, de la vessie, de l’uretère, du cerveau, des reins, des voies biliaires et de la vésicule biliaire. Le risque de développer un CCR pour les individus atteints du SL varie de 37% à 45% pour le sexe masculin et de 22% à 38% pour le sexe féminin (Wang, Kanehira and Chen, 2016).
Le dépistage du syndrome de lynch
Le dépistage du syndrome de Lynch attire une grande attention en raison de son importance clinique significative. Deux ensembles des critères cliniques sont utilisés pour prédire la présence des défauts des gène MMR (Wang, Kanehira and Chen, 2016). En 1991, l’International Collaborative Group on Hereditary Non polyposis Colorectal Cancer (ICG- HNPCC), dans une tentative de standardisation des critères de diagnostic pour les études multicentriques, a développé les critères d’Amsterdam pour détecter les individus présentant un risque accru de développer un cancer à un âge précoce (Moreira et al., 2012).
Les critères d’Amsterdam I définissaient cliniquement le SL mais ils ne tenaient compte que des CCR. En 1998, les critères d’Amsterdam II prennent également en compte d’autres localisations tumorales (endomètre, intestin grêle, voies urinaires) (Tableau 2) (Vasen et al., 1999). Ces critères d’Amsterdam sont très spécifiques mais peu sensibles, après une meilleure compréhension des manifestations cliniques et histologiques du HNPCC le NCI en 2004 a développé les directives Bethesda (Tableau 3), elles regroupent des critères cliniques et histopathologiques pour identifier les patients chez qui il faut proposer un test de préscreening sur le matériel tumoral (Genevay et al., al., 2011). Les patients ayant ces critères sont suspectés d’être atteints du SL, une recherche de mutation constitutionnelle est donc nécessaire pour poser de manière définitive le diagnostic (Paraf, 2007).
Tableau 2 : Les critères d’Amsterdam II (HAS, 2017).
Les critères d’Amsterdam II (1998)
Au moins trois cas de cancers colorectaux ou de cancers du spectre du SL ; Chez des apparentés au 1er degré ;
Sur au moins deux générations successives ; Dont au moins un cas diagnostiqué avant 50 ans ;
Une polypose adénomateuse familiale ayant été exclue.
Tableau 3 : Les directives Bethesda révisées (HAS, 2017).
Les directives Bethesda (2004)
Cancer colorectal diagnostiqué avant 50 ans ;
Cancer colorectal diagnostiqué entre 50 ans et 60 ans avec histologie évocatrice ;
Cancers multiples (synchrones ou métachrones) du spectre du SL chez un même patient, quel que soit son âge ;
Cancer colorectal chez un patient avec antécédents familiaux de cancers du spectre du SL chez au moins un apparenté au 1er degré diagnostiqué avant 50ans ou chez au moins deux apparentés, au 1er ou 2nd degré, quels que soient les âges.
Le diagnostic du syndrome de Lynch
Le déficit en MSI est la marque de l’aberration génétique du syndrome de Lynch. Le phénotype MSI chez les personnes atteints du SL résulte d’un MMR défectueux à cause d’une mutation germinale héréditaire de l’un des quatre principaux gènes MMR (MSH2, MLH1, MSH6, ou PMS2) suivie d’une inactivation somatique de l’allèle de type sauvage dans une cellule de la muqueuse du côlon (De La Chapelle and Hampel, 2010).
En effet le diagnostic clinique du SL repose sur les antécédents tumoraux personnels et familiaux, l’âge de survenue du cancer et certaines caractéristiques phénotypiques de la tumeur (les critères d’Amsterdam I/II et les directives Bethesda). Cependant, la confirmation définitive du diagnostic repose sur l’identification d’une mutation constitutionnelle d’un des gènes MMR atteints (Paraf, 2007).
L’identification d’un porteur de mutation génique nécessite classiquement des tests approfondis sur les gènes de réparation des mésappariements connus pour être responsables de SL. Des efforts ont été dirigés vers l’évaluation de la meilleure stratégie de sélection des individus pour le dépistage des mutations. La détermination du statut des microsatellites tumoraux ou le test MSI a été suggérée comme la meilleure méthode pour sélectionner les patients des familles de cancer colorectal pour l’analyse des mutations germinales (Salahshor et al., 2001).
Par ailleurs la détermination du statut MSI des tumeurs peut être réalisée soit en utilisant des marqueurs microsatellites pour évaluer le taux d’instabilité dans ces séquences génomiques par PCR, soit en étudiant l’expression des protéines du système MMR par IHC (Tamura et al., 2019).
Si les résultats de l’un ou l’autre test sont positifs pour la perte de MSH2, MSH6, ou PMS2, une analyse germinale est directement effectuée (Cox et al., 2018). Cependant, la perte de l’expression de la protéine MLH1 est suivie par l’analyse de la mutation BRAF V600E pour distinguer le CCR sporadique du SL (Chang et al., 2017; Coffin et al., 2019).
En résumé, si la tumeur est déficiente en MLH1/PMS2 et la mutation BRAF somatique n’est pas détectée et/ou l’hyperméthylation du promoteur MLH1 n’est pas identifiée, le CCR est moins susceptible d’être sporadique et le dépistage des mutations germinales est indiqué afin d’affirmer le diagnostic du syndrome de Lynch (Hampel et al., 2018).
L’instabilité des microsatellites : valeur pronostique
Impact du phénotype MSI sur le pronostic du cancer colorectal localisé
Les cancers colorectaux localisés se définissent par des cancers sans métastase à distance, c’est-à-dire des cancers, au maximum, de stade III (Bibeau et al., 2013). Le statut de stabilité des microsatellites peut être utilisé comme marqueur pronostique chez les patients atteints de CCR en particulier dans les cas des CCR de stade II et III localement avancés (Zaanan and Taieb, 2019).
De nombreuses études ont étudié la relation entre le statut MSI et la survie chez les patients atteints de CCR et ont montré que les CCR sporadiques avec un déficit en MMR ont généralement un pronostic favorable, en particulier dans les tumeurs à un stade précoce et sont plus importants au stade II qu’au stade III (Sinicrope et al., 2006).
En outre le MSI est associé à un meilleur pronostic par rapport au MMR intact chez les patients non traités ou traités par chimiothérapie adjuvante à base de 5-fluorouracile (5FU) (Guastadisegniet al., 2010; Battaglin et al., 2018). Les patients avec le SL semblent avoir un meilleur pronostic que les patients avec CCR sporadique avec MSI.
L’explication la plus probable est que les patients avec SL ont un stade inférieur de la maladie lorsqu’ils sont diagnostiqués par rapport aux patients avec d’autres types de CCR, et aussi il est moins fréquent que les patients SL présentent un cancer métastatique. En effet, les mutations de la lignée germinale dans les gènes suppresseurs de tumeur, tels que APC, MLH1 et MSH2, indiquent un risque très élevé de CCR et orientent la fréquence de la surveillance du CCR et les recommandations pour la chirurgie prophylactique.
Une coloscopie annuelle est recommandée pour les porteurs de SL et une colectomie prophylactique est envisagée pour les patients présentant des lésions de haut grade (Gupta, Sinha and Paul, 2018).
Cependant, l’explication précise de la façon dont le statut MSI offre un meilleur pronostic n’est pas très évidente (Zaanan and Taïeb, 2011). Les explications possibles des mécanismes par lesquels le statut MSI offre un meilleur pronostic est la réponse lymphocytaire robuste qui a été postulée pour être corrélée avec un microenvironnement immunogène à forte charge de néoantigène en raison du taux de mutation élevé dans les tumeurs MSI (Buecher et al., 2013).
De plus, la perte d’allèles ou la mutation de DCC, P53 et KRAS sont toutes associées à un pronostic plus sombre, et ces anomalies ne sont pas courantes dans les tumeurs avec MSI. Cependant, malgré le nombre énorme d’études corrélatives explorant la signification pronostique de diverses caractéristiques moléculaires, le statut des microsatellites est l’un des facteurs cruciaux utilisés pour la prise de décisions cliniques autres que les mutations BRAF et RAS.
Ces facteurs sont à la fois pronostiques et prédictifs de l’efficacité de la chimiothérapie (Gelsomino et al., 2016; Gupta, Sinha and Paul, 2018).
Impact du phénotype MSI sur le pronostic du cancer colorectal métastatiques
L’impact du statut dMMR sur le pronostic des patients atteints d’un CCR à un stade métastatique n’est pas encore totalement élucidé. La faible prévalence des cancers colorectaux métastatiques (CCRm) MSI (moins de 5%) comparativement aux stades II et III souligne la faible capacité de ce type tumoral à développer des métastases (Zaanan and Taieb, 2019).
Les patients atteints de tumeurs avec MSI avaient des taux de mortalité plus faibles lorsque les patients étaient stratifiés par stade de la tumeur, y compris les patients atteints d’un cancer de stade IV (Van Rijnsoever et al., 2002). Par ailleurs, les analyses de cohortes en cours semblent indiquer que le pronostic et la chimiosensibilité des CCR MSI métastatiques seraient différents de ceux des CCR MSS métastatiques, mais ces résultats doivent être confirmés par des études prospectives.
Récemment, un essai de phase 2 réalisé chez des patients avec une tumeur métastatique a montré que le statut MSI était un facteur prédictif de réponse à l’immunothérapie (Le et al., 2015). De plus le statut MSI/MSS de tumeurs isolées de patients présentant un CCR métastatique, inclus dans un essai clinique multicentrique afin de bénéficier d’un traitement par immunothérapie, a été contrôlé (Ada et al., 2019).
A l’heure actuelle, peu de données sont disponibles concernant le pronostique des patients avec un CCRm MSI. Les études ayant évalué l’impact pronostique du statut MMR dans cette situation avaient inclus de très faibles échantillons, rendant les résultats statistiquement non significatifs et difficilement interprétables (Gelsomino et al., 2016).
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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’instabilité des microsatellites dans le cancer colorectal ?
L’instabilité des microsatellites est un phénotype hypermutable causé par la perte de l’activité de réparation des mésappariements d’ADN, contribuant au développement des cancers de phénotype MSI.
Quels sont les critères d’Amsterdam pour le dépistage du syndrome de Lynch ?
Les critères d’Amsterdam II définissent qu’il doit y avoir au moins trois cas de cancers colorectaux ou de cancers du spectre du syndrome de Lynch chez des apparentés au 1er degré, sur au moins deux générations successives, avec au moins un cas diagnostiqué avant 50 ans.
Quel est le risque de développer un cancer colorectal pour les individus atteints du syndrome de Lynch ?
Le risque de développer un cancer colorectal pour les individus atteints du syndrome de Lynch varie de 37% à 45% pour le sexe masculin et de 22% à 38% pour le sexe féminin.