Le cadre théorique du cancer colorectal révèle que l’instabilité des microsatellites, présente dans 15% des cas, transforme notre compréhension des diagnostics. Cette recherche met en lumière des implications pronostiques et thérapeutiques cruciales, suscitant un intérêt croissant pour le statut MSI dans la classification des tumeurs.
Chapitre II : Le cancer colorectal
Généralités
Le cancer colorectal (CCR) est le cancer le plus fréquent du tube digestif. Il résulte de l’accumulation des mutations dans différents gènes au sein des cellules constitutives de la couche la plus interne de la paroi colique, la muqueuse. Ces mutations sont responsables de la prolifération excessive et anarchique de ces cellules qui aboutit à la formation de petites tumeurs initialement bénignes appelées adénomes ou polypes adénomateux (Aran et al., 2016).
Ces polypes peuvent se transformer secondairement en tumeurs malignes, cancéreuses appelée adénocarcinomes (ADK) ; qui ont la capacité d’infiltrer progressivement l’épaisseur de la paroi colique puis de diffuser à distance du côlon pour donner naissance à des métastases par envahissement des vaisseaux sanguins et/ou lymphatiques. Plusieurs années d’évolution sont nécessaires pour qu’un petit adénome se transforme éventuellement en un cancer invasif (Simon, 2016; Johnston and Carey, 2020).
Épidémiologie
Incidences et prévalences
D’après les estimations du GLOBOCAN 2018, 18078957 cas de cancer ont été enregistrés chez les deux sexes, dont 1849518 (10,2% de tous les cancers) étaient liés au cancer colorectal. Selon les résultats, 880792 décès (9,2%) étaient liés au cancer colorectal. Par conséquent, le cancer colorectal a été identifié comme le troisième cancer le plus fréquent et la deuxième cause de décès par cancer en 2018.
Le CCR est le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes après le cancer de siens avec 823303 cas et le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme après les cancers de poumon et de prostate avec 1026215 cas. Compte tenu des estimations démographiques, le fardeau mondial du CCR devrait augmenter de 60% et atteindre plus de 2,2 millions de nouveaux cas et 1,1 million de décès d’ici 2030.
Les cancers colorectaux sont inégalement répartis dans le monde. L’incidence la plus élevée de cancer colorectal était enregistrée dans le continent asiatique avec 957896 cas (51,8%) et l’incidence la plus faible dans le continent océanien avec 22332 cas (1,2%). En outre, le taux de mortalité le plus élevé était en Asie avec 461422 cas (72,4%) tandis que le plus bas était en Océanie avec 8066 cas (0,92%).
Les résultats ont montré que l’incidence la plus élevée de cancer colorectal était observée chez les hommes (41,7 pour 100 000) et les femmes (32,1 pour 100 000) en Australie et en Nouvelle-Zélande. L’incidence la plus faible de cancer colorectal chez les hommes (1,6 sur 100 000) et chez les femmes (3,8 sur 100 000) se situe en Asie du Sud-Centre (Fig. 4) (Ferlay et al., 2019).
En Algérie, à l’instar des cancers du rectum, les cancers coliques représentent un problème de santé publique du fait de leur fréquence et gravité. En effet, des études ont constaté que depuis les années 2000, une nette augmentation du nombre de personnes atteintes de cette maladie. Selon les registres du cancer national le CCR occupe la deuxième localisation chez la femme après le cancer du sein avec un taux brut de 8,2 sur 100,000 habitants, et le premier cancer chez l’homme avec un taux brut de 14,2 sur 100,000 habitants (Mokhtar et al., 2017).
Figure 4 : Taux d’incidence des CCR dans le monde en 2018 (Ferlay et al., 2019).
Facteurs de risque et facteurs de prévention
Facteurs de risque
Facteur de risque lié à l’âge et au sexe
Il s’agit d’un cancer essentiellement mûr, rare avant 50 ans mais son incidence augmente ensuite rapidement avec l’âge, avec environ 90% des cas et des décès dans le monde survenant après cet âge. Les taux ajustés selon l’âge sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes, ce qui donne une différence d’environ 1,4 fois et 1,5 fois pour l’incidence (23,6 contre 16,3 cas pour 100 000 personnes par an) et la mortalité (10,8 contre 7,2 décès pour 100 000 personnes par an), respectivement; la différence devient évidente après 50 ans (Keum and Giovannucci, 2019).
Facteur de risque lié à un antécédent familial ou personnel d’adénome ou de cancer colorectal
- Antécédent familial de cancer colorectal
Les antécédents familiaux positifs semblent jouer un rôle dans environ 10% à 20% de tous les patients atteints de cancer colorectal, avec un risque variable en fonction du nombre et du degré de parents affectés et de l’âge du diagnostic de cancer colorectal. Sur la base d’études sur les jumeaux et la famille, des estimations pour l’héritabilité du cancer colorectal varie de 12% à 35%. Bien que plusieurs études d’association à l’échelle du génome du cancer colorectal aient réussi à identifier les gènes de susceptibilité au cancer (polymorphismes mononucléotidiques courants) associés au risque de cancer colorectal, la plupart des facteurs provoquant l’héritabilité sont encore insaisissables et font l’objet d’études complémentaires (Dekker et al., 2019).
- Antécédent familial d’adénome colorectal
En cas d’antécédent familial d’adénome, le risque de CCR est multiplié par 2 en cas d’antécédent familial au premier degré. Dans une large étude, il a été montré que le risque de CCR n’était pas augmenté lorsqu’il s’agissait d’un antécédent familial d’adénome de deuxième degré (Heresbach, 2014).
- Antécédent personnel de cancer colorectal
Les sujets traités pour un CCR constituent également un groupe à risque élevé de CCR métachrone. Le risque cumulé de développer un cancer colorectal était de 1,8% à cinq ans, 3,4% à dix ans et 7,2% à 20 ans (Faivre, Lepage and Viguier, 2009). De plus, le risque est significativement plus élevé dans les cinq premières années suivant le traitement du CCR initial (HAS, 2017).
- Antécédent personnel d’adénome colorectal
Le risque de développer un carcinome est plus élevé chez les patients présentant un adénome de plus d’un centimètre (le risque multiplié par 3,6 et par 6,6 si ces adénomes étaient multiples). En revanche, chez les sujets atteints de un ou plusieurs adénomes de moins de 1 cm de diamètre, le risque de cancer colorectal ne différait pas de celui de la population générale (Faivre, Lepage and Viguier, 2009).
Facteurs de risques liés à une mutation génétique
- Syndrome de Lynch (HNPCC)
Anciennement appelé cancer colorectal héréditaire sans polypose, et en anglais hereditary non-polyposis colorectal cancer (HNPCC), est le syndrome héréditaire le plus courant associé au CCR, représentant 3% des nouveaux diagnostics. Sa transmission est autosomique dominante. Le diagnostic du syndrome de Lynch (SL) est posé par identification d’une mutation germinale
dans un gène de réparation des mésappariements (MLH1, MSH2, MSH6 ou PMS2) ou une délétion germinale dans EpCAM (molécule d’adhésion des cellules épithéliales) qui conduit à une inactivation épigénétique de MSH2 (Sinicrope, 2018).
- Polypose adénomateuse familiale (FAP)
Également appelé polypose familiale coli, ou polypose adénomateuse du colorectum, elle se caractérise par la présence de centaines de milliers de polypes dans le côlon et le rectum. Elle est liée à deux types de mutations ; une transmission autosomique dominante à forte pénétrance d’une mutation du gène APC (Adenomatous Polyposis Coli) et une transmission autosomique récessive de la mutation du gène MUTYH (Bojuwoye et al., 2018).
- Autres
D’autres rares cancers coliques d’origine génétique (moins de 0,1% des cas de cancers colorectaux) sont caractérisés par la présence de polypes hamartomateux ; tel que la polypose juvénile (mutation des gènes SMAD4 et BMPR1A), le syndrome de Peutz-Jeghers (mutation du gène STK11), la tumeur d’hamartome PTEN (mutation du gène PTEN) (Valle, 2017).
Facteurs de risque liés au mode de vie
- La consommation d’alcool
Différentes études ont démontré le lien entre la consommation d’alcool et le risque de CCR; dans le cas de la consommation d’alcool, l’acétaldéhyde (principal métabolite de l’éthanol) a été décrit comme cancérigène en augmentant le risque de développer un cancer colorectal parmi les populations en fonction des polymorphismes des enzymes du métabolisme de l’alcool (Mármol et al., 2017). On estime que la consommation modérée (2 à 3 unités par jour) augmente le risque de 20%, tandis qu’une consommation d’alcool encore plus élevée est associée à une augmentation du risque jusqu’à 50% (Kuipers et al., 2015).
- Le tabagisme
Le tabagisme peut augmenter les risques de souffrir de CCR jusqu’à 38% pour une consommation de 40 cigarettes par jour (World Cancer Research Fund and American Institute for Cancer, 2011). En raison de la teneur élevée en cancérogènes tels que la nicotine, dont les métabolites peuvent facilement atteindre l’intestin et générer des polypes (Mármol et al., 2017).
- Le surpoids et l’obésité
La relation entre l’obésité générale (évaluée par l’indice de masse corporelle « IMC ») et les adénomes colorectaux présente un intérêt, et les résultats hétérogènes des études épidémiologiques ont été résumés dans plusieurs méta-analyses. Comparativement aux
personnes de poids normal, les personnes obèses présentent un risque global de développer un adénome colorectal 32% à 47% plus élevé (Jochem and Leitzmann, 2014).
- La consommation de viande et de charcuterie
Plusieurs recherches scientifiques confirment que la consommation des viandes rouges et de charcuteries augmente le risque de cancer colorectal. Les augmentations de risque de cancer colorectal associées à des augmentations de 100 g de la ration journalière de viande rouge fraîche, et 50 g de charcuteries ont été chiffrées à 17% ; et 18% respectivement.
Il existe plusieurs mécanismes sous-jacents potentiels pour une association positive de la consommation de viande rouge avec le cancer colorectal. La viande rouge contient de l’hème, qui favorise la formation de composés N-nitroso potentiellement cancérigènes ainsi que des formes alcénales cytotoxiques issues de la peroxydation des graisses. La viande rouge cuite à haute température entraîne la production d’amines hétérocycliques et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques qui peuvent provoquer le cancer du côlon chez les personnes ayant une prédisposition génétique (World Cancer Research Fund and American Institute for
Cancer, 2011).
Facteur de risque lié à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin
- La colite ulcéreuse
Ce trouble chronique d’étiologie inconnue affecte les enfants et les adultes, avec une incidence maximale au début de la troisième décennie. Il est considéré comme un trouble prémalin, la durée et l’étendue de la maladie étant les principaux facteurs de risque. Des études basées sur la population montrent une augmentation de 4,4 fois de la mortalité par le carcinome colorectal (Rogler, 2014).
- La maladie de Crohn
Le développement d’un carcinome est observé à la fois dans l’intestin grêle et le gros intestin. Le risque de malignité colorectale semble être 3 fois supérieur à la normale. La longue durée et l’apparition précoce de la maladie sont des facteurs de risque de carcinome (Hamilton and Aaltonen, 2000).
- La rectocolite hémorragique
La rectocolite hémorragique (RCH) est une maladie inflammatoire chronique intestinale limitée à la muqueuse et affectant de façon continue le rectum et le côlon. Son origine est encore imparfaitement connue, mais probablement multifactorielle, conséquence d’une dérégulation du système immunitaire en réponse à des facteurs environnementaux et au microbiote intestinal. Ses signes sont principalement représentés par une diarrhée glairo-sanglante associée à un syndrome rectal, avec épreintes, ténesmes, faux besoins et impériosités. L’augmentation du risque de CCR est observée après 8 ans d’évolution (Klotz et al., 2015).
- Facteurs de prévention
- Nutrition et alimentation saines
Certains auteurs affirment que jusqu’à 70% de tous les cancers sont associés à l’alimentation et même 90% des CCR peuvent être évités par des modifications alimentaires. Dans des études cliniques rétrospectives, la consommation des fruits, des légumes et des céréales a montré des effets protecteurs sur les adénomes et sur les CCR ; à cause de leur richesse en composés naturels y compris minéraux, vitamines, fibres et polyphénoliques phytochimiques qui assurent des effets antioxydants. La consommation des produits riches en oméga-3 comme les poissons et les oméga-6 comme l’huile d’olive pourrait diminuer la prévalence du CCR. De plus, les carences en gras peuvent diminuer la sensibilité aux dommages génétiques et modifier le métabolisme cancérogène (Waluga et al., 2018).
Activité physique
L’activité physique est fortement associée à un risque réduit du cancer de côlon mais pas avec le cancer du rectum. Les études montrent systématiquement que les personnes les plus actives physiquement ont un risque 25% plus faible de développer des tumeurs proximales et distales que les personnes les moins actives (Hutchins et al., 2009).
Rôle protecteur de l’aspirine et des anti-inflammatoires non stéroïdiens
En 2016, le groupe de travail sur les services préventifs des États-Unis a recommandé l’utilisation de l’aspirine à faible dose pour la prévention primaire des CCR (Ministère de la Santé de la Population et de la Réforme Hospitalière d’Algérie, 2016). D’autres études prouvent que l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent réduire le risque de développer un CCR ; en réduisant la récurrence des polypes adénomateux chez les patients ayant des antécédents de CCR (Kuo et al., 2018).
Rôle protecteur du sélénium
Le sélénium est un oligoélément indispensable, son effet anticancérogène dépend de la protection de l’ADN contre les dommages et de l’amélioration de ses capacités de réparation (Waluga et al., 2018).
Rôle protecteur des vitamines et du calcium
Des études épidémiologiques ont montré que le calcium et la vitamine D réduisaient le risque de CCR de 20% à 30%. Le calcium pourrait empêcher la carcinogenèse colorectale via sa capacité de liaison aux acides biliaires et/ou des effets directs sur les récepteurs de détection du calcium sur les colonocytes, ces derniers expriment les récepteurs de la vitamine D et l’activation
de ces récepteurs inhibe la prolifération et l’angiogenèse, induit la différenciation et favorise l’apoptose dans les tissus épithéliaux (Katona and Weiss, 2020).
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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quel est le cancer le plus fréquent du tube digestif?
Le cancer colorectal (CCR) est le cancer le plus fréquent du tube digestif.
Quels sont les facteurs de risque du cancer colorectal?
Les facteurs de risque incluent l’âge, le sexe, et des antécédents familiaux ou personnels.
Quelle est l’incidence du cancer colorectal dans le monde?
Selon les estimations du GLOBOCAN 2018, 1849518 cas de cancer colorectal ont été enregistrés, représentant 10,2% de tous les cancers.