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Comment surmonter les défis des mesures conservatoires en Algérie ?

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🏫 Ecole supérieure de banque
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Diplôme supérieur des études bancaires - 23ème Promotion Mars 2022
🎓 Auteur·trice·s
M. Yanis SAADI
M. Yanis SAADI

Les mesures conservatoires en Algérie révèlent un enjeu crucial pour les banques face à l’augmentation des contentieux liés au non remboursement des crédits. Cette recherche met en lumière des stratégies innovantes pour protéger les créances, transformant ainsi la gestion des risques dans le secteur bancaire.


2. Les procédures conservatoires

Quand le banquier créancier se heurte à un échec dans la démarche entreprise dans le cadre de la phase précontentieuse, il prend des mesures conservatoires conformément aux dispositions que lui confère la loi pour sauvegarder ses intérêts, et éviter que le client débiteur, par mauvaise foi, ne fasse organiser son insolvabilité.

Ainsi, la procédure conservatoire constitue pour un banquier une possibilité de protéger, c’est-à-dire de conserver sa créance, en prenant une mesure conservatoire sur un des biens du débiteur, pour empêcher que ce bien ne sorte du patrimoine du débiteur. Cette saisie étant prise à titre provisoire. Pendant qu’elle est en vigueur le débiteur ne peut pas disposer du bien saisi ou grevé à titre conservatoire, mais le créancier non plus. Le banquier créancier n’aura éventuellement le droit de se faire payer par la vente ou l’attribution du bien saisi ou grevé que lorsqu’il aura obtenu un titre exécutoire sur décision du tribunal.

La loi algérienne est venue conforter ce genre de procédure. En effet, les dispositions portant sur les mesures conservatoires résultent du code de procédure civile et de la loi 90-10 du 14 avril 1990 relative à la monnaie et au crédit, et confirmée par l’ordonnance du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit venant abroger et compléter la loi précitée.

Les privilèges dont disposent les banques en matière de mesures conservatoires sont les suivants :

2.1. La saisie-arrêt

La saisie-arrêt est une procédure conservatoire ayant pour objet de permettre à un créancier appelé « le saisissant » de bloquer, en vue de les appréhender, les actifs mobiliers de son débiteur appelé « le saisi » qui se trouvent entre les mains d’un tiers « le tiers saisi ».

En matière de saisie-arrêt, nous distinguons deux phases, la première c’est celle qu’on appelle la phase conservatoire qui consiste en un blocage des deniers du débiteur et la seconde représente la phase exécutoire appelée aussi la phase de validation, au terme de laquelle les deniers saisis seront versés au créancier.

La saisie-arrêt peut revêtir deux formes, elle peut être soit judiciaire ou bien bancaire. Elle est réputée judiciaire, lorsqu’elle est ordonnée par le juge du domicile du débiteur, conformément aux dispositions du code de procédure civile et elle est réputée bancaire, lorsqu’elle est exercée par une banque ou un établissement financier, en application des dispositions de l’ordonnance 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit.

2.1.1. La saisie-arrêt judiciaire

La saisie-arrêt judiciaire est une voie d’exécution à laquelle recourent les créanciers chirographaires (créanciers ne disposant pas de privilèges ou bien n’étant pas titulaire d’un droit de préférence, ils interviennent en concurrence avec les autres créanciers) en vue de récupérer leur créance.

Les banques, parfois, se trouvent dans l’obligation de recourir à la saisie-arrêt judiciaire, malgré le privilège dont elles jouissent en la matière, grâce aux dispositions de l’ordonnance 03-11 du 26 août 2003. En effet, certains magistrats, de par leur position, préfèrent maintenir que la saisie-arrêt ne peut être pratiquée sans l’aval judiciaire et que les dispositions énoncées par l’ordonnance sur la monnaie et le crédit, ne confèrent aux banques et aux établissements financiers qu’un statut de créancier privilégié de quatrième rang, qui s’applique à compter du jour de la notification de la saisie-arrêt ordonnée par le tribunal.

Ainsi, la banque pour exercer la saisie-arrêt judiciaire est tenue d’obtenir du président du tribunal du lieu du domicile du débiteur, une ordonnance de saisie-arrêt. Cette ordonnance est à la diligence de la banque, adressée au tiers saisi par le soin d’un huissier de justice territorialement compétent.

2.1.2. La saisie-arrêt bancaire

Cette forme de saisie-arrêt est pratiquée par les banques algériennes conformément à l’article 175 de la loi 90-10 et confirmée par l’article 121 de l’ordonnance 03-11 abrogeant la loi précitée. Dans ce cas, la saisie-arrêt est effectuée au moyen d’une lettre recommandée 94 avec accusé de réception tel qu’énoncée par l’ordonnance sur la monnaie et le crédit. Les deux textes de loi ci-dessus cités accordent un privilège aux banques en matière de saisie arrêt, dans un souci de leur donner les moyens légaux de recouvrer leurs créances par les voies les plus rapides et les plus efficaces. Ce privilège prend rang immédiatement après ceux des salariés, du Trésor public et des caisses d’assurances sociales.

On s’aperçoit que l’existence des deux formes de saisie-arrêt peut conduire vers un conflit d’intérêt et de vice de forme en matière de procédure. Cependant, dans un souci de dissiper tout malentendu et pour ne pas compromettre la banque dans sa mission de récupération de créances, les juridictions reconnaissent, de plus en plus, aux banques et aux établissements financiers la qualité de rang de créancier privilégié et le droit de pratiquer directement la saisie-arrêt, et ce en se référant à l’article 355 du code de procédure civile 95.

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94 Nadir IMOUDACHE, « la revue des science commerciale », Page 78,79.

95 Article 355 du code de procédure civile – Tout créancier peut, en vertu d’un titre authentique ou privé, saisir arrêter entre les mains d’un tiers les sommes dues et les effets appartenant à son débiteur, à l’exception des immeubles.

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2.1.3. Caractéristiques de la saisie-arrêt

a. Les actifs susceptibles d’être bloqués : on sous-entend par actifs, les biens suivants :

– Solde créditeur du compte bancaire, courant postal, livret d’épargne ;

– Dépôts à terme ;

– Sommes dûes par les tiers saisis au débiteur à raison de prestations de service ou fournitures de marchandises ;

– Sommes faisant l’objet d’un avis de mise à disposition ;

– Effets pris à l’encaissement (chèques, bons de caisse, traites) ;

– Titres en dépôt libre.

Suite à cette liste et indépendamment de ces sommes et valeurs libres, certains actifs peuvent être frappés par la saisie-arrêt bien que momentanément détenus par le tiers saisi, notamment :

– Provision reçue en garantie ;

– Provision bloquée pour perte du chéquier ou livret ;

– Valeurs, effets ou titres remis en garantie warrant, titre de transport…

En général, peuvent être frappées par la saisie-arrêt toutes sommes, valeurs que le tiers saisi détient ou détiendra pour le compte du saisi ainsi que toute créance en germe existante au profit du débiteur saisi.

b. Effets de saisie-arrêt :

– Déclaration des actifs : lors de la réception de la demande de saisie-arrêt, la banque devra procéder au recensement de tous les actifs appartenant au débiteur saisi puis d’en effectuer la déclaration aussi bien au saisissant qu’au débiteur saisi et de prendre en même temps les mesures de blocage. Dans l’éventualité où la banque ne détient aucun actif au nom du débiteur saisi au jour de la signification de la saisie-arrêt, cette dernière devra répondre négativement au saisissant.

– Blocage des actifs : à la date de la saisie-arrêt, le tiers saisi devra immédiatement procéder au blocage de toutes les sommes et valeurs saisissables qu’il détient pour le compte du débiteur saisi, faute de quoi le tiers saisi supportera personnellement et sur son patrimoine l’incidence pécuniaire provoquée au saisissant par sa négligence.

– Durée de validité de la saisie-arrêt : la durée de validité de la saisie-arrêt judiciaire est de quinze jours à compter de la date de saisie. Le saisissant devra avant l’expiration du délai sus indiqué engager une action de fond en vue de transformer la saisie-arrêt conservatoire en saisie exécutoire.

Quant à la saisie-arrêt bancaire et ce malgré l’absence de textes de loi fixant la durée de validité, on estime que les délais sont ouverts et que la banque détentrice des fonds doit les maintenir bloqués jusqu’à la réception soit d’une mainlevée amiable ou judiciaire soit une décision judiciaire ordonnant l’affectation des fonds bloqués.

– Rapport tiers détenteur – débiteur saisi : à partir de la notification de la saisie-arrêt, le tiers saisi devra informer immédiatement son client de la poursuite dont il fait l’objet et des effets de celle-ci afin de lui permettre de prendre toutes les mesures lui permettant d’obtenir soit la mainlevée, soit la limitation des effets de la saisie-arrêt.

– Déclaration du tiers saisi : dès la réception de la convocation (saisie-arrêt bancaire ou l’ordonnance de saisie-arrêt judiciaire) qui vaut sommation, le tiers saisi est tenu de faire une déclaration verbale ou écrite au plus tard à la date de réunion devant le juge de tout ce qu’il détient pour le compte du débiteur saisi.

Si des modifications ont été introduites avant la validation de la saisie-arrêt, le tiers saisi devra alors faire une autre déclaration appuyée de tous les documents et explications y afférents. Au cas où la déclaration du tiers saisi est négative, ou si elle est contestée, le juge ordonne le renvoi des parties intéressées devant le juge de fond pour être statué sur la véracité et la sincérité de la déclaration.

(Art 360 du CPC).

– Pluralité de saisies-arrêts : il se trouve dans certains cas qu’un actif peut être frappé successivement par plusieurs saisies-arrêts émanant de plusieurs saisissants. Dans ce cas, aucun des saisissants n’est privilégié sur les actifs bloqués même s’il se réclame comme étant le premier

saisissant. Une décision judiciaire, portant sur la validation de la saisie-arrêt, déterminera la quote-part de chacun des saisissants.

– Concours de la saisie-arrêt et un avis à tiers détenteur (ATD) : il arrive parfois qu’un avis à tiers détenteur intervienne au cours de la procédure de saisie-arrêt. Il s’agit d’une créance privilégiée du Trésor Public qui oblige le tiers saisi de satisfaire les exigences du Trésor sur les actifs du saisi, y compris ceux qui sont bloqués par la saisie-arrêt.

– Annulation et limitation des effets de la saisie-arrêt : le débiteur saisi a la possibilité d’atténuer ou de limiter la saisie-arrêt en sollicitant le cantonnement ou la mainlevée, à condition que la procédure en validation de la saisie-arrêt ne soit pas engagée.

Le cantonnement : c’est une procédure judiciaire visant à réduire les effets de la saisie-arrêt à concurrence de la créance invoquée par le saisissant ou évaluée par le juge. Cette somme sera frappée d’une affectation spéciale jusqu’à ce qu’on parvienne soit à un règlement amiable entre le saisissant et le saisi, soit à une décision de validation transportant définitivement le montant bloqué au profit du saisissant. Le tiers saisi est tenu de libérer le surplus des fonds et valeurs bloqués sur décision de justice accordant le cantonnement.

Mainlevée pure et simple avec ou sans paiement : c’est une procédure qui permet de mettre fin à une saisie-arrêt en cours. La décision de mainlevée est signifiée au tiers saisi soit par les soins d’un huissier de justice lorsqu’il s’agit d’une saisie-arrêt judiciaire, soit par acte extra-judiciaire pour les saisies-arrêts bancaires.

2.2. La saisie conservatoire mobilière

La saisie conservatoire est un mode de saisie qui permet à la banque de procéder à une saisie conservatoire sur les biens mobiliers du débiteur, si elle est autorisée par le juge ou si elle détient un titre la dispensant de cette autorisation. Ce bien est alors mis sous-main de la justice et le débiteur n’a plus le droit de s’en dessaisir. Le recours à cette saisie est ouvert à tout créancier justifiant d’une créance paraissant fondée et dont le recouvrement se trouve sérieusement compromis.

2.2.1. Procédure de mise en œuvre

Pour rendre effective cette procédure, la banque est tenue de présenter une demande d’ordonnance sur pied de requête au président du tribunal compétent, c’est-à-dire le tribunal du lieu de la situation des biens à saisir ou le lieu du domicile du débiteur, accompagnée de toutes les pièces justifiant la créance. (Art 346, 347 du CPC)

2.2.2. Procédure d’exécution

L’ordonnance de saisie mobilière est exécutée sur minute, c’est-à-dire qu’elle n’est pas susceptible de faire appel. L’ordonnance est notifiée sans délai au débiteur et remise par un huissier de justice territorialement compétent. (Art 346 du CPC)

La notification de l’ordonnance de saisie précisera si les biens meubles saisis conservés restent sous la garde du débiteur qui continue d’exercer l’usage et à bénéficier des fruits de ces biens (art 348 du CPC), ou doivent être remis matériellement à un gardien autre que le débiteur.

Si les biens saisis conservés sont confiés à la garde du débiteur, l’huissier est chargé d’établir un procès-verbal de recollement portant description des biens saisis (art 352 du CPC). Et dans le cas où la garde est confiée à une tierce personne, l’huissier dresse un procès-verbal de remise. (Art 353 du CPC)


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce qu’une procédure conservatoire en Algérie?

La procédure conservatoire constitue pour un banquier une possibilité de protéger sa créance en prenant une mesure conservatoire sur un des biens du débiteur, pour empêcher que ce bien ne sorte du patrimoine du débiteur.

Quelle est la différence entre la saisie-arrêt judiciaire et la saisie-arrêt bancaire?

La saisie-arrêt judiciaire est ordonnée par le juge du domicile du débiteur, tandis que la saisie-arrêt bancaire est exercée par une banque ou un établissement financier conformément aux dispositions de l’ordonnance 03-11 du 26 août 2003.

Quels privilèges ont les banques en matière de mesures conservatoires?

Les banques disposent de privilèges tels que la possibilité de pratiquer des saisies-arrêts pour bloquer les actifs mobiliers de leur débiteur, que ce soit par voie judiciaire ou bancaire.

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