Le cadre théorique du recouvrement bancaire révèle des enjeux cruciaux pour les banques algériennes face à l’augmentation des créances douteuses. Cette étude met en lumière des stratégies innovantes, essentielles pour transformer la gestion des créances et renforcer la stabilité économique.
Chapitre III : La phase du recouvrement des créances
Au regard de ce qu’on vient de voir au cours des chapitres prévus, le traitement du contentieux bancaire semble représenter le dernier recours de la banque afin de disposer de sa créance, mais aussi réduire, un tant soit peu, le volume de créances douteuses dans
le portefeuille.
L’activité de recouvrement ou bien de gestion curative du risque crédit ressemble à s’y méprendre, aux services après-vente des entreprises industrielles et commerciales. Si pour ces dernières c’est une activité très florissante et importante pour garder le lien avec leur clientèle, c’est également le cas pour la banque puisqu’on est passé du front office vers le back office où la relation entre le banquier et le client est très personnalisée.
Le contentieux ne doit pas être perçu comme une aberration. Le différend opposant le banquier au client ne signifie pas pour autant une détérioration de la relation existante entre les deux parties. Même au pire des cas, lorsque la banque enclenche la procédure judiciaire, elle est toujours prédisposée à revenir à de meilleurs sentiments et à régler le litige l’opposant à son client d’une manière amiable et qui satisferait et protégerait les intérêts des deux parties.
Ainsi, l’objectif de ce chapitre consiste à étudier le traitement du contentieux par la banque, les démarches suivies tout au long de la procédure, à savoir du premier jour de l’impayé en passant par le traitement amiable de l’incident et le traitement judiciaire afin de recouvrer sa créance.
La première section est consacrée aux principes et finalités de la fonction recouvrement dans la banque. On s’intéressera à la fonction de recouvrement dans la banque et les unités d’intervention dont dispose la banque, lui permettant de gérer le contentieux et récupérer l’impayé. Quant à la deuxième section, nous verrons à quel moment le recouvrement à l’amiable est enclenché, les moyens dont dispose la banque afin de mener à bien cette opération.
Nous verrons cette démarche d’un point de vue théorique et qui a fait l’objet de nombreux écrits, mais aussi d’un point de vue pratique, c’est à dire la manière avec laquelle les banques algériennes procèdent. La dernière section met l’accent sur le recouvrement judiciaire. Nous verrons le contentieux dans sa phase judiciaire, étant donné que le contentieux fait souvent référence à la saisine de l’appareil judiciaire.
Cette section est exclusivement réservée à la démarche de recouvrement appliquée par les instances judicaires algériennes.
Section I : La fonction de recouvrement dans la banque
Le recouvrement des créances est une activité réglementée consistant à utiliser tous les moyens légaux amiables et/ou judiciaire pour obtenir du débiteur le paiement de la créance due au créancier. Cette démarche commence à partir du jour du premier incident de paiement avec le client. C’est une étape très importante pour la banque qui, dans ce cas, doit faire preuve d’une extrême habilité et d’ingéniosité dans sa quête de recouvrement de la créance impayée.
L’amélioration du niveau de recouvrement des créances demeure la préoccupation majeure de la banque. Si le traitement de l’épineux problème des créances n’apporte pas une évolution en matière de recouvrement, il aura pour effet sans aucun d’autre un déséquilibre financier dans la trésorerie de la banque.
1. Principes et finalités de la fonction recouvrement
Pour juger de l’efficacité de la fonction du recouvrement au sein même de la banque, reprenons l’idée avancée par M. MATHIEU76 qui situe cette efficacité à partir de l’analyse de trois piliers à savoir : la réactivité, la continuité et la progressivité.
La réactivité représente le premier facteur-clé du succès du recouvrement. En effet, face à l’incident de paiement, la banque doit se montrer réactive et enclencher une véritable course contre la montre dans sa mission de récupération de sa créance.
Le temps est une contrainte que la banque doit gérer à bon escient, car chaque instant qui passe ne fait que générer l’accumulation des impayés, la disparition de la solvabilité du client, le règlement d’autres créanciers plus réactifs…
Par la même, cela suppose que la banque est dotée de moyens et d’outils permettant de détecter l’impayé qu’il soit actuel ou virtuel, et de structures plus aptes à gérer les impayés. La continuité, dans le sens du traitement de l’impayé, représente le deuxième facteur clé de succès. Dans ce cas, la banque doit faire preuve de persévérance et d’abnégation dans toute l’opération de récupération de la créance, et faire en sorte qu’il n’y ait pas de ruptures dans toute la chaîne de gestion du risque.
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76 M. MATHIEU, op.cit, page 272
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Ainsi, toutes les structures internes de la banque intervenant dans le cadre du recouvrement doivent travailler d’une manière cohérente, et s’assurer qu’il n’y ait pas de rupture ou de trous durant toute la phase de pression exercée à l’encontre du débiteur retardataire.
La progressivité, troisième et dernier facteur-clé de succès suppose que la banque met en place une stratégie organisationnelle dans sa mission de récupération de la créance, depuis l’agence jusqu’au service contentieux de la banque et l’adoption de certaines mesures coercitives adaptées.
Pour que ces trois facteurs-clés de succès puissent atteindre leur objectif, à savoir la réussite de recouvrement, il est préférable pour la banque qu’elle regroupe l’ensemble de ses unités opérationnelles chargées d’intervenir dans la gestion et de la récupération des impayés au sein d’une structure risque, qui dépendrait entièrement de la responsabilité d’un haut cadre de la banque.
En plus de ces trois clés de succès, l’opération de recouvrement ne doit pas être en elle-même figée, dans le sens que le recouvrement doit être perçue comme un moyen et un outil performant dans la stratégie de la banque que ce soit en matière de couverture de risques ou bien même en matière de développement. Ainsi, les finalités du recouvrement sont multiples, M. MATHIEU77 a essayé de les situer d’une manière générale à quatre niveaux :
Premièrement : L’opération de recouvrement doit permettre pour la banque, une récupération du maximum possible des créances impayées, tout en réduisant au maximum les coûts de procédures de recouvrement que ce soit à l’amiable ou par voie judiciaire.
Le service du contentieux, qui est généralement chargé de la récupération des impayés, se trouve sous une contrainte permanente, à savoir, celle de l’accumulation des stocks de créances impayées, car en plus de la gestion du stock déjà existant, il doit faire face au flux de nouveaux impayés. Dans ce cas-là, le service du contentieux doit ventiler au maximum le stock existant tout en maîtrisant les flux d’entrée de créances nouvelles, afin qu’elles ne viennent pas trop alourdir le stock.
Lors du traitement des dossiers le service du contentieux ne doit pas se focaliser que sur les nouveaux impayés.
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77 M. MATHIEU, op.cit- page 273
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Cela signifie qu’il est impératif d’organiser les autres unités intermédiaires intervenant dans le processus du recouvrement, pour ainsi dénouer le plus tôt possible certains dossiers pour ne pas encombrer ce service avec les nouveaux et les anciens dossiers.
Deuxièmement : une extrême habileté dans la politique conduite par la banque lors du recouvrement, afin de préserver la relation existante avec la clientèle, car ne perdons pas de vue qu’un client en difficulté aujourd’hui peut être un bon client demain.
Entretenir la relation avec sa clientèle est essentiel. Les agents de recouvrement doivent faire preuve de professionnalisme, de bon sens et de doigté en manifestant du respect à l’égard du client en difficulté sans exclure toutefois la fermeté dans certains cas.
Un recouvrement mal engagé et mal maîtrisé, peut avoir des conséquences très fâcheuses pour la banque, et du coup ternir son image de marque auprès du public, surtout si sa politique de marketing est axée sur la convivialité et la proximité.
Troisièmement : la mise en place d’une politique de provisionnement de créances qui doit être centrée sur une analyse détaillée de la créance, de la valeur des garanties, des possibilités de récupération des créances… et qui doit être en mesure de couvrir les risques.
Toute stratégie de provisionnement doit être planifiée surtout s’agissant de la détermination du pourcentage de provision sur des créances douteuses et litigieuses ; dans ce cas, il est préférable de dégager un budget prévisionnel de provisions, à partir de l’analyse historique des dotations aux provisions réalisées et de la distribution de crédit prévue, et de confier la gestion à un responsable de la filière risque, qui aura pour tâche d’effectuer les dotations aux provisions sur les dossiers, rendre compte mensuellement de la consommation de son budget provisions.
Cette méthode va permettre selon, M. MATHIEU, de responsabiliser les équipes de recouvrement sur la nécessité de couvrir les risques, et de permettre à la banque de suivre mensuellement les consommations de provisions et le taux de couverture des risques. Ceci permet d’éviter les mauvaises surprises de fin d’exercice.
Quatrièmement : un point essentiel qu’on a tendance à oublier et qui n’est des pas moindres, c’est que le recouvrement permet de corriger certaines erreurs réalisées dans la stratégie de distribution de crédits, en effectuant régulièrement une analyse sur les causes de la défaillance des clients et de l’inefficacité du recouvrement.
En effet, la filière recouvrement peut être d’un apport considérable pour la banque comme source d’informations, au bénéfice de tous les services intervenant dans la chaîne de distribution de crédit jusqu’au recouvrement, car elle permet d’identifier les procédures internes défectueuses, l’utilisation de garantie inefficaces, les secteurs géographiques ou segments de clients porteurs de risques…
L’étude et l’analyse permanente des dossiers en recouvrement contribuent à améliorer la stratégie et l’organisation de la filière risque par un suivi des clients en amont pour détecter le plus tôt possible leurs difficultés, et en aval pour parvenir à régulariser les impayés par les deux voies dont dispose la banque, l’amiable et le recours judiciaire.
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76 M. MATHIEU, op.cit, page 272 ↑
77 M. MATHIEU, op.cit- page 273 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principes de la fonction de recouvrement dans les banques?
Pour juger de l’efficacité de la fonction du recouvrement au sein même de la banque, on peut analyser trois piliers : la réactivité, la continuité et la progressivité.
Comment les banques gèrent-elles le contentieux lié au non remboursement des crédits?
Le traitement du contentieux bancaire représente le dernier recours de la banque pour disposer de sa créance, et il inclut des démarches amiables et judiciaires pour recouvrer la créance.
Quand est-ce que le recouvrement à l’amiable est enclenché par la banque?
Le recouvrement à l’amiable est enclenché dès le premier incident de paiement avec le client, et la banque doit faire preuve d’habilité et d’ingéniosité dans sa quête de recouvrement.