Les défis et solutions en santé infantile sont révélés à travers une analyse approfondie des itinéraires thérapeutiques des enfants de moins de 15 ans à Bomborokuy. Découvrez comment les choix des parents, influencés par la médecine moderne et traditionnelle, façonnent l’accès aux soins.
2. Déterminants institutionnels de l’itinéraire thérapeutique
Un certain nombre de conditions doivent être remplies avant de choisir un secteur de soins et y accéder. Le malade ou ses parents doivent avoir les capacités du recours qui se traduisent en termes d’accessibilité géographique et/ou financière du système de soins.
Selon THOMAS et al. 1984 (cité par BICABA, 2007, p 77), l’accès aux soins c’est « la relation entre la localisation des services et celle des patients, prenant en compte la mobilité des patients, la durée, la distance et le coût du trajet. C’est une mesure de proximité ». L’accessibilité financière est caractérisée par le pouvoir d’achat des ménages. De même, en plus de leur présence physique, les services de soins doivent être à mesure de fournir les prestations sanitaires adaptées aux besoins des malades.
2. 1. Itinéraires thérapeutiques selon l’estimation de la distance du CSPS
Pour cette étude, les mères estimant que le CSPS est éloigné de leur localité optent majoritairement pour l’automédication (51,7%). Toutefois, la quasi-totalité des mères (3,6%) n’ayant pas traité leurs enfants, affirment pourtant que le centre de soins moderne est proche de leur localité ou de leur domicile. Sachant que la consultation moderne est considérée comme coûteuse par la population en milieu rural qui manque généralement de moyen financier, il va sans dire qu’a défaut de faire l’automédication, les mères préfèrent ne pas traiter l’enfant malade. Il faut noter que les mères qui sont proches du centre de santé moderne utilisent aussi bien ce service (49,5%) qu’elles font l’automédication (45,0%).
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45,0
30
10
0
3,6
1,8
Proche
Moyennement proche
Distance
Eloigné
3,4
41,4
Aucun recours Consultaion Moderne Consultation Traditionnelle Automédication
51,7
49,5
70
80
70
60
50
40
30
20
Graphique 4. 4 : Recours thérapeutique selon l’estimation de la distance du CSPS
3,4
Effectif en %
Source : Enquête de terrain, (2008)
La primauté est accordée, selon les données collectées, à la consultation moderne en cas de maladie des enfants de moins de 15 ans. Elle se justifie du fait que le rayon moyen d’action de l’aire sanitaire est de 6km environ. L’objectif national qui voudrait qu’un village ne soit pas éloigné d’un service de santé moderne de plus de 10 km est relativement respecté.
Ainsi, les populations sont géographiquement proches du centre de santé de Bomborokuy, donc des distances de déplacement a priori faibles ; déplacements facilités par l’absence d’obstacles géographiques naturels notables, même si les infrastructures routières ne sont pas en très bon état.
Toutefois, il est certain qu’il existe bien, à l’échelle des villages, des inégalités dans le recours aux soins. Selon la distribution spatiale des villages, nous remarquons que le recours à la médecine moderne diminue au fur et mesure que l’on s’éloigne du site du CSPS. Ainsi, le taux de recours est de 51,9% pour Bomborokuy contre 30,8% pour le village le plus éloigné (Gombélé) en passant par Niankouini (48,3%) et Sacko (31,3%) (Cf. Tableau Annexe 5). Rappelons que Gombélé est distant de Bomborokuy de 8km ; Sacko, de 6km et Niankouini, de 4km. L’influence de la distance varie en fonction de l’utilité que la personne attribue au lieu vers lequel elle se déplace ou peut se déplacer. En cela, la perception de la distance relève des représentations des personnes.
La distance de recours thérapeutique ne pose pas de problèmes manifestes pour certaines mères pour le choix du type de soins à utiliser selon qu’il soit géographiquement accessible ou pas (proche ou éloigné du patient). Elle ne représente sans doute pas un obstacle psychologique suffisant en témoignent ces propos d’une mère à Gombélé : « En matière de maladie, tu ne peux pas dire qu’un centre de soins est éloigné. C’est la santé de ton enfant que tu cherches, donc tu ne vois pas la distance ».
La distance est un facteur parmi tant d’autres entrant dans l’orientation des itinéraires thérapeutiques.
2. 2. Itinéraires thérapeutiques en fonction de la perception des soins de santé modernes
La perception du système de soins n’est pas si facile à appréhender. Ainsi, dans le cadre de ce mémoire, nous avons recueilli les différents motifs qui poussent les mères à utiliser le type de soins choisi.
Tableau 4. 4 : Motifs du recours au centre de soins moderne
Motifs du recours au centre de soins moderne | |
---|---|
Motifs du recours | Recours à la Consultation moderne en % |
Efficacité / Confiance | 88,2 |
Bon accueil | 4,4 |
Proximité du service de soins | 7,4 |
Total | 100 |
Source : Enquête de terrain, (2008)
Le motif le plus évoqué est sans doute l’efficacité (88,2%) des soins apportés aux malades, toute chose qui renforce la confiance des patients aux soins modernes.
L’accueil dans le centre de santé moderne de Bomborokuy oriente le choix, dans une moindre mesure, non pas du type de recours, mais vers d’autres formations sanitaires. En effet, nous notons que les mères d’un village (Niankouini) appartenant à l’aire sanitaire de Bomborokuy et situé à équidistance des deux centres de santé modernes vont traiter leurs enfants à Yévédougou prouvant que la distance n’est pas perçue comme un obstacle majeur: « J’ai emmené mon enfant au dispensaire de Bomborokuy, On m’a dit que l’infirmier dort et d’attendre le soir (15h) pendant que mon enfant ne cesse pas de pleurer, c’est pourquoi je me soigne au CSPS de Yévédougou ».
Même le manque de solidarité entre les populations qui augmente de plus en plus peut avoir une influence sur le recours. « A Bomborokuy les gens ne sont pas solidaires, si ton argent est fini pendant les soins, personne ne va t’en prêter ; alors qu’à Yévédougou ce n’est pas le cas. On te comprend toujours ». Ces points de vue de mères sont à relativiser même s’il y a une part de vérité dans ces propos.
Le manque de solidarité dont font cas ces mères est naturellement lié aux difficultés économiques auxquelles les ménages font de plus en plus face qui jouent aussi un rôle important dans la conduite à tenir pour les soins des enfants.
3. Aspects socio-économiques de l’itinéraire thérapeutique
Il n’est plus à démontrer de nos jours que l’économique joue un rôle primordial dans le choix thérapeutique. Cerner le niveau économique des ménages n’est pas chose aisée surtout en milieu rural où les populations ont du mal à estimer leur revenu, si elles ne sont pas réticentes. De ce fait, nous n’avons pas pu recueillir les données sur le revenu du ménage, ni sur les dépenses des soins de santé car beaucoup de mères les ignoraient. Néanmoins, nous tenterons de cerner l’influence de l’activité principale du chef de ménage et de la prise en charge des dépenses de santé en termes de personnes assumant le coût du traitement, sur le choix du type de soins.
3. 1. Itinéraires thérapeutiques selon l’activité principale du chef de ménage
L’activité du chef de ménage entre en droite ligne dans l’équilibre du ménage, car c’est à la base de son activité que celui-ci prend en charge les dépenses de la famille. Partant de ce fait, l’activité du chef de ménage occupe une place prépondérante dans les indicateurs de mesure du niveau économique du ménage. L’accès aux soins se modifie généralement avec le niveau socio-professionnnel de celui-ci.
Dans l’aire sanitaire de Bomborokuy, les fonctionnaires (salariés) privilégient les soins de type moderne. Cette orientation vers ces services est cumulativement due d’une part, à leur niveau d’instruction qui leur permet d’être mieux informés et plus critiques vis- à- vis des services de soins en présence et d’autre part, de disposer de ressources financières nécessaires à la prise en charge des dépenses de santé.
Les commerçants dans leur totalité (5) utilisent le centre de santé moderne pour soigner leurs enfants.
Cependant, les agriculteurs utilisent aussi bien l’automédication (45,8 %) que la consultation moderne (48, 9%) pour le traitement des cas de maladies de l’enfant. De même, les malades qui n’ont pas reçu de soins sont des enfants ayant les parents issus de ce groupe socio- professionnel.
Les artisans ont recours massivement à l’auto-traitement de leurs enfants (71,4%) pourtant ils sont souvent considérés comme ayant des revenus mêmes si ceux-ci sont périodiques. Ils ont en outre recours dans les mêmes proportions (14,3%) à la consultation traditionnelle et moderne.
100
Aucun recours Consultaion Moderne Consultation Traditionnelle Automédication
Autres
Artisan
Commerçant
Activité
Eleveur
Agriculteur
3,8
Graphique 4. 5 : Choix thérapeutique selon l’activité principale du chef de ménage
120
100
Fonctionnaire
100
100
80 71,4
60
48,9
45,8
50 50
40
20
14,3 14,3
1,5
0
Effectif en %
Source : Enquête de terrain, (2008)
Les facteurs économiques ont une influence sur les choix thérapeutiques surtout en milieu rural caractérisé par un faible pouvoir d’achat des populations. Rappelons que le manque d’argent est la raison principale de l’automédication et de l’absence de soins thérapeutiques évoquée par les mères. Les ménages expriment la limite de leurs accès aux structures de soins par l’indisponibilité de ressources financières, car la décision de faire recours aux structures de soins tient compte de son coût qui peut être évalué en terme monétaire ou en terme de ressource.
Une mère qui a conscience que son époux ne dispose pas de ressources monétaires, ni de biens matériels à échanger, ni de personnes ressources dans son entourage susceptibles de lui venir en aide de quelque manière que ce soit, ne demandera pas à celui-ci de referer l’enfant dans un centre de santé moderne.
Notons que les agriculteurs sont d’autant plus vulnérables qu’ils n’ont de ressources que souvent à la fin des récoltes .Sachant que les récoltes dépendent des aléas climatiques ceux-ci rendent incertains les revenus des ménages et du même coup réduisent les possibilités de recours thérapeutiques des parents à l’apparition d’un épisode morbide dans le ménage. Ainsi, le ménage opère souvent un choix thérapeutique orienté vers les adultes qui sont les actifs au détriment des enfants.
3. 2. Itinéraires thérapeutiques selon la prise en charge des dépenses de santé
L’autonomie financière des femmes et ses conséquences en termes de pouvoir de décision est un facteur déterminant pour les stratégies de soins aux enfants. Le manque d’indépendance concernant les soins est encore plus fort quand il s’agit de la prise en charge financière puisque dans la plupart des cas, les coûts sont supportés par le mari. Les conjoints orientent, dans 61,5% des cas, les enfants vers les centres de soins modernes.
Tableau 4. 5 : Prise en charge des dépenses sanitaires selon le type de traitement
Type de recours Personne | Consultation moderne | Consultation traditionnelle | Automédication | Total | |
---|---|---|---|---|---|
Père | N | 67 | 2 | 40 | 109 |
% | 61,5 | 1,8 | 36,7 | 100,0 | |
Mère | N | 5 | – | 9 | 14 |
% | 35,7 | – | 64,3 | 100,0 | |
Autres personnes | N | 2 | – | 1 | 3 |
% | 66,7 | – | 33,33 | 100,0 | |
Total | N | 74 | 2 | 50 | 126 |
% | 58,7 | 1,6 | 39,7 | 100,0 |
Source : Enquête de terrain, (2008)
L’attirance des femmes pour les thérapies familiales peut se justifier par le manque de disponibilité financière qui limite leur accès aux structures de soins modernes quand bien même elles connaissent le bien-fondé de recourir à ces soins à travers la sensibilisation du personnel de santé. En effet, leur faible autonomie financière, conjuguée à une bonne connaissance de la pharmacopée locale, peut expliquer l’importance des soins dans la famille.
De ces analyses, il semble intéressant de voir le rapport entre les options thérapeutiques et le type de pathologie rencontrée et son évolution dans le temps