L’occupation humaine à Libreville est analysée à travers une description spatiale et démographique, mettant en lumière les types d’habitations et les activités économiques. Cette étude permet d’évaluer les phénomènes d’îlots de chaleur urbains et la qualité de l’air dans l’agglomération.
1.2 ASPECTS HUMAINS DE L’AGGLOMERATION DE LIBREVILLE
Dans cette section, il s’agit de réaliser une description spatiale et démographique de l’agglomération de Libreville. La connaissance ici, de l’occupation humaine, de la population, du type d’habitation et des activités économiques permettront d’apprécier ou mieux diagnostiquer les phénomènes d’ilot de chaleur urbain et de la qualité de l’air dans cet espace.
1.2.1 Évolution géo-historique de l’occupation humaine de l’agglomération de Libreville
Depuis les indépendances, l’urbanisation s’est graduellement accélérée dans les pays africains, cela pour atteindre des proportions assez grandes (OKANGA-GUAY, 1998). À cet effet, l’agglomération de Libreville étant dans le groupe des villes hétérogènes s’inscrit dans cette logique. L’augmentation rapide de sa population s’accompagne d’un étalement urbain qui traduit une augmentation considérable de sa surface agglomérée (MOUGHOLA LEYOUBOU, 2020). Elle est passée, de 10 km² en 1960 à 174 km² cinquante ans plus tard (RABENKOGO, 2015 : 2) cité par NGUEMA (2015).
L’organisation de cette région de Libreville1-Owendo-Akanda s’est réalisée progressivement et remonte à la fin de la période coloniale. Il est donc judicieux de noter ici, que la commune d’Akanda2 au nord de Libreville a été créée en 2013. Tandis que la commune d’Owendo3 était à l’origine une zone industrielle et portuaire de Libreville. Ce n’est qu’en 1995 que la localité d’Owendo est devenue une commune de plein exercice (NGUEMA, 2005). Le tableau 1 présente ainsi la superficie des trois communes de l’agglomération de Libreville.
Tableau 1 : Superficie de la région Akanda-Libreville-Owendo | |||||||
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Akanda | 457 Km² | ||||||
Agglomération | |||||||
Libreville | 174 Km² | ||||||
De | |||||||
Owendo | 88 Km² | ||||||
Libreville | |||||||
Total : 719 Km² |
Source : d’après Nicaise RABENKOGO ; Réalisé par ZOLO-M’BOU Dergy-Strede. (2023)
- Décret n°289/PR- MI-RA. SVPG du 20 mars 1974, et par l’ordonnance n° 688/PR/MIDSM du 23 juin 1995).
- Créée selon l’ordonnance n°8/2013 du 21 février 2013 portant suppression du département du cap, de la commune du Cap-Estérias et création de la commune d’Akanda.
4 Créée selon l’ordonnance n°6/2013 du 21février 2013 portant modification du périmètre de la commune d’Owendo.
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Entre 1993 et 2013, la population de cet espace n’a cessé d’évoluer. Elle a crû de 67,8% (MOUGHOLA LEYOUBOU, 2020). Ainsi, en 1993 Libreville comptait une population urbaine de 419 596 habitants sur une population totale de 1 014 976 habitants soit une proportion de 41,3% (RGPH, 1993). Vingt ans plus tard, sa population totale est passée à 703 939 habitants (RGPL, 2013).
La forte concentration de la population en ville est source des transformations que l’agglomération de Libreville connaît au fur et à mesure qu’elle s’étale dans ses périphéries. La population urbaine de la capitale gabonaise continue de progresser. En 2010, l’étude menée par ELLE NGOMO au sein des mairies de Libreville montre que la ville atteint déjà 800 000 habitants (Graphique 1).
Graphique 1 : Evolution de la population dans l’agglomération de Libreville
[img_1]
Source : (RGPH, 1993 ; ELLE NGOMO, 2010 ; RGPL, 2013) : Réalisé par ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, 2023
Années |
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2020 |
2010 |
2000 |
1990 |
1980 |
1970 |
1960 |
1950 |
1940 |
1930 |
31.000 |
77.800 |
200.000 |
420.000 |
642.590 |
800.000 |
807.095 |
Nombres d’habitants
Au vu du rythme de l’évolution de la population et surtout du système d’occupation du sol particulièrement anarchique, le processus d’étalement et d’urbanisation de cette ville ne va certainement pas aller en ralentissant (MADEBE, 2014).
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1.2.2 Typologie des habitations
Les villes africaines ont de manière générale, maintenu le modèle de développement qui dominait pendant la période coloniale : à savoir des villes aux deux visages, avec, d’un côté, les quartiers européens bien structurés, pourvus en infrastructures et équipements et, de l’autre, les quartiers indigènes insalubres, surpeuplés, appelés « villages africains » par Guy LASSERRE, 1958.
En effet, quoique les différents plans d’urbanisme initiés et les quelques opérations de restructuration effectuées, on retrouve jusqu’à nos jours ces deux catégories de quartiers. Cela se manifeste même dans la structuration des infrastructures et des édifices qu’on y rencontre. On a donc la coexistence de deux types de tissus urbains : les quartiers structurés et intégrés, et les quartiers sous-équipés et sous-intégrés.
Cette situation est aussi très caractéristique de la croissance urbaine de la ville qui se fait de façon anarchique. Conduisant, à quelques lieux, à une urbanisation sauvage sur des espaces qui ne font pas encore partie des limites de l’agglomération ou dans des vallées marécageuses. C’est ce que NZIENGUI MABILA a appelé le « laisser-faire » (NZIENGUI MABILA, 1987).
Il s’ensuit alors une transformation progressive du tissu des zones rurales dont la physionomie devient de plus en plus urbaine et aboutit à un mélange de constructions modernes et de maisons précaires souvent en planches installées de façon anarchique (MOUSSAVOU, 2012). Les cités planifiées et les lotissements sont des structures spatiales souvent sous formes d’ilots (Cité Damas, cité charbonnages, lotissements Nzeng-Ayong, Bikélé, SNI, Angondjé…) (ENGO ASSOUMOU, 2007)
Tableau 2 : Classification de type de quartiers dans l’agglomération de Libreville | |
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Types de quartiers Caractéristiques de l’aménagement | Nature de constructions |
Quartier moderne avec Site bien aménagé | Toutes Constructions en matériaux définitifs les servitudes |
Quartier mixte avec Site ne disposant partiellement des équipements urbains de base | Constructions en matériaux définitifs, semi-définitif |
Quartier précaire avec terrain déclaré non Constructible et sans services urbains, enclavé et marécageux | Constructions semi-dure et bois traité ou non isolé sur sol |
Source: MOUSSAVOU Roland R. A, 2012, Réalisé par ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, 2023
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Dans la figure 5, les photos E, F, G et H présentent « L’univers en contre-plaqué en planche et en tôle » de NDONG MBENG H.F. les ‘’matitis’’ La photo H présente des habitations compactes, dont l’effet de précarité et de promiscuité sont des dominateurs communs. Généralement la circulation n’est pas aisée dans ce type de quartier, car ces maisons sont construites dans un marécage.
Figure 5: Typologie des habitations de l’agglomération de Libreville
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Cliché ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, Octobre 2023
A : Immeuble haut de gué-gué ; B : Logements sociaux agondjé; C : R+1 ancienne SOBRAGA ; D : villa bas de gué-gué ; E : Maison précaire derrière l’ENS ; F : Maison en planche PK7 ; G : aperçu des maisons de beau séjour ; H : aperçu des maisons de Kinguélé
En revanche, la photo G illustrent des logements entassés dont les matériaux de constructions dominant sont les briques. La physionomie de ces habitations justifie l’absence d’une politique d’occupation du sol au profit des constructions libérales individuelles. Le statut
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exceptionnel de certains quartiers modernes et leurs habitats tire son origine lors de la mise en place des grands projets d’aménagement de Libreville (NDONG MBA, 2004). Les habitations sont généralement en bordure de route, avec de grande clôture ; elles sont construites en dur, dont le niveau de hauteur moyen est R+1 (photo A, B, C et D).
1.2.3 Typologie des voiries
La voirie présente un rôle moteur dans le mode de constitution des entités urbaines. Ainsi, l’agglomération de Libreville, selon l’analyse d’ENGO-ASSOUMOU, est très caractérisée par le modèle de développement où les activités urbaines et les équipements collectifs sont fonction du réseau de voies existantes (ENGO-ASSOUMOU, 2007). Tout en considérant son mode d’occupation de l’espace, il en résulte trois formes de voiries, du moins en ce qui concerne l’armature principale (Figure 5).
Figure 6 : Voirie urbaine de l’agglomération de Libreville
[img_3]
Réalisée par ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, 2023 Source : Données vectorielles : https://extract.bbbike.org?sw_lng=10.486&sw_lat=1.248&ne_lng=12.481&ne_lat=3.124&for mat=srtm.osmxz&city=trois+zone&lang=fr et Google Earth 2023
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1.2.3.1 Voirie primaire
Les voiries primaires sont des voies de circulation à grande vitesse. Ce sont des boulevards, les voies express et les voies rapides (Photos A, C et D), où la prudence est requise (figure 7). A ce titre, nous pouvons dire que l’agglomération de Libreville dispose que d’une seule voie terrestre d’accès, la RN1 qui part du Boulevard du Bord de Mer, par le Boulevard Bessieux, vers l’intérieur du pays.
Nous pouvons également citer la voie qui débute du rond-point la Démocratie (photo B, figure 7) à l’aéroport pour rélier la commune Akanda. De même, le linéaire, route Aéroport (Photo D, figure 7) – Boulevard Léon MBA du bord de Mer, passant par le Ministère des affaires étrangères et continue jusqu’à la commune d’Owendo (Photo A, planche 2).
Figure 7 : présentation de quelques voiries primaires de l’agglomération de Libreville
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A : carrefour SNI ; B : rond-point de la démocratie ; C : plage Léon MBA ; D : lycée d’Etat
Cliché ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, Octobre 2023
1.2.3.2 Voirie secondary
Il s’agit des voiries inter-quartiers qui sont composées de voies de liaison et permettent de desservir les quartiers et à partir des voies structurantes (voiries primaires). L’agglomération de Libreville, très tourmenté par une succession de vallées et de crêtes (MOMBO et ITONGO, 2011), ne permet pas une ouverture facile d’un réseau de voies plus serré (absence de planification). La figure 8, page suivante, présente quelques voiries secondaires de Libreville.
Figure 8 : présentation de quelques voiries secondaires de l’agglomération de Libreville
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A : derrière le tribunal ; B : Saint-Georges (nzeng-ayong) ; C : carrefour Léon MBA ; D : débarcadère d’ambrouwé Cliché ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, Octobre 2023
1.2.3.3 Voirie tertiaire
Cet espace possède un ensemble de pistes et sentiers non négligeables, formant la voirie tertiaire. Elles prédominent dans des quartiers spontanés ou dans des secteurs en voie d’urbanisation. Leurs tracés sont généralement instables car changeant souvent en fonction des nouveaux besoins et des périodes climatiques. Les pistes sont des voies obtenues par simple débroussaillage ou par le passage régulier de quelques véhicules alors que les sentiers sont le fait du passage des personnes à pied. La figure 9, page suivante, présente quelques voiries tertiaires de l’agglomération de Libreville.
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Figure 9 : présentation de quelques voiries tertiaires de l’agglomération de Libreville
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A : marché d’Oloumi ; B : avant le marché petit Akandais ; C : au show-show PK8 ; derrière l’hotel excellence (ancienne SOBRAGA) ; E : Mindoubé 1 chez le chef D :
Cliché ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, Octobre 2023
De façon générale, le réseau de voies urbaines assure trois fonctions principales : l’accès
- la ville et le décongestionnement de la circulation, les liaisons inter-quartiers, la desserte des habitations.
1.2.4 Présentation des activités économiques et l’assainissement
1.2.4.1 Présentation des activités économiques
L’agglomération de Libreville est un pôle majeur du commerce et des services liés à ses fonctions politique et administratif, mais aussi de ville cosmopolite, industrielle et portuaire (particulièrement à Owendo). La taille, les fonctions et la nature des activités sont ainsi fonction du dynamisme de la ville (NOUKPO, 2011).
Cet espace monopolise en son sein plus de 70% des entreprises commerciales et industrielles du Gabon (NDONG MBA, 2004). L’activité manufacturière se distingue essentiellement par des industries de consommation telle que l’agroalimentaire, textile, transformation du bois, constructions métalliques, informatique, pour ne citer que cela.
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L’activité commerciale repartit entre la grande distribution (faite par hypermarché Mbolo, Cecado, Score, Ceca-Gadis, Sangel…), les magasins des Syro-Libanais et les échoppes des Africains de l’Ouest. (NDONG MBA, 2004). La figure 10 présente quelques voiries tertiaires de l’agglomération de Libreville. La Planche 5, ci-après, présente quelques marchés de l’agglomération de Libreville.
Figure 10 : présentation de quelques marchés et commerces de l’agglomération de Libreville
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A : Marché d’Oloumi ; B : Marché du PK8 ; C : super CEKADO carrefour SNI ; Marché petit Akandais. Cliché ZOLO-M’BOU Dergy-Strede, Octobre 2023
D :
Lieux de rencontre entre l’offre et la demande, le grand marché central de Mont-Bouët et les marchés de quartier (exemple : Nkembo, Oloumi, Louis, Akébé, le petit akandais, carrefour SNIS…) constituent des lieux d’animation et de ventes des biens et des services. Les petits métiers du secteur informel y sont présents. Mais également dans toute l’agglomération, souvent installés illégalement le long des axes de circulation. Ces différentes activités (micro-commerce, restauration de rue, réparation de pneumatiques, services en tout genre) occupent une place importante dans l’économie de l’agglomération de Libreville (NDONG MBA, 2004).
1.2.4.2 L’assainissement
Comme les autres villes gabonaises, la région Akanda-Libreville-Owendo, dans son ensemble, n’a pas de plan d’urbanisation adéquat et formé. Les constructions anarchiques empiètent sur les réseaux d’assainissement prévus ou détériorent les ouvrages existants. De ce fait, la problématique des eaux usées et de l’assainissement présente des potentielles pollutions, des nuisances et des risques environnementaux et sociosanitaires (MOMBO et EDOU EBOLO, 2007). Nous pouvons citer parmi plusieurs, la dégradation de la qualité de l’air.
Conclusion
Au vu du rythme de l’évolution de la population et surtout du système d’occupation du sol particulièrement anarchique, le processus d’urbanisation de cette ville ne va certainement pas aller en ralentissant. Cette croissance multiforme accroit la productivité économique et la prolifération des activités économiques dans le secteur informel. Cependant elle reste un facteur de l’anarchie observée dans l’organisation de l’espace urbain de l’agglomération de Libreville d’une part et, favoriserait la formation d’ilot de chaleur urbain et la dégradation de la qualité de l’air d’autre part.
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1 Décret n°289/PR- MI-RA. SVPG du 20 mars 1974, et par l’ordonnance n° 688/PR/MIDSM du 23 juin 1995. ↑
2 Créée selon l’ordonnance n°8/2013 du 21 février 2013 portant suppression du département du cap, de la commune du Cap-Estérias et création de la commune d’Akanda. ↑
3 Créée selon l’ordonnance n°6/2013 du 21février 2013 portant modification du périmètre de la commune d’Owendo. ↑