Les stratégies d’implémentation MSI révèlent que l’instabilité des microsatellites, présente dans 15% des cancers colorectaux, pourrait transformer notre approche diagnostique. Quelles implications cela a-t-il pour la classification et le traitement des tumeurs ? Découvrez des réponses essentielles dans cette étude captivante.
Partie II : Instabilité des microsatellites dans le cancer colorectal
Chapitre I : Instabilité des microsatellites
Définition de l’instabilité des microsatellites et des termes liés à l’instabilité des microsatellites
Les microsatellites
Les microsatellites (ou SSR : Simple Sequencen Repeats) sont des simples séquences d’ADN répétées en tandem, trouvées abondamment dans les génomes de presque tous les organismes et organites connus, à la fois dans les régions codantes et non codantes (Chambers and MacAvoy, 2000). Certains scientifiques définissent les microsatellites comme des répétitions d’un seul nucléotide (mononucléotides) ou des unités de deux nucléotides ou plus (par exemple, di-, tri-, tétra- ou pentanucléotides) répétées dans le génome.
Actuellement, il n’y a pas de consensus général sur ; le nombre minimum nécessaires d’unités nucléotidiques répétées pour définir un microsatellite, le nombre maximum d’unités nucléotidiques répétées autorisées à être considéré comme un microsatellite, ou le nombre minimum d’unités nucléotidiques répétées nécessaires pour définir un minisatellite (De La Chapelle and Hampel, 2010).
Les microsatellites sont parfois associés à d’autres répétitions, en particulier les éléments transposables. Chez l’homme, ils sont associés à de l’ADN répétitif, en particulier des rétrotransposons non LTR (Long Terminal Repeats) (Stella, 2013). Il y a au moins 500000 microsatellites dans le génome humain (De La Chapelle and Hampel, 2010). Le plus courant chez l’homme est une répétition dinucléotidique de cytosine et d’adénine qui se produit à plusieurs milliers d’endroits dans toute la lignée germinale humaine (Söreide et al., 2006).
Les microsatellites sont des outils moléculaires remarquablement polyvalents, d’une grande utilité pour la cartographie génétique chez de nombreuses espèces, mais aussi pour de nombreux autres domaines ; l’analyse d’ADN ancien, la génétique des populations, ou encore la conservation des ressources biologiques (Ellis and Burke, 2007).
L’instabilité des microsatellites
L’instabilité des microsatellites (MSI) est une variation anormale du nombre de séquences répétées (les microsatellites) dans l’ADN tumoral comparé à l’ADN du même patient provenant de tissu sain (Lamoril, Deybach and Bouizegarène, 2006). Le MSI est une situation dans laquelle un allèle microsatellite germinal a gagné ou perdu des unités répétées et a ainsi subi un changement somatique de longueur. Ce type d’altération ne peut être détecté que si de nombreuses cellules sont affectées par le même changement, et est donc un indicateur de l’expansion clonale typique d’un néoplasme (Söreide et al., 2006). Le MSI peut avoir un potentiel oncogène lorsqu’il se produit dans des régions codantes des gènes impliqués dans plusieurs fonctions et voies cellulaires cruciales (Gelsomino et al., 2016).
L’instabilité des microsatellites est l’empreinte moléculaire du système de réparation des mésappariements (MMR), elle caractérise 15% des cancers colorectaux (Sinicrope and Sargent, 2012). Elle survient dans les tumeurs dont la réparation des mésappariements est déficiente en raison de l’inactivation de l’un des quatre gènes de réparation des mésappariements : MSH2, MLH1, MSH6, et PMS2 (De La Chapelle and Hampel, 2010).
Les cancers colorectaux avec MSI ont des caractéristiques pathologiques distinctes telles que ; la prédominance du côlon proximal, une mauvaise différenciation, un nombre accru de lymphocytes filtrant les tumeurs et/ou une histologie mucineuse (Sinicrope and Sargent, 2012). L’identification du statut MSI chez les patients atteints de CCR est d’importance clinique pour plusieurs raisons ; le statut MSI est un outil de dépistage pour détecter le syndrome de Lynch, un marqueur pronostique de l’évolution du patient et un facteur prédictif de la réponse à la chimiothérapie et à l’immunothérapie (Wang, Kanehira and Chen, 2016).
Le système de réparation des mésappariements de l’ADN
Un grand nombre de divisions cellulaires est nécessaire pour aboutir à un individu avec environ 37 billions de cellules à partir d’un zygote unicellulaire. Au cours de la vie d’un individu, la cellule se divise environ 1015 divisions cellulaires, la fréquence des erreurs de réplication est de 10−10 par base d’ADN par division cellulaire, ainsi la réplication seule provoque des milliers de nouvelles mutations d’ADN du génome de chaque cellule. Pour restaurer la structure fidèle de l’ADN néosynthétisé, plusieurs mécanismes cellulaires de réparation entrent en jeu (Tamura et al., 2019).
Le système de réparation des mésappariements d’ADN (MMR) corrige les erreurs d’insertion, de suppression et les mésappariements base-base générés pendant la réplication et la recombinaison de l’ADN qui ont échappé au processus de relecture (Nojadeh, Sharif and Sakhinia, 2018). C’est un processus en plusieurs étapes impliquant des protéines clés à chaque étape pour maintenir la stabilité génomique.
L’initiation de la réparation commence lorsqu’un hétérodimère de l’homologue MutS : MutSα (MSH2/MSH6) ou MutSβ (MSH2/MSH3) se lie à un ADN non apparié et recrute des protéines spécialisées dans sa réparation, MutL homolog 1 (MLH1) et la protéine de ségrégation post-méiotique 2 (PMS2), formant un tétramère (Liu, Keijzers and Rasmussen, 2017).
Ensuite, la protéine PCNA (Proliferating Cell Nuclear Antigen) est alors recrutée au niveau de l’ADN par le facteur de réplication RFC, lui permettant d’interagir avec MutL. Cette interaction entraîne l’activation de l’activité endonucléasique du PMS2 nécessaire à l’excision en 3’ du mésappariement. L’exonucléase 5’-3’ (EXO1) est ensuite recrutée et induit l’excision du brin d’ADN contenant le mésappariement alors que les protéines RPA se lient à l’ADN simple brin généré par l’excision afin de le protéger de la dégradation.
Lorsque le mésappariement est éliminé, l’ADN polymérase δ ainsi que l’ADN ligase sont recrutées au niveau de l’ADN excisé afin de synthétiser et de relier le nouveau brin d’ADN (Fig. 9) (Li and Martin, 2016).
Ce mécanisme de réparation est déficient dans certains cancers qui présentent le phénotype d’instabilité microsatellitaire ; caractérisé par le fait que les répétitions de dinucléotides caractéristiques de certains microsatellites, difficiles à reproduire à l’identique lors de la réplication de l’ADN, demeurent altérées en absence du système de réparation MMR fonctionnel. Ce phénomène survient en particulier dans certaines formes des cancers du côlon. Il peut être en cause dans les cancers sporadiques lorsque les mutations des gènes MLH et MSH surviennent dans une cellule somatique et dans les cancers associés à une prédisposition héréditaire lorsqu’elles surviennent dans la lignée germinale d’un individu (Robert and Pourquier, 2011).
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Figure 9 : Représentation schématique du fonctionnement du système MMR (Li and Martin, 2016).
Instabilité des microsatellites élevée et instabilité des microsatellites faible
Le MSI est un facteur important dans l’apparition et le développement des tumeurs. Conformément à la fréquence du MSI, il peut être distingué en trois types ; forte instabilité des microsatellites (MSI-H), faible instabilité des microsatellites (MSI-L) et stabilité des microsatellites (MSS). À l’heure actuelle, la recherche clinique tend à classer le MSI-L et le MSS comme un seul type (De’angelis et al., 2018).
Le phénotype MSI à haute fréquence (MSI-H) apparaît dans 15 à 20% de tous les cancers colorectaux, qui sont généralement affectés par l’inactivation somatique du gène MLH1 par hyperméthylation du promoteur MLH1 (Wang, Kanehira and Chen, 2016). Cependant, le phénotype MSI à faible fréquence (MSI-L) est plus faible, de 3% à 10% de tous les cancers colorectaux (De La Chapelle and Hampel, 2010).
Dans une tentative de standardiser l’analyse MSI, en 1997, l’atelier de l’institut National du Cancer (NCI) a recommandé un panel de référence de cinq marqueurs de microsatellites appelé le panel de Bethesda (Murphy et al., 2006). Ces cinq marqueurs comprennent deux marqueurs quasi monomorphiques : BAT25 et BAT26, et trois marqueurs de répétition de dinucléotides : D2S123, D5S346, et D17S250 (Wang, Kanehira and Chen, 2016).
En fonction du pourcentage de loci avec le MSI, on a défini l’instabilité élevée par la présence d’au moins deux marqueurs instables, ou de plus de 30% des marqueurs instables si l’analyse est étendue à un plus grand nombre de microsatellites (Gelsomino et al., 2016). Les tumeurs présentant un seul marqueur instable, dites MSI-L, n’ont pas de caractéristiques différentes des tumeurs ayant des séquences microsatellites stables (MSS) et sont donc considérées comme ne présentant pas d’instabilité des microsatellites (Paraf, 2007).
Le phénotype MSI-H est associé à un meilleur pronostic (Kim et al., 2011). Les cancers colorectaux MSI-H ont des caractéristiques cliniques et pathologiques distinctes telles que ; la localisation proximale, un stade précoce (principalement stade II), une mauvaise différenciation, une histologie mucineuse et une association avec des mutations BRAF (Li et al., 2020).
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Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’instabilité des microsatellites (MSI) dans le cancer colorectal ?
L’instabilité des microsatellites (MSI) est une variation anormale du nombre de séquences répétées dans l’ADN tumoral comparé à l’ADN du même patient provenant de tissu sain.
Pourquoi le statut MSI est-il important dans le cancer colorectal ?
L’identification du statut MSI chez les patients atteints de CCR est d’importance clinique car il sert d’outil de dépistage pour détecter le syndrome de Lynch, est un marqueur pronostique de l’évolution du patient et un facteur prédictif de la réponse à la chimiothérapie et à l’immunothérapie.
Quels gènes sont impliqués dans la réparation des mésappariements liés à l’instabilité des microsatellites ?
L’instabilité des microsatellites survient dans les tumeurs dont la réparation des mésappariements est déficiente en raison de l’inactivation de l’un des quatre gènes de réparation : MSH2, MLH1, MSH6, et PMS2.