Quelles stratégies d’implémentation pour protéger les droits au Nord-Kivu ?

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🏫 Université de Gomadomaine des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations Internationales - Sciences juridiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022-2023
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Les stratégies d’implémentation des droits des communautés locales au Nord-Kivu révèlent une réalité troublante : l’exploitation minière, loin de garantir la protection des droits, exacerbe les conflits. Cette étude critique met en lumière les enjeux cruciaux de la sauvegarde des droits face à l’avidité des ressources naturelles.


§2. Les conflits autour des ressources minières

La convoitise de minerais au Nord-Kivu entraine une situation de conflictualité au sein de la province. Cette convoitise se fait de diverses manières, notamment : légalement par les sociétés minières mais irrespectueuse de droits de l’homme et illégalement par le financement de la guerre (livraison des armes et achats de matières premières issus de la guerre). C’est le pillage des minerais.116 Ces conflits se manifestent par des tensions qui aboutissent même à des occupations de terreaux par des rébellions pour de longues durées, mais également par des malentendus entre divers acteurs du secteur minier parfois appuyés par des milices.

116 Pigeon Kambale Mahuka, L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé. Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants, thèse de doctorat en Sciences juridiques, Université Catholique de Louvain, février 2014, pp.32-41.

Les conflits de convoitise externe

C’est désormais un secret de polichinelle, les Etats étrangers alimentent la guerre à l’est pour piller les minerais du Nord-Kivu. Des mécanismes ont pourtant étés adoptés pour éviter le financement de la guerre par les minerais.

Le contexte des conflits du Nord-Kivu

Il y’a presque 3 décennies, le Nord-Kivu riches en ressources naturelles, fait l’objet d’un plan machiavélique de l’occident en complicité avec le Rwanda et l’Ouganda.117 Ce plan débouche aux conflits de diverses natures.

L’importance économique que représente les ressources minières que regorge le Nord-Kivu fait que les voisins (Rwanda et Ouganda) sous la bénédiction de grandes puissances occidentales et désormais asiatiques, se mettent à convoiter les ressources minières du Nord-Kivu. 118 C’est la convoitise de 3T et diverses autres ressources naturelles de la province qui est à la base de l’avènement de beaucoup de sociétés minières souvent contrôlées par des étrangers capitaliste sans scrupules des droits de communautés locales et la création de groupes armés.119

Une certaine opinion, malheureusement très acceptée, démontre que les conflits au Nord-Kivu sont tribalo-ethniques, où certaines tribus méchantes et rancunières se battent contre d’autres pour des intérêts économico-tribalo-ethniques. Sans pour autant négliger les arguments avancés par les tenants de cette opinion, nous pensons que la guerre du Nord-Kivu trouve ses sources au niveau externe ; à l’intérieur nous n’avons que des faucons et marionnettes aux services des étrangers.

L’histoire nous enseigne que depuis 1990, le Nord-Kivu fait face à une convoitise violente de ses ressources naturelles par les étrangers, 120 en tel enseigne que le Rwanda, pauvre en minerais, a mis en place, au sein de son armé le FPR, le « Bureau Congo » lors de la Deuxième guerre du Congo. Ce bureau placé sous le commandement direct du chef d’Etat-major avait pour mission la supervision de l’extraction et du commerce du Coltan en provenance du Nord-Kivu.121 Les recettes totales du Bureau Congo s’élevaient à 320 millions de dollars, c’est-à-dire 80% du budget de la défense rwandaise.122

Les minerais ainsi exploités sous la supervision de ce bureau traversaient les poreuses frontières de la RDC à travers le lac Kivu, par voie aérien mais aussi par voie terrestres vers le Rwanda et l’Ouganda qui a leurs tours le mettaient sur le marché international en le vendant aux asiatiques et européens par le port de dar es Salam et Mombasa.123 La porosité de frontières congolaises facilite donc l’exportation de ressources minières mais aussi l’avènement des militaires étrangers et l’importation des matériels de guerre pour alimenter la guerre au Nord-Kivu.

117 Charles Onana, Holocauste au Congo, l’omerta de la communauté internationale, Les Artilleurs, Paris, 2021, pp.37-134.

118 Aloys Mahwa, « Le Rwanda et la République démocratique du Congo, entre symbole et réalités » Académia press, n°4, 2014, p.9.

119 Conseil de sécurité des Nations unies, supra note 5, p.6.

120 Mahwa, Ibid.

121 Boltanski, supra note 78, p.158.

122 Ibid.

123 Bosse, supra note 103. p. 51.

La guerre de FPR au Rwanda, celle d’AFDL, celle de RCD, en passant par celle du CNDP, du M23 2012 et M23 2022, ont étés et continuent à être à la base des pillages de ressources minières du Nord-Kivu. Elles ont entrainés l’infiltration de de l’armée congolaise et les défaillances de l’Etat. Ces guerres ont aussi étés à la base des crimes dont sont victimes les communautés locales du Nord-Kivu.

L’adoption de la loi n°22/065 du 26 décembre 2022 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liés aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité a été un ouf de soulagement pour ces communautés longtemps meurtries. Cependant, les communautés locales du Nord-Kivu n’ont jamais bénéficier d’une quelconque réparation du fond chargé d’appuis a l’accès à la justice, a la réparation, a l’autonomisation et au relèvement communautaire des victimes et de leurs ayants droit.124

Qu’en cela ne tiennent, le contexte très fragile dans la province du Nord-Kivu où la guerre se fait encore par plusieurs dizaines de groupes armés de manière continue ou sporadique, le respect de droits de communautés locales ne peut être qu’une illusion. Ainsi donc, la guerre va entrainer les violentions de droits de communautés locales par les acteurs incontrôlés qui exploitent légalement les ressources minières, mais elle va également entrainer l’exploitation illicite. D’où les violations de droits de communautés locales et la contrebande de ressources minières.

Ce pillage systématique et organisé de minerais congolais se fait donc sur le sang des congolais, en violentions de droits de l’homme et de communautés locales. Le cas du droit aux consultations libre préalable et informé reconnus aux communautés locales. De l’entre temps, le pays qui en sont les initiateurs connaissent un développement socio-économique inimaginable.

Selon Bosse : « l’économie de guerre axée sur l’exploitation des minerais profite pleinement au Rwanda, qui a connu un développement économique inespéré après les conflits sanglants perpétrés sur son territoire dans les années 1990 ». Il ajoute en disant que « L’émergence du pays des mille collines en tant que nouveau pôle économique et moteur de la croissance de l’Afrique subsaharienne par rapport à la paupérisation continue de son voisin congolais est même qualifiée de « miracle » : considéré comme l’un des plus

prometteurs du continent, il serait le deuxième pays africain le plus attractif pour les investisseurs étrangers. Ainsi, malgré une population paysanne qui reste globalement pauvre, l’espérance de vie rwandaise a presque doublé entre 2001 et 2015. »125

Pour Global Witness, seuls 10% des minerais exportés par le Rwanda avaient réellement été extraits du territoire rwandais, les 90 % restant ont été introduites illégalement à partir de la RDC notamment par la société rwandaise Mineral Suply Africa, premier exportatrice des 3T au Rwanda.126 Les minerais ainsi extraits de la RDC pour entrer illégalement au Rwanda alimentent les grandes industries occidentales, notamment : des fonderies et d’intermédiaires basés à Hong Kong, à Dubaï, en Thaïlande, au Kazakhstan, en Autriche, en Malaise et en

124 Loi n°22/065 du 26 décembre 2022 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liés aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, article 21

<https://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Public/DH/Loi.022.65.26.12 2022.html> 21 janvier 2024.

125 Bosse, supra note 103.

126 Global Witness, La laverie ITSCI : Enquête sur un programme de diligence raisonnable apparemment impliqué dans le blanchiment de minerais de conflit, rapport, Londres, avril 2022, p.7.

Chine qui s’approvisionne en ressources minières généralement le 3T du Rwanda pour la fabrication des grandes marques comme Apple, Intel, Samsung, Nokia, Motorola et Tesla.127

De ce fait, les minerais du Nord-Kivu ne profitent pas aux populations, ils sont exploitées indirectement par des acteurs extérieurs, c’est-à-dire les pays voisins, une atteinte grave au droit au développement. L’Ouganda et surtout le Rwanda profitent de ressources qui auraient pu conférer à la RDC un immense potentiel pour s’insérer dans la mondialisation et croitre ses échanges économiques internationaux. Ils ont intérêt à ce que règne l’instabilité en RDC.128

Il est donc plus crucial pour eux, que la RDC soit maintenu en état de faiblesse car les économies de nations (Ouganda et Rwanda), l’enrichissement de certains hommes d’affaires et hommes politiques et même le développement de la technologie sont tributaires des ressources minières issus des zones sous conflits. « De l’instabilité du Congo dépend la stabilité de la sous-région »129

Tous ces actes de pillages se réalisent malheureusement sous l’inaction de la communauté internationale.130 Une sorte de « complot international » ou le Rwanda ne sert que d’intermédiaire pour les intérêts de ceux qui contrôlent l’ONU et l’Union européennes (les occidentaux). Le Rwanda et l’Ouganda bénéficient d’une impunité de la part des occidentaux car les firmes qui achètent les minerais de sang sont originaires ou alors, sont contrôlés par les occidentaux.

« Qu’elles soient européennes, nord-américaines ou asiatiques, les grandes puissances interviennent donc indirectement dans l’économie de guerre des Grands lacs via leurs multinationales qui s’approvisionnent auprès des revendeurs ». 131 C’est donc ces multinationales qui financent la guerre à l’est, sous les yeux impuissants de l’Etat ou alors la mauvaise volonté des animateurs des organes publics.

L’Etat a presque abandonné le secteur minier en faveur de privées irrespectueuse de la législation. Le non-respect de droit de communautés locales au Nord-Kivu est donc principalement lié aux défaillances de l’Etat congolais mais aussi le système économique (le libéralisme),132 qui semble ne pas être maitrisé. La corruption, la concussion, le trafic d’influence, le détournement des deniers publics, la hausse des incitations à la sécession/balkanisation et l’augmentation de la sensibilité de la population aux chocs exogènes ne sont pas à ignorer.133 C’est le «modèle de la convoitise» il est évident que les puissances font la concurrence de la convoitise sur le territoire congolais.

En Cela encore on ajoute les défaillances de l’Etat congolais qui se manifestent par le déficit des gouvernances, doté d’une démocratie inachevée et précaire, et qui, en outre, souffre de la

«malédiction des matières premières».134 Mais également la grande taille du Congo enclavés par le manque d’infrastructures, les groupes armés opèrent facilement sur les terres éloignés du pouvoir central comme le Nord-Kivu.135

127 Ibid., p.8.

128 Bosse, supra note 103, p.50.

129 Boltanski, supra note 106, p.157.

130 Onana, supra note 117.

131 Bosse, Ibid., p.55.

132 Kahombo, supra note 17, p. 207.

133 Paul Collier, Breaking the Conflict Trap: Civil War and Development Policy, Oxford University Press, Washington, 2003, p.26.

134 Jacquemot, Supra note 93, p.39.

135 Ibid.

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116 Pigeon Kambale Mahuka, L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé. Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants, thèse de doctorat en Sciences juridiques, Université Catholique de Louvain, février 2014, pp.32-41.

117 Charles Onana, Holocauste au Congo, l’omerta de la communauté internationale, Les Artilleurs, Paris, 2021, pp.37-134.

118 Aloys Mahwa, « Le Rwanda et la République démocratique du Congo, entre symbole et réalités » Académia press, n°4, 2014, p.9.

119 Conseil de sécurité des Nations unies, supra note 5, p.6.

120 Mahwa, Ibid.

121 Boltanski, supra note 78, p.158.

122 Ibid.

123 Bosse, supra note 103. p. 51.

124 Loi n°22/065 du 26 décembre 2022 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liés aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, article 21

125 Bosse, supra note 103.

126 Global Witness, La laverie ITSCI : Enquête sur un programme de diligence raisonnable apparemment impliqué dans le blanchiment de minerais de conflit, rapport, Londres, avril 2022, p.7.

127 Ibid., p.8.

128 Bosse, supra note 103, p.50.

129 Boltanski, supra note 106, p.157.

130 Onana, supra note 117.

131 Bosse, Ibid., p.55.

132 Kahombo, supra note 17, p. 207.

133 Paul Collier, Breaking the Conflict Trap: Civil War and Development Policy, Oxford University Press, Washington, 2003, p.26.

134 Jacquemot, Supra note 93, p.39.

135 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les principaux conflits autour des ressources minières au Nord-Kivu ?

La convoitise de minerais au Nord-Kivu entraine une situation de conflictualité, se manifestant par des tensions, des occupations de terres par des rébellions et des malentendus entre divers acteurs du secteur minier.

Comment les États étrangers influencent-ils les conflits au Nord-Kivu ?

Les États étrangers alimentent la guerre à l’est pour piller les minerais du Nord-Kivu, avec des mécanismes adoptés pour éviter le financement de la guerre par les minerais.

Quelle est l’importance économique des ressources minières au Nord-Kivu ?

L’importance économique des ressources minières du Nord-Kivu attire l’attention des voisins comme le Rwanda et l’Ouganda, qui convoitent ces ressources, souvent avec le soutien de grandes puissances occidentales et asiatiques.

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