Les stratégies de mise en œuvre des systèmes de gestion des déchets d’emballages en Europe révèlent des disparités surprenantes entre six pays. Cette étude met en lumière l’importance cruciale de la responsabilité des producteurs, transformant notre compréhension des enjeux environnementaux contemporains.
3. Barème amont
Principe
Selon le principe de la responsabilité du producteur, les entreprises payent à l’organisme une contribution financière reflétant tout ou partie des coûts de gestion des emballages qu’elles mettent sur le marché. Cette contribution est donc variable selon les matériaux, puisque les coûts de collecte, tri, recyclage/valorisation ne sont pas les mêmes selon les matériaux. On appelle « barème amont » ou « barème producteur », la règle qui fixe les conditions et le montant des contributions à payer.
A noter que si les coûts de gestion constituent la base des tarifs, des négociations sont ensuite menées avec les différents acteurs, pour ajuster ces tarifs aux volontés des uns et des autres.
Structure
L’analyse des barèmes ménagers des systèmes (fournis en Annexe 5), montre que la contribution à payer par les entreprises dépend de paramètres différents :
Tableau 13 : paramètres constitutifs du barème amont
Eco- Emballages | DSD | Fost Plus | Ecoembes | SPV | Eko-Kom | |
matériau | X | X | X | X | X | X |
poids | X | X | X | X (pas pour le verre) | X | X |
volume | X (verre uniquement) | |||||
nombre d’emballages | X | X (verre uniquement) |
Tous les pays ont une contribution dépendant du matériau. A l’exception de l’Espagne pour le verre, cette contribution est payée au poids.
Ainsi, on a partout (sauf pour le verre en Espagne) un barème du type :
Le nombre de catégories de matériaux, ainsi que
les tarifs, étant variables d’un pays à l’autre
Tableau 14 : structure type des barèmes amont
matériau | tarif |
verre | … €/kg |
papier-carton | … €/kg |
acier | … €/kg |
aluminium | … €/kg |
plastique | … €/kg |
… | … €/kg |
La structure du barème pour le verre en Espagne tient compte à la fois du volume et du nombre d’emballages :
Tableau 15 : barème amont verre Ecovidrio
tarif verre Espagne | volume emballage | tarif |
<125 mL | 0.396 €/unité | |
entre 125 et 500 mL | 0.527 €/unité | |
>500mL | 1.053 €/unité |
Mais la structure de barème la plus singulière est celle du système français. En effet, Eco-Emballages a en fait divisé la contribution à payer en 2 :
– une contribution au poids, dépendant du matériau (comme dans les autres pays) :
matériau | tarif en ct €/kg |
verre | 0.36 |
papier-carton | 12.21 |
acier | 2.26 |
aluminium | 4.53 |
plastique | 17.78 |
autre | 12.21 |
– mais à la contribution au poids, s’ajoute, pour chaque emballage, une contribution à l’emballage :
o Si contribution au poids > 0.11ct, contribution à l’emballage est égale à 0.11 ct
o Si contribution au poids < 0.11ct, contribution à l’emballage est égale à la contribution au poids
Cette particularité du système français fait que l’on ne peut comparer directement le barème français au poids avec le barème des autres pays car il ne couvre qu’une partie de la contribution. Cette structure de barème est plus complexe que celle de l’autre système mais elle a été instaurée comme mesure de prévention contre la multiplication des niveaux d’emballages, surtout des petits emballages. C’est le seul système à avoir une mesure de ce type au niveau du barème amont.
Catégories de matériaux
Comme mentionné précédemment, le nombre et la nature des catégories de matériaux sont variables d’un système à l’autre.
On constate que le barème français est le plus simple en terme de catégories, avec seulement 6 catégories: verre, papier-carton, plastique, acier, aluminium et « autre » pour le reste. Ces catégories existent également dans les autres pays, mais elles sont souvent subdivisées en sous catégories, avec des tarifs différents. Cela aboutit à un total de 8 jusqu’à
17 catégories différentes pour Fost Plus!
L’analyse des différentes catégories montre surtout :
– briques alimentaires: seul le barème d’Eco-Emballages n’a pas de catégorie séparée pour les briques alimentaires. Ces emballages sont constitués de plusieurs couches de matériaux différents (fibres, Polyéthylène Haute Densité (PEHD), aluminium). Leur constitution complexe rend leur recyclage difficile car la séparation des différentes couches est délicate (et coûteuse). Il s’agit donc d’emballages sensibles dont la gestion globale mérite une attention particulière. Pour le barème d’Eco-Emballages, une brique contribue au même titre qu’un emballage en papier-carton. Tous les autres barèmes ont une catégorie à part et un tarif beaucoup plus élevé que celui du papier-carton (entre 3 et 15 fois plus cher).
– plastique: de même le plastique est un matériau dont la gestion varie d’un pays à l’autre. Pour ce qui est du barème amont, Fost Plus, Ecoembes et Eko-Kom distinguent 2 catégories de plastiques : les plastiques durs (bouteilles et flacons en Polyéthylène Téréphtalate (PET) et PEHD) et les plastiques mous (films, pots de yaourt…), avec un tarif beaucoup plus élevé pour la deuxième catégorie, reflétant un coût de gestion plus élevé. En
effet, le recyclage des plastiques mous est plus difficile et plus coûteux : emballages souvent souillés, nombreuses unités d’emballages pour récupérer une très petite quantité de matériau.
Comparaison de contribution sur produits types
Puisque nous avons vu qu’une comparaison directe des barèmes au poids n’est pas pertinente, compte tenu de la spécificité française, nous allons comparer la contribution à payer dans chaque système, pour quelques produits types.
5,00
4,50
contribution pour une bouteille en plastique PET de 1,5 L
4,52
4,00
3,50
3,00
contribution (ct €)
Figure 7: comparaison contribution pour une bouteille en plastique
2,50
2,00
1,50
1,00
0,50
0,82
0,61
1,08
0,66 0,59
0,00
bouteille PET 1,5 L
Eco-Emballages DSD Fost Plus Ecoembes SPV Eko-Kom
contribution pour un pot de yaourt
0,60
0,50
contribution (ct €)
0,67
Figure 8: comparaison contribution pour un pot de yaourt
0,40
0,30
0,21
0,16 0,17
0,10
0,09 0,09
0,00
pot de yaourt
Nous avons vu que Fost Plus, Ecoembes et Eko-Kom ont des tarifs pour le plastique mou plus élevés que ceux du plastique dur. Cependant, l’existence de la contribution à l’emballage à France, dont l’impact est fort sur les petits emballages (doublement de la contribution au poids) fait que la contribution à payer à Eco-Emballages est tout de même plus élevée pour un pot de yaourt.
Contribution pour une boîte de conserve en acier
2,60
2,50
2,40
2,20
2,00
1,80
1,60
1,40
1,20
Figure 9: comparaison contribution pour une boîte de conserve en acier
1,00
contribution (ct €)
0,80
0,60
0,40
0,20
0,32
0,17
0,56
0,66
0,40
0,00
boîte de conserve acier
Les tarifs pour les
Eco-Emballages DSD Fost Plus Ecoembes SPV Eko-Kom
Contribution pour une cannette en aluminium 33 cL
2,05
métaux du barème
d’Eco-Emballages se
2,00
1,80
1,60
1,40
contribution (ct €)
1,20
situent dans la moyenne des autres
systèmes (hors DSD).
1,00
0,80
0,60
0,40
0,20
0,00
0,13
0,05
0,17 0,20
0,12
Figure 10 : comparaison contribution pour une
cannette aluminium 33 cL
Eco-Emballages DSD Fost Plus Ecoembes SPV Eko-Kom
cannette en aluminium
2,40
2,20
2,00
1,80
1,60
contribution (ct €)
1,40
1,20
1,00
2,49
0,91
1,13
1,11
Le tarif verre d’Eco-Emballages est beaucoup plus faible que celui des autres (hors DSD)
0,80
0,60
0,48
0,40
0,20
0,00
0,22
bouteille en verre 75 cL
Figure 11 : comparaison contribution pour une bouteille en verre
Eco-Emballages DSD Fost Plus Ecoembes SPV Eko-Kom
0,40
0,30
0,20
contribution (ct €)
0,38 0,39
Le tarif papier carton d’Eco-Emballages est beaucoup plus élevé que celui des autres
(hors DSD).
0,14 0,15
0,10
0,11
0,00
0,03
paquet de biscuit en carton
Figure 12: comparaison contribution pour un paquet de biscuit en carton
Eco-Emballages DSD Fost Plus Ecoembes SPV Eko-Kom
2,00
1,50
1,00
contribution (ct €)
2,11
0,71 0,74
Bien que le tarif papier carton soit très élevé en France, la catégorie séparée pour les briques dans les autres systèmes résulte en une contribution moyenne pour une brique pour
Eco-Emballages.
0,50
0,45
0,00
brique alimentaire
0,18
0,23
Figure 13 : comparaison contribution pour une brique alimentaire
Bilan de la comparaison sur produits types :
– DSD affiche, pour tous les produits présentés, des tarifs jusqu’à plus de 10 fois plus élevé que les autres systèmes. Ceci est essentiellement dû au fait que d’une part les industriels supportent tous les coûts, et d’autre part que le système de gestion des déchets d’emballages est séparé de la gestion des autres déchets, aboutissant à un système parallèle, beaucoup plus coûteux. Cependant, ces tarifs sont ceux communiqués au public ; lors de l’entretien, DSD a expliqué que des réductions, jusqu’à 30%, sont faites aux gros clients. On ne peut donc pas savoir la représentativité des tarifs affichés.
– Pour les autres pays, il est difficile de tirer une conclusion globale sur la valeur des tarifs, cela variant d’un matériau à l’autre.
– Pour ce qui est d’Eco-Emballages, on retiendra que le tarif verre est beaucoup plus faible que dans les autres pays alors que le papier-carton est très élevé. La contribution à l’emballage a en outre un fort impact sur les petits emballages (cf. pot de yaourt).
Remarque : il est difficile, en dehors du cas de l’Allemagne, d’expliquer les différences de tarifs constatées. En effet, il faut bien avoir en tête que la valeur des tarifs du barème amont, bien que basée sur les coûts de gestion, est également influencée par d’autres paramètres (acteurs participants à la prise de décision, prix de reprise des matériaux triés, destinataire de la valeur de ces matériaux…)
Modification du barème amont
Le barème producteur, censé refléter les coûts de gestion de l’élimination, doit donc être ajusté régulièrement. Il ressort des discussions avec les organismes sur la fréquence de changement de barème que tous les systèmes étrangers ajustent leur barème tous les ans ou tous les deux ans. En France, le barème est inchangé depuis 2004.
Cela présente l’avantage de ne pas avoir à discuter les tarifs trop fréquemment et de faciliter le travail administratif. En revanche, les variations de barèmes sont beaucoup plus brutales, et de fait, moins bien acceptées par les entreprises. Ainsi le futur barème, pour s’adapter à la hausse des coûts d’élimination des emballages va probablement subir une augmentation d’environ 15 à 20%. La modification fréquente du barème dans les autres pays permet de lisser les augmentations et de ne pas avoir des changements trop importants d’un barème au suivant.
La fréquence de changement s’explique aussi par la procédure à suivre pour effectuer les modifications. En France, c’est le ministère de l’environnement qui, in fine, approuve ou non les tarifs à appliquer, alors que pour Fost Plus, Ecoembes et Eko-Kom, il s’agit d’une décision interne à l’organisme, avec néanmoins des discussions avec les différents acteurs. En France la procédure totale de négociations et approbation du barème dure plus d’un an alors que cela se passe en quelques mois dans les autres pays.
D’après les discussions entretenues avec les différents systèmes concernant la procédure de modifications, il semblerait qu’Eco-Emballages soit un des organismes où l’influence du système sur la prise de décision est la plus limitée. Les lobbys de certains secteurs industriels sont très marqués et orientent fortement les décisions.
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que le barème amont dans les systèmes de gestion des déchets?
Le barème amont, ou barème producteur, fixe les conditions et le montant des contributions financières que les entreprises doivent payer pour la gestion des emballages qu’elles mettent sur le marché.
Comment la contribution des entreprises est-elle déterminée dans le système français?
Dans le système français, la contribution à payer par les entreprises dépend du poids des matériaux, avec une structure qui inclut à la fois une contribution au poids et une contribution à l’emballage.
Quels matériaux sont pris en compte dans le barème français?
Le barème français comprend six catégories de matériaux : verre, papier-carton, plastique, acier, aluminium et ‘autre’ pour le reste.