Les stratégies de mise en œuvre au Cameroun des programmes d’ajustement structurel ont révélé des effets inattendus sur la santé et l’éducation. Cette étude met en lumière des changements comportementaux significatifs, soulignant l’importance cruciale de ces politiques dans la transformation de la société camerounaise entre 1987 et 2017.
LES INCIDENCES DES PAS SUR LA SANTÉ ET DE L’ÉDUCATION
L’ajustement structurel a aussi eu des effets pervers sur la santé et l’éducation. Il est à l’origine de nombreux changements comportementaux et fonctionnels du domaine sanitaire et éducationnel. Cette partie se donne pour objectifs de faire ressortir les conséquences des PAS sur la santé d’une part et l’éducation d’autre part.
L’ajustement structurel et l’évolution de nouvelles thérapeutiques
Dans le domaine de la santé, les effets des PAS furent aussi perceptibles. Cette politique d’austérité vint transformer le système de santé camerounais et entraina par la même occasion le changement des mentalités, des préférences sanitaires et surtout la reconversion à d’autres thérapeutiques que la médecine moderne.
L’état des infrastructures sanitaires au Cameroun sous ajustement
Il faut rappeler que la santé avant l’ajustement faisait aussi partie des préoccupations de la politique de gestion de l’État. L’État avait pris le soin de l’organiser et de créer des infrastructures pour sa viabilisation. Le Cameroun était ainsi doté avant l’ajustement de près de
359 infrastructures sanitaires, constituées entre autres d’hôpitaux généraux, des hôpitaux régionaux, des hôpitaux départementaux, d’hôpitaux d’arrondissement, des centres de santé développés, des centres de santé élémentaire, des centres de protection maternelle et infantile, des centres départementaux de médecine préventive rurale66. À titre d’exemple, il y a les Hôpitaux généraux et les Hôpitaux centraux de Yaoundé et de Douala.
Ces infrastructures connurent des perturbations tant sur le plan fonctionnel que sur la qualité des services rendus ceci pour plusieurs raisons. En premier ressort apparaît dans la logique de la diminution du personnel du portefeuille de l’État, la fermeture de plusieurs cycles de formations en soins dans les écoles de formation sanitaire à l’instar des techniciens supérieurs en soins infirmier, des techniciens de santé, des techniciens kinésithérapeutes, des techniciens d’assainissement et toutes les catégories de personnels accoucheurs.
La deuxième raison toujours dans la logique de la diminution du personnel est l’arrêt de recrutements des personnels soignants. Il apparaît aussi l’arrêt des subventions de l’État à ce secteur notamment l’approvisionnement en médicament et la fourniture du matériel sanitaire67.
Dans cet environnement où règne la baisse du pouvoir d’achat des populations, les établissements de santé publique sont abandonnés à eux-mêmes. Obligés de gérer une autonomie financière, ils instaurent une grille de prix qui doit permettre le maintien du fonctionnement de ces établissements qui ne dépendent que des services curatifs68. Cette nouvelle tarification apparaît très onéreuse pour le citoyen camerounais. C’est ce qui justifie la réorientation des préférences médicales. Nguekam Cheuwa Siméon, planteur témoigne :
66 Ghislain Brice Seme, « Impact des programmes d’ajustement structurel sur le secteur santé au Cameroun : cas du Nyong et So’o, 1988-2006 », mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé I, juin 2016, p.23.
67 Seme, « Impact des programmes… », p.61.
68 Il faut dire ici que la situation d’ajustement n’était pas très favorable au maintien du standing de vie de la population naguère exempte de plusieurs dépenses car l’État subventionnait une partie des soins sanitaires.
« l’activité ne rapporte pas assez et les hôpitaux coûtent chers, quand on est malade, on est obligé de soigner avec les plantes et les écorces69« . Cette vision des faits est presque monnaie-courante dans les coins du territoire national camerounais. À cet effet, apparaît et se cristallise une nouvelle vague de thérapeutiques sanitaires qui vient damer le pion à la médecine moderne. Il s’agit de la médecine traditionnelle, de la pharmacie de rue couplée à l’automédication.
Les nouvelles thérapeutiques : la médecine « traditionnelle » et la pharmacie de rue
Les nouvelles thérapeutiques ici sont en fait la reconversion à des modes de soin qui sont différents de la médecine telle que régie par l’État. Il s’agit de la médecine traditionnelle d’une part et la pharmacie de rue d’autre part. Concernant la médecine traditionnelle, elle existe bien avant la médecine dite moderne.
Mais dans les foyers urbains et plusieurs villages, cette dernière fut relayée au second plan. Avec l’ajustement, les populations se réorientent une fois de plus vers elle. Selon qu’elle est moins onéreuse et parfois plus efficace pour des maladies telles que la typhoïde, la fièvre jaune, la hernie, la jaunisse. Aussi, elle jouit d’une facilité, car ses produits essentiellement constitués de plantes et écorces, sont facilement accessibles de tous70.
L’on observe dans certaines concessions la culture même de certaines de ces plantes médicinales à l’instar des tisanes, et des arbres dont les feuilles sont utilisées pour soigner comme le goyavier, le manguier, l’avocatier, le corossolier.
Cette médecine connut aussi une évolution dans la mesure où certains Camerounais ont décidé de fabriquer des produits essentiellement de plantes naturelles qu’ils embouteillent et empaquètent pour une consommation instantanée. Ces produits inondent ainsi les marchés. D’autres Camerounais ont créé des laboratoires de fabrication, d’empaquetage, de conservation et de liquidation de ces produits de la médecine tradition. Les populations des centres urbains du Cameroun ont alors connu des spécialistes de cette médecine traditionnelle à l’instar de Dr Ndewa. Ces derniers font des expositions en plein centre-ville pour la promotion et l’écoulement de leurs produits.
69 Ngueukam Cheuwa Siméon, 86ans, Planteur à Bandja (Région de l’Ouest-Cameroun), Yaoundé, le 06/05/2020.
70 Seme, » Impact des programmes… », p.73.
Photo 4 : Une exposition des produits à base de plantes naturelles
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Source : Clichés Abdougani Youmeni, Yaoundé, 04/06/2020.
La photo 4 a été capturée en plein centre-ville de Yaoundé au lieudit Poste centrale, où l’un des spécialistes de la médecine traditionnelle Dr Ndewa fait une exposition de ses produits issus de plantes et écorces71. Il faut dire que ces produits sont beaucoup sollicités par les populations pour les maladies et maux courants tels que le paludisme, la typhoïde, les hépatites, les problèmes de puissances sexuels, les maux de dents.
Pour ce qui est de la pharmacie de rue, celle-ci prend plus d’ampleur au lendemain du malaise social né de l’ajustement. La cherté des soins médicaux contrastés au prix bon marché des médicaments aux origines douteuses qui inondent les marchés et les petits carrefours des villes camerounaises est favorable à l’émergence de cette nouvelle thérapeutique.
Ainsi pour une plaquette de paracétamol qui coûte en moyenne 200 F CFA dans une pharmacie, l’on peut l’avoir à seulement 100 F CFA chez le revendeur et à 50 F CFA chez le grossiste72. Il faut aussi noter que la pharmacie de rue ne se limite pas seulement à la vente des médicaments.
D’autres vendeurs sont passés maîtres dans le traitement de maladies. Appelés « Docta73 », ils font parfois des consultations à tâtons, des injections et placent des perfusions. Et comme les soins
71 Il faut dire ici que ce fameux Dr Ndewa fait ces expositions depuis les années avant 2013, une décennie déjà mais l’on observe une recrudescence de ses activités à partir de 2012-2013.
72 Cette information sur les prix est issue d’une observation faite auprès des grossistes du marché Mokolo à Yaoundé et des revendeurs dans les quartiers.
73 Appellation courante donnée à toute personne qui exerce la profession de commerçant des médicaments de rue.
administrés dans les centres hospitaliers, « ces derniers apportent souvent de très bons résultats74« , déclare une patiente habituée.
Photo 5 : Un commerçant de médicament de rue de Yaoundé officiant depuis 2005
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Source : Clichés Abdougani Youmeni, Yaoundé, 15/08/2020.
Sur la photo 5, l’on peut observer que la pharmacie de rue offre une panoplie de produits sanitaires dont la conservation n’est pas toujours la préoccupation du vendeur. Ces produits sont exposés à tous types d’intempéries. Le plus important pour l’acheteur n’est nullement la qualité du produit (qu’il soit mal conservé où possède une date de péremption rapprochée), mais le prix abordable.
Dans cette condition l’acheteur est en danger. Mais que faire ? La condition sociale impose. Certains s’aventurent même à prendre des médicaments sans ordonnances médicales ni consultation préalable, ils font donc preuve d’automédication. Ils font alors des réserves médicamenteuses et se les administrent eux-mêmes, car disent-ils, « nous savons déjà le médicament qui correspond à tel ou tel mal et la dose qu’il faut prendre.
C’est dans des cas d’extrême maladie que le centre hospitalier est sollicité75″.
Au total, l’ajustement structurel a été favorable à l’émergence de nouvelles thérapeutiques sanitaires. Désormais, plus besoin d’aller à l’hôpital lorsqu’on sent un malaise. Soit on se fabrique une potion, soit on se rend chez « Docta », du moment qu’on y trouve soulagement, le revers n’intéresse pas.
74 Mekoudjou Kouanang Ange Virginie, 28ans, Économe d’école primaire privée, Yaoundé le 11/05/20020.
75 Nganou Danielle, 27ans, Ancienne étudiante actuellement petite commerçante, Yaoundé le 02/07/2020.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les effets des programmes d’ajustement structurel sur la santé au Cameroun ?
Les effets des PAS sur la santé furent perceptibles, transformant le système de santé camerounais et entraînant un changement des mentalités et des préférences sanitaires, avec une reconversion vers d’autres thérapeutiques que la médecine moderne.
Comment les programmes d’ajustement structurel ont-ils affecté l’éducation au Cameroun ?
L’ajustement structurel a eu des effets pervers sur l’éducation, entraînant des changements dans les comportements et les habitudes des Camerounais dans ce domaine.
Quelles nouvelles thérapeutiques ont émergé au Cameroun en raison des PAS ?
En raison des PAS, il y a eu une émergence de nouvelles thérapeutiques, notamment la médecine traditionnelle et la pharmacie de rue, couplées à l’automédication.