La stratégie diplomatique du Maroc révèle des contradictions surprenantes dans son approche du soft power en Afrique. En examinant les investissements et les partenariats, cette recherche met en lumière les défis et les succès, redéfinissant ainsi notre compréhension des dynamiques géopolitiques contemporaines.
L’investissement au-delà des contraintes politiques :
La stratégie diplomatique prônée par le Royaume aujourd’hui contraste fortement avec le passé. En fait, l’approche du Maroc comprenait l’application d’une certaine forme de doctrine
Hallstein8 sur le continent africain qui consiste en la rupture systématique des relations diplomatiques avec les pays qui reconnaissent le Front POLISARIO comme le représentant légitime du peuple sahraoui. Cette approche a par la suite renforcé son exclusion de plusieurs domaines de coopération multilatérale en Afrique.
L’absence du Maroc de l’Union Africaine ne l’a pas bloqué de aigrir ses rapports envers les Etat africain. Pour rappel, L’OUA avait reconnu en 1982 la « République berbère sahraouie démocratique » (pseudo « RASD »), et l’a désignée comme État-membre, sous la témérité de l’Algérie, conduisant le Maroc, pilon fondateur, à se retirer de l’organisation africaine.
Mais ce n’est pas pour autant que le Maroc était complétement hors-jeu ; En effet, durant ces années, le Maroc opta pour une stratégie de relais, qui consiste en l’appui du Royaume sur les pays amis membres de l’organisation afin de guider et influencer les décisions, dont les faits ont prouvé une inefficacité au fil du temps.
Cette inefficacité se traduit par un inconfort pour le Royaume qui se ressent plus au niveau du multilatéral, vu que de nos jours, l’UA a connu une évolution et est aujourd’hui considérée comme « un interlocuteur incontournable de la communauté internationale 9 » grâce à cela, l’Union a vu ses prérogatives s’élargir en matière de maintien de la paix et surtout de développement économique.
Cette nouvelle tendance des pays membres de l’UA à coordonner et à formuler des positions communes, au nom de l’Afrique, sur les questions multilatérales au sein des organisations internationales, fragilise la position du Maroc.10
Par conséquent si le choix du retrait du Maroc de l’OUA était stimulé par des circonstances politiques, la politique de la chaise vide n’a pas servi la cause du Maroc au niveau de la cour africaine.11
Corrélation entre l’agencement des IDE et les pays reconnaissant la pseudo RASD
Les rapports entre les pays reconnaissant la pseudo RASD et l’agencement des IDE12
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Source : Ahmed Iraqi
La carte ci-dessus nous permet de comprendre l’agencement des IDE marocains en Afrique. En effet, on s’aperçoit facilement de la nature hétérogène des pays reconnaissant la Pseudo RASD ; en effet on y trouve des puissances continentales tels le Nigéria, mais aussi des pays pauvre tels la Mozambique.
Comme on retrouve aussi des pays de culture proche tels la Mauritanie, et des pays éloignés tels l’Angola. Par conséquent, l’observation précédente ne nous nous permet pas de trouver une conclusion de caractéristique commune par rapport à la répartition de ces investissements.
Tableau synthétique de connexité entre les pays reconnaissant la RASD et le nombre de secteurs d’activités dans lesquels le Maroc investit13
Tableau synthétique de connexité | |
---|---|
Paramètre | Valeur |
Pays ne reconnaissant pas la RASD | Double nombre moyen de secteurs d’activités |
Pays reconnaissant la RASD | 73% des pays africains |
Source : Ahmed Iraqi
À partir de ces données, on constate que le nombre moyen de secteurs d’activités dans lesquels le Maroc investit en Afrique est équivalent au double dans les pays qui ne reconnaissent pas la pseudo RASD, par la suite, le Maroc investit dans 66% de la totalité des pays africains qui ne reconnaissent pas la pseudo RASD et dans 73% de la totalité qui la reconnait.
Cela montre que le royaume peut consacrer davantage d’efforts dans la mobilisation de ses investissements envers ses alliés politiques14
Grâce à schématisation précédence, deux hypothèses peuvent se former dans ce sens, En effet, en constatant que les IDE se retrouvent dans 11 des 15 pays reconnaissant la pseudo RASD, ce qui représente 73%, cela nous permet d’écarter l’idée d’une démobilisation du Maroc à l’égard de ces pays africains, D’autre part, le caractère multisectoriel du Maroc reste timide et déséquilibrée en faveur des alliés de la cause marocaine.
Constat qui déclenche des interrogations de stratégie préméditée.
En revenant à la carte et au tableau, il est possible de justifier la faiblesse de la pénétration des Investissements directs étrangers marocains au niveau des pays reconnaissant l’Etat fictif, par ce qui suit :
- la distance géographique ; cependant dans un monde mondialisé, l’éloignement géographique ne devrait plus être un motif justifiant le désintérêt économique.
- La langue; en effet une bonne partie des pays reconnaissant l’Etat fictif ne sont pas francophones.
- Pour finir, parmi ce groupement de pays, on retrouve des puissances économiques continental ; ce qui se traduit par de la concurrence pour le Maroc, ce qui parait logique
vu la concurrence qui se trouve sur le continent et ce surtout dans les secteurs financiers, immobiliers et télécommunications.
Le Maroc et le Polisario : un combat au soft power
Aujourd’hui, le Maroc négocie avec le Polisario sous l’égide des Nations Unies depuis 2007 ; le retour du Royaume à l’UA, bien qu’initialement non accompagné du retrait de la pseudo « RASD » en tant que membre de l’organisation, va en fait renforcer la présence du Maroc La position au sein de l’Union africaine sur la question du Sahara.
En effet, il est plus facile de « contrer » l’existence de la pseudo « RASD » au centre de la structure qu’en dehors des instances africaines. La Chine a adhéré à l’OMC en 2001, lorsque Taïwan a conclu les négociations pour adhérer à l’organisation, et le Maroc peut s’en servir comme exemple.
En fait, « appartenance » ne signifie pas « reconnaissance » ou perte de souveraineté. Le retour du Maroc dans l’Union africaine peut se faire progressivement, en participant d’abord aux réunions départementales et spéciales, mais le Polisario n’y a pas participé faute de moyens.
La plupart des Etats membres de l’UA souhaitent de plus en plus un retour du Maroc dans la structure organisationnelle africaine, même s’il est progressif.
L’expérience du Maroc et son statut d’acteur économique important sur le continent africain incitent les pays africains à transcender leurs positions idéologiques et à se positionner avec des considérations pragmatiques.
La nomination récente de Joaquim Chissano comme envoyé spécial de l’Union africaine pour les questions du Sahara montre que le Maroc a plus que jamais besoin d’établir une réconciliation avec le continent africain pour contrer les initiatives politiques qui pourraient lui être hostiles.
De plus, parce que son modèle économique a été testé et sa légitimité reconnue, le Maroc est devenu aujourd’hui un acteur très recherché sur le continent africain.
Partant de ce principe, le Royaume chérifien doit procéder à une réconciliation économique avec des pays politiquement « hostiles » mais ouverts à la coopération économique, sans doute avant la normalisation de la diplomatie.
Les pays à fort potentiel de croissance, tels que l’Angola, le Mozambique, l’Éthiopie, le Nigeria, le Botswana, le Ghana, la Zambie, la Tanzanie et même l’Ouganda, ne devraient pas être exclus de la stratégie africaine globale.
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8 « La doctrine Hallstein désigne une doctrine de la République fédérale d’Allemagne appliquée à partir de 1955 qui consiste à prononcer la rupture des relations diplomatiques avec tout État qui reconnaîtrait la République démocratique allemande » (www.wikiwand.com) ↑
9 deutschland.de Une Union africaine sur mesure : Le 23.10.2014 ↑
10 Institut Amadeus : Maroc/union africaine : retour au pragmatisme ? ↑
11 L’humanité, Union africaine. Le Maroc tourne la page de sa politique africaine de la chaise vide ↑
12 Ahmed Iraqi. « Approche analytique de la ventilation des investissements directs étrangers marocains en Afrique: Trifurcation stratégique ». P : 11 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la stratégie diplomatique du Maroc en Afrique ?
La stratégie diplomatique du Maroc en Afrique comprend des investissements économiques, des partenariats Sud-Sud et des actions culturelles, religieuses et humanitaires.
Comment le Maroc a-t-il réagi à son exclusion de l’Union Africaine ?
Le Maroc a opté pour une stratégie de relais, s’appuyant sur des pays amis membres de l’organisation pour guider et influencer les décisions, bien que cette approche ait montré des limites au fil du temps.
Quel impact a le retour du Maroc à l’Union Africaine en 2017 ?
Le retour du Maroc à l’Union Africaine en 2017 est considéré comme une étape clé de sa réaffirmation identitaire et a permis au Royaume de renforcer ses relations diplomatiques sur le continent.