Le clivage formation profession Cameroun révèle des disparités alarmantes dans l’accès à l’emploi et à l’éducation, exacerbées par les programmes d’ajustement structurel. Cette étude met en lumière des conséquences sociales profondes, transformant la dynamique de la classe moyenne entre 1987 et 2017.
Au niveau de la classe moyenne
La classe moyenne encore appelée la classe des dirigées s’est avérée comme étant la classe la plus affectée par les effets pervers de l’ajustement. Dans ce sens, même les malversations de la classe des dirigeants ont eu un effet sur cette dernière. Ainsi, l’accès aux richesses pour elle devint une complexité au vu des réalités auxquelles elle fait face. L’on observe à cet effet un certain clivage entre la formation et la profession d’une part et d’autre part le phénomène de « débrouillardise ».
Le clivage entre la formation et la profession
La société camerounaise post-ajustement fait face un problème dans l’insertion professionnelle des jeunes, celui du clivage entre la formation et la profession. Ces derniers se retrouvent pour beaucoup à exercer des professions qui n’ont aucun lien avec la formation acquise qu’elle soit académique ou professionnelle. Ce clivage est très présent chez les diplômés des universités publiques, des instituts privés d’enseignement supérieur et de certaines grandes écoles de formation qui n’intègrent pas à la fonction publique.
Il faut noter que ce clivage s’est enraciné à cause de la faillite de l’État-employeur, suite à l’ajustement structurel qui préconisait le désengagement de l’État. Dans ce sens, la baisse des recrutements dans l’administration publique, les malversations financières, le phénomène de réseaucratie et ses corollaires tels que la corruption, le népotisme, le favoritisme, le clientélisme, le tribalisme ont inéluctablement joué un rôle dans l’extension de ce problème.
Dans la société camerounaise sous ajustement, l’on observe que beaucoup de jeunes (la masse la plus vulnérable), n’exercent plus des professions selon leur formation initiale ou encore le métier de leur rêve, la profession n’émane plus de la vocation35. Le plus important ce n’est plus ce qu’on aime faire, ou ce qu’on veut faire, mais ce qu’on peut faire en dépit d’une formation initiale.
C’est dans cet ordre d’idée que la question de la qualification bat son plein. Une question qui est détachée de son sens basique, car en principe une qualification est accrochée à une formation. Ainsi, l’enquête de terrain36 auprès des jeunes diplômés et des lauréats des concours d’entrée dans les grandes écoles de formation sur la question de l’emploi et de la formation a révélé que sur 30 jeunes camerounais interrogés, 07 ont une profession qui a un lien direct avec leur formation, 05 ont une
formation professionnelle sans emploi, 16 ont
35 Mbezele Rachelle Aimée, 25ans, Élève-professeur, Yaoundé, le 12/05/2020.
36 Il s’agit d’un sondage d’opinion que nous avons réalisé auprès des jeunes diplômés Camerounais du 10 au 16 mai 2020, dans le cadre de la rédaction du présent mémoire.
une profession sans formation37, et 02 qui n’ont pas de profession et pas de formation38. Au vu de cette enquête, l’on se rend compte que beaucoup sont ceux qui exercent des professions sans formation initiale ou encore une sorte de formation qui est d’ailleurs devenue très prisée, la formation sur le tas. La formation sur le tas apparaît comme une formation de circonstance, celle acquise par le biais de l’exercice d’une certaine profession et des différentes situations subséquentes. Dans un environnement où l’emploi au point de vue formel est de plus en plus rare, la professionnalisation se retrouve en régression.
Plusieurs exemples sont pris ici pour justifier ce clivage. À premier ressort, il y a le cas de cette jeune licenciée en histoire qui s’est reconvertie en styliste accessoiriste. Cette dernière après l’obtention de sa licence en 2016 a eu à présenter plusieurs concours d’admission dans les grandes écoles de formation, dont l’échec était le résultat.
Aillant, un parent qui exerce dans le domaine de l’industrie vestimentaire, elle trouva judicieux de s’y mettre pour ainsi « combler les besoins existentiels »39. Dans le même sens, il y a ce jeune qui a eu une formation professionnelle en visite médicale en 2015, destiné à vaquer en tant que délégué médical, mais qui a développé une activité avicole à cause de ce problème d’insertion et s’est reconverti en aviculteur40.
Aussi l’exemple de ce jeune ayant un master 1 en philosophie qui a dû subir la formation sur le tas à partir de 2014, pour se reconvertir en secrétaire bureauticien, profession qui lui permet de recouvrir un certain nombre de dépenses, malgré l’insuffisance de ses revenus41. Ou encore l’exemple de ce jeune étudiant en histoire qui a dû plutôt développer son art de la peinture et du dessin pour pouvoir subvenir à ses besoins essentiels et en faire un métier sans formation professionnelle initiale, qu’il
a entamée à partir de 201342.
Au total, le clivage entre la formation et la profession est un problème sérieux dans le processus d’insertion socioprofessionnelles des jeunes camerounais. Dans cette situation, beaucoup de jeunes sont dans l’obligation de « créer ou mourir ».
37 La spécificité ici réside dans le fait que beaucoup ont aussi été formés sur le tas, n’étant pas une formation recadrée ou agrée par une structure compétente ou attestée par un diplôme, ces derniers ont été classés dans le lot des jeunes à profession sans formation.
38 Enquêtes auprès des jeunes diplômés et des lauréats des concours d’entrée dans les grandes écoles de formation des 10, 11, 12, 13, 14 et 16 mai 2020.
39 Nkouambia Claude Arielle, 28ans, Styliste accessoiriste, Yaoundé, le 12/05/2020.
40 Fambové Ngnonzeyepo Aristide-Honoré, 32ans, Délégué médical et aviculteur, Yaoundé, le 11/05/2020.
41 Nougni Tadaa Armel Laurid, 31ans, Secrétaire bureauticien, Yaoundé, le 11/05/2020.
42 Belinga Belinga Ghislain Robert, 29ans, Étudiant et artiste portraitiste, Yaoundé le 11/05/2020.
Questions Fréquemment Posées
Quel est le clivage entre formation et profession au Cameroun?
La société camerounaise post-ajustement fait face à un problème dans l’insertion professionnelle des jeunes, celui du clivage entre la formation et la profession, où beaucoup exercent des professions sans lien avec leur formation.
Comment l’ajustement structurel a-t-il affecté la classe moyenne au Cameroun?
La classe moyenne s’est avérée comme étant la classe la plus affectée par les effets pervers de l’ajustement, rendant l’accès aux richesses complexe et exacerbant le clivage entre formation et profession.
Quelles sont les conséquences du clivage formation-profession sur les jeunes diplômés au Cameroun?
Une enquête a révélé que sur 30 jeunes camerounais interrogés, 07 ont une profession liée à leur formation, 05 ont une formation professionnelle sans emploi, et 16 exercent une profession sans formation.