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Comment la responsabilité sociétale des entreprises transforme-t-elle le Nord-Kivu ?

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🏫 Université de Gomadomaine des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations Internationales - Sciences juridiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022-2023
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La responsabilité sociétale des entreprises minières

En principe toute activité commerciale notamment celle minière vise la réalisation, au mieux, la maximisation de lucres. Cependant, pour les besoins d’un développement durable, c’est-à-dire qui est couplé avec le progrès social, les entreprises sont désormais tenues a un ensemble d’obligations très souvent morales que juridique, envers les populations des lieux où se réalise un projet.

La RSE n’est pas une notion nouvelle, elle tire ses jalons du temps de l’Athènes Antique. Ainsi à Grèce antique la notion d’héroïsme comprenait des éléments de la responsabilité sociétale. La croyance voulait que ceux qui étaient en position avantageuse, en termes d’argent ou de puissances, doivent se comporter d’une manière socialement responsable.269 Aujourd’hui le terme grec « hères » (héros) a beaucoup de significations différentes. Bien qu’en Grèce antique ce mot se référait seulement aux guerriers, plus tard, ce titre fut attribué également aux individus qui ont œuvré pour la communauté locale.270

Le terme RSE va apparaître maintenant dans les années 1950 -1960 et connaitre son émergence dans les années 2000 sans que l’on sache c’est qu’il faut entendre par « émergence sociale » c’est-à-dire la finalité de la RSE et même sans qu’une quelconque définition universellement admises de la RSE n’est été donnée. Jusqu’à nos jours la définition universelle de la RSE n’existe pas.271 Sa définition se référait à des valeurs morales différentes d’une région à une autre.

Aux Etats-Unis par exemple, la RSE a traditionnellement été définie en tant que modèle philanthropique. Là-bas, les entreprises donnent une partie de leurs profits à des fins caritatives. Par contre, le modèle européen est beaucoup plus concentré sur l’application de critères d’interaction sociale à tous les stades d’activités des entreprises.272

Le Livre vert de la Commission européenne définissait la RSE comme « l’intégration volontaire par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs

267 Ibid., article 119.

268 Save Act Mine, supra note 20, pp.28-33.

269 Ivana Rodić, Responsabilité sociale des entreprises – le développement d’un cadre européen, Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme d’études approfondies en études européennes, Université de Genève, avril 2007, p.9.

270 Ibid.

271 Ibid, p.12.

272 Ibid.

activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ».273 La RSE inclut les trois dimensions de l’activité entrepreneuriale : économique, écologique et sociale. Il ressort de cette définition que la RSE reste beaucoup plus volontariste, qu’obligatoire, c’est-à-dire qu’elle est beaucoup plus liée à l’éthique des affaires.

« L’éthique des affaires est une éthique appliquée. Elle est l’application de notre compréhension de ce qui est bon et juste pour l’ensemble des institutions, des technologies, des transactions, des actualités et des efforts que nous appelons business ».274 Selon Jean- François, l’éthique dans les affaires n’est rien d’autre que la parfaite conscience de nos actions et de leurs conséquences. Penser à l’éthique en affaires, c’est accepter la responsabilité de toutes nos actions en se conformant à des règles, à des principes moraux, aux politiques de l’entreprise et à des préoccupations telles que l’équité.275 Ce qui fragilise en trop la notion de RSE.

On pourrait même dire que le volontarisme dénue la RSE de sa juridicité, d’autant plus que la répression des règles de l’éthique n’est pas aussi efficace que le serait les règles juridiques. De même, avec la mondialisation, la question de l’éthique risque d’entraîner l’imposition des valeurs morales par les pays du nord aux pays du sud, économiquement faible et à la recherche des investissements étrangers.

Il convient de rappeler que la RSE n’est pas à confondre avec la responsabilité sociale. Celle-ci se rapporte aux relations employeurs travailleurs au sein d’une entreprise, bien que toutes les deux interviennent dans l’étude de la performance d’une entreprise.276 Elle prend en compte les préoccupations sociales comme le logement, assurances, sécurité sociale, et autres bienfaisance envers les ouvriers et leurs familles.277 Cependant dans certains cas le concept responsabilité sociétale est confondu à celui de la responsabilité sociale ou alors dilué dans cette dernière.278

Elle n’est pas non plus à confondre avec la responsabilité industrielle des entreprises. Celle-ci implique en effet, l’obligation pour une entreprise de réparer les dommages causés aux tiers à la suite de son activité.279 Il peut s’agir aussi de dommages causés aux humains par la contamination des eaux, pollution de l’air, du sol ou de l’atmosphère.280 Cette responsabilité n’est appréciée que si il y’a dommages causés avec ou sans faute, contrairement à la responsabilité sociétale qui n’exige pas nécessairement l’existence d’un dommage.281

Il a été démontré que la responsabilité sociétale des entreprises est bénéfique non seulement aux populations locales, mais aussi à l’émergence de l’entreprises tenues. En effet, « une conduite des affaires durable et responsable est à la fois dans l’intérêt des entreprises et de la société. Là où la pauvreté recule, les marchés prospèrent. Là où les entreprises peuvent

273 Commission des communautés européennes, Livre vert : Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises COM(2001) 366 final, Bruxelles, 18 juillet 2001, p.17.

274 Gaston Manuel Velasquez, Business ethics – concepts and cases, 2ème éd. New York, Prentice Hall, 1988, p.1.

275 Jean-François Daigne, L’éthique financière, coll. Que sais-je, PUF, Paris, 1991, p. 102.

276 Gracy Mungosi, Organisation et gestion des entreprises, notes de cours, département des sciences juridiques, UNIGOM, 2022-2023, p.9.

277 Jean Chrysostome Muisa, Droit du travail et de la sécurité sociale, notes de cours, département des sciences juridiques, UNIGOM, 2021-2022, pp.137-141.

278 Rodić, Supra note 269, page de garde.

279 Code minier, articles 282-284.

280 Ibid.

281 Code minier, article 285 bis, ter et quater.

compter sur des collaborateurs qualifiés et en bonne santé, leur productivité et leur compétitivité s’améliorent. Là où l’environnement est protégé, les ressources peuvent se renouveler et les risques d’approvisionnement diminuer. » 282 Puisque le secteur minier joue un rôle important dans le développement économique de la RDC, les entreprises minières ont une responsabilité sociétale envers les communautés locales.283

La constitution de la RDC prévoit que « Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement ».284 Elle ajoute que « Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations ». 285

Les ressources minières de la RDC sont généralement exploitées par les sociétés privées en quête de lucres. Régie de manière cosmétique par la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, le secteur minier aurait été, selon le législateur congolais, « à la base de l’augmentation sensible du nombre des sociétés minières et des droits miniers et des carrières ainsi que de l’accroissement de la production minière en République Démocratique du Congo.

Néanmoins, l’essor du secteur minier, censé rapporter à l’Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social, n’a pas su rencontrer ces attentes.286 D’où l’intérêt de reconsidérer ce Code minier et son application envi notamment de : (…), introduire un cahier de charge pour les sociétés minières en rapport avec leur responsabilité sociale vis-à-vis des populations locales, introduire un certificat environnemental pour l’obtention d’un Permis d’exploitation, renforcer la responsabilité industrielle du titulaire,…etc.287

Le législateur congolais a souhaité qu’a côte de la croissance économique que doit occasionner les activités minières, à travers notamment le payement des impôts, droits, taxes et redevances ; la participation de l’État en hauteur de 10% dans toutes les entreprises minières, la participation de personnes physiques de nationalité congolaise dans les sociétés minières, le rapatriement de 60% de revenus de ventes à l’exportation, la sous-traitance qu’aux seules sociétés détenues par les congolais…etc. ; les ressources minières doivent aussi contribuer au développement socio-économique des zones où les entreprises minières sont incrustées tout en limitant ou en évitant les effets néfastes des activités minières sur l’environnement.

Concrètement, sur le plan environnemental, le titulaire d’un Permis de Recherches ou d’une Autorisation de Recherches des Produits de Carrières doit élaborer et obtenir l’approbation d’un Plan d’aménagement et de réhabilitation (PAR) pour l’activité proposée. Son approbation relève de la compétence du service chargé de la protection de l’environnement au sein du Ministère des Mines en collaboration avec le Ministre de l’Environnement.288

282 Denise Laufer et Thomas Pletscher, Responsabilité sociale des entreprises : le point de vue des entreprises,

étude, Genève, éd. Economiesuisse, 2015, p.1.

283 Cabinet Emacon, Etude sur le cadre légal de la responsabilité sociétale des entreprises en RD Congo, Kinshasa, 2008, p.5.

284 Constitution de la RDC, article 58.

285 Ibid., article 53.

286 Code minier, expose de motif.

287 Ibid.

288 Code minier, article 203.

Pendant l’exploitation, tout demandeur d’un Permis d’Exploitation des Rejets, d’un Permis d’Exploitation de Petite Mine ou d’Autorisation d’Exploitation de Carrières est tenu de présenter une Etude d’Impact environnemental accompagnée d’un Plan de Gestion environnementale du projet et d’obtenir l’approbation de son EIES et PGES ainsi que de mettre en œuvre le PGES.289

L’étude d’impact environnemental présente une description de l’écosystème avant les opérations minières, y compris la faune et la flore ; les sols et la topographie ; la qualité de l’air, des eaux souterraines et de surface. Elle en précise les aspects qui peuvent être affectés qualitativement et quantitativement par l’activité minière ou l’exploitation de carrières.

Elle contient en outre, les mesures envisagées pour la protection de l’environnement, l’élimination ou la limitation des pollutions et la reconstitution des sites ainsi que pour vérifier l’efficacité envisagée desdites mesures.290 Le titulaire des droits miniers et de carrières est tenu de fournir une sûreté pour garantir l’accomplissement de leurs obligations environnementales pendant la recherche et/ou l’exploitation.

En outre, le titulaire des droits miniers, est autorisé à constituer une provision pour réhabilitation du site.291

Sur le plan sociétal par ailleurs, l’entreprise minière est tenue de contribuer, durant la période de son projet, à la définition et à la réalisation des projets de développement socio-économiques et industriels des communautés locales affectées par les activités du projet sur la base d’un cahier des charges pour l’amélioration des conditions de vie desdites communautés.292

Le cahier des charges définit la responsabilité sociétale des titulaires de droits miniers d’exploitation ou de l’autorisation d’exploitation de carrières permanente vis-à-vis des communautés locales affectées par les activités minières. Il a pour objet d’orienter et d’organiser la mise en œuvre des engagements des titulaires de droits miniers d’exploitation ou de l’autorisation d’exploitation de carrière permanente relatifs à la réalisation des infrastructures socioéconomiques et services sociaux au profit des communautés locales affectées par ses activités minières.293 Il vise également à servir de cadre d’accord devant

permettre la concrétisation des actions du développement durable visant à améliorer le bien-être économique, social et culturel des populations locales affectées par les activités minières des titulaires de droits miniers d’exploitation ou de l’autorisation d’exploitation de carrières permanente pendant et après l’exploitation.294

La société minière est tenu, à partir de la délivrance de son titre minier et/ou de carrières et au plus tard dans les six mois avant le début de l’exploitation, d’élaborer et de déposer le cahier des charges définissant la responsabilité sociétale vis-à-vis des communautés locales affectées par les activités minières et d’en obtenir l’approbation du Gouvernement provincial après avis des services techniques.295

Les projets de développement socio-économique mis en place par la société minière sont financés par une dotation minimale de 0,3% du chiffre d’affaires de la dites société, laquelle dotation est mise à la disposition et gérée par une entité juridique comprenant les

289 Code minier, article 204.

290 Ibid.

291 Ibid., article 258.

292 Ibid., article 285 sexies.

293 Ibid., article 285 septies.

294 Ibid.

295 Ibid.

représentants du titulaire et des communautés locales environnantes directement concernées par le projet.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans le contexte minier?

La RSE est un ensemble d’obligations morales et juridiques que les entreprises minières doivent respecter envers les populations des lieux où se réalise un projet, visant un développement durable.

Comment la RSE est-elle perçue différemment aux États-Unis et en Europe?

Aux États-Unis, la RSE est souvent vue comme un modèle philanthropique où les entreprises donnent une partie de leurs profits à des fins caritatives, tandis qu’en Europe, elle se concentre sur l’application de critères d’interaction sociale à tous les stades d’activités des entreprises.

Quelle est la différence entre la RSE et la responsabilité sociale?

La RSE concerne les obligations des entreprises envers la société et l’environnement, tandis que la responsabilité sociale se rapporte aux relations entre employeurs et travailleurs au sein d’une entreprise.

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