Comment les législations tunisiennes réagissent-elles aux évolutions informatiques ?

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🏫 Université de la Manouba - Institut Supérieur de Comptabilité et d'Administration des Entreprises (I.S.C.A.E) - Commission d'Expertise Comptable
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d'expertise comptable - 2000/2001
🎓 Auteur·trice·s
Mohamed Lassâad
Mohamed Lassâad

Les réactions législatives en Tunisie face aux évolutions informatiques révèlent des enjeux cruciaux pour l’audit financier. En explorant ces réponses, cet article met en lumière les adaptations nécessaires des pratiques professionnelles, essentielles pour naviguer dans un paysage technologique en constante mutation.


Chapitre 3 : Les Principales Réactions des Législations et des Organismes Professionnels Face aux Evolutions Informatiques

Introduction

Ce chapitre est destiné à présenter les principales réactions des législations et des organismes professionnels face aux évolutions informatiques.

Cette présentation n’est pas limitée aux seuls aspects des nouvelles technologies mais couvre aussi les différentes réactions se rattachant à l’informatique en général.

En outre, nous avons essayé, tout au long de ce chapitre, de comparer les réactions en Tunisie par rapport à celles d’autres pays (dont, essentiellement, la France) et par rapport à d’autres réflexions internationales.

Section 1 :

La réglementation comptable, fiscale et juridique

Sous section 1 : La réglementation comptable

Les dispositions du Code de Commerce, non abrogées par la loi 2000-93 du 3 novembre 2000 portant promulgation du nouveau code des sociétés commerciales, se rapportant aux obligations en matière comptable sont les suivantes :

  • Article 8 : « … Conserver, pendant dix ans tous les documents justificatifs des opérations inscrites sur les livres susvisés ».
  • Article 9 : « Le livre journal et le livre d’inventaire prévus à l’article 8 sont cotés et paraphés, soit par le juge, soit par le Président de la Municipalité ou un adjoint, dans la forme ordinaire et sans frais ».
  • Article 10 : « les livres sont tenus chronologiquement sans blanc ni altération d’aucune sorte. Ils seront conservés pendant 10 ans ».
  • Article 11 : « Les livres, que les commerçants sont obligés de tenir et pour lesquels ils n’auront pas observé les formalités ci-dessus prescrites, ne pourront être représentés ni faire foi en justice au profit de ceux qui les auront tenus, sans préjudice de ce qui sera réglé au livre du concordat préventif et de la faillite. ».

Ainsi, le code de commerce tunisien n’a pas prévu de dispositions particulières en cas de comptabilité informatisée. En effet, il n’a pas précisé les conditions de forme pour les pièces justificatives des opérations ni les conditions et les moyens de conservation.

Au niveau du livre journal et du livre d’inventaire, ils doivent être tenus manuellement sur des registres cotés (attestant le nombre des pages) et paraphés (certifiant l’existence du livre obligatoire et lui conférant une date certaine).

En outre, il convient de signaler qu’aucune nouvelle disposition comptable n’a été prévue par le nouveau code des sociétés commerciales promulgué par la loi 2000-93 du 3 novembre 2000.

La loi N°96-112 du 30 décembre 1996 relative au système comptable des entreprises a apporté de nouvelles dispositions et a aussi confirmé les des articles 8, 9 et 10 du code de commerce.

Ces principales dispositions, qui se rapprochent de celles du Nouveau Plan Comptable Général Français de 1999, se résument comme suit :

  1. Les livres comptables :

Les livres comptables comportent le journal général, le grand-livre et le livre d’inventaire. Le journal général et le livre d’inventaire sont cotés et paraphés. En outre, les livres sont établis sans blanc ni altération d’aucune sorte.

Selon l’article 14 de la loi 96-112, « les documents écrits issus de l’informatique peuvent tenir lieu de livres et journaux auxiliaires. Dans ce cas, ces documents doivent être identifiés, numérotés et datés dès leur élaboration par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve.…. Les écritures portées sur les livres et journaux auxiliaires ainsi que les totaux des opérations et des soldes doivent être centralisés dans le journal général et le grand livre au moins une fois par mois. »

Ainsi, nous devons formuler les remarques suivantes :

    • Les documents informatiques ne peuvent tenir lieu de livre journal et de livre d’inventaire comme c’est le cas en France32. Cette possibilité n’a été accordée que pour les livres et journaux auxiliaires.
    • Que faut-il entendre par « des moyens offrant toute garantie en matière de preuve » ?

Signalons d’abord que cette disposition est identique à celle prévue en France33. Plusieurs solutions critiquables ont été avancées. Selon le Mémento Comptable dans son paragraphe 311- 2, bien que la réglementation française a considéré que les documents informatiques peuvent tenir lieu de journal général et de livre d’inventaire, « la manière la plus pratique de respecter actuellement l’obligation de la tenue du livre journal sans aucun risque, reste et demeure, pour l’instant, la transcription manuelle des totalisations des écritures mensuelles sur un livre coté et paraphé ».

  1. La documentation des procédures et de l’organisation Comptable :

L’article 15 de la loi 96-112 stipule que : « lorsque l’entreprise opte pour la méthode de centralisation mensuelle des livres et journaux auxiliaires ou pour l’usage de l’informatique pour tenir sa comptabilité, il est établi un document qui prévoit l’organisation comptable et comporte notamment les intitulés et l’objet des documents utilisés pour le traitement des informations et les modalités de liaison entre ces documents et les pièces justificatives y afférentes. »

La norme générale34 a précisé le contenu de ce document. En ce qui concerne les traitements informatisés, ce manuel doit comprendre notamment :

  1. La description des procédures de collecte, de saisie, de traitement et de contrôle des informations ;
  2. Le système de classement et d’archivage ;
  3. Les livres comptables obligatoires et les liens entre ces livres et les autres documents et pièces comptables.

En outre, le paragraphe 49 et 50 de la norme générale stipulent que « la réalisation de tout contrôle du système de traitement automatisé suppose l’accès à la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements en vue, notamment, de procéder aux tests nécessaires.35

Dans le cas d’acquisition de logiciel standard, la documentation fournie avec le logiciel peut constituer la documentation requise. »

32 Dispositions prévues par le décret N°83-1020 du 29 novembre 1983 portant promulgation des obligations comptables des commerçants de certaines sociétés et par le Nouveau Plan Comptable Général homologué par l’arrêté du 22 juin 1999 (paragraphe 410-06.)

33 Idem

34 Deuxième partie, Paragraphe 63

35 Même disposition que le paragraphe 410-4 du Nouveau Plan Comptable Générale Français 1999 : «L’organisation de la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés implique l’accès à la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements, en vue, notamment, de procéder aux tests nécessaires à la vérification des conditions d’enregistrement et de conservation des écritures. »

Cette documentation décrivant les procédures et l’organisation comptables est établie en vue de permettre la compréhension et le contrôle du système de traitement. Elle doit être complète, claire, précise et constamment tenue à jour. Elle est conservée aussi longtemps qu’est exigée la présentation des documents comptables auxquels elle se rapporte. Toutefois, il y a lieu de préciser qu’aucune sanction n’est prévue pour le non-respect de cette disposition.

En pratique, nous constatons que cette documentation est quasiment absente dans les entreprises ou est dans la majorité des cas obsolète. Par ailleurs, la documentation fournie avec le logiciel standard ne concerne généralement que le volet d’utilisation et d’exploitation.

  1. Les pièces justificatives :

Selon le paragraphe 53 de la norme générale (partie II : dispositions relatives à l’organisation comptable) : « La pièce justificative est établie sur papier ou sur un support assurant la fiabilité, la conservation et la restitution en clair de son contenu pendant les délais requis et comporte la mention de la date ».

Cette disposition est identique à celle du paragraphe 420-3 du Nouveau Plan Comptable Général Français de 1999.

Selon le Conseil National de la Comptabilité Français36, les résultats de traitement en amont peuvent être intégrés en comptabilité à l’aide d’écritures comptables générées automatiquement par le système, sans être accompagnées de l’émission de pièces justificatives classiques (exemple : le calcul des agios effectué par les banques).

  1. Le chemin de révision :

Le Nouveau Système Comptable Tunisien stipule dans son article 12 que : « Tout enregistrement précise l’origine, le contenu et l’imputation de l’opération ainsi que les références des pièces justificatives qui l’appuient »37.

Le paragraphe 52 de la norme générale (partie II : Dispositions relatives à l’organisation comptable) ajoute que : « à tout moment, il est possible de reconstituer à partir des pièces justificatives appuyant les données entrées, les éléments des comptes, état et renseignements soumis à la vérification, ou, à partir de ces comptes, états et renseignements, de retrouver ces données et les pièces justificatives»38.

C’est ainsi que tout solde de compte doit pouvoir être justifié par un relevé des écritures dont il découle depuis un solde antérieur. Chacune de ces écritures doit comporter une référence permettant l’identification des données correspondantes.

  1. Le caractère définitif des enregistrements :

Selon les paragraphes 56 et 57 de la norme générale (Partie II) : « le caractère définitif des enregistrements est assuré, pour les comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés, par la validation. Cette procédure, qui interdit toute modification ou suppression de l’enregistrement est mise en œuvre au plus tard au terme de chaque mois.39

Une procédure de clôture destinée à figer la chronologie et à garantir l’intangibilité des enregistrements est mise en œuvre et ce, au plus tard avant l’expiration de la période suivante, sous réserve des délais différents fixés par des dispositions légales ou réglementaires. ».

Cette mesure vise à interdire la modification ou la suppression des données sans laisser de traces. En informatique, elle est en principe assurée par la validation, la clôture et l’utilisation d’un support de sauvegarde inaltérable.

Par ailleurs, et selon le mémento comptable 2000, si l’entreprise utilise un système comptable ne garantissant pas l’absence d’altération, ceci peut remettre en cause la force probante de la comptabilité. « Une telle situation constitue pour le commissaire aux comptes un facteur de risque qu’il doit intégrer dans son approche générale d’audit et dont il doit tirer les conséquences dans son plan de mission. Par ailleurs, dans la mesure où les insuffisances du système comptable seraient de nature à enlever toute force probante aux contrôles effectués par le commissaire aux comptes, celui-ci serait conduit à formuler une réserve dans l’expression de son opinion sur les comptes. »

36 Bulletin N°88 du 3ème trimestre 1991, page 4 et suivant.

37 Disposition identique aux dispositions du paragraphe 420-2 du Nouveau Plan Comptable Général Français 1999

38 Disposition identique aux dispositions du paragraphe 410-3 du Nouveau Plan Comptable Général Français 1999

39 Disposition identique aux dispositions du paragraphe 420-5 du Nouveau Plan Comptable Général Français 1999

Il convient de distinguer trois phases pour apprécier la validité d’une comptabilité informatisée :

  • Avant la validation comptable d’une écriture : la modification est dans ce cas permise. En effet, tant que la validation n’est pas faite, les écritures ne font pas partie du système comptable.
  • La validation comptable proprement dite : Il s’agit d’une étape qui consiste à figer les différents éléments de l’écriture de façon à ce que toute modification ultérieure soit impossible. Cette étape devrait être réalisée au moins mensuellement.
  • Après la validation comptable d’une écriture : Toute modification devrait être impossible.
  1. Les procédés et les moyens de traitement de l’information :

Selon le paragraphe 47 de la norme comptable générale40, « l’organisation de la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés doit permettre :

  • de satisfaire les exigences de sécurités et de fiabilité requises en la matière
  • de restituer sur papier sous une forme directement intelligible toute donnée entrée dans le système de traitement ».

Le paragraphe 48 ajoute que : « l’identification des documents informatiques est obtenue par :

  • Une numérotation des pages,
  • L’utilisation de la date du jour de traitement générée par le système et qui ne peut être modifiée par l’entreprise, pour dater les documents,
  • L’utilisation d’un programme interdisant l’annulation ou la modification des opérations validées ».

________________________

32 Dispositions prévues par le décret N°83-1020 du 29 novembre 1983 portant promulgation des obligations comptables des commerçants de certaines sociétés et par le Nouveau Plan Comptable Général homologué par l’arrêté du 22 juin 1999 (paragraphe 410-06.)

33 Idem

34 Deuxième partie, Paragraphe 63

35 Même disposition que le paragraphe 410-4 du Nouveau Plan Comptable Générale Français 1999 : «L’organisation de la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés implique l’accès à la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements, en vue, notamment, de procéder aux tests nécessaires à la vérification des conditions d’enregistrement et de conservation des écritures. »

36 Bulletin N°88 du 3ème trimestre 1991, page 4 et suivant.

37 Disposition identique aux dispositions du paragraphe 420-2 du Nouveau Plan Comptable Général Français 1999

38 Disposition identique aux dispositions du paragraphe 410-3 du Nouveau Plan Comptable Général Français 1999

39 Disposition identique aux dispositions du paragraphe 420-5 du Nouveau Plan Comptable Général Français 1999

40 Selon le paragraphe 47 de la norme comptable générale.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les principales dispositions du Code de Commerce tunisien concernant la comptabilité informatisée?

Le code de commerce tunisien n’a pas prévu de dispositions particulières en cas de comptabilité informatisée et n’a pas précisé les conditions de forme pour les pièces justificatives des opérations.

Comment la loi N°96-112 du 30 décembre 1996 influence-t-elle la comptabilité des entreprises en Tunisie?

La loi N°96-112 a apporté de nouvelles dispositions et a confirmé les articles 8, 9 et 10 du code de commerce, permettant que les documents écrits issus de l’informatique puissent tenir lieu de livres et journaux auxiliaires.

Quels sont les types de livres comptables requis par la législation tunisienne?

Les livres comptables requis comprennent le journal général, le grand-livre et le livre d’inventaire, qui doivent être cotés et paraphés, sans blanc ni altération d’aucune sorte.

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