Les perspectives futures sur la cybercriminalité révèlent des défis cruciaux dans l’application du Code congolais du numérique. Cette étude comparative met en lumière les failles des dispositifs répressifs français et congolais, offrant des solutions prometteuses pour renforcer la lutte contre ce fléau numérique.
TITRE 2. DE LA CYBERCRIMINALITÉ
Ce titre va aborder l’étude de la cybercriminalité, la légalité des incriminations, peines et procédure ainsi que l’application de la loi pénale (chapitre unique).
CHAPITRE UNIQUE. LA CYBERCRIMINALITÉ, LA LÉGALITÉ DES INCRIMINATIONS, PEINES ET PROCÉDURE AINSI QUE L’APPLICATION DE LA LOI PÉNALE
Ce chapitre va étudier successivement : la cybercriminalité (section 1ère), la légalité criminelle (section 2), et l’application de la loi pénale (section 3).
SECTION 1ère :
DE LA CYBERCRIMINALITÉ
La présente section va étudier tour à tour : la sémantique de la cybercriminalité et les concepts voisins ainsi que la typologie des crimes (paragraphe 1er) ; et, les caractéristiques et typologies des cybercriminels et des victimes (paragraphe 2).
§1er. De la cybercriminalité, des termes connexes et de la typologie des crimes
Définitions
Cybercriminalité
La cybercriminalité, issue du terme « cyber »87, vise les traitements informatiques et est associée à la délinquance utilisant les réseaux informatiques. Ce terme « cyber » est désormais utilisé fréquemment et associé à toute sorte de délinquance, qu’il s’agisse par exemple de la cyberfraude ou du cyberterrorisme.
Selon le Ministère de l’Intérieur français, et plus particulièrement selon l’OCLCTIC88, la cybercriminalité recouvre « l’ensemble des infractions pénales susceptibles de se commettre sur les réseaux de télécommunication en général et plus particulièrement sur les
87 Du grec “kubernan“ qui veut dire diriger, gouverner.
88 Acronyme de « Office Central de Lutte contre la criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la communication ». Créé par le décret n°2000-405 du 15 mai 2000 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, cet office est une structure nationale, à vocation interministérielle et opérationnelle.
réseaux partageant le protocole TCP-IP, appelés communément l’Internet
Selon l’ONU, la cybercriminalité désigne « tout comportement illégal faisant intervenir des opérations électroniques qui visent la sécurité des systèmes informatiques et des données qu’ils traitent » et dans une acception plus large « tout fait illégal commis au moyen d’un système ou d’un réseau informatique ou en relation avec un système informatique »90.
Dans le même sens, la Commission européenne définit la cybercriminalité dans un sens large comme « toute infraction qui implique l’utilisation des technologies informatiques »91.
L’Ordonnance-loi nº 23/10 du 13 Mars 2023 portant code Congolais du numérique définit la cybercriminalité comme : l’ensemble des infractions pénales spécifiques liées aux technologies de l’information et de la communication telles que définies par la présente ordonnance-loi, ainsi que celles prévues dans d’autres lois particulières, dont la commission est facilitée ou liée à l’utilisation des technologies.92
La cybercriminalité peut alors se définir comme toute action illégale dont l’objet est de perpétrer des infractions pénales sur ou au moyen d’un système informatique interconnecté à un réseau de télécommunication. Elle vise soit des infractions spécifiques à Internet, pour lesquelles les technologies de l’information et de la communication sont l’objet même du délit, soit des infractions de droit commun pour
89 Le Ministère de l’Intérieur français.
Disponible sur http://www.interieur.gouv.fr/, consulté le 11 octobre 2024 à 20h59’ ; 90 Dixième Congrès des Nations Unies à Vienne, « La prévention du crime et le traitement des délinquants », 2000 ;
91 La commission européenne, « Créer une société de l’information plus sûre en renforçant la sécurité des infrastructures de l’information et en luttant contre la cybercriminalité ».
Disponible sur http://www.ssi.gouv.fr/archive/fr/reglementation/CrfimeComFR.pdf ;
92 Article 2 point 24 de L’Ordonnance-loi nº 23/10 du 13 Mars 2023 portant code Congolais du numérique.
lesquelles Internet est le moyen de développer des infractions préexistantes.93
Crime
Raymond Gassin suggère cette définition du crime : « l’aboutissement d’un processus d’interaction qui met en présence un certain type de personnalité et un certain genre de situation pré-criminelle et qui se développe par étape jusqu’à l’accomplissement de l’acte criminel ».94
Pour Merle et Vitu, il n’est pas aisé de définir le crime et à leur tour, ils le définissent comme « tout acte sanctionné par une peine ». Ce qui vient préciser la définition suggérée par Raymond Gassin.95
On appelle crime ou délit toute action injuste, et défendue par les lois, qui tend à blesser la société, et à troubler la tranquillité publique.
Le crime peut être défini de façon étroite comme une infraction, un acte puni par la loi, ou de façon plus large comme la transgression d’une norme. Dans le premier cas, la perspective est légale, dans le second, elle est sociologique. Le crime y devient un sous-ensemble de la catégorie de la déviance.97
Criminalité
Le phénomène délinquant autrement appelé la criminalité signifie un phénomène de masse constitué par l’ensemble des infractions qui se présentent en un temps et à un lieu donnés.98
93 Romain BOOS, op. cit., p.28 ;
94 Raymond Gassin, cité par Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI, cours de criminologie générale, Notes synthétiques à l’intention des étudiants de Troisième graduat – Option Droit privé et judiciaire, faculté de Droit, Université de Kinshasa, Année académique 2018-2019, inédit ;
95 Merle et Vitu, cité par Raoul KIENGE KIENGE INTU DI Op. cit. ;
96 Maurice CUSSON, La criminologie, 5ème édition, Éditions Hachette, Paris, 2011, p.18 ;
97 Alain BAUER, Les ABC de la criminologie, texte traduit de l’anglais par Laure Mistral, Éditions Cerf, Paris, 2016, p. 50 ;
98 Charles KAZADI BENGANKUNA KANYINDA, Notes de cours de criminologie générale, destinées aux étudiants de troisième graduat Droit, Université officielle de Mbujimayi, 2019-2020, inédites, p.52 ;
La criminalité est donc un ensemble des faits infractionnels commis ou connus au cours d’une période de temps déterminée, dans un Etat.99
Cybercrime
Cybercrime est une infraction pénale commise sur un réseau informatique. Un cybercrime est une activité illégale menée à l’aide d’appareils ou de réseaux informatiques. Ces activités impliquent l’utilisation de la technologie pour commettre des fraudes, des usurpations d’identité, des vols de données, des escroqueries, diffuser des virus, etc. Les cybercriminels exploitent les vulnérabilités des systèmes et des réseaux informatiques pour obtenir un accès non autorisé, voler des informations sensibles, perturber les services et nuire à la situation financière ou à la réputation des individus, des organisations et des états.100
Cyberespace
Le terme « cyberespace » a été inventé et défini par William Gibson, dans son livre Neuromancer (1984), comme cet « espace planétaire sans frontière où les ordinateurs sont reliés entre eux par des réseaux ».101
Ce type de cyberespace n’existe pas et ne peut pas exister actuellement. Un tel espace électronique est un monde imaginaire.102
99 Polycarpe KALAMBAYI TSHIMPANGA, Cours de criminologie clinique, destiné aux étudiants de deuxième licence Droit privé et judiciaire, Faculté de Droit, Université officielle de Mbujimayi, 2019-2020, inédit, pp. 9-10 ;
100 Nataliya B. Sukhai, Proceedings of the 1st annual conference on Information security curriculum development, New York, NY, USA, ACM, 8 octobre 2004, 128–132 p. (ISBN 1- 59593-048-5, DOI 10.1145/1059524.1059553, S2CID 46562809), « Hacking and cybercrime », consulté sur http://fr/wikipedia.org/wiki/cybercrime, consulté le 15 septembre 2024, à 05h 21’ ;
101 Alain BAMDE, L’architecture normative du réseau Internet. Esquisse d’une théorie, Éditions L’Harmattan, Coll. Le droit Aujourd’hui, Paris, 2015, pp. 13 -14 ; voire Adjay KODJO NDUKUMA, La société congolaise de l’information et les intelligences numériques, article scientifique a été exposé à la « Journée des intelligences numériques
» jeudi 29 mars 2018 au campus numérique de l’AUF à Kinshasa Texte (V2# Tapuscrit) de conférence : Centre Wallonie Bruxelles, AUF, Maison des savoirs. Cedesurk, 29 mars 2018, p.2 ;
102 5En effet, l’e-mail présente des analogies avec le courrier postal traditionnel, désormais rebaptisé « snail mail » par les internautes, du point de vue du secret qui doit
Dans le monde réel, le cyberespace est l’endroit où les conversations téléphoniques ordinaires ont lieu, où les courriers électroniques vocaux et les messages électroniques, les textes sont stockés et échangés. Dans cet espace, des graphiques créés par l’ordinateur sont transmis et transformés, le tout sous la forme d’interactions, d’une part entre les innombrables utilisateurs et d’autre part, entre les utilisateurs et l’ordinateur lui-même103.
Le cyberespace se présente comme un espace indéfini. Un espace virtuel104 d’ordinateurs tous reliés entre eux grâce à des réseaux qu’explorent les « cybernautes », dont les systèmes nerveux sont directement branchés sur les réseaux grâce à une prise fixée sur leur crâne.105 C’est donc une réalité virtuelle.
Cyber sécurité
La cybersécurité est la réponse à la fois multidimensionnelle et multipartite face à la cybercriminalité. Elle postule que la sécurité informatique est assurée si le système réunit son authenticité, sa disponibilité et son intégrité. Elle postule également de faire de chaque acteur, dans leurs comportements, les acteurs de cette sécurité. Elle organise à la fois :
- La prévention : réunissant les moyens de détection des menaces et de préservation des infrastructures vitales avant la survenance des sinistres informatiques.
entourer les correspondances. Pour envoyer un message électronique du destinataire, et, grâce à l’utilisation d’un logiciel adéquat, ce message sera acheminé jusqu’à la boite du correspondant. Ce type de communication est donc, rapide et relativement fiable. Bien sûr, le degré de convivialité est moindre devant un écran d’ordinateur qu’avec un combiné téléphonique, mais les internautes ponctuent leurs messages de ce qu’on appelle les « smiles ».
103 Léon TRIBE : The Constitution in Cyberspace : Law and Liberty Beyond the Electronic Frontier, disponible sur :http://cyborgresources.us/ (consulté le 15/09/2024) ;
104 Selon le philosophe Pierre LEVY « Est virtuelle une entité déterritorialisée, capable d’engendrer plusieurs manifestations concrètes en différents moments et lieux déterminés, sans être pour autant elle-même attachée à un endroit ou à un temps particulier. Sur la nature de cyberespace voir http://www.archipress.org/levy/index.html, consulté le 15 septembre 2024 à 17h 30’ ;
105 Pierre TRUDEL : Quel Droit pour la Cyber-Presse ? La Régulation de l’Information sur Internet, éditions Légipresse, Paris, mars 1996, p.34 ;
- La résilience : assurant la continuité du fonctionnement du système par des mesures de contingentement ou autres limitant le désastre, pendant le traitement offensif ou défensif de l’incident.
- La répression : dotant les services de justice des dispositions
législatives, de la politique cybercriminelle, des laboratoires de criminalistique informatique, en vue de l’instruction judiciaire et de la connaissance juridictionnelle des cas de cybercriminalité.106
La cybersécurité est un ensemble des mesures de prévention, de protection et de dissuasion d’ordre technique, organisationnel, juridique, financier, humain et procédural ou autre permettant d’atteindre les objectifs de sécurité des systèmes informatiques et des réseaux de communication électronique et de garantir la disponibilité, l’intégrité, la confidentialité, l’authenticité ou la traçabilité des données stockées, traitées ou transmises et des services connexes.107
Cyberattaque
« Les cyberattaques comprennent l’accès involontaire ou non autorisé à des renseignements électroniques et/ou des infrastructures électroniques ou matérielles utilisés pour traiter, communiquer ou entreposer cette information, ainsi que leur utilisation, leur manipulation, leur interruption ou leur destruction (par voie électronique). La gravité des cyberattaques détermine le niveau d’intervention et les mesures d’atténuation nécessaires, c’est-à-dire la cybersécurité ».108
106 Kodjo NDUKUMA ADJAYI, Cybercriminalité en RD Congo : faire du vieux avec du neuf, pour un renouveau sans révolution, article, mai 2020, p. 2 ;
107 Article 2 point 25 de L’Ordonnance-loi nº 23/10 du 13 Mars 2023 portant code Congolais du numérique.
108 Stratégie de cybersécurité du Canada, 2010, p. 3, sur http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/cbr-scrt-strtgy/cbr-scrt-strtgy-fra.pdf, consulté le 15 septembre 2024 à 17h 32’ ;
Cyberguerre
Cyberguerre : guerre se déroulant dans le cyberespace.
La cyberguerre, guerre cybernétique (en anglais : cyberwarfare) ou guerre de la toile consiste en l’utilisation d’ordinateurs et d’Internet pour mener une guerre dans le cyberespace.109
Depuis le début du XXIe siècle, le réseau Internet est devenu un lieu d’affrontement, tout objet numérique devenant une cible d’attaquants potentiels.110
Le terme « cyberguerre » est cependant contesté par de nombreux observateurs, le principal argument étant son absence de létalité.
Médias
Les médias (presse, radio, télévision, cinéma, livre, disque, affiche, communication au public en ligne et tous supports multimédias pour lesquels il n’est nul besoin d’un droit spécifique…), sont le vecteur ou le canal par lequel sont diffusés, au public, les informations, les messages et les contenus, de toutes natures, indispensables à la vie sociale.
Ils sont le lieu d’échange des idées et des opinions, de contrôle et de critique de tous les pouvoirs, sans lesquels il ne peut y avoir de véritable démocratie. Ils constituent un des supports essentiels de la création et de la diffusion culturelle. Tant par les informations qu’ils comportent que par la publicité qui en assure le financement, ils sont le soutien indispensable de toute activité économique…111
Numérique
En effet, le code Congolais du numérique précité définit le concept numérique, comme étant l’ensemble des procédés et moyens
109 http://fr.wikipedia.org/wiki/cyberguerre, consulté le 27 septembre 2024 à 19h30’ ;
110 « Du cyber et de la guerre », sur http://www.frstrategie.org, consulté le 27 septembre 2024 ;
111 Emmanuel DERIEUX, Droit des médias, 3ème édition, Dalloz, Paris, 2005, p. 6 ;
utilisant des outils et services qui permettent de créer, de traiter, de stocker et de diffuser la donnée.112
Numérisation
La numérisation consiste à passer un document papier dans un dispositif optoélectronique (en général) un scanner pour en faire une copie électronique qui sera traitée par un système d’information.113
De la typologie des crimes
La cybercriminalité, cette délinquance électronique, recouvre deux grandes catégories d’infractions114 : D’une part, des infractions spécifiques aux NTIC et, d’autre part, des infractions dont la commission est liée ou facilitée par l’utilisation de ces NTIC.
Cette typologie apparemment claire, occulte pourtant en réalité le flou sémantique dans lequel la cybercriminalité de NTIC nage à son tour et qui se caractérise par une confusion, curieusement pittoresque, mais certainement très dangereuse entre les techniques de perpétration du crime et le crime lui-même.115
On peut affirmer que la notion de cybercriminalité vise deux types d’infractions.
Les infractions visées
Il s’agit d’abord de la criminalité dont l’objet même est de menacer les systèmes et les réseaux informatiques. Cela concerne les atteintes aux systèmes des traitements automatisés des données, les infractions en matière de fichiers ou de traitement informatique, ou encore le domaine de la cryptologie. Ce sont des infractions nouvelles,
112 Article 2 point 55 de L’Ordonnance-loi nº 23/10 du 13 Mars 2023 portant code Congolais du numérique.
113 Thierry PIETTE COUDOL, Le numérique au service du Droit ohada et des États parties, Éditions LGDJ, Lextenso, Paris, 2016, p. 11 ;
114 Nacer LALAM, La délinquance électronique, Dossier problèmes politiques sociaux, Documentation française, N° 953, Octobre 2008, p. 4 ;
115 MANASI NKUSU, Le Droit congolais et la criminalité de NTIC, mémoire de DEA en Droit, UNIKIN-RDC, Texte de présentation du mémoire disponible sur http://ccn.viabloga.com/news/memoire-de-dea-en-cybercriminalite-unikin-rdc, consulté le 20 Juillet 2024, à 15h23’ ;
spécifiques à l’Internet, qui n’existaient pas avant son arrivée. En ce sens, on peut citer le piratage informatique qui est en l’occurrence, l’intrusion non autorisée dans les systèmes informatiques et le sabotage informatique de ces derniers.
Il s’agit ensuite de la criminalité commise au moyen du réseau. Ce sont les formes traditionnelles de la cybercriminalité ou les infractions de droit commun qui existaient déjà avant l’arrivée d’Internet, mais qui ont trouvé en lui un formidable moyen de se pérenniser et de développer. En ce sens, on peut citer la pédophilie sur Internet qui est un des exemples les plus visibles de criminalité de droit commun, ayant pris de l’ampleur grâce au développement de l’Internet. Les pédophiles peuvent y reproduire des informations ou des photos, l’anonymat y est préservé, la distribution des documents est simple et la quantité de documents que l’Internet peut transporter est quasi sans limites.116
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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
3 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la cybercriminalité selon le Code Congolais du numérique ?
La cybercriminalité est définie comme l’ensemble des infractions pénales spécifiques liées aux technologies de l’information et de la communication, ainsi que celles prévues dans d’autres lois particulières, dont la commission est facilitée ou liée à l’utilisation des technologies.
Comment la cybercriminalité est-elle définie par l’ONU ?
Selon l’ONU, la cybercriminalité désigne tout comportement illégal faisant intervenir des opérations électroniques qui visent la sécurité des systèmes informatiques et des données qu’ils traitent.
Quels types de crimes sont inclus dans la cybercriminalité ?
La cybercriminalité inclut des infractions spécifiques à Internet, pour lesquelles les technologies de l’information et de la communication sont l’objet même du délit, ainsi que des infractions de droit commun pour lesquelles Internet est le moyen de développer des infractions préexistantes.