Les perspectives futures des systèmes de recyclage révèlent des disparités étonnantes entre les approches européennes. Cette étude met en lumière comment la responsabilité des producteurs influence les résultats, avec des implications cruciales pour l’efficacité des systèmes de gestion des déchets.
4. La reprise des matériaux
Acteurs de la reprise
Une fois triées, les différentes fractions de matériaux sont mises en balles et dirigées vers les filières de recyclage. Selon les systèmes, ce ne sont pas les mêmes acteurs qui décident du destinataire des balles :
– En France, les collectivités ont trois possibilités : confier la gestion des matériaux triés aux filières d’Eco-Emballages ou aux fédérations professionnelles (Veolia, Sita…) ou encore de vendre les matériaux elles-mêmes. Ce choix est fait pour chaque matériau. En pratique, peu de collectivités se charge elles-mêmes de la reprise.
– En Belgique et en Espagne, les collectivités ont la possibilité de s’occuper par elles-mêmes de la reprise, mais dans plus de 95% des cas, elles la confient au système. Elles n’ont en effet pas d’intérêt à le faire puisqu’elles ne touchent de toute façon pas la valeur des matériaux (voir paragraphe suivant).
– En Allemagne, au Portugal, et en Tchéquie, les collectivités ne sont pas impliquées dans la reprise des matériaux. Ce sont les filières de matériaux pour DSD et SPV, et les exploitants de centres de tri en Tchéquie qui s’en charge.
Destinataires de la valeur des matériaux
De nos jours, la plupart des matériaux triés ont une valeur positive sur le marché. Les recycleurs achètent donc les balles de matériaux triés. Les métaux (aluminium et acier) et certains plastiques (PET, PEHD) ont notamment une valeur très élevée. Selon les pays, les destinataires de ces revenus sont différents :
Tableau 21 : montant et destinataire des revenus de matériaux
France | Allemagne | Belgique | Espagne | Portugal | Tchéquie | |
revenu total | 135M€ | * | 41M€ | 20 M€ | 9 M | € ** |
€/ t recyclée | 50 | 60 | 10 | 20 | ||
destinataire | CL | DSD | Fost Plus | Ecoembes Ecovidrio | SPV | centres de tri |
Source : rapports annuels, entretiens avec les organismes
DSD ne souhaite pas communiquer sur ce montant
Eko-Kom ne connait pas le montant total car ils ne sont pas impliqués dans la vente des matériaux
On constate que seul Eco-Emballages verse l’intégralité des revenus aux collectivités. Les autres systèmes, en dehors de la Tchéquie, touchent l’intégralité des revenus.
Les revenus d’Ecoembes et de SPV (moyenne à la tonne recyclée) sont nettement plus faibles que ceux d’Eco-Emballages et de Fost Plus. Cela s’explique notamment par le fait qu’en Espagne et au Portugal, toutes les fractions de plastiques sont triées. Si on a vu que le PET et le PEHD ont une valeur élevée (200-300€/t), le recyclage des plastiques mous a en revanche un coût (jusqu’à 100€/t). Les systèmes doivent donc payer les recycleurs pour qu’ils utilisent les matériaux triés, et non pas le contraire.
Fost Plus a des revenus proportionnellement plus importants qu’Eco-Emballages. Les recettes de Fost Plus sont essentiellement dues au plastique et au papier-carton, dont les gisements collectés par habitants sont plus élevés qu’en France (voir paragraphe suivant) et les prix de vente également (PET vendu à 300€/t contre 190 en France, papier-carton 85€/t contre 60 en France). À noter qu’en Belgique, c’est Fost Plus qui vend les matériaux alors qu’en France, ce sont soit les filières soit les fédérations, mais Eco-Emballages n’est dans aucun cas impliqué et donc ne peut contrôler les prix de reprise.
5. Bilan de la prise en charge des coûts
Données communiquées
Voici les réponses formulées par les différents systèmes à ma question « Quelle part des coûts vos soutiens couvrent-ils ? »
Eco-Emballages | DSD | Fost Plus | Ecoembes | SPV | Eko-Kom | |
couverture des coûts | 60% | 100% | 100% | 100% | environ 100% pour une CL de performance moyenne | environ 100% pour une CL de performance moyenne |
Tableau 22 : couverture des coûts
Ainsi globalement, seul Eco-Emballages déclare ne pas couvrir 100% des coûts.
Analyse
Ces informations communiquées méritent cependant une interprétation. Nous avons vu que la prise en charge des coûts de collecte, de tri ainsi que l’organisation de la reprise des matériaux ne sont pas les mêmes dans les différents systèmes. Les conditions sont donc différentes, et donc les coûts couverts aussi. Cependant, avant de parler de la part des coûts couverts, encore faut-il déterminer les coûts dont il est question. Il ressort des discussions entretenues avec les membres des systèmes et de leur analyse, que les coûts considérés ne sont pas les mêmes :
– DSD et Fost Plus estiment couvrir 100% des coûts car ils payent directement les factures des opérateurs de collecte, de tri et de transport.
– Ils couvrent donc bien l’intégralité des coûts réels, mais des coûts de collecte et de tri seulement. Ils touchent de plus la totalité des revenus des matériaux.
– Ecoembes estime également couvrir 100% des coûts de collecte et de tri puisque le modèle mathématique est adapté aux paramètres de chaque collectivité.
– Les coûts couverts sont donc des coûts estimés, et non réels. De plus, nous avons vu qu’il s’agit du surcoût de la collecte sélective, et non des coûts de collecte totaux.
– SPV et Eko-Kom considèrent que les soutiens versés aux collectivités permettent globalement de couvrir les coûts de collecte et de tri des emballages.
Les coûts réels ne sont pas connus, il s’agit d’une estimation.
– Quant à Eco-Emballages, c’est le seul système qui prend en compte dans les coûts à couvrir aussi la gestion des emballages qui n’ont pas été triés. L’ADEME estime en effet qu’Eco-Emballages doit contribuer à financer la gestion de tous les emballages ménagers déclarés, que ceux-ci soient triés par les ménages et collectés sélectivement ou qu’ils finissent incinérés ou enfouis avec les ordures résiduelles. Ainsi le taux de couverture des coûts d’Eco-Emballages est calculé en faisant le rapport des soutiens versés aux collectivités sur le coût total de gestion des emballages, à savoir le coût de la collecte sélective et du tri1 des emballages collectés réellement ET le coût de collecte et incinération/enfouissement1 des emballages déclarés à Eco-Emballages et non collectés sélectivement. On comprend donc pourquoi le taux d’Eco-Emballages est plus faible que les autres systèmes, puisque le périmètre des coûts à couvrir est beaucoup plus large.
La définition d’Eco-Emballages des coûts à prendre en charge semble être la plus proche de celle correspondant au transfert de responsabilité. En effet, théoriquement, les producteurs payent une contribution au système pour que celui-ci s’occupe de la gestion des déchets générés par les emballages, sous-entendus tous, qu’ils mettent sur le marché.
Dans tous les cas, on voit bien que chaque système a sa propre vision des coûts à couvrir et des coûts couverts. Afin de pouvoir faire une comparaison plus pertinente, je travaille actuellement avec les données de l’Espagne et de la Belgique (seuls pays pour
1 Les coûts de collecte et de tri sont issus d’une étude ADEME-AMF menée en 1998
lesquels je dispose de suffisamment d’informations) pour essayer d’estimer la part des coûts qu’ils couvriraient avec la définition de l’ADEME, c’est-à-dire s’ils prenaient également en charge les coûts de gestion des emballages non triés.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les acteurs impliqués dans la reprise des matériaux en France ?
En France, les collectivités ont trois possibilités : confier la gestion des matériaux triés aux filières d’Eco-Emballages ou aux fédérations professionnelles (Veolia, Sita…) ou encore de vendre les matériaux elles-mêmes.
Comment les revenus des matériaux recyclés sont-ils répartis en Europe ?
Seul Eco-Emballages verse l’intégralité des revenus aux collectivités. Les autres systèmes, en dehors de la Tchéquie, touchent l’intégralité des revenus.
Quelle part des coûts les systèmes de recyclage couvrent-ils ?
Eco-Emballages déclare ne pas couvrir 100% des coûts, tandis que DSD, Fost Plus, Ecoembes et SPV couvrent 100% des coûts.