Les perspectives futures de la démocratie en Haïti révèlent des enjeux cruciaux souvent méconnus. Cette analyse sémantique des discours de Jean-Bertrand Aristide met en lumière des stratégies discursives qui redéfinissent notre compréhension des crises politiques contemporaines et des processus de démocratisation.
Section II:
Conceptualisation et définition des thèmes
Démocratie
Les Grecs d’Athènes furent les premiers à expérimenter la démocratie. Elle a pour étymologie les mots démos (peuple) et kratos (pouvoir). L’importance de l’origine du mot démocratie est d’autant plus grande que son adoption n’est pas un fait uniquement français. L’anglais, l’italien, l’espagnol, le portugais, l’allemand, le russe et même l’arabe dimucrati se sont également servis du grec pour créer un mot désignant le régime démocratique.
Plusieurs langues africaines ont également créé un mot à partir du grec. En kinyarwanda (langue du Rwanda), c’est demokarasi, demokrasi au Kenya et en fon (langue parlée au Bénin), c’est democrasi, que l’on retrouve tel quel au Togo. Les penseurs politiques modernes sont restés très attachés à la signification originelle du mot.
Spinoza, dans son Traité théologico-politique, est le premier à formuler une théorie moderne de la démocratie et sa définition du concept de démocratie se rapproche de celle qu’en donnaient les Anciens. James Wilson définit la démocratie en des termes très près de sa définition classique : « je veux dire par démocratie, ce gouvernement au sein duquel le peuple conserve le pouvoir suprême ».
La perception américaine du concept de démocratie a surtout été influencée par les acteurs politiques plutôt que par les réflexions de philosophes politiques. L’usage du mot « democracy » s’est popularisé suite à la fameuse définition qu’en a donné le président Lincoln : «le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple». Un autre président Américain, Woodrow Wilson, assurera le succès du mot en présentant la Première Guerre mondiale comme une lutte pour la démocratie. La Deuxième Guerre mondiale puis la chute du mur de Berlin seront interprétées à leur tour comme de grandes victoires de la démocratie contre ses pires ennemis (Dupuis-Déri, 1994).
Les politologues contemporains n’ont pas coupé les liens entre le concept et son étymologie. Le Français, Georges Burdeau, auteur de « La Démocratie », retient la définition la plus simple et également la plus populaire, à savoir : « le gouvernement du peuple par le peuple61 ».
61 G. Burdeau, La démocratie. Essai synthétique. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 10 N°3, Juillet- septembre 1958. pp. 624-631; https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1958_num_10_3_12706
Élection
L’élection est un fait social aujourd’hui, elle est présente dans beaucoup d’institutions : l’école, l’entreprise, les collectivités territoriales, les associations, etc. Selon le dictionnaire Français Larousse le mot élection veux dire : « Choix qu’on exprime par l’intermédiaire d’un vote. Et le voter, c’est exprimer son opinion62 ».
Populisme
Bien que ce terme soit largement utilisé dans les sciences sociales pour caractériser des mouvements politiques où mobilisation populaire, discours idéologiquement ambigu et direction charismatique qui se rencontrent dans un cadre de crise socio-politique, il prend des attributs différents selon l’expérience que l’on voudrait caractériser. Silvia Kobi et Yannis Papadopoulos nous disent qu’il est un « véritable signifiant flottant » et en tant que concept, il n’est pas un outil d’explication, c’est-à-dire, qu’il ne définit pas au départ l’objet et n’explique pas grand-chose, mais un
moyen de « construction » de l’objet ( Kobi et Papadopoulos, 1997: 14-15). Toutefois, dans ce travail nous envisageons le terme « populisme » du point de vue du discours, car c’est à travers celui-ci que se construisent les opinions publiques. Et nous tenterons de mettre en lumière ses caractéristiques en nous appuyant sur les travaux de Patrick Charaudeau ; (Réflexions pour l’analyse du discours populiste), et d’Alix René ( Séduction populiste : Essai Sur La Crise Systémique Haïtienne Et le Phénomène Aristide(1986 – 1991).
Également signifié ce que nous entendons par populisme. En ce sens des rappels historique de son utilisation s’avèrent nécessaire :
2.3.1 Dans le contexte Russe
Dès le début de la deuxième moitié du 19ème siècle, on a assisté en Russie au déploiement d’un mouvement politique qui s’est lui-même attribué le qualificatif populiste. Le
« narodnichestvo », populisme en russe, a été un mouvement politique d’intellectuels de la petite bourgeoisie russe en opposition au tsarisme, qui prônaient d’aller vers le peuple, mais peuple interprété comme paysans, qui, selon les intellectuels populistes, détiendraient à travers ses structures communautaires la force vitale nécessaire pour la régénération de la société russe.
62 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/élection/28181#28043, cconsulté le 24 juin 2022.
La rencontre de l’intellectuel et du paysan russes assurerait le renversement du despotisme séculaire du tsarisme et en même temps, engagerait la société sur la voie du progrès et de la civilisation représentés par l’intellectuel, tout en évitant les côtés déshumanisants du capitalisme. Les intellectuels percevaient ces communautés paysannes comme une sorte de socialisme primitif qu’il fallait simplement moderniser63.
2.3.2 Dans le contexte Américain
L’expérience « populiste » dans le sud et l’ouest des États-Unis a été de courte durée. Elle s’est développée à partir de 1890 en opposition à la pénétration du capitalisme dans ces régions et a rassemblé au départ des fermiers. Ses dirigeants ont dénoncé les maux du capitalisme, l’organisation urbaine de la vie et ont réclamé le pouvoir au nom des faibles, des exclus. En 1890, un parti populiste est organisé et le mouvement tenta une percée électorale dans les élections présidentielles américaines de 1896 autour du leader populiste William Jennings Bryan appuyé par 1e dirigeant syndicaliste Eugène Debs, qui lui-même, fondera plus tard, en 1898, le Socialist Party of America (Parti Socialiste d’Amérique).
Comme celle réalisée en Russie, l’expérience américaine a démontré cette capacité du populisme à développer des revendications anticapitalistes et à proposer un retour à un ordre mythique, socialisant, sans être communiste.
2.3.3 D’autres expériences dans le monde
D’autres d’expériences qualifiées de « populistes » se fait partout dans le monde, rassemblent des mouvements ayant un caractère national, anticolonial et / ou anti-impérialiste mettant en question la domination étrangère. Développés en Asie, en Afrique et en Amérique latine au cours du 20ème siècle, ces mouvements sont diversement interprétés comme autoritaires, paternalistes, démagogiques, recherchant une base sociale large pour supporter un projet de réforme ou de régénération sociale.
Par exemples : le régime de Nasser ainsi que celui de Kadhafi ont été vus comme des expériences populistes cherchant à construire et à exploiter le mythe de l’identité arabe (Carré, 1997). En Amérique latine, on a vu dans différentes expériences qualifiées de populistes notamment, celles de Sanchez Cerro et de Victor Haya de la Torre au Pérou, celle de Juan Domingo Perón en Argentine, celle de Cardenas au Mexique,
63 Alix René, séduction populiste : Essai Sur La Crise Systémique Haïtienne Et le Phénomène Aristide(1986 – 1991), 2003, Port-au-Prince, p.21-27.
celle de Getùlio Vargas au Brésil et celle de Velasco Ibarra en Équateur des tentatives de construire de larges alliances basées sur le principe de collaboration de classes sous la direction de l’État. Les différentes figures du populisme montrent que l’on ne peut proposer à celui-ci une définition unique, pourtant, on peut catégoriser, car les contextes historiques et politiques l’infléchissent de différentes façons. Selon Patrick Charaudeau, il y aurait des populismes classistes, voire ethnicistes ; des populismes nationalistes, plus ou moins autoritaires, jouant sur l’identité nationale et la ségrégation ; des populismes néolibéraux ; des populismes de circonstance s’exprimant dans les campagnes électorales à l’aide d’expressions démagogiques64, afin de séduire les masses populaires.
2.3.4 Caractéristiques du populisme
Tout d’abord, on remarquera que le populisme naît toujours dans une situation de crise sociale, celle-ci pouvant différer selon les pays ou les époques : crise économique, comme en Amérique latine et en Europe occidentale (France, Autriche, Pays-Bas) ; crise identitaire et morale (cas des sociétés qui refusent la multi culturalité au nom d’une identité propre) ; crise de changement de régime politique, comme dans de nombreux pays de l’Est après la chute du mur de Berlin, lesquels doivent s’ajuster à l’économie de marché et
découvrent l’ultranationalisme. On observe ensuite, dans tous les cas, la présence d’un chef charismatique. Celui-ci construit son leadership sur des images différentes selon les cultures. Il n’a pas à proprement parler de programme politique, mais promet de rompre avec les pratiques du passé, d’en finir avec la corruption et de rendre son pouvoir au peuple65.
On observe que populiste est employé aussi bien par la droite que par la gauche pour stigmatiser le parti adverse ou pour se défendre contre la stigmatisation66. La plupart du temps, pour la droite, la gauche est populiste en ce qu’elle manipule les classes ouvrières et populaires ; pour la gauche, la droite est populiste parce qu’elle manipule les classes moyennes et populaires (peu politisées) par des discours qui cherchent à susciter l’émotion la plus primitive : la peur. Autrement dit, dans les deux cas, le populiste c’est l’autre, qui pour s’exprimer emploierait une
64 On pense à, à son discours sur la « fracture sociale » et la « lutte contre l’exclusion » ; ou à Nicolas Sarkozy en 2007, qui déclara vouloir en finir avec la « coupure entre le peuple et les élites ». Pour ce dernier, lire le témoignage de Yasmina Reza (2007). Également à Jean-Berthrand Aristide durant sa campagne électorale en 1990.
65 P. Charaudeau, op.cit., p4.
66 « Nosso governo nunca foi nem é populista. Este governo foi, é e será popular. » [Notre gouvernement n’est pas et n’a jamais été populiste. Il fut et restera populaire.] Luiz Ignácio Lula da Silva, discours d’investiture, second mandat, 1er janvier 2007.
rhétorique simpliste et essentialisant67. Le populiste a besoin que les classes populaires soient disponibles, c’est-à-dire dans un état de forte insatisfaction. Pour ce faire, il tente exploiter leur ressentiment.
- Parle de la situation économique en insistant sur les charges sociales qui accablent les entreprises, sur la précarité dans laquelle vivent les travailleurs, sur la disparité entre riches et pauvres ou l’appauvrissement général de la nation.
- Mettre en avant la décadence morale de la société, la perte des repères identitaires (particulièrement dans le cas de l’identité nationale), la régression du civisme et donc du relâchement du lien social68.
- Dépeint les citoyens en victimes effectives ou potentielles, insiste sur les déclassés, les sans- grades, les « petits » qui souffrent de l’insécurité en raison du manque de protection policière et du manque d’autorité de la justice69.
67 P. Charaudeau, Op.cit. p7.
68 [La jeunesse de France] connaît aujourd’hui les fruits amers de la décadence économique, sociale, politique et morale, les fléaux du chômage, l’individualisme forcené qui conduit à l’isolement et au désespoir. » Jean-Marie Le Pen, discours du 13 mai 1984 à l’occasion de la « Fête du travail et des travailleurs » organisée par le Front national.
69 Les piliers de la société : armée, police, justice, vacillent, annonçant le temps de l’anarchiet du désordre. » Jean- Marie Le Pen, Présent, 5-6 septembre 1996.
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61 G. Burdeau, La démocratie. Essai synthétique. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 10 N°3, Juillet- septembre 1958. pp. 624-631; https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1958_num_10_3_12706 ↑
62 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/élection/28181#28043, cconsulté le 24 juin 2022. ↑
63 Alix René, séduction populiste : Essai Sur La Crise Systémique Haïtienne Et le Phénomène Aristide(1986 – 1991), 2003, Port-au-Prince, p.21-27. ↑
64 On pense à, à son discours sur la « fracture sociale » et la « lutte contre l’exclusion » ; ou à Nicolas Sarkozy en 2007, qui déclara vouloir en finir avec la « coupure entre le peuple et les élites ». Pour ce dernier, lire le témoignage de Yasmina Reza (2007). Également à Jean-Berthrand Aristide durant sa campagne électorale en 1990. ↑
65 P. Charaudeau, op.cit., p4. ↑
66 « Nosso governo nunca foi nem é populista. Este governo foi, é e será popular. » [Notre gouvernement n’est pas et n’a jamais été populiste. Il fut et restera populaire.] Luiz Ignácio Lula da Silva, discours d’investiture, second mandat, 1er janvier 2007. ↑
67 P. Charaudeau, Op.cit. p7. ↑
68 [La jeunesse de France] connaît aujourd’hui les fruits amers de la décadence économique, sociale, politique et morale, les fléaux du chômage, l’individualisme forcené qui conduit à l’isolement et au désespoir. » Jean-Marie Le Pen, discours du 13 mai 1984 à l’occasion de la « Fête du travail et des travailleurs » organisée par le Front national. ↑
69 Les piliers de la société : armée, police, justice, vacillent, annonçant le temps de l’anarchiet du désordre. » Jean- Marie Le Pen, Présent, 5-6 septembre 1996. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est l’origine du mot démocratie?
L’étymologie du mot démocratie provient des mots démos (peuple) et kratos (pouvoir).
Comment le populisme est-il défini dans le contexte des discours politiques?
Le populisme est caractérisé par une mobilisation populaire, un discours idéologiquement ambigu et une direction charismatique dans un cadre de crise socio-politique.
Quelle est la définition d’une élection selon le dictionnaire Larousse?
Selon le dictionnaire Français Larousse, le mot élection signifie : « Choix qu’on exprime par l’intermédiaire d’un vote. Et le voter, c’est exprimer son opinion ».