Les perspectives d’avenir au Cameroun sont profondément influencées par les programmes d’ajustement structurel de 1987 à 2017, qui ont transformé les dynamiques sociales. Cette étude révèle des conséquences inattendues sur l’emploi, la santé et l’éducation, essentielles pour comprendre l’évolution sociétale actuelle.
Le domaine des entreprises et la question de la monnaie
Comme tous les autres secteurs de la vie de l’État, le domaine des entreprises a été la préoccupation des PAS en ce sens qu’il connut le phénomène de privatisation. Aussi, la monnaie qui était le FCFA ne fut pas en reste. Elle aussi connut une attention des PAS et subit une dévaluation.
Les privatisations des entreprises publiques et parapubliques
On entend par privatisation l’opération de désengagement partiel ou total de l’État et des organismes publics vis-à-vis des entreprises dans leur portefeuille55. Il s’agit d’un transfert de propriétés nationales vers le secteur privé56. La privatisation des entreprises du portefeuille de l’État n’intervient que comme ultime recours. La logique de ce transfert apparait comme étant la possibilité de création d’un environnement concurrentiel au sein du circuit économique de l’État.
Il est donc clair que le monopole public ne peut garantir cet environnement-là mieux que le monopole privé. Ceci étant, la faiblesse des entreprises publiques requiert la privatisation dans l’optique de baisser le coût des facteurs57. La privatisation des entreprises avait pour objectifs principaux l’assainissement des finances publiques, la stimulation des initiatives privées et la promotion des investissements, la restauration des mécanismes de marché, et la mobilisation de l’orientation de l’épargne nationale vers des investissements productifs58.
Ceci étant, en 1986 l’État du Cameroun dans sa tentative de restauration de son économie touchée par la crise mit sur pied la Mission de Réhabilitation des Entreprises
55 Hermann-Habib Kibangou, Enjeux sociaux des privatisations au Cameroun : Le cas de la Cameroon Development Corporation (CDC), Paris, Edilivre, 2009, p.19.
56 Armand Bizaguet, Le secteur public et les privatisations, « Collection Que sais-je », Paris, PUF, 1988, p.67.
57 Diallo, Les Africains sauveront-ils…, p.63.
58 Alain Blaise Piankeu Tioking, « La régie nationale des chemins de fer du Cameroun (1947-1999) : Approche historique », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2008, p.79.
Publiques et parapubliques (MREP)59. Son objectif principal était la restructuration des entreprises qui devait passer par des réhabilitations et au cas où cela n’était pas possible, des liquidations et privatisations60. C’est sous cet organisme créé que la question des entreprises fut débattue dans l’optique d’exempter l’État de toute activité marchande, facilitant de ce fait la concentration de ses efforts dans la régulation de l’économie et dans l’amélioration des conditions de vie de la population, et l’allègement de la trésorerie de certaines charges61.
Ainsi, obéissant aux principes fondamentaux de la privatisation (l’évaluation préalable, l’appel à concurrence et la publicité62), l’État sous la MREP, signa avec les entreprises des contrats de performance. Ces contrats devaient permettre l’évaluation de la situation de chacune des entreprises. Il fut alors décidé que, les entreprises qui restaient dans la charge de l’État devaient être restructurées tandis que les autres devaient être liquidées ou privatisées.
Il faut noter que suite la crise économique, les entreprises camerounaises enregistrèrent d’énormes déficits, qui inquiétèrent l’État. À titre illustratif, en 1986-1987, les 147 entreprises publiques non financières dégagèrent un déficit d’environ 151 milliards de FCFA63. C’est une raison de l’accent mis sur ce secteur dans la logique des PAS. Le programme de privatisation au Cameroun fut lancé en 1990 par le décret n ° 90/1423 du 03 octobre 199064.
Ce décret admettait une première liste de 15 entreprises à la privatisation. Elle comportait un ensemble diversifié d’entreprises parmi lesquelles la CAMSUCO (Cameroon Sugar Company), la SOFIBEL (Société Forestière et Industrielle de Belabo), la SODERIM (Société de Développement de la Riziculture de la Plaine de Mbo), l’OCB (Office de Commercialisation de la Banane), la COCAM (société des Contre-Plaqués du Cameroun), la CHOCOCAM
59AMINEPAT, 3C71, Programme d’Ajustement Structurel : Négociation, 90-97, Statuts de la Mission de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic.
60 Cette institution devait entre autre favoriser la concurrence et réduire les monopoles qui peuvent entraver une meilleure allocation des ressources ; doter les entreprises publiques d’un maximum d’autonomie en vue d’améliorer leur gestion ; revoir leur gestion afin qu’elles atteignent avec le maximum d’efficacité les objectifs qui leur sont assignés ; négocier systématiquement les accords de rétrocession de prêts contractés par l’État ; établir avec chaque entreprise restant dans le portefeuille de l’État un contrat de performance. Pour plus amples informations, voir AMINEPAT, 3C25, Économie : Relance, 1983-2007, Document de stratégie et de relance de l’économie camerounaise en buté à la crise économique, Matrice de Mise en œuvre du DSRP, pp.22-23.
61 AMINEPAT, 3C71, Programme d’Ajustement Structurel : Négociation, 90-97, Statuts de la Mission de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic
62 Dans l’opération de privatisation, il fallait d’abord une évaluation préalable qui était en fait une étude diagnostic réalisée au sein de l’entreprise à privatiser, permettant de savoir les performances de l’entreprise. Ensuite, il y avait l’appel à concurrence qui était un appel d’offres aux potentiels clients. Enfin, la publicité, l’aspect communicationnel qui était destiné à mettre en contact les différentes parties prenantes de l’opération de privatisation. Voir Piankeu Tioking, « La régie nationale… », pp.88-89.
63 Théodore Ejangue et Noubissie Ngankam, Les privatisations au Cameroun : Bilan et perspectives, Yaoundé, Fondation Friedrich Ebert, pp.10-11.
64 Ibid., p.13.
(Chocolaterie Confiserie du Cameroun)65. Jusqu’en 1995, il y avait que 09 entreprises qui avaient une procédure de privatisation presque achevée. Par décret présidentiel, une autre liste de 15 entreprises fut soumise au processus de privatisation le 14 juillet 1994. Cette dernière comportait certains poids lourds de l’économie camerounaise parmi lesquels la CDC (Cameroon Development Corporation), la SODECOTON (Société de Développement du Coton du Cameroun), la REGIFERCAM (Régie des Chemins de Fer Du Cameroun), la CAMAIR (Cameroon Airlines), la SOCAPALM (Société Camerounaise de Palmeraie), HEVECAM (société
des Hévéas du Cameroun), la CAMSHIP (Cameroon Shipping Lines). Certaines entreprises dans ce processus à défaut d’être privatisées, ont été liquidées sinon fermées, dû à leur non-viabilité et du manque de stratégie. Il s’agit entre autres de la SOTUC (Société des Transports Urbains du Cameroun), le FONADER (Fonds National de Développement Rural), la SOCATOUR (Société Camerounaise de Tourisme), l’OPV (Office Pharmaceutique Vétérinaire), CREVCAM (Crevettes du Cameroun)66.
Le tableau ci-après présente de façon synthétique les différentes entreprises ayant subi le processus de privatisation au Cameroun.
Tableau 6 : Les entreprises privatisées au Cameroun (1989-2008)
Entreprises | Date de cession |
1. OCB (Office Camerounais de la Banane) | 15 février 1992 |
2. SEPBC (Société d’Exploitation des Parcs de Bois du Cameroun) | 11 avril 1992 |
3. COCAM (Contre-plaquet du Cameroun) | 19 décembre 1992 |
4. SOCAMAC (Société Camerounaise de Manutension et d’Acconage) | 3 octobre 1993 |
5. SCDM (Société Camerounaise De Métalurgie) | 30 juin 1994 |
6. ONDAPB (Office National de Développement de l’Aviculture et du Petit Betail) | 13 février 1995 |
7. CHOCOCAM (Chocolaterie Confiserie du Cameroun) | 11 décembre 1995 |
8. SOFIBEL (Société Forestière et Industrielle de Belabo) | 13 décembre 1995 |
9. HEVECAM (société des Hévéas du Cameroun) | 9 décembre 1996 |
10. CAMSHIP (Cameroon Shipping Lines) | 13 février 1997 |
11. CEPER (Centre d’Édition et de Production pour l’Enseignement et la Recherche) | 14 septembre 1998 |
65 Ejangue et Noubissie Ngankam, Les privatisations au Cameroun…, p.15.
66 Abena Etoundi, « La planification économique… », p.465.
12. CAMSUCO (Cameroon Sugar Company) | 22 décembre 1998 |
13. SOCAPALM (Société Camerounaise de Palmeraie) | 12 février 1999 |
14. REGIFERCAM (Régie des Chemins de Fer du Cameroun) | 1er mars 1999 |
15. SOCAR (Société Camerounaise de Transport Urbain) | Juillet 1999 |
16. BICEC (Banque d’International du Cameroun pour l’Épargne et le Crédit) | 31 décembre 1999 |
17. CAMTEL MOBILE (Cameroon Telecommunication Service) | 15 février 2000 |
18. SONEL (Société National de l’Électricité) | 18 Juillet 2001 |
19. La filière Thé de la CDC | 18 octobre 2002 |
20. SNEC (Société Nationale des Eaux du Cameroun) | 2 mai 2008 |
Source : Anonyme, « Incidence de la privatisation sur la performance des entreprises publiques au Cameroun », http://www.institut-numerique.org/incidence-de-la-privatisation-sur-la-performance-des-entreprises-publiques- au-cameroun-520a6f034af4a?PHPSESSID=45dcd06c28e7a318d45c564724f4102a, consulté le 07/04/2020 à 18 h 30 min
À la lecture du Tableau 6, il faut observer que le processus de privatisation des entreprises publiques et parapubliques se fit en plusieurs étapes, dont on en dénombre ici trois. La première étape couvrit la période de 1990 à 1993, avec un total de quatre entreprises privatisées. La deuxième étape alla de 1994 à 1999. En cette période une flambée des privatisations est observée dont un total de douze entreprises. Cette période peut être considérée comme étant le pic du processus des privatisations au Cameroun. La troisième étape commença à partir de l’an 2000 et quatre entreprises subirent leur processus de privatisation.
Au total, le processus de privatisation toucha tous les secteurs d’activités de l’économie camerounaise que ce soit le secteur primaire, secondaire et tertiaire. L’État du Cameroun décida alors de la mise à privatisation sur les 171 entreprises présentes, 30. Mais jusqu’en 2008, seulement 24 entreprises avaient subi une privatisation effective, soit un total de 61,54 % de réalisation67. Il faut noter que le processus de privatisation des entreprises fut assez complexe et il dépendait et variait en fonction de chaque entreprise. Certaines entreprises connurent une privatisation complète ; à l’instar de l’OCB dont la convention de vente fut signée le 15 février 1991, la valeur globale de l’opération était alors estimée à 2 281 millions de FCFA avec une
67 Anonyme, « Incidence de la privatisation sur la performance des entreprises publiques au Cameroun », http://www.institut-numerique.org/incidence-de-la-privatisation-sur-la-performance-des-entreprises-publiques- au-cameroun-520a6f034af4a?PHPSESSID=45dcd06c28e7a318d45c564724f4102a, consulté le 07/04/2020 à 18 h 30 min
plus-value de cession de 200 millions de FCFA68. L’opération de privatisation rapporta ainsi plus de quarante milliards de FCFA comme recettes à l’État au 31 décembre 199869.
La dévaluation du Franc CFA
Le FCFA en rappel historique est né en 1939. Mais sa mise en place sinon, son existence n’est possible que le 26 décembre 1945, lorsque la France ratifia les accords de Bretton Woods et procéda à sa première déclaration de parité au FMI70. Cette parité devint fixe à partir de 1948 et dans ce sillage, tous les pays appartenant à la zone franc (ensemble constitué de l’Union Monétaire Ouest Africaine [UMOA], des pays membres de la BEAC et des Comores), signèrent des accords de coopération
monétaire avec la France à son indépendance71. Ainsi, pendant plusieurs années le taux de conversion du FCFA était de l’ordre d’un FCFA équivalent à deux centimes français72. Il fallut alors la dévaluation de ce dernier pour que son taux de change bascule.
La dévaluation encore appelée « ajustement monétaire », était défendue par les Institutions de Bretton Woods. Elle apparait complexe dans ce sens qu’elle était délicate au point de vue politique, difficile dans le domaine technique et économiquement irréaliste de « serrer les ceintures » bien étroites, de rétablir les « grands équilibres » financiers et de gagner de façon rapide la bataille de la compétitivité73.
Dans le cadre de l’ajustement structurel, elle avait pour visée de rendre les représentations des 14 pays de la zone Franc plus compétitives, leur permettant d’augmenter les rentrées des devises nécessaires au remboursement de la dette74. Elle devait aussi booster les exportations en permettant un accroissement double des prix nominaux des produits exportés, pouvant provoquer une augmentation momentanée des produits importés75.
Aussi, elle avait pour visée la libéralisation des marchés d’une part et la diversification de l’économie d’autre part76. Le FCFA a été alors dévalué le 11 janvier 1994 de l’ordre de 50 % par rapport au Franc français, renversant de ce fait le taux de convertibilité qui devint un FCFA équivalent à 0,01 Franc français.
Ce taux de conversion fut plus tard c’est-à-
68 Ejangue et Noubissie Ngankam, Les privatisations au Cameroun…, p.16.
69 Abena Etoundi, « La planification économique… », p.465.
70 Henri-Louis Vedie, « Le FCFA : impact sur les taux d’inflation et de croissance des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale sur la période 1999-2017 », Policy Paper, novembre 2018, p.11.
71 Jean-Claude Tchatchouang, Le décollage économique de l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2014, pp.28-29.
72 Vedie, « Le FCFA… », p.11.
73 Georges Courade (sd), Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994, p.12.
74 Bonguino, « Production et commercialisation… », p.102.
75 Courade, Le village camerounais…, pp.12-13.
76 Aboubakar, « La problématique de… », p.16.
dire en 1999 revu à cause de l’adoption par la France de l’Euro comme monnaie et devint de l’ordre d’un Euro équivalent à 655,957 FCFA77.
En somme, les PAS visant la restructuration des unités de production permirent au Cameroun la libéralisation de son économie. Ils facilitèrent la mise sur pied d’une NPA au plan agricole, la création de la COBAC et du CTPL au plan financier pour encadrer le secteur bancaire. Aussi, ils entrainèrent la privatisation de entreprises publiques et parapubliques et la dévaluation du FCFA. Il faut noter ici que le PAS camerounais avait une particularité dont la mise en évidence est nécessaire.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les objectifs de la privatisation des entreprises au Cameroun?
Les objectifs principaux de la privatisation des entreprises étaient l’assainissement des finances publiques, la stimulation des initiatives privées et la promotion des investissements, ainsi que la restauration des mécanismes de marché.
Quand a été lancé le programme de privatisation au Cameroun?
Le programme de privatisation au Cameroun fut lancé en 1990 par le décret n ° 90/1423 du 03 octobre 1990.
Quelle a été la situation des entreprises publiques au Cameroun dans les années 1986-1987?
En 1986-1987, les 147 entreprises publiques non financières dégagèrent un déficit d’environ 151 milliards de FCFA.