Les perspectives d’amélioration des droits communautaires au Nord-Kivu révèlent des enjeux cruciaux liés à l’exploitation minière. En dépit des mécanismes de protection existants, les droits des communautés locales restent souvent menacés, soulevant des questions essentielles sur leur valorisation et leur sauvegarde.
Section II:
LE PLAIDOYER POUR LA VALORISATION DES DROITS DES COMMUNAUTES LOCALES
La valorisation des droits de communautés locales exige de la part de tout un chacun un comportement a adopté qui soit de nature à les favoriser. L’Etat congolais endosse un rôle de premier rang. Il prend directement les décisions à travers ses organes (les ministères, la primature et ses structures techniques) ou ses démembrements (la province et les ETD). De même, compte tenu de la complexité du secteur minier et de la diversité des parties prenantes et des intérêts souvent en jeu, les organisations de la société civile sont appelées à jouer un rôle capital.
§1. La responsabilité du pouvoir public
Avec la décentralisation, l’Etat est désormais appelé à agir dans certaines matières et laisser d’autres matières au Provinces et aux ETD. Le secteur minier n’échappe pas à cette logique.
Les différentes fonctions reconnues à l’Etat
Les différentes fonctions reconnues aux animateurs des organes de l’Etat ne permettent pas, dans une mesure suffisante, la valorisation de droits de communautés locales. L’Etat est appelé à agir autrement. Dans ce point, nous verrons d’abord les rôles actuels de l’État dans les activités minières, avant de formuler des perspectives pour une meilleure valorisation des droits des communautés locales.
Les fonctions de l’État dans les activités minières en générale
Il ressort du nouveau code minier que « Le rôle principal de l’Etat est de promouvoir et de réguler le développement du secteur minier. L’Etat assure la mise en valeur des substances minérales dont il est propriétaire en faisant appel notamment à l’initiative privée conformément aux dispositions du présent Code ».413
La compréhension de cette disposition renvoie déjà à l’idée d’un État moins interventionniste, un État qui joue plus le rôle de la régulation que celui de l’entrepreneur. Pourtant, beaucoup de chercheurs ont déjà eu a démontré comment le respect des droits de communautés locales est une utopie dans un libéralisme non maitrisé couplé aux défaillances étatiques.414
Si la loi du 11 juillet 2002 portant Code minier réservait certaines prérogatives au Président de la République, la loi du 09 mars 2018 a transmis l’ensemble de ces prérogatives au Premier ministre. « Cependant, en raison du caractère stratégique des ressources naturelles pour l’économie et la sécurité nationale, le Président de la République qui est tenu d’avoir une vision globale des activités économiques, notamment des activités minières entreprises sur l’ensemble du territoire national, reste généralement compétent pour agir directement ou orienter la politique du secteur, en vertu de ses prérogatives constitutionnelles générales ».415
Actuellement, la loi du 09 mars 2018 attribue au Premier ministre la compétence pour « a) édicter ou modifier le Règlement minier pour l’application du présent Code ; b) classer, déclasser ou reclasser les substances minérales en mines ou en produits des carrières et inversement ; c) confirmer la réservation d’un gisement soumis à l’appel d’offres faite par
413 Code minier, article 8.
414 Kahombo, supra note 17,
415 Tseki, supra note 8, p.95.
arrêté du ministre ; d) déclarer une substance minérale substance minérale stratégique ; e) décréter une zone interdite aux travaux miniers, à l’activité minière ou aux travaux de carrières ; f) déclarer le classement ou le déclassement d’une substance minérale en substance réservée ; g) délimiter ou classer une portion du territoire en aire protégée (…) ».416
À côté du premier ministre, le secteur minier connais aussi l’intervention du ministère de mines, le ministère de finances et celui de l’environnement. Ils disposent des pouvoirs très importants. « Le ministre des mines est compétent pour octroyer ou refuser d’octroyer les droits miniers et/ou de carrières pour les substances minérales autres que les matériaux de construction à usage courant ; retirer les droits miniers et/ou de carrières, déchoir le titulaire d’un droit minier ou de carrières, donner acte aux déclarations de renonciation aux droits
miniers et/ou de carrières et acter l’expiration de droit minier et de carrières ; autoriser les exportations des minerais à l’état brut ; instituer les zones d’exploitation artisanale ; agréer et retirer l’agrément des comptoirs d’achat des produits de l’exploitation artisanale ; exercer la tutelle des institutions, organismes publics ou paraétatiques se livrant aux activités minières et aux travaux de carrières ».417
L’article 10 du règlement minier ajoute que le Ministre des mines est compétent pour « Réserver le gisement à soumettre à l’appel d’offres ; approuver la constitution des hypothèques ; accepter ou refuser l’extension d’un titre minier ou de carrières aux substances associées ou non associées ; délivrer les autorisations de traitement ou de transformation des produits d’exploitation artisanale ; proposer au Président de la République le classement, le reclassement ou le déclassement des substances réservées, des substances minérales classées en mines ou en produits
de carrières et inversement ainsi que des zones interdites ; établir une zone d’interdiction ; nommer et convoquer les membres de la Commission Interministérielle chargée de sélectionner les offres relatives à l’exploitation d’un gisement soumis à l’appel d’offres ainsi que les membres de la Commission Interministérielle chargée d’examiner les listes des biens à importer pour les activités minières ».418 Enfin, le Ministre des mines est compétent pour « agréer les mandataires en mines et carrières, les Bureaux d’études environnementales ».419
Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 7 du Règlement minier, le Ministre des mines a compétence pour « concevoir et proposer au Président de la République la politique du pays dans le secteur des Mines, et conduire celle-ci conformément aux dispositions du Code minier ; assurer et coordonner la promotion de la mise en valeur optimale des ressources minérales du pays, ainsi que la promotion et l’intégration du secteur minier aux autres secteurs économiques du pays ; exercer conjointement avec le Ministère ayant
les Finances dans ses attributions la tutelle du Cadastre Minier ; veiller à la coordination des activités du Cadastre minier et des autres services dans le cadre de l’octroi, de la gestion et de l’annulation des droits miniers et de carrières ; exercer, en harmonie avec les autres Ministères ou Services, la tutelle des Institutions, Organismes publics ou paraétatiques se livrant aux activités minières ou de carrières ; assurer l’inspection et le contrôle des activités minières et des travaux de carrières, la protection de l’environnement
et la lutte contre la fraude, conformément aux dispositions du Code Minier ; soumettre les travaux de recherches et d’exploitation des mines et des carrières ainsi que leurs dépendances respectives, à la surveillance administrative, technique, économique et sociale conformément aux dispositions
416 Code minier, article 9.
417 Ibid., article 10.
418 Règlement minier, article 10.
419 Ibid.
du Code Minier ; conserver, centraliser et organiser la circulation de l’information du secteur minier ; organiser l’encadrement de toutes les exploitations minières ou des carrières artisanales ou semi-industrielles en vue de promouvoir l’amélioration de leur rentabilité ainsi que les techniques pour la conservation et la gestion de la mine suivant les règles de l’art ; appliquer d’une manière générale Le Code Minier et ses mesures d’application ».420
Le ministre de mine exerce ses autres compétences avec celui des finances. Ils contresignent tous les arrêtés interministériels fixant notamment le régime de taxation unique des activités minières (d’exploitation industrielle ou artisanale). Par ailleurs, il approuve, conjointement avec le ministre des mines, les listes des biens à importer sous le régime douanier privilégié prévu par le Code minier.
Il fixe, conjointement avec le ministre des mines, les taux des droits, taxes et redevance applicables aux activités minières. En ce sens, il vérifie le paiement effectué et ordonne la répartition de la redevance minière, conformément aux dispositions de l’article 527 du Règlement minier. De même, dans la mesure où l’exploitation minière entraine nécessairement des conséquences parfois irréversibles sur l’environnement et l’écosystème, le ministre de mine est très souvent appelés à collaborer avec celui de l’environnement, car la protection de l’environnement relève de la compétence
du ministère de l’environnement.
Ainsi, les questions liées à la protection de l’environnement dans le domaine de l’exploitation minière relèvent de la compétence de l’Agence congolaise de l’Environnement et de la Direction de la protection de l’environnement qui sont rattaché au Ministère des mines. La Direction de la protection de l’environnement est l’organe qui délivre les certificats environnementaux des projets miniers.
Il ressort de ce qui précède que le ministère des mines joue un rôle de premier plan dans la gestion du secteur minier. Pour agir de manière rationnelle, il se faits assisté par un certain nombre d’organismes consultatifs techniques, pour ne pas parler des « Directions et services techniques spécialisés » dont les avis (obligatoires) guident les décisions de l’Administration en générale et du ministre des mines en particulier. Dès lors, l’article 14 du Règlement minier définit les prérogatives de ces services intervenants dans la gestion du secteur minier, en soutien des autorités centrales et déconcentrées.
Il s’agit du Cadastre minier (CAMI), de la Cellule technique de coordination et de planification minière (CTCPM), du Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses (CEEC) ; du Service d’assistance et d’encadrement de Small Scale Mining (SAESSCAM), de l’Agence de protection de l’environnement et de la Police des mines. Ces organismes consultatifs et techniques exercent leurs prérogatives sous l’autorité du ministre des mines, conformément aux textes de leur création. Selon Timothée Tseki :
Les organismes consultatifs du ministère des mines sont des organes collectifs auxquels l’Administration, le ministre et ses collaborateurs viennent demander l’avis avant de prendre une décision. Ce sont des organismes spécialisés à l’échelon central et auprès des administrations provinciales ou locales. Pour éviter les déconvenues, l’administration des mines de la RDC a pris, depuis très longtemps, l’habitude de demander l’avis de nombreux organismes et consulte des avocats spécialisés. Les raisons qui justifient le recours à la consultation sont d’ordre technique et politique. Il peut s’agir, tout d’abord, de consulter les organismes disposant d’une compétence particulière dans le domaine qui fait l’objet de la prise de décision. Dans ce cas, les corps
420 Règlement minier, article 7.
consultatifs sont composés de fonctionnaires chevronnés. En ce sens, l’avis technique est destiné à éviter à l’autorité investie du pouvoir de décision de commettre des erreurs.421
Pour cet auteur « la consultation a pour but de donner la parole aux groupements impliqués ou intéressés par les réformes à mettre en place. Il arrive que l’on consulte les organisations de creuseurs, des comptoirs d’achats, de la fédération des entreprises du Congo (FEC) ou les regroupements des opérateurs miniers.
Ceux-ci peuvent faire valoir leurs revendications particulières pour influencer la décision. La consultation est alors un moyen d’expression pour amorcer certaines crises ou pour rechercher de compromis à des contestations particulièrement importantes. »422 D’une manière plus générale, la consultation peut être considérée, aujourd’hui, comme un moyen de faire participer les administrés notamment les communautés locales et les investisseurs ou opérateurs miniers aux décisions les concernant ou qui ont une incidence quelconque sur leurs activités ou leurs intérêts.
Il s’agit alors de répondre à l’énigme démocratique.423 Mais dans ce dernier sens la consultation n’implique pas nécessairement les organismes susmentionnés. Elle est très souvent faites devant les coopératives minières, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), les communautés locales, les comptoirs d’achat, les organisations de la société civile…etc.
Certes, les organismes consultatifs permettent d’éviter une trop grande sclérose administrative. Cependant l’administration consultative présente aussi des inconvénients. Elle occasionne le ralentissement de la procédure décisionnel, en elle-même déjà assez lente ; elle peut, également, signifier une dilution des responsabilités, l’autorité administrative se retranchant derrière l’avis qui lui a été donné, l’organisme invoquant le fait qu’il ne donne qu’un avis, donc n’est pour rien dans la décision finale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Code minier prévoit des délais pour chaque avis administratif ou technique. Lesquels délais sont assortie des sanctions. Les inconvénients devraient être encore multiples si les attributions de chaque organisme n’étaient pas clairement indiquées dans les textes.
Ainsi, chaque organisme a des missions qui lui sont spécifiques et qui exige de lui certaines compétences malgré le fait que la place des communautés locales soit toujours mitigée voir même inexistants dans les attributions de certains de ces organismes comme c’est le cas aussi dans les attributions de différentes autorités sectorielles. Il serait mieux de revoir les rôles de ces différentes autorités notamment de valoriser les droits de communautés locales.
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415 Tseki, supra note 8, p.95. ↑
418 Règlement minier, article 10. ↑
420 Règlement minier, article 7. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quel est le rôle de l’État dans la valorisation des droits des communautés locales au Nord-Kivu ?
L’État congolais prend des décisions à travers ses organes et est appelé à agir pour valoriser les droits des communautés locales, en régulant le secteur minier et en promouvant son développement.
Comment la décentralisation affecte-t-elle le secteur minier au Nord-Kivu ?
Avec la décentralisation, l’État doit agir dans certaines matières et laisser d’autres matières aux Provinces et aux ETD, ce qui inclut le secteur minier.
Quelles sont les prérogatives du Premier ministre dans le secteur minier selon la loi du 09 mars 2018 ?
La loi du 09 mars 2018 attribue au Premier ministre la compétence d’édicter ou modifier le Règlement minier, de classer ou déclasser des substances minérales, et de déclarer des zones interdites aux travaux miniers.