Les perspectives africaines sur l’écologie révèlent une réalité alarmante : le continent est en première ligne face à la crise écologique. Cette recherche met en lumière des approches novatrices, inspirées par Saint François d’Assise, pour repenser notre relation avec la nature et le Créateur.
CHAPITRE III : QUELQUES PERSPECTIVES AFRICAINES
Introduction
La situation de la crise écologique qui constitue le contexte de notre travail scientifique touche l’univers tout entier. Le continent africain n’est donc pas épargné. Il en est même en quelque sorte la plus grande victime puisque les effets néfastes du dérèglement climatique y sont plus remarquables. En l’occurrence, « la mondialisation actuelle n’épargne pas l’Afrique, qui […] est en passe de devenir la poubelle de pays industrialisés et parfois le terrain d’expérimentation de leurs techniques hasardeuses ».404
Dans le chapitre précèdent, nous avons présenté des approches récentes de la théologie de la création dans le contexte de la crise écologique. Les théologiens de notre choix étant tous situés en Occident, il nous semble opportun, à ce stade, de souligner la pertinence et la réception de ces approches pour le continent africain.
Comme partout ailleurs, la théologie de la création en Afrique est centrée sur la recherche de l’harmonie cosmo-théandrique. Chaque composante de ce modèle relationnel, à savoir « Dieu l’homme et la nature » est appelée à jouer son rôle précis pour favoriser la paix cosmique. Il y a donc un appel à une cosmologie tourné vers Dieu, qui habite, anime, et donne la direction au monde.
Le monde est soutenu par Dieu (Col 1,17 ; He 1,3) et C’est grâce à son influence que la terre fonctionne (Ps 104,10). Toute en insistant sur le retour aux sources traditionnelles tant religieuses que culturelles, les perspectives africaines cherchent à amorcer une confrontation avec les découvertes scientifiques récentes pour un enrichissement mutuel.
Selon Paulin Poucouta, « en Afrique l’écologie est encore considérée comme un problème mineur malgré l’engagement de nombreuse association, souvent de la société civile ».405 Certain estiment que pour l’Afrique submergée des problèmes de misère sociale et de crise politique et économique, le problème écologique ne constitue pas un vrai souci. Toutefois, le combat pour l’écologie intégrale interpelle la théologie africaine. Le professeur Leonard Santedi estime qu’il est urgent que l’Afrique s’intéresse au problème écologique, un problème capital qui concerne la qualité de la vie sur terre. « Comment en effet sauver l’homme africain, de sa misère sociale si la terre où il habite gémit et dépérit
404 A. KUMBU K. KUMBU, art.cit., p. 240.
405 P.POUCOUTA, La théologie africaine au défi de l’écologie, dans Ecologie et Théologie africaine, dans
Ecologie et Théologie Africaine, Numéro Spéciale de la RAT, Vol 25, n° 56, (2004), p. 171.
étant considérée comme le dépotoir de déchets toxique et la poubelle de l’humanité ? »406 La conscience écologique et pour lui un nouvel art d’habiter le monde. Plusieurs réflexions théologiques407 ont déjà été faites dans ce sens. En Afrique, il faut surtout favoriser une entreprise interdisciplinaire.
La théologie africaine est invitée à s’inscrire dans le sillage des nouvelles approches pour articuler sa spécificité et sa contribution féconde à la théologie de la création et à l’écologie. « Sa lecture de la création doit être, d’une part, une proposition de l’anthropologie libératrice de l’homme africain, victime d’une pauvreté multiforme ».408 D’autre part, elle doit trouver son inspiration dans la tradition chrétienne, notemment dans la théologie biblique, patristique, scolastique etc., ainsi que dans les sources spirituelles disponibles dans les Religions traditionnelles africaines.
Cette lecture théologique, donnera à l’Afrique, la capacité d’anticipation dans le contexte actuel de la mondialisation destructrice de l’homme et de son environnement naturel. Ainsi, ce dernier chapitre de notre travail s’articulera en trois grands axes à savoir ; la redécouverte des Religions traditionnelles africaines et la spiritualité négro-africaine, l’inspiration de la tradition chrétienne et la lecture anthropologique de la création pour la libération intégrale.
La redécouverte des Religions traditionnelles africaines.
Le professeur Vincent Mulago définit la Religion en général comme « un ensemble de sentiments et des rites basés sur la croyance en une valeur absolue et la mise en rapport
406 L. SANTEDI KINKUPU, Pour une nouvelle sagesse d’habiter le monde, art.cit., p. 167.
407 Nous pouvons mentionner un numéro spécial de la RAT intégralement consacré à l’écologie et théologie africaine qui a été publié par les Facultés Catholiques de Kinshasa en 2004. Il contient plus de huit article des chercheurs et théologiens africains de plusieurs disciplines théologiques sur les enjeux de l’écologie et la théologie en perspective africaine.
Cette revue constitues l’un des documents de base de notre rechercher. Les problèmes liés au phénomène de la mondialisation ont été étudiés par Paulin POUCOUTA, Afrique, quelle alternative à la mondialisation, dans spiritus, (2002), n° 166. Paraphrasant Léopold Senghor, le professeur POUCOUTA affirme que est au rendez-vous du donner et du recevoir.
Bien l’apport de l’Afrique soit important dans le domaine sportif et culturel, il reste marginal dans les déterminants de l’économie, de la technologie et du politique. L’Afrique a donc besoin de se muscler par une réflexion solide, l’émergence d’une société civile et politique créatrice et responsable. L’Eglise pourra aussi y contribuer par le témoignage d’une fraternité responsable et par une pastorale de conscientisation.
Voir Aussi L. SANTEDI KINKUPU, Mondialisation, marginalisation et défis multiples en Afrique. Quel avenir pour le discours théologique négro-africain, dans Religions Africaines et mondialisation : enjeux identitaires et transculturalité. Actes du VIIème colloque international du CERA, Kinshasa, FAK, 2004, p. 89-109. Aussi une thèse intitulée, Création et Ecologie : Pour une théologie de la terre comme mère, a été brillement défendue par Evariste KABEMBA NZENGU à l’Université Catholique de Kinshasa en 2017.
Sa publication est intervenue aux Presses Académiques Francophones, en 2017.
408 A. KUMBU Ki KUMBU, art.cit. p.240.
de l’individu avec une puissance spirituelle supérieur à l’homme, en l’occurrence Dieu ».409 S’agissant de la spiritualité négro-africaine, il évoque quatre éléments essentiels qui lui sont constitutifs, à savoir ;
« La croyance à deux monde : visible et invisible ; la croyance au caractère communautaire et hiérarchique de ces deux mondes, l’interaction entre les deux mondes, la transcendance du monde invisible n’entravant pas son immanence et la croyance en un Etre Suprême, Créateur et Père de tout ce qui existe »410.
On le voit, les bantu sont fondamentalement croyants. Toutefois, à l’heure de la mondialisation, « on ne peut plus continuer à soutenir naïvement la thèse ethnologique du caractère profondément religieux de tous les africains noirs »411. La situation religieuse de l’Afrique contemporaine connait des mutations diverses dans le sens du matérialisme et d’indifférence religieuse.
Caractérisant cette indifférence Eloi Messi Metogo indique qu’en Afrique noire, « la religion a peu de place dans les préoccupations de la vie quotidienne, les vérités fondamentales de la foi sont mise en question ou considérées comme non pertinentes pour la vie réelle »412. Il est donc vrai et urgent qu’une redécouverte de la spiritualité négro-africaine traditionnelle puisse revitaliser la vie spirituelle des africains et redynamiser ainsi leur réconciliation avec la nature.
La Cosmo-théandricité négro-africaine.
Le terme ‘cosmo-théandricité’ est une fusion de trois éléments, à savoir : le cosmos, Dieu et l’homme. La cosmo-théandricité négro-africaine est donc à comprendre comme une réalité indispensable de la Religion traditionnelle africaine qui manifeste la relation qui unit la réalité divine, humaine et cosmique. Ainsi, l’être-muntu, se réalise comme entièrement membre de la triple dimension Dieu-Homme-Cosmos. « Il se trouve plongé dans un triangle vital, vivant des relations triangulaire avec Dieu, avec ses frères et avec (et dans) le cosmos aux dimensions indéfinies »413. Julien Penoukou définit les relations cosmo-théandrique comme « le processus originaire d’accomplissement de
409 V. MULAGO, Eléments fondamentaux de la Religion Africaine, cité par S.A. ATAL, Religions Traditionnelles, Cultures et Société, in Religions Traditionnelles Africaines et Projet de Société, Actes du 5ème Colloque International du C.E.R.A, Kinshasa, 24-30 novembre 1996, p.23.
410 Cf. Ibidem.
411 A. KUMBU Ki KUMBU, art. cit., p. 240.
412 E. MESSI METOGO, Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l’indifférence religieuse et l’incroyance en Afrique noires, Paris, Karthala, 1997, p.117.
413 O. BIMWENYI KWESHI, Le muntu à la lumière de ses croyances, dans Cahiers des religions africaines, vol. 2, n° 3, (1968), p.93.
relations de l’être Suprême, la création inanimée et les humains »414. Il y a selon lui une médiation de solidarité ou l’homme se situe au cœur de cette interaction.
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404 A. KUMBU K. KUMBU, art.cit., p. 240. ↑
405 P.POUCOUTA, La théologie africaine au défi de l’écologie, dans Ecologie et Théologie africaine, dans Ecologie et Théologie Africaine, Numéro Spéciale de la RAT, Vol 25, n° 56, (2004), p. 171. ↑
406 L. SANTEDI KINKUPU, Pour une nouvelle sagesse d’habiter le monde, art.cit., p. 167. ↑
407 Nous pouvons mentionner un numéro spécial de la RAT intégralement consacré à l’écologie et théologie africaine qui a été publié par les Facultés Catholiques de Kinshasa en 2004. Il contient plus de huit article des chercheurs et théologiens africains de plusieurs disciplines théologiques sur les enjeux de l’écologie et la théologie en perspective africaine. ↑
408 A. KUMBU Ki KUMBU, art.cit. p.240. ↑
409 V. MULAGO, Eléments fondamentaux de la Religion Africaine, cité par S.A. ATAL, Religions Traditionnelles, Cultures et Société, in Religions Traditionnelles Africaines et Projet de Société, Actes du 5ème Colloque International du C.E.R.A, Kinshasa, 24-30 novembre 1996, p.23. ↑
411 A. KUMBU Ki KUMBU, art. cit., p. 240. ↑
412 E. MESSI METOGO, Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l’indifférence religieuse et l’incroyance en Afrique noires, Paris, Karthala, 1997, p.117. ↑
413 O. BIMWENYI KWESHI, Le muntu à la lumière de ses croyances, dans Cahiers des religions africaines, vol. 2, n° 3, (1968), p.93. ↑
414 relations de l’être Suprême, la création inanimée et les humains. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment les perspectives africaines influencent-elles la théologie de la création ?
La théologie de la création en Afrique est centrée sur la recherche de l’harmonie cosmo-théandrique, où chaque composante, à savoir Dieu, l’homme et la nature, joue un rôle précis pour favoriser la paix cosmique.
Pourquoi la crise écologique est-elle particulièrement préoccupante pour l’Afrique ?
L’Afrique est considérée comme la plus grande victime de la crise écologique, car les effets néfastes du dérèglement climatique y sont plus remarquables, et la mondialisation actuelle en fait une poubelle pour les pays industrialisés.
Quel est le rôle des religions traditionnelles africaines dans la lutte contre la crise écologique ?
La redécouverte des Religions traditionnelles africaines et la spiritualité négro-africaine sont essentielles pour articuler la spécificité de la théologie africaine et sa contribution à l’écologie.