La mobilité sociale au Cameroun a été profondément affectée par les programmes d’ajustement structurel, révélant des conséquences inattendues sur l’emploi et la migration. Cette étude met en lumière des transformations sociales critiques, essentielles pour comprendre l’évolution des comportements camerounais entre 1987 et 2017.
LES INCIDENCES DES PAS SUR LA MOBILITÉ
Les PAS eurent un effet pervers sur presque tous les autres domaines du secteur social camerounais au-delà de l’emploi et du salariat. Cette partie présente ainsi leurs incidences sur la mobilité des Camerounais. La mobilité, étant tout mouvement, tout déplacement d’individu, d’un lieu à un autre regroupe à la fois question des transports et celle des migrations. Pendant la période de l’ajustement, des effets ont été observés sur cette dernière.
La privatisation des entreprises de transport et la naissance d’un nouveau mode de transport public routier
Les mesures d’austérités du FMI, visant la réduction de l’interventionnisme étatique, conduisirent à la réorganisation du système de transport camerounais. Il était donc judicieux pour le citoyen camerounais de trouver des voies et moyens pour faciliter leurs multiples déplacements après la privatisation des entreprises de transport.
La privatisation des entreprises de transport et les premières tentatives de redressement
En contexte camerounais, il existe une pléthore de moyens de transport. Qu’il s’agisse du transport aérien, du transport maritime, du transport ferroviaire, du transport terrestre, les PAS ont d’une manière ou d’une autre créé des dysfonctionnements. Il faut rappeler que le Cameroun avait réussi à implémenter une politique de gestion globale de son circuit de transport30. Cette politique de gestion facilita la mise sur pied des entreprises publiques qui, en plus d’enrôler un ensemble de Camerounais comme employés, assuraient les déplacements des biens et des hommes. C’est dans cette optique que la CAMRAIL (transport ferroviaire), la
29 Durang, « Sortir du salariat… », p.134.
30 Il faut rappeler ici que la mise sur pied d’une politique économique au lendemain de l’indépendance du Cameroun impliquait aussi la structuration de son réseau de transport.
CAMAIR (transport aérien), la CAMSHIP (transport maritime), la SOTUC (transport terrestre) virent le jour. Sous le PAS le Cameroun vit ces entreprises de transport privatisées pour certaines et liquidées pour d’autres, ceci créant une fragilisation du système. Dans le cadre de ce travail, l’accent est mis sur le transport terrestre, le plus prisé et dont l’impact des PAS y entraîna un engrenage de faits sociaux31.
D’emblée, le secteur du transport terrestre ou encore routier obéissait à un certain nombre de principes fondamentaux. Il s’agissait d’une part de la monopolisation par l’État du transport public de masse (bus et autobus) assuré par la SOTUC, qui desservait plus de 50 lignes dans les centres urbains de Yaoundé et de Douala et regorgeait plus de 250 bus de grande capacité.
Et, d’autre part, la libéralisation du transport des personnes par véhicules utilitaires de cinq places au plus, assurée par des opérateurs privés32. Les PAS vinrent renverser cette tendance. Ils y prévoyaient une restructuration, qui passait par la libéralisation des prix de transport qui étaient jadis homologués par l’État, le réaménagement des entreprises publiques de transport et la privatisation des activités de maintenance33.
La conséquence de ces objectifs fût la libéralisation du système de transport avec notamment la liquidation de la SOTUC, intervenue le 22 février 199534 et faisant perdre le monopole du transport routier urbain à l’État.
Dans cette situation trouble, le citoyen camerounais se trouvait dans une difficulté de mobilisation. Il fallait alors pouvoir trouver des moyens pour vaquer à ses occupations quotidiennes. La première solution de compensation de cette situation, fut la concentration autour du taxi urbain. C’est ainsi qu’il prit de la graine et devint en cette période en plus de l’un des moyens de transport les plus prisés, une activité économique assez rémunératrice.
« La privatisation de la SOTUC a favorisé l’augmentation des gains des conducteurs de taxi. On avait déjà beaucoup de clients qui étaient obligés de payer les tarifs normaux35 », témoigne un conducteur de taxi. En cette période il faut constater que le métier de taxi attirait aussi certains Camerounais qui exerçaient déjà dans d’autres métiers.
« Après mes récoltes des années 1990 à 1997, j’ai pu acheter deux taxis que j’ai mis en circulation. Cette activité permettait de combler
31 Le choix de ce type de transport est dû au fait que c’est lui qui a été le plus affecté. C’est le transport le plus utilisé par la population et sa libéralisation notamment avec la privatisation des entreprises qui assuraient son bon fonctionnement entraina de profonds changements au sein de la société. Des changements tant sur les comportements, les moyens de transport et la gestion générale du circuit.
32 Daniel Ekwala E. Bouma, « Transport pluriel et productivité : Cas de la ville de Douala au Cameroun », http://www.codatu.org/wp-content/uploads/Transport-pluriel-et-productivit%25C3%25A9-cas-de-la-ville-de- Douala-au-Cameroun-D.-Ekwala-E.-Bouma.pdf, p.2.
33 Mamadou Lamine Diallo, Les Africains sauveront-ils l’Afrique ?, Paris, Karthala, 1996, p.41.
34 Joseph Rémy Minlo, « L’expérience des services publics de transports urbains au Cameroun : Le cas de la SOTUC (1973-1995) », mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2001, p.114.
35 Ngoue Amidou, 62ans, chauffeur de taxi, Yaoundé, le 09/03/2021.
les insuffisances de mes recettes agricoles36« , témoigne un agriculteur. Ces témoignages donnent un aperçu de la valeur accordée au taxi au lendemain de la privatisation de la SOTUC. Mais, il faut observer que les taxis ne pouvaient pas desservir toute la masse de population à temps réel. Ainsi, dans ce contexte d’ajustement et dû à d’autres raisons d’ordre infrastructurel et administratif, un nouveau mode de transport vit le jour dans les centres urbains camerounais : le transport relai.
Questions Fréquemment Posées
Quel a été l’impact des programmes d’ajustement structurel sur le transport au Cameroun ?
Les PAS ont conduit à la privatisation des entreprises de transport, créant des dysfonctionnements dans le système de transport camerounais.
Comment la privatisation a-t-elle affecté la mobilité des Camerounais ?
La privatisation a fragilisé le système de transport, rendant difficile la mobilisation des citoyens pour vaquer à leurs occupations quotidiennes.
Quels moyens de transport ont été touchés par les programmes d’ajustement structurel ?
Les programmes d’ajustement structurel ont affecté le transport terrestre, aérien, maritime et ferroviaire, entraînant des changements dans la gestion et l’organisation du secteur.