La méthodologie d’évaluation foncière révèle des lacunes surprenantes dans les innovations des acteurs non-étatiques au Sud-Kivu. Ces insuffisances, liées à l’incohérence avec les services locaux, soulignent l’urgence d’une décentralisation foncière pour protéger les droits des communautés rurales.
Chapitre III. Evaluation des innovations de sécurisation foncière au Sud-Kivu
Section I. Présentation des innovations institutionnelles des acteurs non-étatiques24
Pour assurer la sécurisation foncière à l’est de la RDC, les acteurs non-étatiques ont mis en place 5 outils suivants : i) le certificat foncier coutumier, ii) la cartographie participative, iii) la titrisation foncière individuelle et groupée, iv) les cadres de dialogue et médiation et groupes de réflexion sur les questions foncières, et v) le registre foncier coutumier.
§1. Le certificat foncier coutumier
Le Certificat Foncier Coutumier est un acte authentique délivré par le chef de la chefferie ou de secteur, énumérant les droits fonciers coutumiers reconnus à un usager foncier par l’autorité coutumière compétente.
A la différence du certificat d’enregistrement, écrit Nsolotshi, qui est un acte dressé par le conservateur des titres immobiliers (Nsolotshi, 2017), le Certificat foncier coutumier est établi par l’autorité coutumière du ressort.
Il est valable, sur les terres des communautés locales, autrement-dit, les terres coutumières. En droit foncier congolais, les terres coutumières sont celles qui sont attachées à une communauté traditionnelle donnée et qui ne sont pas actuellement affectées, concédées, ou loties par l’Etat.
Ces terres, peuvent se trouver dans les limites d’une ville ou en dehors d’elle.
Il peut, aussi, s’agir des terres d’agriculture, d’élevage, de construction, de chasse ou terre servant à la coupe ou au ramassage des bois, de champignons, des chenilles, des fourmis, etc … pour des besoins de l’exploitant exclusif ou occasionnel renchérit Nsolotshi (Idem), et pour lesquelles un Certificat Foncier Coutumier est valable.
Délivré à base d’une approche participative, la procédure de son obtention emprunte une démarche décentralisée, allant des autorités foncières jusqu’aux bénéficiaires.
Le certificat, une fois obtenu, justifie le titre de propriété de la personne sur sa parcelle. Il reprend, sur son verso, les différents types des droits fonciers coutumiers reconnus au bénéficiaire.
La coutume n’étant pas source du droit en matière foncière, la loi ayant domanialisé les terres (article 387), il est cependant prévu par loi foncière, que le Certificat Foncier Coutumier peut être transformé en certificat d’enregistrement, lorsqu’il s’agit d’une désaffectation des terres.
§2. La cartographie participative : un outil au service de la sécurisation foncière ?
Cédric Vermeulen & Alain Karsenty (2014) écrivent que la cartographie participative, dont certaines ONGs congolaises du Réseau Ressources Naturelles (RRN) ont mis en place, est un processus d’élaboration de cartes, visant à mettre en lumière l’association entre la terre et les populations locales, en utilisant la langue connue et reconnue de la cartographie.
Comme pour tout type de carte, Giles Palsky, (2013) ; The Rainforest foundation, Rainbow environnement consult ; Kankeu, (2019) ; Cormier-Salem, Didiane Sané, (2017) expliquent que, les cartes participatives représentent des informations spatiales à différentes échelles (Projet APV-FLEGT, 2014).
Elles peuvent, notamment, afficher des informations détaillées sur la disposition et les infrastructures des villages (cours d’eau, routes, transports, localisation des habitants individuels, etc…) (FIDA, 2009).
Elle est également basée, explique Ndjounguep (2020), sur les principes que les communautés locales sont celles qui connaissent le mieux leur environnement local, par conséquent, peuvent les exprimer selon un format géographique facilement compréhensible et reconnu universellement (Ndjounguep, 2020).
Les cartes participatives, ainsi produites, ne se limitent pas à présenter des informations relatives aux caractéristiques géographiques mais, peuvent également, illustrer d’importantes connaissances sociales, culturelles et historiques, telles que (Projet APV-FLEGT, op cit.) les informations relatives à l’utilisation des terres et à leurs mythologies, aux groupes ethnolinguistiques, aux tendances sanitaires et à la répartition des richesses (FIDA, op cit).
Cependant, les cartes participatives se définissent par leurs processus de production. Elles sont planifiées, selon un but, et une stratégie d’usage commun et sont souvent réalisées avec les rapports de toute une communauté dans le cadre d’un processus ouvert et inclusif.
Plus les membres de la communauté participent, plus les bénéfices seront importants : la carte finale reflétera l’expérience collective du groupe qui l’a produite.
En plus, ce processus poursuit le but principal de documenter, tant le régime foncier et les systèmes traditionnels de gestion foncière et forestière des communautés, que de contribuer à réduire la pauvreté, et contribuer à la prévention des conflits fonciers à travers la gestion durable des ressources naturelles en promouvant le droit de la communauté locale à la terre25.
Au Sud-Kivu, cette cartographie est un processus hautement participatif, qui implique même les communautés forestières, telles les pygmées « bambuti ou batwa ».
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Figure 2 : Différents « faisceaux de droits détenus par des acteurs individuels ou collectifs identifiés lors de la cartographie participative au Sud-Kivu. Affectation de droits opérationnels par ceux qui détiennent les droits d’inclusion/exclusion et de gestion interne
Source: Lavigne, Sécurisation foncière, formalisation des droits, institutions de régulation foncière et investissemen t. Pour un cadre conceptuel élargi, in revue des questions foncières, 2010, p. 21.
25Pour plus de détails, lire https://well-grounded.org/fr/ameliorer-le-droit-des-communautes-a-la-terre-a-travers- lacartographieparticipative/#:~:text=L’exercice%20de%20cartographie%20participante,%C3%A0%20d’autres%20re ssources%20naturelles.
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24 Nous résumons en annexe 3 la cartographie des innovations des acteurs non-étatiques dans la sécurisation foncière au Sud-Kivu en RDC. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce qu’un certificat foncier coutumier au Sud-Kivu ?
Le Certificat Foncier Coutumier est un acte authentique délivré par le chef de la chefferie ou de secteur, énumérant les droits fonciers coutumiers reconnus à un usager foncier par l’autorité coutumière compétente.
Comment la cartographie participative contribue-t-elle à la sécurisation foncière ?
La cartographie participative est un processus d’élaboration de cartes visant à mettre en lumière l’association entre la terre et les populations locales, en utilisant la langue connue et reconnue de la cartographie.
Quels sont les outils utilisés par les acteurs non-étatiques pour la sécurisation foncière au Sud-Kivu ?
Les acteurs non-étatiques ont mis en place cinq outils : le certificat foncier coutumier, la cartographie participative, la titrisation foncière individuelle et groupée, les cadres de dialogue et médiation, et le registre foncier coutumier.