Les meilleures pratiques d’intégration régionale révèlent des différences surprenantes entre l’Union africaine et l’Union européenne. Alors que l’UA prône une adhésion universelle, l’UE impose des critères stricts, soulevant des questions cruciales sur l’avenir de l’intégration en Afrique.
Paragraphe 2 : L’UA, des organes de type intergouvernemental
Au terme de l’article 5 de l’acte constitutif de l’Union africaine, les organes de
l’Union sont les suivants : la Conférence de l’Union (art. 6), le Conseil exécutif, le
Parlement panafricain, la Cour de Justice, la Commission, le Comité des Représentants permanents, les Comités techniques spécialisés et les Institutions financières.
En parcourant l’Acte constitutif et à la lumière du fonctionnement de l’UA, il est aisé de se rendre compte que la prédominance des organes politiques (A) va de pair avec la faiblesse des organes administratifs et techniques (B).
La prééminence des organes politiques
Au prime abord, ce qui saute aux yeux lorsqu’on analyse les textes fondateurs de l’UE et de l’UA du point de vue institutionnel, c’est la différence terminologique.
Au moment où le traité sur l’UE emploie l’expression «institutions de l’UE » pour souligner le caractère de véritables institutions fonctionnant avec les principes d’équilibre institutionnel, d’autonomie, de codécision et de coopération loyale entre institutions, l’Acte constitutif de l’UA préfère plutôt parler d’ « organes de l’UA » avec une dose suffisamment forte de liens de rattachement et de subordination hiérarchique au sommet duquel on retrouve le sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement.
Créée par les Etats, l’UA comme toute organisation interétatique est chapeautée par des organes fortement politiques.
Au sommet de ceux-ci, nous avons la Conférence. C’est l’organe suprême de l’Union (UA). Elle est composée des chefs d’État et de gouvernement de tous les États membres. Elle définit les politiques de l’UA, fixe ses priorités, adopte son programme annuel et assure le contrôle de la mise en œuvre de ses politiques et décisions.
En outre, la Conférence détermine les politiques de l’UA, décide de l’adhésion de nouveaux membres mais également de l’expulsion des membres déviants, adopte le budget, établit les priorités, adopte le programme annuel, élit le président et le vice-président de la Commission, nomme les membres de la Commission et détermine leurs fonctions et leurs mandats et surveille la mise en œuvre de ses politiques et décisions par les Etats membres. Elle a pour mission l’accélération de l’intégration politique et socioéconomique du continent africain. Elle peut donner des directives au Conseil Exécutif et au Conseil de Paix et de Sécurité sur la gestion des conflits, des guerres, des actes de terrorisme, des situations d’urgence et le rétablissement de la paix.
En comparaison avec les autres organes de l’UA, c’est la Conférence qui adopte le budget de l’organisation, prend des décisions sur les questions majeures concernant lʼUA, approuve la structure, les attributions et les règlements de la Commission, détermine la structure, les attributions, les pouvoirs, la composition et l’organisation du Conseil exécutif. L’amendement de l’Acte constitutif conformément aux procédures établies est de son ressort, de même que son interprétation lui incombe, prérogative qui échoira à la Cour africaine de Justice et des Droits de l’Homme dès sa mise en marche.
La Conférence peut créer tout comité, groupe de travail ou commission qu’elle juge nécessaire. Elle peut également déléguer ses pouvoirs et fonctions à tout autre organe de l’Union africaine, le cas échéant.
A la lumière des articles 6 et 9 de l’Acte constitutif de l’UA, il est remarquable de se rendre compte que ce sont les chefs d’Etat africains qui sont les véritables détenteurs du pouvoir au sein de l’Union africaine. En effet, la Conférence, composée de tous les chefs d’Etat est le seul organe compétent pour définir les politiques de l’UA, prendre les décisions et superviser les autres organes.
Et si ce n’est la Conférence elle-même, c’est à une délégation de pouvoirs au profit d’organes politiques tels que le Comité des représentants permanents COREP (composés des ambassadeurs nommés par les Chefs d’Etats auprès de l’UA) qui supplante la Commission dans le processus de prise de décision au point où le rapport33 du président rwandais Paul Kagame sur la réforme de l’UA fustige cet état de choses en des termes explicites : 34
[12_meilleures-pratiques-pour-integration-regionale-en-afrique-et-en-europe_1]
Source: URL
Le Comité des Représentants Permanents (COREP) gère les activités quotidiennes de l’Union africaine, au nom du Conseil Exécutif et de la Conférence.
En vertu de l’article 21 de l’Acte constitutif de l’UA, il est sous la supervision du Conseil Exécutif, prépare ses travaux et agit sur ses instructions.
L’on comprend alors les raisons pour lesquelles le rapport Kagame recommande que, conformément aux dispositions de l’Acte constitutif, le Comité des représentants permanents (COREP), organe politique, revienne à son rôle d’intermédiaire entre l’UA et les capitales des Etats membres plutôt que celui de superviseur hiérarchique de la Commission, organe technique35 :
[12_meilleures-pratiques-pour-integration-regionale-en-afrique-et-en-europe_2]
Source: URL
33 Rapport intitulé The imperative to strengthen our union, Report on the proposed recommendations for the institutional reform of the African Union, H.E. Paul KAGAME, 29 janvier 2017 disponible sur le site : https//au.int/fr/reforme-de-lua, consulté le 20 octobre 2020, p.17
34 Traduction officieuse : De plus, certaines décisions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ont été retardées par le COREP ou même ignorées, ce qui suggère que le COREP a joué un rôle injustifié dans le processus de prise de décision.
35 Traduction officieuse : Les règles et procédures du Comité des Représentants permanents devraient être conformes au mandat prévu dans l’Acte constitutif. Le COREP devrait faciliter la communication entre l’Union africaine et les capitales nationales, et agir en tant qu’organe consultatif auprès du conseil exécutif, plutôt qu’en tant qu’organe de surveillance de la Commission.
Cette mainmise des organes politiques sur les structures techniques pourrait être comprise comme une manière pour les dirigeants d’assumer collectivement les responsabilités de l’Union. Cependant, cela pourrait aussi être perçu comme une monopolisation de tout le pouvoir et une réticence à accorder plus de pouvoir de décision aux institutions techniques, ce qui risquerait d’avoir des impacts directs sur le rythme d’intégration, tant du point de vue qualitatif que du point de vue quantitatif, l’agenda politique ne correspondant presque pas toujours avec l’agenda technique. Il en va de même pour la direction et le rythme des réformes indispensables à l’approfondissement de l’intégration.
Sous cet angle, on pourrait se demander si cet état de choses ne constitue pas un des freins à la base du retard de croissance de l’Union africaine, vu que les organes techniques à même de proposer et de conduire les initiatives de progrès sont maintenus fragiles.
La faiblesse du pouvoir des organes techniques
Le Conseil exécutif de l’UA n’a pas de pouvoir de décision, ni celui de prendre des actes législatifs. Il est chargé d’assister la Conférence dans ses missions. Il est responsable devant la Conférence. Tous les États membres y sont généralement représentés par leur ministre des Affaires étrangères.
Le Conseil ne décide pas, même si l’article 13 de l’Acte constitutif énonce qu’il assure la coordination et décide des politiques dans les domaines d’intérêt commun tels que le commerce extérieur, l’énergie, l’agriculture et l’environnement, l’action humanitaire, la santé, la sécurité sociale et le handicap.
Autre différence avec l’UE, l’État membre qui préside la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, préside également le Conseil exécutif (article 16 du règlement intérieur. À l’instar de la Conférence et du Comité des représentants permanents (COREP), le Bureau du Conseil exécutif est composé d’un président, de trois vice-présidents et d’un rapporteur. Les États membres qui forment le Bureau de la Conférence sont les mêmes États qui forment le Bureau du Conseil exécutif. Leur mandat est d’un an (en général de janvier/février d’une année à janvier/février de l’année suivante).
La Commission joue le rôle de secrétariat de l’Union africaine et organisé tel que mentionné dans l’article 2 de ses statuts.
Contrairement aux mécanismes de fonctionnement dans l’Union européenne où la Commission dispose du droit d’initiative pour sauvegarder l’intérêt communautaire et impulser les réformes nécessaires, en Afrique, ni la Commission, ni les Comités techniques spécialisés n’ont ce pouvoir.
Cela signifie que depuis la fondation juridique de chaque unité, africaine et européenne, l’organe fonctionne pour la politique et la mise en œuvre des programmes desdites unités. Mais il faut noter que la Commission africaine figurant n’a subi aucun changement de statut juridique et est demeuré un organe responsable du travail administratif. Alors que la Commission européenne est un organe principal dans la prise de décision et la force motrice de l’intégration des Etas dans l’Union européenne ; elle est la gardienne des traités de l’acquis communautaire ainsi qu’elle représente le pouvoir exécutif en plus de son rôle administratif.
Le parlement panafricain n’a pas, dans l’état actuel des choses, de pouvoir législatif, encore moins le Conseil exécutif.
L’Article 14 de la l’Acte Constitutif de l’UA prévoit la mise en place de Comités Techniques Spécialisés (CTS) à travers une série de domaines thématiques. Conformément à ce même article, les CTS sont à la charge du Conseil Exécutif.
Conformément à l’article 5 de l’Acte Constitutive, ce sont des organes à part entière de l’UA.
Tout ceci occasionne la faiblesse ou l’insuffisance mise en application des décisions de l’UA. Au point où en janvier 2016, le Conseil exécutif a dû demander à la Commission de l’UA de veiller à ce que le programme et les décisions du sommet privilégient les aspects stratégiques plutôt qu’administratifs et de recommander aux organes politiques d’annuler les décisions à propos desquelles aucune action n’a été prise au bout de deux ou trois ans.36
36 Cf Décision n°EX.CL/Dec.898(XXVIII)Rev.1. portant sur la mise en œuvre des décisions antérieures du Conseil exécutif et de la Conférence de l’Union africaine.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux organes de l’Union africaine?
Les organes de l’Union africaine comprennent la Conférence de l’Union, le Conseil exécutif, le Parlement panafricain, la Cour de Justice, la Commission, le Comité des Représentants permanents, les Comités techniques spécialisés et les Institutions financières.
Quelle est la fonction de la Conférence de l’Union africaine?
La Conférence de l’Union est l’organe suprême de l’Union, composée des chefs d’État et de gouvernement de tous les États membres, et elle définit les politiques de l’UA, fixe ses priorités, adopte son programme annuel et assure le contrôle de la mise en œuvre de ses politiques et décisions.
Comment la Conférence de l’Union africaine influence-t-elle l’intégration régionale?
La Conférence peut donner des directives au Conseil Exécutif et au Conseil de Paix et de Sécurité sur la gestion des conflits, des guerres, des actes de terrorisme, des situations d’urgence et le rétablissement de la paix, contribuant ainsi à l’accélération de l’intégration politique et socioéconomique du continent africain.