Les meilleures pratiques d’ajustement au Cameroun révèlent des conséquences inattendues sur la vie sociale, transformant les comportements et les habitudes des citoyens. Cette étude met en lumière des résultats critiques qui façonnent notre compréhension des impacts des programmes d’ajustement structurel entre 1987 et 2017.
Les performances économiques
Le Cameroun sous la politique du libéralisme planifié se trouvait dans une certaine santé économique. Il a réussi à réaliser un ensemble de prouesses qui l’ont hissé au niveau des Pays à Revenu Intermédiaire (PRI)24. Comprendre les performances économiques du Cameroun indépendant et pré-PAS, revient à étudier les deux phases sinon les deux moments de la période de croissance économique qui de va de 1960 à 1986. Il s’agit de la phase de croissance équilibrée (1960-1977) et la phase de croissance accélérée (1978-1986).
La phase de croissance équilibrée
Elle couvre la période du premier plan quinquennal jusqu’au troisième plan. Le taux de croissance de cette période était essentiellement variant et évoluait en dents de scie, entre 1,2 % et 6,5 % avec une moyenne annuelle de 3,4 %25. C’est ce qui fait dire que tous les secteurs d’activités de l’économie camerounaise en cette période que ce soit l’agriculture, l’industrie extractive, le manufacturé et le secteur tertiaire, étaient croissant d’un volume annuel de 3 %26.
Pour ce qui est du secteur de l’industrie, le Cameroun bénéficiait déjà d’un ensemble important d’industries, qui jouissaient d’une augmentation en volume annuel de 5,1 %27. Elles contribuaient ainsi à 20 % du Produit intérieur brut (PIB)28 . Entre autres industries, il y avait : les industries alimentaires : la
23 Bien que le sixième plan s’inscrivît dans la logique du libéralisme communautaire, il faut noter qu’il intégra la logique du libéralisme planifié. Il faut donc dire que malgré le changement de politique économique au Cameroun, partant du libéralisme planifié au libéralisme communautaire, la logique du développement communautaire reste la même.
24 Jean-Joël Aert et al., L’économie camerounaise. Un espoir évanoui, Paris, Karthala, 2000, p.16.
25 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.15.
26 Ebalé, « Vingt ans d’ajustement… », p.376.
27 François Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais 1965-1990 : de la croissance équilibrée à la crise structurelle », in Georges Courade (sd), Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994, p.55. 28 Aert et al., L’économie camerounaise…, p.17.
Société Sucrière du Cameroun (SOSUCAM), la Chocolaterie Confiserie du Cameroun (CHOCOCAM) ; les industries du textile : la société Cotonnière Industrielle du Cameroun (CICAM); les industries extractives : la Société Nationale de Raffinage (SONARA), la Société Camerounaise de Transformation de l’Aluminium (SOCATRAL)29.
L’économie du Cameroun en cette période était essentiellement agricole et représentait 85 à 90 % du total des exportations30. Bien que l’agriculture ne fut pas l’exclusivité de l’activité économique, elle occupa néanmoins une place de choix31. À ce titre, elle apparaissait comme étant le plus gros employeur au Cameroun. Il suffisait être possesseur d’un espace de terre cultivable, avoir du matériel et des semences agricoles pour mettre à profit son emploi de planteur ou d’agriculteur.
Le secteur agricole employait de ce fait près de 75 % de la population active et participait à 24 % du PIB et évalué à 15 % des ressources budgétaires32. L’agriculture camerounaise reposait donc essentiellement sur les cultures de rente comme le café, le cacao et le coton destinées à l’exportation.
Tableau 1 : Balance commerciale du Cameroun 1961-1966 (en millions de F CFA)
1961-1962 | 1962-1963 | 1963-1964 | 1964-1965 | 1965-1966 | |
EXPORTATIONS | 31 195 | 32 862 | 35 028 | 34 198 | 36 284 |
IMPORTATIONS | 28 262 | 31 232 | 33 441 | 37 122 | 37 113 |
BALANCE GLOBALE | 2933 | 1630 | 1587 | -2924 | -829 |
Source : Jean Kuete, Monnaie et finances comme moteur de développement, Yaoundé, Clé, 1980, p.76.
À la lecture du Tableau 1, l’on observe qu’au cours de la période croissance équilibrée, la valeur des exportations camerounaises est croissante. C’est ce qui atteste de l’intérêt que le pays avait accordé à la production nationale en ce sens qu’il faut produire pour exporter. Il faut aussi remarquer que les importations croissent de façon continuelle de 1961 à 1966. Cette croissance témoigne de la précarité et de la véritable non-compétitivité de l’économie camerounaise33. Malgré l’augmentation des importations, il faut noter que celles-ci n’entrainaient pas un grave déficit sur la balance des biens et services.
29 Touna Mama, L’économie camerounaise…, p.197.
30 AMINEPAT, 3C21, Économie : Relance, 1984-1993, Projet de Relance de L’économie camerounaise, Cadre minimum de relance de L’économie camerounaise, Avant-projet, 1993, p.1.
31 Ebalé, « Vingt ans d’ajustement… », p.376.
32 Nyom, La crise économique…, p.23.
33 Ceci étant, le Cameroun au début des plans quinquennaux n’enregistrait pas une croissance continuelle, on note plutôt une évolution en dents de scie.
Graphique 1 : Évolution de la balance commerciale du Cameroun de 1961 à 1966
4000
3000
2000
1000
0
1961-1962
1962-1963
1963-1964
1964-1965
1965-1966
-1000
-2000
-3000
-4000
Source : Réalisation à partir des données du Tableau 1
À la lecture de ce Graphique 1, il apparait que le Cameroun ne pouvait pas se réjouir d’une véritable croissance pendant les premières années de la croissance équilibrée. La balance commerciale certes excédentaire de 1961 à 1964, régressait progressivement chaque année. Le Cameroun importait plus qu’il n’exportait malgré sa forte concentration sur l’économie d’exportation des matières premières.
En 1964-1965 lorsque le premier plan arriva à son terme, la balance commerciale du Cameroun toucha le bas de la courbe de croissance et présentait un déficit en valeur réelle de 2924 millions de FCFA ; la balance était donc trop déficitaire. D’où l’urgence de mettre sur pied le second plan quinquennal qui, accordant une place majeure à l’agriculture avait pour objectif le doublement du revenu par tête en vingt ans, la réduction des disparités régionales et la modification des structures dans le but d’assurer
une autonomie dans le domaine économique.
En ce qui concerne la dette extérieure, elle connut entre 1965 et 1975, une certaine évolution allant de 11 % à 15 % du PIB34. L’augmentation de cette dette en chiffres réels n’était justifiable que par le fait que le Cameroun avait lancé des projets de construction des industries pour pouvoir transformer la matière première sur place, il lui fallait donc de gros financements dont les ressources nationales ne fournissaient pas assez. Avec le financement de l’investissement pétrolier la dette connut un surcroît entre 1975 et 1977, passant de 15 à 30 %35.
34 Ebalé, « Vingt ans d’ajustement… », p.376.
35 Roubaud, « Le « modèle » de…, p.55.
Tableau 2 : Dette publique camerounaise en 1965-1971 (en millions de F CFA)
1965-1966 | 1966-1967 | 1967-1968 | 1968-1969 | 1969-1970 | 1970-1971 | |
Dette extérieure | 412 | 412 | 498 | 519 | 642 | 1300 |
Dette intérieure | 141 | 155 | 201 | 661 | 759 | 925 |
Total | 553 | 567 | 699 | 1180 | 1401 | 2225 |
Source : Kuete, Monnaie et finances…, p.88.
Graphique 2 : Évolution de la dette publique camerounaise en 1965-1971
1400
2500
1200
2000
1000
800
1500
600
1000
400
500
200
0
0
1965-1966 1966-1967 1967-1968 1968-1969 1969-1970 1970-1971
Dette extérieure Dette intérieure Total
Source : Réalisation à partir des données du Tableau 2.
À la lecture du Tableau 2 et du Graphique 2, il apparait que la dette extérieure du Cameroun est évolutive pendant la période de croissance équilibrée. Il se pose en cette période un problème de la mise sur pied des infrastructures industrielles, qui nécessitait de grands investissements. Les revenus de la production agricole n’étant pas suffisants, il fallait faire recourt à la dette.
De 1965 à 1967, la dette extérieure reste constante. De 1967 à 1968 ces chiffres augmentent jusqu’en 1970. Il y eut un doublement des chiffres en 1969-1970 et 1970-1971. Pour ce qui est de la dette intérieure, elle croit légèrement de 1965 à 1968 et connait une explosion à partir de 1968-1969.
Il faut donc remarquer que le rythme de consommation des crédits s’était avéré satisfaisant, avec un dépassement des prévisions qui s’élevaient à 19 890 millions F CFA à 22 810 millions de F CFA des crédits de paiements ouverts36. Au-delà de cette période illustrée, il faut remarquer que la dette
36 Jean Kuete, Monnaie et finances comme moteur de développement, Yaoundé, Clé, 1980, p. 87.
du Cameroun en 1975 envoisinait les 273 milliards F CFA37. Il faut reconnaitre que l’accroissement de la dette du Cameroun était pour financer l’exploitation pétrolière.
La phase de croissance équilibrée représente au total la base de l’industrialisation de l’économie camerounaise. Elle s’acheva avec la découverte de la manne pétrolière c’est-à-dire la reconversion de l’économie camerounaise de l’agriculture prioritaire, vers l’exploitation pétrolifère.
Questions Fréquemment Posées
Quels ont été les impacts des programmes d’ajustement structurel au Cameroun entre 1987 et 2017?
Les résultats montrent que ces ajustements ont laissé une empreinte indélébile sur la société camerounaise.
Comment la politique du libéralisme planifié a-t-elle affecté l’économie camerounaise?
Le Cameroun sous la politique du libéralisme planifié se trouvait dans une certaine santé économique, réalisant un ensemble de prouesses qui l’ont hissé au niveau des Pays à Revenu Intermédiaire.
Quelle était la contribution du secteur agricole à l’économie camerounaise avant les programmes d’ajustement?
L’agriculture occupait une place de choix, représentant 85 à 90 % du total des exportations et employant près de 75 % de la population active.