Les meilleures pratiques de recyclage révèlent des disparités surprenantes entre les systèmes de gestion des déchets en Europe. Cette étude critique met en lumière les spécificités d’Eco-Emballages en France, avec des implications significatives pour l’efficacité du recyclage et la responsabilité des producteurs.
IV. BILAN DE L’ETUDE
A. Conclusions sur Eco-Emballages
L’étude permet désormais d’avoir un autre regard sur le système français, en comparaison des autres systèmes. Les tableaux ci-dessous rappellent les singularités d’Eco-Emballages (EE) ainsi que leurs conséquences.
Périmètre des emballages déclarés
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EE seul système à ne déclarer que les emballages des produits consommés par les ménages à domicile | Taux de recyclage apparent plus élevé, puisque périmètre emballage numérateur < périmètre dénominateur | Financement aval > financement amont Taux de couverture des coûts plus faible |
Barème amont
– Structure
Le barème producteur mis en place par Eco-Emballages :
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Est le seul ayant une contribution à l’emballage | Mesure de prévention, limite la multiplication des suremballages ou emballages individuels | Déclaration d’emballages plus lourde pour les producteurs adhérents |
N’a que 5 catégories de matériaux | Plus facile pour les producteurs | Ne reflète pas la différence de coûts de gestion qu’il peut y avoir pour des emballages différents d’un même matériau |
N’a pas de barème spécial brique | Barème plus simple | Les producteurs de briques ne paient pas à la hauteur de la difficulté de gestion de cet emballage |
– Valeur
On retiendra deux constats :
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Tarif papier carton élevé | Tarif élevé, mais unique couvrant tous les emballages dont le matériau majoritaire est le papier-carton (même les briques) | Dissuade les entreprises d’utiliser ce matériau alors qu’il se recycle relativement bien |
Tarif verre faible | Encourage les entreprises à utiliser ce matériau | Une telle différence avec le tarif d’autres matériaux peut être vue comme une entorse à la concurrence |
– Modifications du barème
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EE seul système où le barème change aussi peu fréquemment | Les discussions et négociations avec les différents acteurs ne sont pas trop fréquentes | Les variations sont plus grandes et donc les augmentations plus difficiles à accepter pour les producteurs |
Procédure de changement de barème plus lourde en France | Permet une intervention de tous les acteurs | Limite la fréquence de changement |
Relations avec les collectivités locales (CL)
– Contrats, organisation
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EE a de très nombreux contrats avec les CL | EE proche des CL, relation de confiance | Gestion administrative plus compliquée |
EE laisse les CL libres d’organiser la collecte sélective | les CL adaptent les modalités au contexte local | – Modalités de collecte pas du tout homogènes sur le territoire – Pas toujours la solution la plus optimisée choisie |
– Consignes de tri
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France seul pays où les consignes de tri ne sont pas homogènes sur tout le territoire | Permet une meilleure adaptabilité au contexte local | Ne permet pas d’avoir un message national unique |
La France ne trie que les bouteilles et flacons en plastiques | Les matériaux triés ont une valeur positive sur le marché, ce qui n’est pas le cas de tous les autres types de plastiques | Performance de recyclage plus faible que les autres systèmes |
– Soutiens aux collectivités locales
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EE ne couvre pas tous les coûts de collecte et tri des emballages | Responsabilise les CL et incite à l’optimisation des coûts | Les CL voudraient plus d’argent |
EE a un barème basé sur la performance (€/t triée) | Incite les CL à communiquer et faire trier plus les habitants | Ce sont les CL où le système marche le mieux qui touchent le plus d’argent |
EE est le seul système à verser autant de soutiens différents | Les CL touchent plus d’argent | EE dépense plus d’argent |
– Soutiens aux collectivités locales (suite)
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Tous les soutiens sont versés aux CL | – Gestion administrative plus facile puisque un seul destinataire – Ce sont les CL qui organisent et payent collecte et tri, il est donc logique que ce soit elles qui touchent les soutiens | L’argent n’est pas forcément utilisé pour la gestion des déchets d’emballages |
Seul EE verse l’intégralité des revenus des matériaux triés aux CL | Ce sont les habitants des CL qui ont fait l’effort de tri, il peut sembler normal que les bénéfices leurs reviennent | L’argent n’est pas forcément utilisé pour la gestion des déchets d’emballages |
Prise en charge des coûts
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EE ne prend pas en charge tous les coûts de collecte et de tri | Responsabilise les CL et incite à l’optimisation des coûts | Les CL voudraient plus d’argent |
Seul EE prend en compte la gestion de la totalité des déchets d’emballages | Adéquation avec l’engagement au producteur d’assurer la gestion de tous les emballages déclarés | Les coûts à couvrir sont plus élevés |
Seul Eco-emballages déclare ne pas couvrir tous les coûts | Reflet de la réalité | Eco-Emballages est vu comme un système moins performant, ne couvrant que 60% des coûts |
Résultats
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EE n’a pas une prise en compte statistiques des emballages en papier cartons collectés/recyclés | Plus proche de la réalité | Performance par habitant plus faible que les autres pays |
EE limite la prise en compte des emballages papier carton non ménagers qui se retrouvent dans les déchets des ménages | Plus proche de la réalité, EE n’est censé comptabiliser que les emballages ménagers recyclés | Performance par habitant plus faible que les autres pays |
EE ne collecte pour le matériau plastique que les bouteilles et flacons | Recyclage des bouteilles et flacons économiquement intéressant Gisement plus facile à mobiliser | Performance par habitant plus faible que les autres pays |
B. Défis de demain
L’étude des différents systèmes a également mis en évidence certaines particularités qui ne concernent pas (encore) Eco-Emballages, mais pourrait devenir d’actualité dans le futur.
Concurrence
L’exemple de l’Allemagne permet de faire les conclusions suivantes :
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Pas de monopole d’une seule société | Entreprise privée à but lucratif peut avoir des difficultés à remplir une mission d’intérêt général (intérêts divergents) |
La mise en concurrence fait baisser les coûts | Le service aux habitants n’est plus d’aussi bonne qualité (plus de communication, service minimum) |
Les systèmes se partagent les coûts | Le travail administratif a été multiplié par 9 Plus de transparence |
Les producteurs peuvent choisir l’organisme à qui ils confient la gestion de leurs emballages | Les petits producteurs peuvent plus facilement ne pas déclarer leurs emballages (free riders plus difficiles à identifier) |
Taxe
D’après l’étude des systèmes de taxes en Belgique :
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La taxe limite l’utilisation d’emballages peu respectueux de l’environnement | – La taxe augmente les importations par les particuliers depuis les pays voisins où les emballages ne sont pas taxés (Belgique) – Les producteurs ont l’impression de payer deux fois pour la gestion de leurs emballages – Pas de contrôle de la destination de l’argent car taxe |
Tri tous plastiques
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Augmenter le recyclage des plastiques | Filières de recyclage des plastiques mous très coûteuses Qualité des matériaux triés moins bonne |
Les analyses de cycles de vie (ACV) montrent qu’il est avantageux pour l’environnement de collecter sélectivement tous les emballages plastiques1 | – Qualité des matériaux triés à un très fort impact sur le bénéfice environnemental du recyclage 1 – Mise en place recyclage des autres plastiques est une solution coûteuse par rapport au bénéfice environnemental1 |
1 Source : Research, Development and Consulting. Etude réalisée pour l’ADEME. Bilan des connaissances économiques et environnementales sur la consigne des emballages boissons et le recyclage des emballages plastiques, juillet 2008, 103p.
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Conclusion
Nous avons vu tout au long de l’étude que les systèmes Point Vert considérés sont sensiblement différents. Ils évoluent dans un contexte légal, économique, géographique et social différent, rendant toute comparaison directe impossible.
Néanmoins, de nombreux aspects ont pu être abordés de manière comparative, en s’efforçant autant que possible de toujours garder en tête les différences de contexte. L’étude a donc permis, selon son ambition, une meilleure connaissance des systèmes considérés, à la fois de leur fonctionnement mais aussi de leurs résultats.
On retiendra notamment la singularité de l’Allemagne, seul pays où la gestion opérationnelle des déchets d’emballages ménagers incombe aux industriels et non aux collectivités. De plus, c’est le seul pays où coexistent, en concurrence, plusieurs organismes de gestion des emballages ménagers. Les autres systèmes étudiés ont un fonctionnement global assez proche de celui d’Eco-Emballages.
Nous avons aussi pu mettre en évidence les singularités du système français et analyser les conséquences positives et négatives de celles-ci. Il en résulte que la force d’Eco-Emballages réside essentiellement dans la proximité entretenue avec les partenaires et leur implication dans les prises de décisions. Cette consultation et influence des différents acteurs de la gestion des emballages (producteurs, collectivités, pouvoirs publics) a permis d’installer un climat de confiance vis-à-vis d’Eco-Emballages. En contrepartie, les procédures de décisions sont lourdes et engendrent de longues négociations, où Eco-Emballages n’est pas forcément l’acteur principal.
Cependant, si l’étude a apporté des éclairages sur certains aspects, elle a aussi montré ses limites. En effet, comme les informations concernant les systèmes Point Vert proviennent essentiellement des systèmes eux-mêmes, les comparaisons sont fortement liées aux données communiquées. Ainsi certaines données sont-elles manquantes, ou encore le contexte dans lequel elles ont été obtenues n’est pas connu. Il en résulte pour certains aspects (notamment les coûts et les résultats de recyclage) des conclusions fragiles. Nous avons toutefois pu donner, dans ces cas là, des pistes d’analyse.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les spécificités du système Eco-Emballages en France ?
Eco-Emballages est le seul système à ne déclarer que les emballages des produits consommés par les ménages à domicile, ce qui entraîne un taux de recyclage apparent plus élevé.
Comment le barème de contribution des producteurs est-il structuré chez Eco-Emballages ?
Le barème producteur mis en place par Eco-Emballages est le seul ayant une contribution à l’emballage, avec cinq catégories de matériaux, mais il ne reflète pas la différence de coûts de gestion pour des emballages différents.
Pourquoi les consignes de tri en France ne sont-elles pas homogènes ?
La France est le seul pays où les consignes de tri ne sont pas homogènes sur tout le territoire, ce qui permet une meilleure adaptabilité au contexte local, mais empêche d’avoir un message national unique.