L’innovation technologique marocaine transforme la diplomatie du pays en Afrique, révélant des stratégies de soft power souvent sous-estimées. Cette recherche met en lumière comment les investissements et les partenariats Sud-Sud redéfinissent l’influence marocaine, avec des implications cruciales pour l’avenir géopolitique du continent.
Partie 2 : l’influence du Maroc en Afrique Subsahariennes
A la fois matériel et immatériel, le soft power est un ensemble de moyens matériels et symboliques qui permettent à un pays de réaliser ses ambitions géopolitiques. Cela devient un moyen d’influencer l’autre partie, donc cette relation n’est pas une relation contraignante, mais plutôt une relation que l’autre partie attend et désire. C’est une stratégie pour gagner les cœurs et les esprits.
Ainsi, dans le cadre de sa politique de puissance en Afrique subsaharienne, le Maroc utilise sa puissance culturelle, humanitaire, religieuse et militaire comme un outil pour étendre son influence. Ce pouvoir repose entre autres sur la mobilisation de ressources symboliques liées à la diffusion de l’islam et l’octroi de bourses pour ses projets géostratégiques en Afrique subsaharienne.
De nombreux États à travers le monde sont connu à travers une identité, notamment
« gendarme du monde » pour l’Amérique du Nord, ou encore « défenseur des droits humains »
pour le monde européen. Ce qui est du cas de Rabat, son identité de rôle est qualifiée par le
« juste milieu »20. Elle explique la volonté du Maroc d’être reconnu par rapport à sa modération, et surtout dans son rôle de pont entre différentes aires géoculturelles, sur la base de sa propre identité nationale d’État multiculturel.
C’est au nom de cette identité de rôle que le Maroc s’est consacré à la coopération Sud-Sud en Afrique, en déployant notamment des diplomaties humanitaires, culturelles et religieuses.
20 Au départ connu comme une expression philosophique, puis religieuse, la notion de « juste milieu » a acquis une valeur politique dans le champ discursif des décideurs marocains. Abourabi Yousra, « Comment le royaume a construit son leadership africain » le point afrique
Pour mener à bien ce travail, nous avons jugé opportun, dans cette deuxième partie, de mettre l’accent, d’abord, sur la construction du soft power au Maroc grâce à la diplomatie économique (Chapitre I), pour enfin finir avec l’homme au centre des préoccupations du Maroc(Chapitre II)
Chapitre 1 : La construction d’un soft power marocain
La diplomatie culturelle du Maroc en Afrique subsaharienne opère de manière intensive dans le domaine de l’éducation, de la formation, de la religion et humanitaire. En effet, il s’agit d’une pratique qui s’articule autour de plusieurs aspects : scientifique, éducatif, spirituel, religieux, artistique et créatif. Ces dimensions sont largement exploitées par le Maroc en Afrique sub-saharienne.
En effet, de nos jours la puissance d’un pays ne dépend plus seulement de sa force mais aussi de son pouvoir de tentation et d’influence. C’est pour cela que le royaume reprend du pouvoir, et cette partie de la relation privilégiée entre l’Afrique et le Maroc montre que la culture a joué un rôle de premier plan.
Afin de bien mener sa mission d’influence sur le continent, la diplomatie culturelle a besoin d’une préparation par les différents acteurs. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il faut distinguer entre diplomatie culturelle et action culturelle extérieure
Section 1 : la complémentarité de la diplomatie culturelle et action culturelle extérieure
Diplomatie culturelle et action culturelle extérieure
Il ne faut pas confondre « diplomatie culturelle » et « action culturelle extérieure », il s’agit de deux concepts différents. En effet la diplomatie culturelle est un ensemble d’opération mises en œuvre dans le cadre de la politique étrangère d’un pays. Dans le cas du Maroc, c’est le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidents à l’Etranger qui
mène cette diplomatie par ses agents au sein de son réseau diplomatique et ce indépendamment de toute initiatives locale ou privée.
D’autre part, « action culturelle étrangère » désigne toutes les activités ou œuvres culturelles ou éducatives que le pays, avec le soutien de plusieurs partenaires, mène au service de sa politique étrangère, cette dernière est généralement réalisée par de multiples personnes, acteurs publics et privé21
Acteurs de la diplomatie culturelle
La diplomatie culturelle du Maroc compte de nombreux intervenants, d’une part en raison de leurs capacités et de leur réseau diplomatique, d’autre part en raison de leur expérience et de leur compréhension des autres pays, elle est animée par le ministère des Affaires étrangères.
Le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidents à l’étranger est considéré comme l’outil principal de mise en œuvre de la politique étrangère marocaine, notamment dans la coopération Sud-Sud avec les partenaires africains. L’élargissement de la coopération du Maroc avec les partenaires subsahariens a entraîné une augmentation substantielle du nombre et des types de bénéficiaires des projets de coopération internationale. Les projets coopératifs couvrent actuellement de multiples domaines tels que l’éducation, la formation, le renforcement des capacités, la mise à jour des connaissances et les échanges.
Le ministère des Affaires étrangères est responsable du développement et du renforcement de la coopération culturelle, scientifique, technologique et culturelle. Utiliser l’influence culturelle
21 DUBOSCLAR, Alain, » Les Principes de l’action culturelle de la France aux Etats-Unis au XXème siècle : Essai de définition « , en Entre rayonnement et réciprocité, contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Publication de la Sorbonne, 2002. p 25
comme outil de politique étrangère est un moyen important pour défendre son image et établir un
« label marocain »
Deuxièmement, l’Agence marocaine de coopération internationale a été créée en 1986, et sa mission est de la mettre en œuvre au profit des pays partenaires, notamment Afrique sub- saharienne Plan national de coopération. L’agence a pour objectif de partager les bonnes pratiques du Maroc dans divers secteurs avec les pays d’Afrique subsaharienne Cette coopération au développement positive est propice au repositionnement du Maroc dans la sous-région. Cette coopération académique et éducative rigoureuse a une grande dimension humaniste et révèle la portée symbolique de l’unité du Maroc dans l’espace de la région.
La conscience du royaume est liée aux liens séculaires, traditionnels, sociaux, culturels, spirituels et économiques de nombreux pays africains, est l’idée de sa création afin de faire des questions de développement une place centrale, un atout en politique étrangère, et s’efforcer de créer des conditions propices à la consolidation de cette relation.
Acteurs de l’action culturelle extérieure
Au Maroc, comme dans les pays du sud, le combat de la société civile se développe avec le développement socio-économique des populations22. Souvent les associations sont liées à des projets des organisations internationales, présentes sur le territoire national, tels que le Programme des Nations Unies pour le Développement ou l’UNESCO, mais aussi à des projets et des actions des ministères nationaux23.
22 « Le rôle de la société civile au développement socio-économique et culturel – le cas du Maroc ». Mr. EL OUARDI EL ABASS Doctorant à L’IEP- université Paul Cézanne Aix Marseille III
23 « Composantes de l’économie sociale: tissu associatif » (www.wikimemories.net)
Des associations et des fondations marocaines s’impliquent également dans la diffusion de la culture marocaine24, et peuvent s’associer à la définition de la diplomatie culturelle. Quelques grandes associations ont pu tisser des réseaux internationaux susceptibles de soutenir leurs programmes et les valeurs de notre culture et de nos institutions
Les Marocains bénéficiaires le plus souvent de la double nationalité et instruits, représentent un potentiel considérable susceptible de contribuer efficacement aux objectifs assignés à la diplomatie culturelle. Ces Marocains sont aujourd’hui répartis sur plus de 100 pays et représentent plus de 15% de la population totale marocaine dont près de 90% vivent en Europe. Dans leur grande majorité, ils essaient d’entretenir des liens culturels avec leur pays d’origine, mais aussi dans une certaine mesure des liens économiques.
De larges segments de ces Marocains revendiquent d’être associés à la politique économique culturelle et sociale de leur pays d’origine. Ils n’admettent plus d’être considérés seulement comme des pourvoyeurs de devises mais s’efforcent aussi de faire valoir leurs compétences et leur réussite dans les pays d’accueil, voire la notoriété internationale de certains d’entre eux.
Le Maroc, à travers ces actions diplomatiques qui s’inscrivent dans une perspective de coopération culturelle et scientifique, entend contribuer au développement de ses voisins subsahariens et coopérer entre eux pour relever les défis du développement durable en Afrique.
24 La diplomatie culturelle marocaine, Rapport IRES 2015
La diplomatie culturelle en Afrique subsaharienne
A l’ère des bouleversements géopolitiques sur la scène internationale, la puissance d’un pays ne dépend plus seulement des objectifs décisifs des forces militaires, économiques ou stratégiques, mais du pouvoir de tentation et de persuasion pour influencer le comportement du pays. La
créativité reste l’atout principal. Les opérations culturelles menées par le Royaume du Maroc en dehors de ses frontières méridionales répondaient à la nécessité de défendre les intérêts nationaux. Quand on parle de diplomatie culturelle en Afrique subsaharienne, il est important de préciser la valeur de cet espace dans la profondeur de la stratégie du Maroc. Désormais, le pays mène activement une diplomatie culturelle dans cet espace sous régional pour assurer la visibilité de son rayonnement.
En effet, le Maroc à l’époque n’était pas en mesure de surpasser la région sub-saharienne faute de moyens. Aujourd’hui, le royaume reprend du pouvoir, et cette partie de la relation privilégiée entre l’Afrique et le Maroc montre que la culture a joué un rôle de premier plan.
La redynamique de la diplomatie marocaine
Les ambitions de l’Afrique ont été établies à travers les discours de politique étrangère prononcés par le souverain du Maroc. Ce message tend à redynamiser la diplomatie marocaine25. La réforme de l’action diplomatique a concentré une partie de son énergie sur la diplomatie africaine, qui reste l’une des priorités de l’arsenal diplomatique du Maroc, et met l’accent sur la nécessité de promouvoir la diplomatie culturelle et économique.
L’activisme de politique étrangère du Maroc en Afrique n’est pas une nouvelle attitude, mais une refonte des traditions ancestrales. Contrairement à certaines croyances, le Maroc ne cherche pas à rétablir des relations avec ses voisins africains, cette connexion n’a jamais été démentie, mais il est clair que nous assistons au renforcement de cette relation.
25 Faiza Koubi, « L’action culturelle marocaine en Afrique sub-saharienne pour un espace de paix »
(www.atalayar.com)
Le Royaume a décidé d’accroître sa présence dans les pays d’Afrique australe et orientale, tels que l’Éthiopie, l’Angola, l’Afrique du Sud et le Nigeria : les relations se sont renforcées, se rendant compte que le développement du continent africain est indissociable du rassemblement de pays à fort potentiel.
Sur le plan politique, le Maroc a été impliqué dans les événements africains. A ce titre, il intervient en médiation pour résoudre des conflits, comme la crise au Mali ou le conflit en Libye depuis 201526.
La stratégie déployée par le Maroc pour consolider sa position dans son bloc régional est précisée dans une diplomatie multidimensionnelle, qui inclut des aspects politiques, sociaux et culturels. La dernière dimension sera explorée ci-dessous en expliquant les outils de la diplomatie culturelle marocaine en Afrique, en se concentrant sur la région subsaharienne.
Les aspects de la diplomatie culturelle
La relation du Maroc avec son espace africain a longtemps été une priorité pour l’orientation politique des décideurs marocains. Pour comprendre les ambitions africaines de la diplomatie marocaine dans le domaine des relations africaines, il est nécessaire de passer en revue les principaux aspects de la diplomatie culturelle.
La diplomatie culturelle du Maroc en Afrique subsaharienne s’exerce profondément dans le domaine de l’éducation et de la formation continue. A travers cela, Rabat cherche à réaffirmer son repositionnement régional à travers cette coopération culturelle dans les différents domaines de l’éducation, de la recherche universitaire et du renforcement des capacités.
26 Informe de actividad del Ministerio de Asuntos Exteriores y Cooperación del Reino de Marruecos, 2010, p 5
Un autre aspect important de la diplomatie culturelle marocaine est le domaine spirituel. La diplomatie spirituelle est une forme de diplomatie qui couvre des domaines spécifiques tels que la religion, la tolérance et le dialogue interculturel27.
En ce qui concerne le Maroc, la diplomatie religieuse fait partie de la diplomatie culturelle, car les coutumes islamiques tolérantes sont bien intégrées dans la culture marocaine, et la culture marocaine se définit comme pluraliste et multiethnique. Si la diplomatie culturelle des grands pays occidentaux, comme la France, abandonne l’aspect religieux dans les opérations extérieures, le Maroc considère l’islam modéré et tolérant comme un atout important de son soft power.
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20 Au départ connu comme une expression philosophique, puis religieuse, la notion de « juste milieu » a acquis une valeur politique dans le champ discursif des décideurs marocains. Abourabi Yousra, « Comment le royaume a construit son leadership africain » le point afrique ↑
21 DUBOSCLAR, Alain, » Les Principes de l’action culturelle de la France aux Etats-Unis au XXème siècle : Essai de définition « , en Entre rayonnement et réciprocité, contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Publication de la Sorbonne, 2002. p 25 ↑
22 « Le rôle de la société civile au développement socio-économique et culturel – le cas du Maroc ». Mr. EL OUARDI EL ABASS Doctorant à L’IEP- université Paul Cézanne Aix Marseille III ↑
23 « Composantes de l’économie sociale: tissu associatif » (www.wikimemories.net) ↑
24 La diplomatie culturelle marocaine, Rapport IRES 2015 ↑
25 Faiza Koubi, « L’action culturelle marocaine en Afrique sub-saharienne pour un espace de paix » ↑
26 Informe de actividad del Ministerio de Asuntos Exteriores y Cooperación del Reino de Marruecos, 2010, p 5 ↑
27 La diplomatie spirituelle est une forme de diplomatie qui couvre des domaines spécifiques tels que la religion, la tolérance et le dialogue interculturel. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment le Maroc utilise-t-il le soft power en Afrique subsaharienne?
Le Maroc utilise sa puissance culturelle, humanitaire, religieuse et militaire comme un outil pour étendre son influence en Afrique subsaharienne.
Quelle est la différence entre la diplomatie culturelle et l’action culturelle extérieure?
La diplomatie culturelle est un ensemble d’opérations mises en œuvre dans le cadre de la politique étrangère d’un pays, tandis que l’action culturelle extérieure désigne toutes les activités culturelles ou éducatives menées au service de la politique étrangère.
Quel rôle joue la culture dans la diplomatie du Maroc en Afrique?
La culture joue un rôle de premier plan dans la diplomatie du Maroc, car la puissance d’un pays dépend non seulement de sa force, mais aussi de son pouvoir de tentation et d’influence.