Comment l’innovation technologique façonne les discours d’Aristide ?

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🏫 Université de Yaoundé I - Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines - Département des Sciences du Langage
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022
🎓 Auteur·trice·s
Daniel LAMOUR
Daniel LAMOUR

L’innovation technologique en Haïti révèle des contradictions surprenantes dans le discours de Jean-Bertrand Aristide entre 1991 et 2004. Cette analyse sémantique met en lumière les enjeux socio-politiques et les défis de la démocratie haïtienne, offrant des perspectives cruciales sur la crise actuelle.


Les discours aux Nations-Unis

1.2.1 Le discours du 29 novembre 1992

Le président élu par le peuple au suffrage universel pour un mandat de (5) cinq ans selon l’article 134.1 de la nouvelle constitution est en exil après sept (7) mois de gouvernance (7 février 1991 – 30 septembre 1991). Malgré que la nouvelle constitution ait été plébiscitée, malgré les supports de l’ONU, de l’OEA pour implantées la démocratie en Haïti, ça ne marche pas. Le président fraichement élu est en exil.

Ce deuxième discours à l’ONU est marqué par deux grands points, la premier : le revirement de Jean-Bertrand Aristide et le second : son retour en Haïti quelques soit le prix. Et la première est motivée par la seconde. En effet, si dans son premier discours il était question de Lavalas, de l’amour et de la FAD’H, ici, il est plutôt question de démocratie et de crime contre l’humanité, et par-dessus tout « le retour à l’ordre constitutionnelle ».

Si le mot démocratie est prononcé 8 fois dans son discours d’investiture du 7 février 1991, au Nations-Unies, ce mot est prononcé 19 fois. Le discours se fait en français, néanmoins, quelques proverbe et expressions créoles sont utilisés. Évidemment, dans ce contexte, M. Aristide a besoin de l’aide des Nations-Unies et particulièrement, des États-Unis pour récupérer son pouvoir.

Le président qui était très hostile envers l’impérialisme américain est devenu en moins d’1 an un fervent défenseur de la démocratie libérale américain. Il est à présent défenseur zélé de la démocratie. Je cite :

« Aussi, aimerions nous partager humblement avec vous, 8 béatitudes démocratiques pour une civilisation de paix. Première béatitude démocratique : Heureux ceux qui défendent la démocratie, que la paix règne chez eux. La condamnation du coup d’État du 30 septembre 1991, exprime la volonté des Nations Unis de défendre

les principes démocratiques et les droits du peuple Haïtien, nous vous en remercions chaleureusement.

L’instauration de cette civilisation de paix à l’échelle de la planète, passe nécessairement par le rétablissement de l’ordre constitutionnel en Haïti où le sang coule, les cadavres s’amoncelles, la répression s’intensifie. Le coup d’État en soi est un crime contre l’humanité, ces 12 mois symbolisent un double crime contre l’humanité, que s’ouvre enfin la porte du retour pour que brille la paix ».

Effectivement, tous les pays du monde condamnent le coup d’état du 11 septembre, sauf le Vatican. Et cela s’explique par le divorce qu’il y avait en 1988 entre lui et l’Église catholique. Exclu pour « incitation à la haine et à la violence » et pour « exaltation de la lutte des classes ». En bref, l’Église trouve que M. Aristide dépasse les bornes.

Dans les faits, M. Aristide a eu des avantages exclusifs, d’ailleurs, un des acteurs politique qui tire le plus grand parti de l’émergence des dominés post-86 c’est lui. Sans organisations structurées, sans idéologies structurées, en autonomie totale, par rapport aux professionnels de la politique, en moins de cinq (5) ans il a réussi à rallier les classes populaires derrière lui.

Toutefois, son profil, ses discours aussi controversés que radicaux, inquiète l’armée et l’élite économique du pays. Le 30 septembre, des militaires s’emparent du Palais National et le général Raoul Céderas prend le contrôle. Pour justification, les putschistes affirment qu’Aristide avait interféré dans les affaires de l’armée par des purges et la création d’une garde présidentielle hors de la hiérarchie militaire.

Les USA, la France et le Venezuela obtiennent des rebelles le relâchement et la déportation d’Aristide. Un juge de la Cour suprême Joseph Nerette est nommé chef d’État par intérim et Jean-Jacques Honorat, directeur exécutif du Centre haïtien des droits et libertés publiques (CHADEL), est nommé premier ministre provisoire.

La communauté internationale a réagi avec force, condamnant le coup d’état et les violations des droits de la personne perpétrées par le régime militaire. L’OEA exige le retour du président Aristide et impose des sanctions économiques à Haïti pour forcer la main aux militaires (U.S. Department of State 10 janv. 1992, 1).

En février 1992, le président exilé et des représentants du gouvernement de fait ont signé, sous les auspices de l’OEA, un accord « destiné à préparer l’éventuel retour au pouvoir d’Aristide » (The Ottawa Citizen 2 mai 1992, B3). Mais, l’assemblée législative d’Haïti n’a pas ratifié cet accord, et le régime militaire discute de la tenue de nouvelles élections (ibid.; The Boston Globe 3 avr.

1992, 2). Le président en exil contre-attaque, devant l’ONU, il dit, je cite :

« En adressant nos remerciements anticiper à tous les amis d’Haïti qui voudraient envoyer de l’aide humanitaire en Haïti, nous vous prions de bien vouloir coordonner la canalisation de l’aide humanitaire avec le gouvernement constitutionnel de la République d’Haïti et avec les ONG qui accompagnent la marche du peuple Haïtien vers la démocratie. En dépit des controverses soulever autours de l’embargo, le peuple Haïtien redit oui à l’embargo.

Qu’il soit enfin un embargo réel, intégrale et total; qu’il soit enfin un embargo réel, intégrale et total ».

C’est d’abord l’OEA qui déclare un embargo commercial contre le pays le 8 octobre. A deux reprises, la mesure d’embargo sera confirmée, soit en novembre 1991 et en octobre 1992. Ensuite, l’ONU ne vote pas moins de cinq résolutions confirmant cet embargo et ajoutant des conditionnalités. L’une d’elles, la résolution 917, demandait aux États « d’interdire l’entrée sur leur territoire des membres du personnel de l’armée haïtienne et des membres de leur famille immédiate, de tous ceux associés au régime de facto, de geler leurs fonds et ressources financières ». Environ 600 personnes ont été visées par cette mesure. Seuls les produits

alimentaires de première nécessité ainsi que quelques autres produits de base étaient autorisés à entrer sur le territoire.

Haïti se relève à peine de 29 ans de dictature, puis de crise politique (1986-1990). L’embargo fut un cataclysme économique pour le pays. Haïti perd un quart de sa production ente 1992 et 1994. Il devint plus pauvre que sous la dictature de la dynastie Duvalier. La production per capita fut estimée à $250 par année ; et en ce qui concerne la nourriture, Haïti ne pouvait produire même les deux tiers de ce qu’il avait produit des années auparavant.

Plus de 70 pourcents des Haïtiens vivaient avec moins de $1 par jour. Le taux de mortalité infantile augmente et les exports diminuent. Les exports passent de $226 milliards en 1980, à $100 milliards en 1995. Le PIB chute de 30 pourcents entre 1991 et 1995. Et la population augmente d’entre 2 à 3% par année.

Pendant cette même période, la production des céréales diminuent. Le désastre économique a eu un impact considérable sur la configuration sociale, la question de l’urbanisation et l’appauvrissement de la société toute entière 120 sur le plan politique, l’embargo finit par affaiblir l’état déjà faible. L’armée incapable d’empêcher le retour de Jean-Bertrand Aristide en 1994 ou sa propre démobilisation en 1995.

De plus, l’embargo renforce la dépendance de l’état et de l’économie à l’aide extérieur, limitant la capacité nationale de faire face aux défis d’un nouvel ordre mondial. Le retour de la démocratie en 1994 n’a pas conduit à la relance économique ou à la consolidation de l’État 121.

A travers ce discours, on constate que M. Aristide était prêt à tout pour récupérer le pouvoir. Il ne se contente pas du pouvoir mais aussi de se venger de l’armée, la seule chose qu’il a réussi à faire après son retour c’est la démobilisation de la FAD’H, le 06 janvier 1995.

Adepte de la « théologie de libération » et des mouvements anti-colonialistes du XIXe siècle, Aristide ne conçoit la démocratie que si elle s’exerce sans médiation directe. Ici, il est pertinent de dire que Jean-Bertrand Aristide à quelques points de ressemblance à Jean-Claude. D’abord, les couches défavorisées sont mobilisées autant sous Duvalier que sous Aristide à des fins de conservation du pouvoir. Ensuite, l’activation des archaïsmes politiques qui ont marqué la gouvernance duvaliériste a engendré l’institutionnalisation d’un pouvoir arbitraire. La pénétration du mysticisme dans le champ politique, sous Duvalier comme sous Aristide, entraine des difficultés quant aux principes de la séparation des pouvoirs. En effet, Aristide

120 http://islandluminous.fiu.edu/french/part11-slide06.html (consulté le 25 octobre 2022)

121 https://www.refworld.org/docid/3ae6a80922.html (consulté le 25 octobre 2022)

entretiens avec les organisations populaires un agencement vertical qui est structuré selon une logique d’intérêts communs. Cela dit, il y a un lien direct entre le pouvoir charismatique de Jean-Bertrand Aristide et les classes populaires, résultat, il accorde peu de place aux logiques institutionnelles. Dès lors, les relations de pouvoir sont perçues comme des instruments installant dans le champ politique « des relations du propriétaire à son bien ». Ce mode de leadership a exercé des conséquences politiques sur les institutions étatiques.

Un cas typique, au tout début de son mandat en 1991, un bras de fer avec le parlement. L’affrontement porte sur le respect des dispositions constitutionnelles qui traitent de la nomination des juges à la Cour de Cassation 122. Les deux parties tentent de trouver dans la Constitution de 1987 les arguments qui légitiment leurs positions.

L’Exécutif a donné investiture à ces juges, tandis que le parlement ne les confirme pas dans leurs fonctions 123. En représailles, le Parlement n’a pas ratifié la nomination de Jean Robert Sabalat, au poste d’Ambassadeur à Paris. Le président de la République le propulse ministre des Affaires Étrangères. Les tensions montent entre le législatif et l’exécutif dont l’évènement marquant est l’interpellation de René Préval, premier ministre, menacé d’un vote de censure par le parlement, six mois après sa gestion des affaires 124.

Aux termes de deux convocations différées, le premier ministre est accompagné au parlement par le président de la République et menace tout le monde. Bonus, lors de l’interpellation du premier ministre, M. Préval, les parlementaires étaient soumis aux menaces physiques de manifestants, partisans du pouvoir qui les soupçonnent d’être des opposants du régime.

Ainsi, on voit bien que la récupération par le régime lavalas de la force de frappe populaire constitue un support supplémentaire à son modèle démocratique. Cependant, cette conception renie les modalités de la démocratie représentative qui insiste sur l’adhésion des électeurs aux partis politiques en faisant preuve d’allégeances. Elle est d’abord, une transposition de « l’imaginaire politique moderne qui associe la promesse

122 L’Article 175 de la Constitution de 1987 prévoit une coopération entre le président de la République et le parlement : « Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le président de la république sur une liste de trois personnes par siège soumise par le Sénat… ». Le président de la République a procédé à ces nominations, évoquant à l’appui de sa décision l’article 295 et la loi du 7 mars 1991.

123 391 JEAN-FRANCOIS Hérold, Le coup de Cédras. Une analyse du système socio-politique de l’indépendance à nos jours. Port-au-Prince : Éditions Médiatek, 1998, p. 246.

de la démocratie à celle de la justice sociale 125 ». Ensuite, elle est un discours qui est diffusé dans l’espace politique depuis 1986 qui institue la démocratie comme une arme pour apaiser les injustices sociales, une arme de la pauvreté et du nombre contre la minorité des nantis 126 »

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2 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001.

3 Auchan Les 4 Temps, La Défense.


Questions Fréquemment Posées

Quel était le thème principal du discours d’Aristide aux Nations Unies en 1992?

Le discours est marqué par deux grands points : le revirement de Jean-Bertrand Aristide et son retour en Haïti, avec un accent sur la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel.

Combien de fois le mot ‘démocratie’ est-il mentionné dans le discours d’Aristide aux Nations Unies?

Dans son discours aux Nations Unies, le mot ‘démocratie’ est prononcé 19 fois.

Comment Aristide a-t-il évolué dans sa position envers l’impérialisme américain?

Au début, Aristide était très hostile envers l’impérialisme américain, mais en moins d’un an, il est devenu un fervent défenseur de la démocratie libérale américaine.

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