Quelles implications politiques pour la sécurisation foncière au Sud-Kivu en 2023 ?

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🏫 Université Senghor - Département Management
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2021
🎓 Auteur·trice·s
Isaac BUBALA WILONDJA
Isaac BUBALA WILONDJA

Les implications politiques des droits fonciers au Sud-Kivu révèlent des lacunes surprenantes dans les innovations des acteurs non étatiques. Cette étude critique met en lumière l’inefficacité des mesures adoptées, soulignant l’urgence d’une décentralisation foncière pour renforcer la protection des communautés rurales.


Section II. Au gouvernement congolais

§1. Le projet d’édit provincial portant modalité de reconnaissance et protection des droits fonciers des communautés locales au Sud-Kivu

Depuis 2012, les ANES, au Sud-Kivu, ont initié un projet d’édit portant modalité de reconnaissance et protection des droits fonciers des communautés locales. Cet édit, s’inscrit dans une lignée de réflexion sur les solutions à l’insécurité foncière qui caractérise les milieux ruraux de la province. Structuré autour de 35 points saillants, qui en constituent les articles, l’édit provincial vise à clarifier des principes généraux de la gestion foncière locale, des modalités institutionnelles de la gestion décentralisée, de la reconnaissance des droits fonciers locaux, du règlement des oppositions, du titre foncier coutumier, de la gestion des actes et transactions portant sur les terrains objet de droits fonciers reconnus.

Sa particularité est, pour les acteurs-non étatiques initiateurs, d’assurer la pérennité, la légitimité ainsi que la validité, autant sur le plan social qu’administratif, des innovations promues dans l’arène foncière. Il institue, également, dans la gestion foncière locale, un mécanisme de reconnaissance et de la sécurisation des droits fonciers coutumiers applicable, mutatis mutandis, dans toutes les chefferies et secteurs de la Province du Sud-Kivu.

En plus, les modalités de reconnaissance et sécurisation des droits fonciers coutumiers y sont établies dans le respect des dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur en RDC. Il promet, également, un système de gestion foncière coutumière adaptée à la nature de l’entité coutumière considérée, selon qu’il s’agisse d’une Chefferie ou d’un secteur, pour tenir compte tant des spécificités institutionnelles, que de celles relatives au droit coutumier.

Cependant, sa validité par les autorités locales s’avère nécessaire et urgente afin d’assurer la sécurisation foncière ainsi que la protection des droits fonciers des communautés locales.

§2. La décentralisation de la gestion foncière : proposition de projet pour améliorer le secteur foncier en milieu rural en RDC

  1. Contexte et justification du projet

La gestion centralisée et en régie, malgré les modalités de déconcentration, n’a pas permis de tenir compte des diversités des pratiques foncières locales en milieu rural. Ces pratiques sont pourtant nécessaires pour l’efficacité du système de gestion foncière. Il s’observe que, dans le contexte de la RDC, toutes les provinces n’ont pas les mêmes problèmes fonciers, ni les mêmes besoins en terre et l’histoire foncière n’est pas la même partout, même à l’intérieur des provinces. Cependant, en consacrant le principe de la domanialité, l’Etat a généralisé une seule pratique foncière dans un pays ayant plus de 400 pratiques coutumières locales.

En outre, le régime foncier s’applique sur le territoire national réparti en circonscriptions foncières placées chacune sous la responsabilité d’un conservateur des titres immobiliers localisé en ville. Dans ce cas, les paysans sont en principe tenus de se déplacer et sont obligés de supporter des coûts exorbitants afin d’immatriculer leurs parcelles, dont, par ailleurs, les limites sont loin d’être rectilignes, entraînant, de ce fait, un bornage onéreux. A cela, s’ajoute, leur incapacité de mobilisation des rouages de fonctionnement de l’administration foncière pour s’octroyer le titre foncier obligé par l’Etat. Cette dernière semble elle-même assez marquée par une logique clientéliste et patrimonialiste (Utshudi, 2009).

Ces constats plaident pour une décentralisation de la gestion foncière. Celle-ci consiste, au sens d’Alain Karsenty (2008) ; Vunduwawe Te Pemako (2007) ; Olivier Barrière (1996) ; Vunduwawe Te Pemako, (1982), Hubert Ouédraogo (2008) à des transferts de compétences de l’Etat vers des collectivités publiques locales. Ce transfert permet de redonner le pouvoir à des entités locales dont la légitimité était demeurée forte, malgré l’omniprésence de l’Etat (Rochegude, 2002) en facilitant la certification locale des droits fonciers (Utshudi, op cit.).

A la différence de l’enregistrement des droits cependant, la certification constate les droits dans leurs significations locales. Elle suppose, une approche trinitaire entre paysans, autorités publiques et autorités coutumières (Usthudi, op cit), et recentre les paysans autours de la problématique de gestion des ressources naturelles, tout en capitalisant leurs acquis dans la gestion et la prévention des conflits fonciers, dans la sécurisation foncière ainsi que leurs besoins exprimés d’une part (idem), et la ré-investiture du pouvoir foncier aux autorités coutumières locales, actuellement en perte de vitesse (Boshab, 2007) de l’autre. Elle nécessite, en plus, la mise en place d’une structure participative de gestion des différends fonciers et sécurisation des droits fonciers qui tient compte de l’évolution des systèmes fonciers locaux dans leurs extraordinaires diversités (Mugangu, 2008 ; Utshudi, op cit. ; Utshudi, 2008).

Caractéristique du projet

Le projet de décentralisation de la gestion foncière, prône une démarche participative et décentralisée, qui place les paysans au centre de la problématique de gestion du foncier. Il s’appuiera, de ce fait, sur les savoirs faire des paysans dans la sécurisation de leurs droits fonciers, gestion des conflits fonciers et propose une modalité de reconnaissance des droits fonciers locaux en octroyant un titre foncier authentique, et localement accepté. Il s’aligne, également, sur les principes généraux de droits fonciers étatiques, mis en place par le gouvernement national (Utshudi, 2009).

Pour qui ?

    1. Bénéficiaires directs : Les communautés rurales. C’est-à-dire les paysans, pour qui, le secteur foncier reste et demeure un secteur de choix, non seulement sur le plan économique, c’est-à-dire de production agricole, mais aussi et surtout sur le plan social.
    2. Bénéficiaires secondaires : Les autres secteurs (mines, aménagement du territoire, agricole, forêt, développement rural) dont les interventions ont un lien avec le secteur foncier en milieu rural en RDC.

Objectif global

Ce projet vise, de manière générale, à repenser la gestion foncière centralisée et en régie, en une gestion décentralisée qui rapproche les usagers fonciers des services fonciers locaux en faisant d’eux les acteurs fonciers à part entière, d’ici 2023.

Objectifs spécifiques

Spécifiquement, le projet poursuit les objectifs de (d’) :

    1. Différencier les organes de gestion foncière en précisant leurs compétences respectives au niveau local,
    2. Impliquer les chefs coutumiers dans la gestion foncière rurale selon les limites des pouvoirs leurs reconnus par la législation foncière nationale,
    3. Initier un processus de sécurisation formelle à partir d’un système d’information foncière (SIF) qui utilise le Système d’Information Géographiques (SIG) et la numérisation des documents fonciers,

e. Institutionnaliser les droits d’accès de la femme à la terre, tant dans la gestion nationale que locale du foncier.

Ce projet de décentralisation foncière devrait permettre de mobiliser le foncier pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté, tant au niveau national que provincial.

Analyse des parties prenantes

Les parties prenantes sont définies, dans le sens du PMBOK, outil du PMI, comme étant les personnes, les groupes ou les organisations susceptibles d’affecter ou d’être affecter par le projet. Cependant, leur analyse consiste à identifier à quel niveau peuvent-ils avoir un impact, une influence significative ou pas sur le travail ou les résultats attendus du projet (PMBOK, 2017).

L’analyse des parties prenantes de ce projet, nous a fait ressortir ces derniers à différents niveaux et selon leurs interventions.

    1. Niveau national : La prochaine loi foncière doit poser les principes généraux de la décentralisation comme mode de gestion foncière.
    2. Niveau provincial : Chaque assemblée devra voter un édit qui contextualise et adapte les principes généraux contenus dans la loi.
    3. Niveau local : Le Conseil de l’ETD pourrait même adopter des règlements encore plus spécifiques, tout en se conformant aux principes généraux contenus dans la loi, et l’édit.

Ainsi, un service foncier doit être mis en place et attaché à l’ETD avec la possibilité de le déconcentrer au niveau des groupements, afin de non seulement le rapprocher davantage des usagers, mais, aussi, de mieux s’adapter aux réalités spécifiques. Dans certaines ETD en effet, c’est à ce niveau que se trouverait la vraie autorité foncière selon les usagers fonciers locaux. Les circonscriptions actuelles devront, cependant, être ramenées au niveau de l’ETD, afin de constituer ce service foncier local. En somme, au niveau provincial, on devra juste créer un organisme centralisateur aux fins de conservation des archives foncières.

Structure de découpage du projet

Projet de décentralisation foncière en RDC

Mise en place

du service foncier avec guichet foncier

Recrutement et

formation des techniciens

Instauration de la

titrisation foncière individuelle et collective

Suivi et Evaluation

Installation du

guichet foncier/groupe ment

Préparation des

modules de formation

Reconnaissance des

droits fonciers coutumiers par enquête de terrain

Suivi

régulier

Evaluation

Installation du

guichet foncier/chefferie

Formation en

cadastre foncier

Formation

en

Traitement des données

géodésiques et impressions des Certificats Fonciers Coutumiers

Implémentation

du RFC

droits fonciers et

règlement

différends

des

Signature et délivrance des

Certificats Fonciers Coutumiers

Enregistrement

des droits fonciers coutumiers

Cartographie des droits fonciers et détermination de la

mise en valeur sur les concessions foncières en milieu rural

Figure n°3. Structure de découpage du projet

Source : Auteur, sur base de la planification projet

Implémentation de l’impôt foncier par

chefferie et groupement

  1. Tableau n°2 : Matrice de Cadre logique

Logique d’interve ntion

Résumé narratif

Indicateurs objectivement vérifiables

Moyens de vérification

Hypothèse critiques

Objectif global

Repenser la gestion foncière centralisée et en régie en une gestion décentralisée qui rapproche les usagers fonciers des services fonciers locaux et en faire d’eux les acteurs fonciers à part entière, d’ici 2023.

  1. La décentralisation foncière est mise en place et est fonctionnelle.
  2. Les usagers font recours aux instances décentralisées pour les impératifs fonciers.

Rapports des activités des services fonciers

Les communautés locales recourent aux instances décentralisées

Objectifs spécifiqu es

  1. Différencier les organes de gestion foncière en précisant leurs compétences respectives au niveau local,
  2. Impliquer les chefs coutumiers dans la gestion foncière rurale selon les limites des pouvoirs leurs reconnus par la législation,
  3. Institutionnaliser les droits d’accès de la femme à la terre, tant

dans la gestion nationale que locale du foncier,

  1. Initier un processus de sécurisation formelle à partir d’un système d’information foncière (SIF) qui utilise le Système d’Information Géographiques (SIG) et la numérisation des documents fonciers.
  1. Tous les chefs coutumiers gèrent et administrent le foncier selon les limites de leurs compétences,
  2. les droits des toutes les femmes et filles de gérer et sécuriser leurs droits fonciers sont intégrer dans les législations foncières,
  3. Nombre d’organes de gestions foncières autonomes.
  4. Nombre des dossiers fonciers numérisé au sein des guichets fonciers
  1. Rapports des ETD,
  2. Superficie exploitée par paysan à l’hectare.
  3. Les

rapports des enquêtes de terrain.

Les autorités coutumières sont investies dans le rang de gestionnaire du foncier dans les limites de la loi foncière.

Les paysans accèdent au titre foncier authentique.

Les conflits fonciers sont réduits et la paix sociale rétablie.

Résultat s attendus

  1. les autorités coutumières locales sont impliquées et leurs droits de gestions foncières sont reconnus par la législation foncière,
  2. Les droits des femmes et filles sur la tenure et gestion du foncier sont reconnu conformément aux lois,
  3. les instances de gestion foncière décentralisées sont reconnues

et revêtues d’autonomie de gestion du foncier,

  1. Le système d’information foncière (SIF) qui numérise les dossiers fonciers à partir de Système d’information géographique sont misent en place et octroient les titres fonciers coutumiers certifiés par l’autorité foncière coutumière qui joue le rôle de conservateur du titre foncier coutumier.
  1. 70% des autorités coutumières gèrent et administrent le foncier selon les coutumes locales et dans la limite des fonctions leurs reconnues par la législation foncière,
  2. Dans 75% des ETD, les droits fonciers des femmes et filles sur la tenure et gestion du foncier sont reconnu conformément à la législation,
  3. 85% des ETD sont reconnues par le pouvoir centrale et revêtues d’autonomie de gestion du foncier,
  4. 85% des dossiers fonciers sont numérisés par le système d’information foncière et les titres fonciers imprimer.
  1. Rapports des différentes ETD
  2. Rapport d’enquête sur

l’évaluation

sur la

viabilité des différentes ETD.

  1. les droits fonciers des communautés locales sont

institutionnalisés et l’équité foncière restaurée,

  1. Le certificat foncier coutumier est

authentique et

disponible aux paysans.

Activités à mener

  1. Mise en place du service foncier avec un guichet foncier local par ETD,
  2. Recrutement et Formation desagents en cadastre fonciers,mode de gestion des différends fonciers, SIF et cartographie des droits fonciers des communautés locales,
  3. Instauration de la titrisation foncière collective et individue le conformément à la législation foncière,
  4. Suivi et évaluation.

Moyens

Experts de l’équipe projet, partenaires

nationaux et locaux.

Coûts

Voire le budget détaillé du

projet au point 10.

Les fonds nécessaires sont disponibles.

Source : Auteur, sur base de la planification du projet de la décentralisation foncière en RDC.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les modalités de reconnaissance des droits fonciers des communautés locales au Sud-Kivu ?

L’édit provincial vise à clarifier des principes généraux de la gestion foncière locale, des modalités institutionnelles de la gestion décentralisée, de la reconnaissance des droits fonciers locaux, du règlement des oppositions, du titre foncier coutumier, et de la gestion des actes et transactions portant sur les terrains objet de droits fonciers reconnus.

Pourquoi est-il nécessaire de décentraliser la gestion foncière en milieu rural en RDC ?

La gestion centralisée n’a pas permis de tenir compte des diversités des pratiques foncières locales en milieu rural, et les paysans doivent supporter des coûts exorbitants pour immatriculer leurs parcelles, ce qui plaide pour une décentralisation de la gestion foncière.

Comment les innovations des acteurs non étatiques affectent-elles la sécurisation foncière au Sud-Kivu ?

Les résultats révèlent des insuffisances dans ces innovations, notamment leurs incohérences avec les services administratifs locaux et le manque d’appropriation locale, ce qui affecte leur efficacité dans la sécurisation foncière.

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