Les implications politiques du soft power marocain révèlent une stratégie audacieuse qui transforme la diplomatie en Afrique. En mobilisant des ressources religieuses et militaires, le Maroc redéfinit son influence régionale, suscitant un intérêt croissant pour ses méthodes innovantes face aux défis contemporains.
Section 2 :
La diplomatie religieuse et militaire : un smart power contre l’extrémisme
Les différentes mesures prises par le Maroc pour transformer la région subsaharienne en un espace de paix pour mieux servir ses intérêts incluent la mobilisation religieuse et militaire. En fait, c’est l’un des éléments les plus importants des ambitions géopolitiques du Royaume.
Ainsi la formation du personnel militaire subsaharien au niveau des académies militaires28 marocaines, la participation active et régulière des troupes marocaines aux opérations de maintien de la paix sous la tutelle des Nations-Unies29 ainsi que le soutien aux armées engagées dans la guerre contre le terrorisme est une stratégie supplémentaire utilisée par le Maroc pour transformer l’espace africain subsaharien au mieux de ses intérêts.
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28 Parmi ces académies militaires, nous pouvons citer, entre autres : l’Académie Royale Militaire de Meknès (ARM)
; l’École Royale de Service de Santé Militaire (ERSSM) ; l’École Royale de l’Air de Marrakech (ERA) et l’École royale navale de Casablanca (ERN).
Mohamed Bekraoui, 2008, « Le militaire des élèves officiers marocains de Dar El-Beida à Meknes », Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, P.P. 51-58
29 Afouda Adimi, 2015, « nouvelle offensive diplomatique du Maroc en Afrique subsaharienne : quel regard ? », Paix et Sécurité Internationales, N°3, janvier-décembre 2015, pp. 112-113.
Par ailleurs, le subtil usage de la puissance religieuse constitue une ressource géostratégique additionnelle de la politique de puissance du Maroc en Afrique subsaharienne. De ce fait, le royaume chérifien combine du soft power et du hard power un instrument majeur au service de sa politique de puissance dans cette partie du continent.
La spécificité de l’islam marocain : soft power en puissance
En Afrique subsaharienne, le soft power marocain s’appuie sur La Commanderie des Croyants et l’adoption unanime du le malékisme en vigueur depuis des siècles, grâce auquel le Maroc a évité les déchirements confessionnels que connaissent d’autres pays de la région arabe. Son Islam modéré a séduit les pays subsahariens au point où l’on parle aujourd’hui de l’Islam marocain.
Le Maroc a utilisé les ressources matérielles et spirituelles représentées par la confrérie soufie. Ces réseaux sont mobilisés pour établir des relations étroites et solides avec de nombreux partenaires, proches ou non du cercle du pouvoir. Fondamentalement, la politique religieuse du Maroc est une projection de l’islam marocain en Afrique subsaharienne pour contrer l’influence croissante du salafisme ou du wahhabisme.
L’islam marocain : un islam modéré
Dès lors, il est particulièrement utile d’étudier les actions du Maroc dans la lutte contre le terrorisme, les références islamiques et la définition de « l’islam marocain ». Il est facile de voir ce qu’est l’Islam au Maroc. Il se définie par quatre piliers : l’école théologique ashaarite, le culte malékite30, le soufisme et l’allégeance au Souverain31. Ces éléments constituent les piliers
30 Une école traditionnelle qui est celle de l’Islam du juste milieu, Dîn al wasat, dont le Royaume chérifien reste le cœur et le Roi, Commandeur des Croyants, est le symbole. Charles Saint-Prot, 2014, « La diplomatie africaine du Maroc : un exemple de coopération Sud-Sud »
31 Chick BOUARAME & Louis GARDET, « Panorama de la pensée islamique », Sinbad, Paris, 1984, pp. 89-96.
cohérents des enseignements religieux, qui se veulent cohérents avec la société marocaine dans son stade actuel de développement.
L’école ashaarite insiste particulièrement sur l’utilisation de Kalam, qui repose sur un argument dialectique rationnel. Cela ouvre la possibilité d’un raisonnement rationnel, d’une argumentation et d’un débat. Cette école reconnaît de multiples points de vue et les caractéristiques relatives et contextuelles de l’interprétation dogmatique.
Les rituels malékites cultivent également un esprit de culture et d’harmonie, notamment à travers l’importance de l’istislah, l’intérêt général, dont la considération peut primer sur d’autres principes. Par conséquent, l’interprétation des dogmes et des décisions juridiques doit tenir compte de leur impact sur la société, de sorte que certaines décisions, même très orthodoxes, peuvent être rejetées si elles provoquent un chaos social.
Le troisième pilier est lié au soufisme. Cela ouvre un espace spirituel, adhère à la connexion verticale avec la réalisation de soi et assure l’enseignement et la diffusion des connaissances d’un personnel qualifié qui peut apporter sa contribution après une formation à long terme sous la condition de la réalisation spirituelle de chacun. Et des conseils. Le soufisme semble également être une mesure de protection pour empêcher la propagation du salafisme. Il permet de s’opposer aux doctrines salafistes ou jihadistes et offre des alternatives à ceux qui pourraient être tentés par l’islamisme jihadiste, notamment au sein des zaouïas.
Le dernier pilier est l’importance de la souveraineté, qui permet aux principes supérieurs de réaffirmer l’unité du pays au-delà des urgences politiques. Ce prestige royal est un élément important de la politique étrangère du Maroc, car les paroles du roi sont à la fois un élément de protection et un élément d’engagement. Par conséquent, le Maroc a une structure de gouvernance
qui permet aux institutions et aux doctrines de maintenir une structure traditionnelle qui peut s’opposer au salafisme.
L’Islam marocain est promu institutionnellement et influence la politique étrangère. Il s’agit d’une dimension du soft power du royaume chérif, ciblant les clients potentiels de 190 millions de musulmans en Afrique de l’Ouest. C’est dans cette optique que le véritable voyage en Afrique s’accompagne d’actions qui conduisent à la diffusion et à la diffusion de l’islam modéré, de l’islam
« juste milieu » et de la projection de l’islam marocain.
En tant que « commandant des croyants » Amir al-Mouminine, le roi a travaillé dur pour influencer les régions environnantes du Sahel et de la mer Rouge, et a clairement indiqué l’objectif de s’opposer au radicalisme. Le marekisme est son arme contre le salafisme d’Hambaret. C’est le message que Mohammed VI a symboliquement confirmé lors de la cérémonie de la victoire qui s’est tenue à Bamako à l’issue de l’opération Serval en février 2014. À cette époque, Lord Sharif a annoncé qu’il aiderait à protéger le patrimoine culturel du Mali en restaurant le manuscrit. La restauration du mausolée, la revitalisation de la vie sociale et culturelle, et la formation de 500 imams Maliens32 au Maroc.
Les tournées royales étaient accompagnées de projets de construction de mosquées et de distribution de dons aux autorités religieuses. Des dizaines de mosquées ont été construites ou rénovées au Mali, en Guinée, au Sénégal et au Bénin. La formation de 500 à 600 imams des régions subsahariennes s’inscrit dans cette logique.
Ces voyages sont aussi l’occasion de diffuser le Coran, qui est publié au Maroc, qui est différent de la version diffusée par l’Arabie saoudite et l’Union islamique mondiale.
32 https://revuedepressecorens.wordpress.com/2014/02/25/mali-maroc-les-suites-dune-visite/
Les signes d’écriture et de lecture sont particulièrement invités à suivre l’école de pratique de lecture Warch pratiquée au Maroc, et la plupart de l’écriture de textes orientaux suit le niveau oriental de l’école de récitation Hafs. . Par conséquent, la version marocaine du Coran fait partie de l’outil de diffusion de l’Islam. L’islam est toujours dominé par les publications de l’Arabie saoudite. C’est presque un signe de distinction, appartenant plus à un paradigme doctrinal qu’à d’autres paradigmes.
Les mécanismes institutionnels de la diplomatie religieuse du Maroc
Pilier culturel et spirituel du continent africain, le Royaume du Maroc a toujours entretenu des liens étroits avec les communautés musulmanes d’Afrique. En tant qu’instigateur de l’islam modéré, le Maroc apporte aux différents ordres soufis sur le continent africain un soutien, finance la construction de mosquées, et fait don de livres coraniques. En d’autre terme, le Royaume forme les imams d’Afrique grâce à l’Institut Mohammed VI pour former des imams, des morchidines et des morchidates. Enfin, la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains, créée en 2015, s’engage à coordonner les efforts des Oulémas africains musulmans, à faire prendre conscience des valeurs de l’Islam tolérant et à revitaliser le patrimoine culturel islamique en Afrique.
L’Académie Mohammed VI a été créée pour former des imams, des morchidines et des morchidates, représentant ses ambitions décisives en matière de relations extérieures. Il s’agit d’une institution marocaine aux ambitions religieuses transnationales. Ce grand centre permet l’accueil et la formation d’imams d’Afrique et même d’Europe selon l’Islam modéré (الوسطية).
En effet cet institut joue un rôle important notamment au niveau de la formation des futurs Imams et prédicateurs africains. Depuis son inauguration en 201533, chaque année de centaines d’étudiants en provenance de pays d’Afrique de l’ouest s’y rende afin de participer à la formation ; d’ailleurs en 2018, l’institut a ouvert ses portes à 205 maliens, 200 guinéens, 280 sénégalais et 40 tchadiens34.
Ainsi a émergé dans l’espace public de la notion d’ »islam du juste milieu », celle de « sécurité spirituelle », que les institutions religieuses marocaines se proposent d’assurer. Cette notion-là est conçue comme une vocation de salubrité publique à toutes les personnes sous la direction d’Amir al-Mouminine (Commandant des Croyants).
La mission a maintenant été étendue aux voisins musulmans du sud, qui ont fait face à d’innombrables troubles dans la région depuis au moins 2012. A cette institution s’ajoute la Fondation Mohammed V à Oulémas, en Afrique, la fondation joue un rôle nécessaire dans les efforts fournis dans la lutte contre les idéologies radicales et l’extrémisme dont l’objectif est « d’unifier les efforts et les modèles de coopération entre les oulémas marocains et ses homologues africains » afin de promouvoir l’islam à mi-chemin.
Notre affirmation d’ambitions régionales fondées sur l’expression de la tolérance et de la retenue dans l’Islam est on ne peut plus claire. Même si cette revendication est remise en cause en raison de la réaffirmation de l’unicité de l’islam, même au Maroc, c’est pour participer à la stabilité sociale et politique du Sahel et des pays voisins d’Afrique pour endiguer le salafisme.
De plus, même les pays occidentaux s’en sont inspirés, principalement dans la gestion de la formation des mosquées et des imams pour assurer la paix. Coexister et construire un esprit de
33 Ministère des Habous et des affaires islamiques
34 Propos du Ministre des Habous et des affaires islamiques Ahmed TAOUFIK.
compréhension entre les citoyens dans les tensions inspirées par des mouvements extrémistes nationaux ou des idéologies étrangères. C’est notamment le cas en France, qui s’intéresse de plus en plus à la formation, que le Maroc propose aux pays subsahariens depuis de nombreuses années.
Pour finir, la diplomatie religieuse a aussi une dimension artistique qui se traduit par l’organisation du Festival de la musique sacrée sous l’égide du Ministère des affaires islamique. Ce festival s’agit d’un événement spirituel et artistique qui accueille des forums de dialogue interreligieux sur la spiritualité visant à montrer le patrimoine de l’humanité en reposant sur des valeurs notamment la liberté et la tolérance afin de permettre un rapprochement des civilisations. Dans l’ensemble, il permet un échange entre les intellectuels sur la tolérance et la spiritualité où chaque personne avance sa pensée sur le monde sacré.35
En Afrique subsaharienne, le Maroc a adopté une approche collaborative dans la gestion et la communication actives des valeurs de tolérance et de coexistence, et est devenu un modèle de coopération Sud-Sud et un islam modéré. Le principal modèle d’enseignement, dans la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, leur expérience et leur soutien ont été observés et soutenus.
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28 Parmi ces académies militaires, nous pouvons citer, entre autres : l’Académie Royale Militaire de Meknès (ARM) ; l’École Royale de Service de Santé Militaire (ERSSM) ; l’École Royale de l’Air de Marrakech (ERA) et l’École royale navale de Casablanca (ERN). ↑
29 Afouda Adimi, 2015, « nouvelle offensive diplomatique du Maroc en Afrique subsaharienne : quel regard ? », Paix et Sécurité Internationales, N°3, janvier-décembre 2015, pp. 112-113. ↑
30 Une école traditionnelle qui est celle de l’Islam du juste milieu, Dîn al wasat, dont le Royaume chérifien reste le cœur et le Roi, Commandeur des Croyants, est le symbole. Charles Saint-Prot, 2014, « La diplomatie africaine du Maroc : un exemple de coopération Sud-Sud » ↑
31 Chick BOUARAME & Louis GARDET, « Panorama de la pensée islamique », Sinbad, Paris, 1984, pp. 89-96. ↑
32 https://revuedepressecorens.wordpress.com/2014/02/25/mali-maroc-les-suites-dune-visite/ ↑
33 Ministère des Habous et des affaires islamiques ↑
34 Propos du Ministre des Habous et des affaires islamiques Ahmed TAOUFIK. ↑
35 En Afrique subsaharienne, le Maroc a adopté une approche collaborative dans la gestion et la communication actives des valeurs de tolérance et de coexistence, et est devenu un modèle de coopération Sud-Sud et un islam modéré. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les stratégies de soft power du Maroc en Afrique subsaharienne ?
Le Maroc utilise des mesures telles que la formation du personnel militaire subsaharien, la participation aux opérations de maintien de la paix et le soutien aux armées engagées dans la guerre contre le terrorisme.
Comment le Maroc utilise-t-il sa diplomatie religieuse en Afrique ?
Le Maroc projette son islam modéré en Afrique subsaharienne pour contrer l’influence croissante du salafisme, en s’appuyant sur la Commanderie des Croyants et le malékisme.
Quels sont les piliers de l’islam marocain qui soutiennent son soft power ?
L’islam marocain repose sur quatre piliers : l’école théologique ashaarite, le culte malékite, le soufisme et l’allégeance au Souverain.