Les implications politiques des déchets révèlent des disparités surprenantes entre les systèmes de gestion en Europe. Cette étude met en lumière comment les responsabilités des producteurs et des collectivités locales influencent l’efficacité des initiatives de recyclage, offrant des perspectives critiques pour l’avenir de la gestion des déchets.
D. Relations avec les collectivités
1. Contrats
A l’exception de l’Allemagne où ce sont les producteurs, les collectivités locales sont les responsables opérationnels de la collecte sélective des emballages ménagers et assimilés.
Les organismes collaborent donc étroitement avec les autorités locales. Il y a ainsi dans tous les pays (même en Allemagne) un contrat liant le système Point Vert aux collectivités. L’objet de ce contrat est de préciser le rôle et les engagements de chaque partie, différents selon les pays, comme nous allons le voir plus loin.
Eco-Emballages | DSD | Fost Plus | Ecoembes | SPV | Eko-Kom | |
nombre contrats | 1 400 | 650 | 39 | 104 | 34 | 6 000 |
contrat identique | X | X | X | |||
contrat spécifique | X | X | X |
Tableau 18 : structure type des barèmes amont
Source : entretiens avec les organismes
On constate que le nombre de contrats est très hétérogène, et non proportionnel à la population du pays. En Belgique et au Portugal, les collectivités sont regroupées respectivement en « intercommunales » et « systèmes municipaux de gestion des déchets urbains » permettant une gestion des déchets à plus grande échelle et, partant, une réduction des coûts. Ces systèmes regroupent en général plus de 50 000 habitants.
Au contraire en France et en Tchéquie, la gestion des déchets est encore très locale, et l’on a ainsi des contrats avec des collectivités pour une poignée d’habitants (le plus petit représentant 15 habitants en Tchéquie !).
Eco-Emballages, SPV et Eko-Kom ont des contrats identiques pour toutes les collectivités. Celles-ci s’engagent à livrer tous les matériaux collectés sélectivement et touchent en échange un soutien financier, proportionnel au tonnage collecté. Dans les autres pays, le contrat est spécifique à chaque collectivité, bien que la structure soit la même.
2. La Collecte
Choix de l’opérateur
En Allemagne, c’est DSD qui organise la collecte, au nom des producteurs : c’est-à-dire que DSD choisit le mode de collecte, les flux de matériaux et passe les appels d’offres pour choisir l’opérateur. Il y a tout de même une discussion avec la collectivité concernant la place des conteneurs, les conditions d’enlèvement… qui font d’ailleurs l’objet du contrat.
Dans les autres pays, ce sont les collectivités qui sont les responsables opérationnels, mais elles n’ont pas partout le même degré de liberté :
– En France, les collectivités sont complètement libres d’organiser la collecte sélective comme elles l’entendent. C’est la collectivité qui choisit le mode de collecte, l’opérateur, les flux de matériaux… On constate une situation similaire en Tchéquie et au Portugal. L’organisme Point Vert n’est pas impliqué dans l’organisation de la collecte;
– En Espagne, les collectivités sont également relativement libres, ce sont elles qui choisissent les modalités de collecte (opérateur, mode de collecte). Cependant les conditions de collecte sont discutées avec Ecoembes.
– En Belgique, c’est la collectivité qui passe l’appel d’offre pour l’opérateur, mais elle doit utiliser les cahiers des charges rédigés par Fost Plus si elle veut que tous les coûts soient couverts par le système. Fost Plus a donc directement une influence dans l’organisation de la collecte sélective.
Organisation pratique
L’étude des systèmes de collecte sélective, à travers les rapports annuels et complétée par les entretiens, permet de tirer les conclusions suivantes :
– couverture du territoire : aujourd’hui dans chaque pays la quasi-totalité de la population (entre 95% et 100%) est desservie par un système de collecte sélective des emballages ménagers en papier-carton, plastique, verre et métaux.
– consignes de tri : dans tous les pays à l’exception de la France, les consignes de tri (quel matériau dans quelle poubelle) sont homogènes sur tout le territoire. En outre on a en Espagne, au Portugal, en Allemagne et en Belgique les mêmes flux, à savoir :
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Figure 14: flux de matériaux en Espagne, Portugal, Allemagne et Belgique
Source : document interne Eco-Emballages
En France cette répartition des matériaux se trouve également mais elle coexiste avec 10 autres ! De même les codes couleurs sont homogènes dans les autres pays, alors que ce n’est pas le cas en France.
La Tchéquie est un cas à part, car sont collectés en mélange les emballages et non emballages. De plus, tous les matériaux ne sont pas collectés partout. Notamment dans les milieux ruraux, le papier n’est généralement pas collecté car les habitants s’en servent comme combustible. D’autre part, il existe un système particulier de collecte des métaux. Ceux-ci (pas seulement les emballages) peuvent être rapportés par les habitants dans des « buy out centres » (centres de rachat) où ils touchent de l’argent en échange.
o papier-carton : dans tous les autres pays sauf en France, les emballages en papier-carton sont systématiquement collectés avec les journaux et magazines.
o plastiques : les consignes de tri du plastique varient selon les pays. En France et en Belgique, on ne collecte que les bouteilles et flacons alors que dans les autres pays, tous les types d’emballages plastiques (pots de yaourts, sacs en plastique, films…) sont collectés.
o verre : certains pays séparent le verre en plusieurs fractions : coloré/incolore pour la Tchéquie et la Belgique, vert/brun/incolore pour l’Allemagne.
– modes de collecte : variables selon les pays et les matériaux. On constate :
o verre : collecté à plus de 90% par un système d’apport volontaire.
o emballages légers : variable selon les pays, mais seule la France a un système de collecte en porte-à-porte aussi développé et surtout avec une fréquence de collecte aussi élevée (une fois par semaine en moyenne1 contre deux fois par mois en Belgique)
Couverture des coûts
Nous avons déjà mentionné que la prise en charge des coûts était différente selon les systèmes. Plus précisément, on peut distinguer trois groupes de pays :
– Fost Plus et DSD payent directement les factures des opérateurs de collecte sélective et versent en plus à la collectivité une contribution financière. Fost Plus verse ainsi 25€/an par site d’apport volontaire pour le nettoyage des abords et DSD verse en moyenne 1.2€/hab.an pour le nettoyage et l’utilisation de l’espace public des points d’apport volontaire.
– Ecoembes a établi un modèle mathématique complexe2 calculant le surcoût de la collecte sélective pour chaque collectivité, en prenant en compte de nombreux paramètres (mode de collecte, nombre de conteneurs, fréquence de vidage, taux de remplissage des bacs, nombre d’habitants…). Les collectivités doivent ainsi renseigner tous les mois dans le modèle
1 Donnée extraite de la base de données interne d’Eco-Emballages e-value
2 Document de travail interne fourni par Ecoembes, voir bibliographie pour référence
tous les paramètres de leur collecte. Ce sont les collectivités qui payent les factures des opérateurs ; elles touchent ensuite tous les mois les aides d’Ecoembes. Ces aides, calculées avec l’aide de la formule, comportent une partie fixe (liée au nombre d’habitants, de conteneurs, mode de collecte…) mais aussi une partie variable, liée à la performance de collecte (tonnage collecté, taux de remplissage des bacs…). On peut résumer les coûts payés par Ecoembes par
(estimation des coûts de collecte sélective – coûts d’élimination) x taux de performance
Ecoembes estime, puisque sont pris en compte de nombreux paramètres pour estimer les coûts de collecte, couvrir ainsi 100% du surcoût de la collecte sélective. Mais il s’agit bien d’un coût estimé, et non réel.
– Eco-Emballages, SPV et Eko-Kom n’ont tous trois qu’un seul soutien pour la collecte et le tri. La structure des soutiens est la même dans les trois systèmes : toutes les collectivités sont payées selon le même barème, fonction de leur performance seulement, c’est-à-dire en fonction du tonnage collecté par habitant. Dans les trois barèmes, les montants sont adaptés en fonction du type d’habitat (milieu rural/urbain). Les soutiens sont variables selon les matériaux. Les détails des soutiens sont fournis en Annexe 6.
Ces soutiens sont versés aux collectivités et permettent de contribuer au financement, mais pas de couvrir tous les coûts (voir paragraphe III. D. 5).
3. Le tri
Choix de l’opérateur
Le choix s’effectue de la même manière que pour la collecte. C’est-à-dire :
France | Allemagne | Belgique | Espagne | Portugal | Tchéquie | |
choix opérateur | CL* | DSD | CL* | CL* | CL* | CL |
commentaires | CL libre | cahier des charges Fost Plus | discussion avec Ecoembes | CL libre | CL libre |
*CL : collectivité
Tableau 19 : choix opérateur tri
Source : entretiens avec les organismes
En France, au Portugal et en Tchéquie, les collectivités s’engagent dans le contrat avec le système Point Vert à livrer l’intégralité des matériaux collectés, séparés en certaines
fractions déterminées, et respectant certains critères techniques. C’est la condition sine qua non pour toucher les soutiens.
Organisation pratique
Les emballages en verre ainsi que le flux journaux, magazines / emballages papier-carton (hors Eco-Emballages) ne passent pas par un centre de tri. Ne sont triés que les matériaux collectés en mélange : métaux, plastiques, briques (et papier-carton pour la France).
Le tableau ci-dessous, issu des informations lors des entretiens, caractérise les centres de tri des différents pays :
Tableau 20 : informations centres de tri
France | Allemagne | Belgique | Espagne | Portugal | Tchéquie | |
nombre de centres de tri | 317 | 80 | 13 | 89 | 28 | 105 |
habitants / centre de tri | 200 000 | 1 M | 815 000 | 500 000 | 275 000 | 95 000 |
taille centres de tri | 62% capacité <5000t/an | 30 000 t/an | 3400 à 26000 t/an | 4400t/an | ? | 500 à 1000 t/an |
Source : entretiens avec les organismes
On constate que les équipements sont hétérogènes. L’Allemagne et la Belgique ont très peu de centres de tri proportionnellement au nombre d’habitants. Cela permet d’avoir des coûts de tri notoirement plus faibles (amortissement des coûts fixes) et des installations mieux équipées et plus performantes. La France a de nombreux centres de tri, de faible capacité, engendrant des coûts de tri élevés.
Les fractions triées dans les centres sont variables d’un pays à l’autre, surtout concernant le plastique. Tous les centres de tri séparent l’aluminium, l’acier, les briques et différentes fractions de plastiques. En France et en Belgique, comme seuls sont collectés les bouteilles et flacons, les fractions principales de plastique sont PEHD+PP (polypropylène) et PET. Dans les autres pays, s’ajoutent les fractions de plastiques mous (films, sacs, polystyrène…).
Couverture des coûts
La couverture des coûts est la même que pour la collecte :
– DSD et Fost Plus payent les factures des opérateurs de tri ;
– Ecoembes a également une formule mathématique pour le calcul des coûts de tri. En revanche, les soutiens ne sont pas versés aux collectivités, mais aux propriétaires des centres de tri;
– Eco-Emballages, SPV et Eko-Kom payent aux collectivités le soutien à la tonne, fonction du tonnage collecté par habitant, comme décrit précédemment.
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1 Donnée extraite de la base de données interne d’Eco-Emballages e-value. ↑
2 Document de travail interne fourni par Ecoembes, voir bibliographie pour référence. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels pays sont comparés dans l’analyse des systèmes de gestion des déchets en Europe?
L’analyse se concentre sur six pays européens, bien que l’article ne précise pas lesquels.
Comment les collectivités locales sont-elles impliquées dans la gestion des déchets en Europe?
Les collectivités locales sont responsables de la collecte sélective des emballages ménagers et collaborent étroitement avec les organismes de gestion des déchets.
Quelle est la différence de gestion des déchets entre la France et l’Allemagne?
En Allemagne, ce sont les producteurs qui organisent la collecte, tandis qu’en France, les collectivités sont complètement libres d’organiser la collecte sélective comme elles l’entendent.